ב״ה
Les
« anges » du Vendredi soir
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Le
Talmoudh1
déclare que lorsqu'un homme rentre chez lui de la Synagogue le
Vendredi soir, deux anges l'escortent : un ange bon et un ange
mauvais. Si en arrivant chez lui il trouve les lampes allumées, la
table dressée et la maison rangée, l'ange bon dit « Qu'il en
soit ainsi le Shabboth prochain », et l'ange mauvais est
contraint de répondre « `omén ! ». Mais si l'homme
ne trouve pas les lampes allumées, la table dressée et la maison
rangée, l'ange mauvais dit « Qu'il en soit ainsi le Shabboth
prochain », et l'ange bon est contraint de répondre « `omén ».
C'est
sur la base de ce passage de la Gamoro` que les kabbalistes de Safath
(Safed) composèrent, entre la fin du 16ème siècle et le début du
17ème, le Piyout (poème liturgique) de שָׁלוֹם
עֲלֵיכֶם « Sholôm
´alékham », que la majorité des Juifs d'aujourd'hui chantent
le Vendredi soir juste avant le Qiddoush en l'honneur de ces deux
anges qui ont escorté l'homme de la Synagogue jusqu'à la maison.
Il
convient de noter que nous, les Talmidhé HaRamba''m, ne chantons pas
ce Piyout le Vendredi soir. Premièrement, ce que l'on appelle
aujourd'hui « Qabbalath Shabboth » est une invention des
kabbalistes de Safath. Avant le 16ème siècle, il n'y avait pas
d'office ou rituel particulier le Vendredi soir, si ce n'est la
prière de Ma´ariv et le Qiddoush. Puisque nous sommes talmudistes
et anti-Qabboloh, nous ne faisons pas l'office de « Qabbalath
Shabboth » et ne chantons pas non plus les Piyoutim composés
par les kabbalistes. Deuxièmement, ce Piyout de « Sholôm
´alékham » est basé sur une lecture littérale de la
`aggodhoh susmentionnée. Les kabbalistes prennent littéralement
tous les Midhroshim et `aggodhôth. Par conséquent, ils croient
réellement que chaque homme est escorté littéralement par deux
anges à son retour de la Synagogue le Vendredi soir, et composèrent
donc ce Piyout en conséquence. Or, nous, les Talmidhé HaRamba''m,
rejetons catégoriquement la lecture et compréhension littérale de
tout Midhrosh ou `aggodhoh, comme je l'ai exprimé à maintes
reprises à travers divers articles publiés sur ce blog. Et nous
verrons plus bas que cette `aggodhoh a un sens profond n'ayant rien à
voir avec le sens littéral que lui attribuent les kabbalistes. Et
enfin, Rabbi Ya´aqôv de Emden ז״ל,
surnommé le Ya`avé''s (1697-1776), a fait ressortir de
nombreux problèmes concernant ce Piyout, comme par exemple le fait
de s'adresser à des anges, ainsi que certaines expressions contenues
dans ce Piyout qui n'ont aucun sens.2
Nous
savons qu'une `aggodhoh n'est pas à prendre au sens littéral. Et
lorsque nous tombons sur une `aggodhoh, nous devons donc nous
interroger sur toutes les particularités de la `aggodhoh en question
afin de la comprendre correctement. Que sont donc ces anges ?
Pourquoi n' « apparaissent-ils » que le Vendredi soir
lorsqu'un homme rentre chez lui de la Synagogue ? Que veut nous
enseigner la phrase « Qu'il en soit ainsi le Shabboth
prochain » ? Et pourquoi les anges sont-ils contraints
d'acquiescer contre leur gré ?
Chaque
Midhrosh ou `aggodhoh ne peut se comprendre qu'en faisant attention
aux particularités qui en ressortent. De ce fait, nous devons
relever que la parabole se déroule spécifiquement le Vendredi soir.
Cette `aggodhoh concerne également les préparatifs pour Shabboth
(nous les avions mentionnés dans l'article sur l'allumage
des bougies de Shabboth), car l'état de la maison d'un homme
est réellement le reflet de ses activités plus tôt dans la
journée. Enfin, il est très rare de trouver des cas d'anges décrit
comme étant « contraints » de faire quelque chose.
Il
est clair que ces anges doivent être compris de la façon dont on
les comprend généralement tout au long du TaNa''Kh : l'homme
possède un Yésér Tôv (bon penchant, qui représente
l'intellect et la raison) et un Yésér Hora´ (mauvais penchant, qui
représente les émotions et les passions). C'est ce que symbolisent
ces deux anges dans notre `aggodhoh. Il n'y a aucune raison de
chercher ici une compréhension alternative. Donc, nous devons
premièrement établir que nous sommes face à une opposition entre
l'intelligence de l'homme et ses émotions. Mais ne savions-nous pas
déjà que ces deux forces existent, et s'opposent l'une l'autre ?
C'est là que le Vendredi soir entre en scène.
Quel
conflit existe-t-il dans l'homme, particulièrement chaque Vendredi
soir ? C'est le conflit unique suscité par le désengagement de
l'homme de ses affaires et activités de la semaine, lorsqu'il est
subitement obligé de suspendre tout travail, et doit même suspendre
sa manière de parler, comme le Prophète Yasha´yohou nous
l'enseigne : nous ne devons pas discuter de nos affaires
(professions, etc.) à Shabboth. C'est frustrant pour de nombreux
hommes et femmes. Les gens sont plus soucieux de gagner leur
subsistance quotidienne plutôt que de respecter le Shabboth.
Beaucoup de Juifs qui ne sont pas Shômré Shabboth disent d'ailleurs
ouvertement que travailler le Shabboth est le jour qui rapporte le
plus. Et c'est pour cela qu'ils ne respectent pas le Shabboth. Cet
envie de gagner sa subsistance est associé au désir de conquête de
l'homme, ses ambitions, et son ego, qui est grandement satisfait par
des succès financiers, professionnels, etc. Mettez tout cela
ensemble, et vous aurez un homme qui doit être assez frustré les
Vendredis soirs.
Cette
`aggodhoh expose ce phénomène de frustration en décrivant les deux
anges opposés dans ce conflit spécifique.
Si
l'homme apprécie réellement le Shabboth, et qu'il reconnaît et
considère cette période de 25 heures comme une bénédiction, un
temps pour pleinement s'adonner à la Tôroh, alors sa table, ses
lampes et sa maison seront préparées. Mais pourquoi l'ange mauvais
doit-il consentir à cela contre son gré ? Pourquoi ses désirs
ne sont-ils pas de même contraints de consentir lorsqu'il accomplit
n'importe quelle autre Miswoh ? Pourquoi particulièrement
à Shabboth ? La réponse est que Shabboth est unique : il
englobe une période de 25 heures. Si l'homme agit correctement, et
prépare sa maison pour Shabboth le Vendredi, cela signifie qu'il a
exprimé un plus grand attachement à la Tôroh, que son dévouement
au Shabboth n'est pas un acte qui prend dix minutes comme attacher
les Tafillin ou secouer le Lôlov, ou un acte qui prend deux minutes
comme allumer la Manôroh de Hanoukkoh. Non, le dévouement à
Shabboth est d'une durée telle que l'homme s'éloigne de ses
tendances instinctives à un degré de loin supérieur à la normale.
Les instincts négatifs acquiescent contre leur gré, car ils n'ont
pas d'autres choix que de s'incliner face à notre dévouement pour
le Shabboth. L'homme a vaincu ses mauvais instincts par cet
attachement solide envers la Tôroh, comme si ces instincts-là
« acquiesçaient ». Il s'est en fait séparé de son
pouls instinctif à un niveau plus élevé que la normale par son
dévouement pour le Shabboth, plus que par toutes les autres Miswôth.
À
présent, que veut nous apprendre cette `aggodhoh en disant que
l'ange bon déclare « Qu'il en soit ainsi le Shabboth
prochain » ? Cela signifie qu'un tel individu s'est
tellement raffiné au point de comprendre ce que devrait être le
jour préféré de l'homme qu'il anticipe un autre jour, un autre
Shabboth. « Qu'il en soit ainsi le Shabboth prochain ».
Il ne cherche pas à abréger ou conclure le Shabboth afin de
retourner à ses affaires. Il se rend compte que l'argent n'est qu'un
moyen et non l'objectif de son labeur de semaine, car son but ultime
est de mener une vie pleinement imprégnée de spiritualité, de
Dieu. Et il n'y a pas de meilleur jour pour cela que le Shabboth.
Shabboth est donc son jour préféré. Et ce jour saint est un
microcosme du Monde-à-Venir, où la paix régnera partout sur terre,
et où l'on pourra pleinement s'adonner à l'étude de la Tôroh, la
´avôdhath HaShem, l'amour véritable du prochain, etc. D'ailleurs,
le Monde-à-Venir est décrit comme étant יוֹם
שֶׁכּוּלוֹ שַׁבָּת « Yôm
Shakkoulô Shabboth – le jour qui est entièrement Shabboth ».
Mais
l'inverse ne fonctionne pas exactement de la même façon,
psychologiquement parlant.si un homme a en horreur le Shabboth, et
exprime ce sentiment en ne préparant pas sa maison, alors, à son
arrivée, ses mauvais instincts disent « Qu'il en soit ainsi le
Shabboth prochain », et son intellect est contraint
d'acquiescer. Cela signifie que la simple inactivité dans son manque
de préparation causé par ses passions instinctives suffit à
plonger plus profondément encore dans ses passions mauvaises.
HaZa''l disent : « Si tu m'abandonnes un jour,
je t'abandonnerai deux jours ». C'est une métaphore citant
une Tôroh personnifiée. La Tôroh « parle » et dit que
dès lors qu'un homme s'éloigne de l'étude, il ne perd pas
seulement un jour, mais il renforce ses mauvais instincts, ce qui
fait qu'il lui faudra désormais deux fois plus d'efforts (deux
jours) pour s'adonner à nouveau à l'étude de la Tôroh. Il lui
faudra d'abord défaire l'attachement plus fort qu'il a développé
pour ses instincts (premier effort), puis réorienter à nouveau son
énergie vers l'étude de la Tôroh (deuxième effort).
Nous
notons également que ce conflit survient à l'entrée du Shabboth et
non pas Shabboth midi, car c'est au commencement de Shabboth que
l'homme est confronté à cette transition entre le travail et le
repos.
Par
une brève allégorie, nos Sages de mémoire bénie communique une
idée profonde sur la nature humaine. Dans ce cas-ci, nous apprenons
les bienfaits du Shabboth, la nature de notre conflit entre les
émotions et l'intellect, et réitérons le but premier d'une vie de
Tôroh, dans laquelle la vie professionnelle a sa place, mais n'est
considérée que comme un moyen, et non une fin.
1Shabboth
119b
2Voir
le Siddour Béth Ya´aqôv