בס״ד
Sur
la nature et le futur de la Halokhoh par rapport à l'autonomie
religieuse
Troisième
partie
Le
rabbin Nothon Lopes Cardozo שליט״א
Pour
(re)lire :
************
- Critique de Maïmonide et de Rabbi Yôséf Qa`rô
Comme
mentionné précédemment1,
plusieurs talmudistes de premier plan ont fait valoir que le Mishnéh
Tôroh de Maïmonide et le Shoulhon ´Oroukh de Rabbi Yôséf Qa`rô
ont privé loi juive de cet esprit. Maïmonide élimine toutes les
références à la base de ses décisions et passe presque
systématiquement au silence l'existence même des opinions
dissidentes et minoritaires.2
Les rares fois où il les mentionne, il semble exprimer une attitude
négative, comme s'il souhaite sauver le judaïsme de cet embarras.
(Voir, par exemple, Hilkhôth Mamrim 1:3-4.) Bien que moins
extrême, Rabbi Yôséf Qa`rô affirme également ses décisions dans
le Shoulhon ´Oroukh en termes généraux, sans mentionner de
sources ou d'autres opinions. Il est vrai qu'il a d'abord rédigé le
« Béith Yôséf » dans lequel il apporte de nombreuses
opinions et sources.3
On pourrait donc faire valoir qu'il ne voulait pas que son Shoulhon
´Oroukh puisse devenir une œuvre distincte et autonome. Cependant,
le fait est qu'une fois que cet ouvrage fut rédigé, il a rapidement
assumé ce statut même. Il serait difficile de prétendre que
l'auteur n'avait pas prévu cette possibilité.
- Maharshal, Maharal et Rabbi Hayim ban Basal`él
Trois
autorités furent profondément préoccupées par cette évolution:
Rabbi Shalômôh Louria, connu sous le nom de Maharshal (1510-1573);
Rabbi Yahoudoh Low ban Basal`él, connu sous le nom du Maharal
de Prague (1520-1609); et Rabbi Hayim ban Basal`él
(1530-1588), le frère du Maharal. Chacun à sa manière a attaqué
le Mishnéh Tôroh et le Shoulhon ´Oroukh, affirmant qu'ils
étaient anti-talmudiques et donc anti-halakhiques.4
Le Maharshal a accusé Maïmonide d'agir « comme si (il) a
reçu (le Mishnéh Tôroh) directement de Môshah au Mont Sinaï,
[comme s'il] l'a reçu directement du ciel, n'offrant aucune preuve
... » (Yam Shal Shalômôh, Introduction à Bavo`
Qammo`). Dirigeant son attaque vers le Shoulhon ´Oroukh de Rabbi
Yôséf Qa`rô dans lequel l'auteur suit l'avis de la majorité des
trois autorités (Rif, Rô`sh et Maïmonide), le Maharshal s'est
demandé en quoi l'auteur avait-il le droit de le faire. Rabbi Yôséf
Qa`rô a-t-il reçu une telle tradition qui remonte à l'époque des
sages ? (ibid)
Le
Maharshal poursuit en affirmant que l'entreprise même du Shoulhon
´Oroukh est dangereuse. Ceux qui l'étudient en viendront à croire
que ce que Rabbi Yôséf Qa`rô écrit est l'autorité finale, et
même « si un être vivant se tenait devant eux et écrirait
que la Halokhoh est différente, en citant d'excellents arguments ou
même une tradition reçue faisant autorité, ils ne prêteront pas
attention à ses paroles ... » (Yam Shal Shalômôh,
introduction à Houllin).5
Rabbi Hayim ban Basal`él ajoute que les gens ne
réalisent pas que cette autorité [halakhique] n'est « qu'une
personne parmi d'autres » (Vikouah
Mayim Hayim 7)
En
outre, ces codes [halakhiques] conduisent à la paresse
intellectuelle. Les gens n'étudieront plus le Talmoud car ils
s'appuient sur ces ouvrages [halakhiques]. Nous pouvons comparer
cette situation à un pauvre qui recueille des aumônes des gens
riches et aime afficher ses marques de richesse. À première vue, il
donne l'impression d'effectivement être riche. Après tout, il a de
la nourriture et des vêtements. Mais en vérité, c'est une
illusion, car tout ce qu'il a vient des éléments qu'il a
recueillis. (ibid) De même, celui qui étudie seulement ces
codes et règles [halakhiques] ne connait pas du tout les tenants et
les aboutissants des débats talmudiques qui les ont précédés.
Rabbi
Basal`él met en garde contre un autre danger. Comment peut-on même
savoir si la Halokhoh telle qu'elle est rapportée dans le Mishnéh
Tôroh ou le Shoulhon ´Oroukh est applicable à une situation
particulière ? Ces questions sont dans un état de flux. Un
changement mineur peut exiger une réponse radicalement différente.
Même plus audacieuse encore est son observation selon quoi, étant
donné que la « [Torah] n'est plus dans le ciel »
(Bavo` Mési´o` 59a-b) et que les questions halakhiques
doivent être décidées par les êtres humains, il est possible que
la même autorité halakhique puisse voir les choses différemment
aujourd'hui que ce qu'il a fait hier. En tant que tel, il peut
statuer différemment aujourd'hui que ce qu'il a fait hier. Ce n'est
pas une lacune ou une incohérence. Tout cela fait partie du principe
selon quoi « celles-ci et celles-là sont les paroles du
D.ieu vivant ».
Le
Maharal ajoute que le rabbin ne peut compter que sur sa propre
intelligence: « Et même quand sa sagesse le conduit à se
tromper, il est néanmoins bien-aimé par D.ieu tant qu'il a fait de
son mieux pour raisonner. Et cette personne est de loin préférable
à celle qui détermine la Halokhoh à partir d'un seul ouvrage, sans
en connaître la raison, marchant comme un aveugle le long du
chemin » (Nétivôth ´Ôlom 16, à la fin).6
Ces
autorités conviennent que le Talmoud
seul devrait être la source de la prise de décision halakhique.7
Tous déclarent que la préoccupation « qu'il y ait beaucoup
de Tôrohs [différentes] en Israël » (Sanhédrin
88b) n'a aucune incidence sur cette question. Ce n'est pas la
multitude d'opinions halakhiques qui crée le danger de nombreuses
Tôrohs [différentes]; c'est le rejet même
du Talmoud
en tant seul texte faisant autorité pour décider des questions
halakhiques qui présente ce danger. En fait, c'est la
codification qui provoque le problème de nombreuses Tôrohs
[différentes] en Israël, car la codification [systématique]
n'oblige plus le Pôséq à revenir aux différentes opinions
exprimées dans le Talmoud ! Le
Talmoud
incarne le judaïsme dans sa forme la plus authentique.
C'est la validité de chacune des opinions opposées comme faisant
partie de la Tôroh de D.ieu qui rend le judaïsme dynamique et
fidèle à son propre esprit. C'est
seulement à partir du Talmoud
lui-même que le rabbin doit décider la loi, en tenant compte de
toutes les différentes opinions qui y sont mentionnées.
Il
ne fait aucun doute que Maïmonide et Rabbi Yôséf Qa`rô avaient
les meilleures intentions. Ils voulaient créer un terrain d'entente
et ont estimé qu'une codification unifiée rendrait cela possible.
Les deux ont estimé que leurs coreligionnaires Juifs avaient besoin
d'un judaïsme simplifié dans lequel presque rien n'a été laissé
au hasard ou à l'aléatoire. Tout comme les treize principes de
Maïmonide sur la foi ont donné au judaïsme une apparence de
religion dogmatique, de même en fut-il du Mishnéh Tôroh et du
Shoulhon ´Oroukh. Ces ouvrages codifiés ont fait pénétrer
des éléments étrangers dans le judaïsme.8
Avec le recul, nous pouvons voir qu'ils ont causé une fausse
déclaration de la nature de la loi juive et de son esprit. Cela a
mis en mouvement un genre entier de littérature halakhique qui est
non-juive dans son esprit. Le résultat fut une fausse impression du
judaïsme, qui est devenue la cause célèbre des attaques contre le
judaïsme vu comme une religion de rigidité obscure. Le Traité
théologico-politique de Spinoza est un exemple typique, et la
codification extrême dans le monde juif d'aujourd'hui est le
résultat évident [de ces codifications à outrance].
Tout
cela étant dit, nous devons continuer à étudier les ouvrages de
Maïmonide et Rabbi Yôséf Qa`rô et peut-être même vivre selon
leurs directives. Ils appartiennent à ce que le judaïsme a de mieux
à offrir. Mais nous devons être prudents et veiller à ne pas créer
l'impression qu'il n'y a pas de voies alternatives.9
Nous devons faire de nos jeunes des chercheurs conscients du fait que
la Halokhoh est beaucoup plus que ce que ces ouvrages représentent.
Par dessus tout, nous devrions voir ces ouvrages sublimes comme
n'étant rien d'autre que des commentaires sur le Talmoud.
Plus précisément, le Mishnéh Tôroh de Maïmonide nous offre des
vues profondes sur la façon dont son esprit de génie a lu et
compris le Talmoud.10
C'est en cela, et non dans sa tentative de codifier la loi juive, que
Maïmonide a apporté sa plus grande contribution à l'étude juive.
En fin de compte, ce n'est que par les discussions contenues dans le
Talmoud que nous, avec l'aide de nos rabbins, devons décider
comment vivre notre vie religieuse.11
1Dans
la deuxième
partie
2Voir
l'article intitulé « Aucun
code halakhique n'est supérieur au Talmoud »
3Là
encore, voir l'article intitulé « Aucun
code halakhique n'est supérieur au Talmoud »
4Voir
l'article intitulé « Que
signifie être Rambamiste », où il avait été
expliqué que bien que nous nous référons au Rambam, nous estimons
le Talmoud supérieur. Par conséquent, nous ne suivons pas
le Rambam lorsque ses opinions sont contraires à ce qui est dit
dans le Talmoud.
5Et
c'est précisément ce qui se passe, au point de nous fait croire
qu'il faut suivre le Shoulhon ´Oroukh en tout point, même
quand il contredit le Talmoud. Voir l'article intitulé
« Renverser
la hiérarchie ».
6Et
c'est ce que font aujourd'hui la majorité des Juifs, suivant des
tonnes de règles et de lois, sans même savoir si elles sont
conformes au Talmoud, et sans même se soucier des raisons
cachées derrières ces règles et lois, qu'ils suivent juste parce
qu'elles sont rapportées dans tel ou tel ouvrage ! Dans le
même temps, ceux qui rejettent ce diktat insensé et s'attellent à
revenir à la Halokhoh authentique du Talmoud ou à juger
toute loi et règle à la lumière de sa conformité ou pas avec le
Talmoud, ceux-là sont insultés ou méprisés, voire taxés
de rebelles. Mais rebelles contre qui ? Contre les rabbins ou
contre la Loi Orale (dans laquelle tout Juif affirme croire) ?
7Et
c'est ce que je défends ardemment sur ce blog.
8Le
Rambam s'est souvent beaucoup appuyé sur les Gé`ônim et a compté
comme Halokhoh certaines pratiques nées après l'époque
talmudique. De même, son esprit trop rationaliste l'a amené à rejeter certaines doctrines dans lesquelles croyaient pourtant nos Sages (comme par exemple l'existence des démons, la sorcellerie, etc.). Quant à Rabbi Yôséf Qa`rô, il a fait pénétrer la
prétendue « Qabboloh » du Zôhar dans la Halokhoh.
9Comme
ceux qui déclarent « apostats » ou « hérétiques »
quiconque ne suivrait pas les Halokhôth et règles de notre époque
n'ayant pas de fondement talmudique. Si la majorité veut suivre ces
règles, c'est son droit. Mais qu'elle reconnaisse alors aux autres
le droit de ne faire que ce qui est tranché par le Talmoud,
qui est notre Tôroh Orale contenant les paroles et doctrines de nos
Sages de mémoire bénie, qui sont de loin supérieurs à tout ce
qui s'est fait depuis l'ère talmudique ! Le but de ce blog est
précisément de montrer, avec sources à l'appuie, que des voies
alternatives halakhiquement valables existent, et que bon nombre des
choses qui se font aujourd'hui contredisent la Tôroh Écrite et
Orale, dans lesquelles tout Juif affirme croire. Je suis pleinement
conscient que certains articles ou propos peuvent choquer les plus
sensibles, et surtout ceux qui croient dur comme fer en leurs
rabbins et leur infaillibilité, et considèrent toutes les règles
du judaïsme actuel comme faisant partie de la tradition reçue au
Sinaï. Mais ce n'est pas cela qui doit empêcher de dire les
choses telles qu'elles sont.
10Et
la raison pour laquelle le Mishnéh Tôroh est utilisé comme
référence sur ce blog est que par l'étude profonde du Mishnéh
Tôroh, il est possible de remonter jusqu'aux sources talmudiques
plus aisément qu'avec tout autre ouvrage halakhique et voir de
nous-mêmes si ce que dit le Rambam est bien ce que dit le Talmoud
ou pas, car, en définitive, ce n'est pas le Mishnéh Tôroh notre
autorité, mais le Talmoud lui-même. Lorsque le Mishnéh
Tôroh est lu et étudié de cette façon, c'est là qu'on en fait
l'usage le plus approprié.
11Et
c'est la raison pour laquelle le blog `Ôr
HaMishnoh fut créé, de façon à revenir aux sources
talmudiques.