בס״ד
Sur
la nature et le futur de la Halokhoh par rapport à l'autonomie
religieuse
Deuxième
partie
Le
rabbin Nothon Lopes Cardozo שליט״א
Pour
(re)lire :
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- Le problème de la codification
Au
cours des cinq derniers siècles, de célèbres dirigeants
rabbiniques ont appelé à limiter l'autorité écrasante du Shoulhon
´Oroukh de Rabbi Yôséf Karo et du Mishnéh Tôroh de Maïmonide.
Ils estimaient que ces œuvres ne reflètent pas l'authentique
judaïsme et sa tradition halakhique. La raison est évidente. Ces
deux grands codes de la loi juive ne sont pas dans l'esprit du
judaïsme. Ils présentent la Halokhoh dans des façons qui
s'opposent au cœur et l'âme du Talmoud, et donc du judaïsme
lui-même. Ils ont privé le judaïsme de sa tradition halakhique à
multiples facettes et sa musique inhérente. Ce ne sont pas ces
œuvres elles-mêmes qui sont le problème mais l'idéologie qu'elles
représentent: la philosophie de codification et de finalisation la
loi juive.
Ce
problème a pris des proportions terribles à notre époque. Il y a
plus d'études du judaïsme aujourd'hui que dans les deux mille
dernières années. De plus en plus de jeunes se consacrent à une
vie de Shamirath Hammiswôth (d'observance religieuse). Cela
devrait être un motif de grand optimisme. Que pourrions-nous vouloir
d'autre dans une ère d'extrême laïcité ? Cependant, il est
difficile de nier que cet engagement révèle un effet secondaire
inquiétant. Il expose les éléments d'un judaïsme artificiel qui a
été ré-écrit de manière préjudiciable qui s'oppose à sa nature
même.
Une
lecture attentive de la littérature juive orthodoxe de notre temps
révèle que de nombreux auteurs se méprennent sur la nature de la
loi juive. Une grande partie de cette littérature est consacrée à
la codification extrême et obsessionnelle, qui va de pair avec un
désir de « fixer » la Halokhoh une bonne fois pour
toute. Les lois de Mouqsah, de la Tavilath Kélim, de la
Sani´outh et beaucoup d'autres, sont codifiées avec chaque
fois plus de détails que jamais auparavant. Ces ouvrages sont
devenus la norme par lesquels la jeune communauté religieuse vit sa
vie. Lorsqu'on les étudie on se demande si nos ancêtres étaient
réellement religieux, étant donné que ces recueils n'ont jamais
été mis à leur disposition et qu'ils n'auraient jamais pu
connaître toutes les minuties présentées aujourd'hui au Juif
pratiquant. Au cours des années, nous avons embaumé le judaïsme
tout en affirmant qu'il est vivant parce qu'il continue à maintenir
sa forme extérieure.
La
majorité de la littérature halakhique d'aujourd'hui est
standardisée, permettant peu de place à la flexibilité halakhique
et au besoin spirituel d'un peu de nouveauté. Pour la plupart, le
lecteur est invité à suivre le point de vue le plus rigoureux sans
se demander s'il l'aidera effectivement dans son ´Avôdath HaBôré`
(service du Créateur), selon sa personnalité distincte. La musique
de la Halokhoh, son esprit et sa mission sont entièrement perdus
dans ce type de littérature. Lorsque l'étudiant cherche au-delà de
ces ouvrages la musique, il est souvent confronté à une approche
dogmatique du judaïsme qui manque entièrement la cible. Nous sommes
marquée par la codification et la dogmatisation excessive.
Une
autre tentative obsessionnelle qui contraste avec la nature même du
judaïsme est la tentative de codifier les croyances juives. Les
croyances juives sont constamment dogmatisées et halakhisées par
les autorités rabbiniques, et toute personne qui n'accepte pas ces
croyances rigides n'est plus considérée comme un vrai Juif
religieux. Un esprit de finalisation s'est emparé du judaïsme.
- Celles-ci et celles-là sont les paroles du D.ieu Vivant
L'une
des plus grandes contributions du Talmoud au judaïsme est son
indétermination, son refus fréquent de faire la loi. Les
discussions talmudiques consistent principalement en des positions
concurrentes, manquant souvent une décision claire qui fait
autorité. La raison est évidente: il ne devrait pas toujours y en
avoir une. La déclaration talmudique bien connue, « `Éllou
Wa`éllou Divréi `Alôhim Hayim – Celles-ci et celles-là sont les
paroles du D.ieu Vivant » (´Éirouvin 13b),
soutient cette position. Un désaccord halakhique et des opinions
radicalement opposées sont l'essence du Judaïsme. Il y a une raison
profonde à ce principe. La Tôroh, qui est la parole de D.ieu, ne
peut qu'être multiforme. Comme D.ieu Lui-même, elle ne peut jamais
s'intégrer dans un système finalisé, car elle est beaucoup trop
vaste. Chaque être humain est différent; la Tôroh doit donc être
différente pour chacun d'entre eux, démontrant des dimensions et
des possibilités infinies. C'est l'un des aspects les plus
fascinants de la tradition juive, ce qui la distincte clairement des
religions du monde.
Dans
un discours brillant, Rabbi Shalômôh Louria, le Maharshal
(1510-1573), déclare :
On ne devrait
jamais être étonné par la quantité de débats et d'argumentations
en matière de Halokhoh. ... Toutes ces vues sont dans la catégorie
de « Celles-ci et celles-là sont les paroles du D.ieu
Vivant », comme si chacune d'elles a été reçue directement
par Môshah au Sinaï ... Les kabbalistes ont expliqué que la base
de cela est que chaque âme individuelle était présente au Sinaï
et a reçu la Tôroh au moyen de quarante-neuf Sinôrôth,
chaînes spirituelles. Chacun perçu la Tôroh de son propre point de
vue en fonction de sa capacité intellectuelle, ainsi que la nature
et le caractère unique de son âme particulière. Cela explique la
différence de perception dans la mesure où l'un a conclu que
l'objet était Tamé` à l'extrême, un autre l'a perçu comme étant
absolument Tahôr, et pourtant une troisième personne fait valoir le
statut ambivalent de l'objet en question. Tous ces points de vue sont
vrais et authentiques. Ainsi, les sages ont déclaré que dans un
débat entre les savants, toutes les positions articulées sont
différentes formes de la même vérité.
Yam Shal
Shalômôh, Introduction à Bavo` Qammo`
Les
observations de Maharshal vont au cœur du judaïsme. Il n'existe pas
de principe selon lequel il faudrait avoir une Tôroh fixe qui est
identique pour tous. Il y a certainement des objectifs qui doivent
être atteints: à savoir, l'accomplissement des commandements de
D.ieu. Mais il n'y a pas de bénéficiaires passifs. Chaque personne
reçoit la Tôroh individuellement, selon sa propre personnalité et
ses circonstances exceptionnelles. En fait, on pourrait soutenir que
l'idéal aurait été que qu'aucun texte écrit ne fut donné au
Sinaï étant donné que deux personnes sont capables de lire le même
texte de manière différente. Le sens du texte dépend dans une
large mesure du lecteur et n'est donc pas une réalité fixe. Le fait
qu'un texte ait même été donné au Sinaï est en soi un compromis.
Même si un texte aurait dû être donné, a priori, il aurait dû
l'être en autant de versions qu'il y a de Juifs depuis le Sinaï. Ce
n'est pas arrivé; un seul texte a été révélé en raison du fait
qu'il y avait un besoin d'unité et d'affiliation entre les Juifs, de
partager l'expérience d'un texte Divin dans un lien d'unité,
façonner un peuple élu qui apporterait la parole de D.ieu au monde.
Il y avait la nécessité d'une base fondamentale à travers laquelle
les Juifs seraient en mesure de discuter de la parole de D.ieu et la
partager partout où ils vont. Surtout, un texte fixe était
nécessaire pour faciliter la discussion, et non une contrainte. Si
les choses étaient restées ainsi, il serait resté en vie,
permettant à l'infini de nouvelles interprétations possibles et des
perspectives uniques.
On
pourrait même faire valoir que tous les Juifs n'avaient pas besoin
des mêmes Miswôth. Ce fut seulement pour les nécessités de
la camaraderie, et le destin commun du peuple juif et de leur mission
dans le monde, qu'ils avaient tous à s'engager à accomplir toutes
les Miswôth. Pour reprendre les paroles de Rabbi Mordakhai
Yôséf de Isbitza, « Et bien que ce ne soit pas chaque Juif
qui ait besoin de toutes les interdictions contenues dans la Tôroh,
il a néanmoins l'obligation de tenir compte de cette interdiction et
l'assumer pour le bien de ses correligionnaires Juifs »
(Méi Hashilô`ah, Parashath Baré`shith 22:12)
- La nature de la Halokhoh
La
Halokhoh est le résultat pratique de croyances non finalisées, un
mode de vie pratique tout en restant dans un suspens théologique.
Concernant l'esprit et la quête de trouver D.ieu, il n'est pas
possible d'arriver à des conclusions définitives. La quête de
D.ieu doit rester ouverte à tous afin de permettre à l'esprit
humain de trouver son chemin par essais et découvertes. En tant que
tel, le judaïsme n'a pas de catéchisme. Il a une aversion inhérente
au dogme. Même s'il inclut de fortes convictions, il n'est pas
possible de les formuler dans quelque type de système faisant
autorité. Il appartient à l'érudit talmudique de faire son choix
entre de nombreux avis, car ils sont tous authentiques. Ils font
partie de la Tôroh de D.ieu, et même des opinions divergentes
« proviennent toutes d'un même Berger » (Hagigoh
3b).
La
Halokhoh transforme le liquide fluide des croyances juives en une
substance solide. Elle refroidit l'acier chauffé d'idées exaltées
et les transforme en actions pragmatiques. L'équilibre unique entre
la Halokhoh pratique et les croyances non finalisées assure que le
judaïsme ne se changera pas en une religion qui est paralysée dans
la crainte d'une tradition rigide ou qu'il ne s'évaporera pas dans
une rêverie utopique.
Pourtant,
il serait tout à fait erroné de croire que la nécessité de
l'application pratique de la Halokhoh ait quelque chose à voir avec
la vérité absolue. La Halokhoh pratique n'est en principe qu'une
seule manière d'agir. Elle n'assume une autorité qu'au niveau de
l'exécution pratique de la Halokhoh. Même lorsque la Halokhoh
pratique doit être décidée, le feu du débat doit rester en vie.
Les croyances juives sont comme des arbres qui sont secoués çà et
là, oscillant comme si on les faisait tourner en l'air à partir
d'une corde détendue; la Halokhoh doit refléter cette réalité.
Même lorsque la Halokhoh est plus directe et incontestable, elle
doit se conformer à la vérité sans équivoque que même les
opinions halakhiques opposées sont « toutes les paroles du
D.ieu vivant », et chacune d'elles porte le potentiel de
devenir la Halokhoh pratique.