ב״ה
Exposer
les fausses notions
Qu'est-ce
qu'une « Houppoh » ?
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Si
vous posez la question suivante, « Qu'est-ce qu'une
Houppoh ? », l'écrasante majorité des Juifs
d'aujourd'hui vous répondront qu'il s'agit du dais nuptial sous
lequel se déroule la cérémonie d'un mariage traditionnel juif. En
d'autres mots, ils pensent automatiquement à ceci :
Vous
trouverez de la bouche de nombreux rabbins contemporains des
explications très sophistiquées sur la Houppoh
et ce qu'elle symbolise (d'ailleurs, les explications varient de
rabbin en rabbin ! C'est déjà le premier signe de quelque
chose qui ne va pas). L'explication la plus répandue est que חֻפָּה
« Houppoh »
provient du verbe לַחְפּוֹת
« Lahpôth »,
qui signifie « couvrir », et désigne donc une couverture
symbolisant le futur foyer que bâtira ensemble le couple qui se
marie. Mais c'est complètement faux !
La
première personne à avoir appliqué le terme « Houppoh »
au dais nuptial que nous connaissons aujourd'hui fut Rabbi Môshah
`issarlès (1520-1572), plus connu sous son acronyme de Ramo''`, dans
ses gloses sur le Shoulhon
´oroukh de Rabbi Yôséf Qa`rô (1488-1575), surnommé le
« Mahabbér »
ou « Moran Hashoulhon
´oroukh ». Or, ce concept est ancien, et le Talmoudh considère
qu'une « Houppoh »
est requise au niveau biblique pour que le mariage soit valable. Il
incombe, par conséquent, de clairement comprendre de quoi il s'agit,
puisque c'est un précepte biblique, et non rabbinique. Donc,
qu'est-ce que réellement, bibliquement et halakhiquement parlant,
une Houppoh ?
En
réalité, la Houppoh
désigne la maison du fiancé, ou un ajout à la maison de son père
(dans les temps passé, quand un homme s'était fiancé, il profitait
de la période de fiançailles soit pour construire une nouvelle
maison, soit pour agrandir la maison de son père, dans laquelle il
vivra avec sa future épouse), qui deviendra donc la nouvelle demeure
de la fiancée. Plus précisément, il s'agit de la chambre nuptiale,
dans laquelle le couple consommera leur union. Il y a d'ailleurs deux
références bibliques à la Houppoh :
Tahillim
19:6
|
Et il est
semblable à un fiancé qui sort de sa
chambre nuptiale (Houppothô) ;
il se fait une joie, tel un héros, de parcourir sa carrière.
|
וְהוּא--כְּחָתָן,
יֹצֵא
מֵחֻפָּתוֹ;
יָשִׂישׂ
כְּגִבּוֹר,
לָרוּץ
אֹרַח
|
Yô`él
2:16
|
Rassemblez les
gens, sanctifiez l'assemblée, assemblez les vieillards,
rassemblez les enfants et ceux qui tètent les mamelles : que
le fiancé sorte de sa pièce et la fiancée de sa
chambre nuptiale (Houppothoh).
|
אִסְפוּ-עָם
קַדְּשׁוּ קָהָל,
קִבְצוּ
זְקֵנִים--אִסְפוּ
עוֹלָלִים,
וְיֹנְקֵי
שָׁדָיִם:
יֵצֵא
חָתָן מֵחֶדְרוֹ,
וְכַלָּה
מֵחֻפָּתָהּ
|
De
ces deux passages, trois choses ressortent :
- La Houppoh est bien une institution biblique,
- elle est liée au mariage, et
- il s'agit d'une pièce/maison dans laquelle les nouveaux mariés se sont isolés.
Conformément
à la Halokhoh authentique du TaNa''Kh et du Talmoudh, le Ramba''m
ז״ל
nous
explique ceci au Chapitre 10 des Hilkôth `ishouth de son Mishnéh
Tôroh :
1. Une
`arousoh1
a l'interdiction, Middivré Sôfrim, d'avoir des relations
sexuelles tout le temps qu'elle se trouve dans la maison de son
père. Celui qui a des rapports sexuels avec sa `arousoh dans la
maison de son beau-père se fait flageller par des coups de fouet
pour rébellion.2
Et même s'il l'avait sanctifiée3
par une relation sexuelle4,
il lui sera interdit d'avoir avec elle une seconde relation
sexuelle dans la maison de son père, jusqu'à ce qu'il la fasse
entrer dans sa maison, s'isole avec elle et se la réserve [comme
épouse]. Cet isolement est ce que
l'on appelle « l'entrée dans la Houppoh »,
et on l'appelle en tout lieu « Nissou`in ».
Lorsqu'il a une relation sexuelle avec sa `arousoh dans le but
d'établir les Nissou`in après l'avoir sanctifiée, dès qu'il
est entré en elle il l'a acquise et en a faite une Nasou`oh5.
Elle devient sa femme en tous points.
|
א הָאֲרוּסָה
אֲסוּרָה לְבַעְלָהּ מִדִּבְרֵי
סוֹפְרִים,
כָּל
זְמָן שְׁהִיא בְּבֵית אָבִיהָ;
וְהַבָּא
עַל אֲרוּסָתוֹ בְּבֵית חָמִיו,
מַכִּין
אוֹתוֹ מַכַּת מַרְדּוּת.
וְאַפִלּוּ
קִדְּשָׁהּ בַּבִּיאָה,
אָסוּר
לוֹ לָבוֹא עָלֶיהָ בִּיאָה שְׁנִיָּה
בְּבֵית אָבִיהָ,
עַד
שֶׁיָּבִיא אוֹתָהּ לְתוֹךְ בֵּיתוֹ,
וְיִתְיַחַד
עִמָּהּ וְיַפְרִישֶׁנָּה לוֹ;
וְיֵחוּד
זֶה--הוּא
הַנִּקְרָא כְּנִיסָה לַחֻפָּה,
וְהוּא
הַנִּקְרָא נִשּׂוּאִין בְּכָל מָקוֹם.
וְהַבָּא
עַל אֲרוּסָתוֹ לְשֵׁם נִשּׂוּאִין
אַחַר שֶׁקִּדְּשָׁהּ--מִשֶּׁיַּעֲרֶה
בָּהּ,
קְנָאָהּ;
וְנַעֲשָׂת
נְשׂוּאָה,
וַהֲרֵי
הִיא אִשְׁתּוֹ לְכָל דָּבָר
|
2. Lorsque
la `arousoh est entrée dans la Houppoh,
il lui est permis d'avoir des relations sexuelles avec elle chaque
fois qu'il le désire. Elle est totalement sa femme en tous
points. Et dès qu'elle est entrée dans la Houppoh,
on l'appelle « Nasou`oh », même s'ils n'ont pas eu de
rapport sexuel. Et c'est à la condition qu'il était possible
d'avoir des rapports sexuels. Mais si elle était Niddoh, quand
bien même elle est entrée dans la Houppoh
et qu'il s'est isolé avec elle, les Nissou`in n'ont pas été
complétés, elle est encore considérée être une `arousoh.
|
ב כֵּיוָן
שֶׁנִּכְנְסָה הָאֲרוּסָה לַחֻפָּה--הֲרֵי
זוֹ מֻתֶּרֶת לוֹ לָבוֹא עָלֶיהָ בְּכָל
עֵת שֶׁיִּרְצֶה,
וַהֲרֵי
הִיא אִשְׁתּוֹ גְּמוּרָה לְכָל דָּבָר.
וּמִשֶּׁתִּכָּנֵס
לַחֻפָּה--נִקְרֵאת
נְשׂוּאָה,
אַף
עַל פִּי שֶׁלֹּא נִבְעֲלָה:
וְהוּא,
שֶׁתִּהְיֶה
רְאוּיָה לִבְעִילָה;
אֲבָל
אִם הָיְתָה נִדָּה--אַף
עַל פִּי שֶׁנִּכְנְסָה לַחֻפָּה,
וְנִתְיַחַד
עִמָּהּ--לֹא
גָמְרוּ הַנִּשּׂוּאִין,
וַהֲרֵי
הִיא כַּאֲרוּסָה עֲדַיִן
|
Nous
voyons donc clairement que le terme « Houppoh »
désigne en fait la maison du fiancé dans laquelle il s'isolera avec
sa fiancée pour en faire sa femme, qu'il y ait relation sexuelle ou
pas dans cette maison (sauf si, au moment où elle est entrée dans
sa maison, elle était Niddoh, auquel cas le fait d'y être entrée
ne permet pas de réaliser les Nissou`in, jusqu'à ce qu'elle ne soit
plus Niddoh). La différence halakhique entre couple fiancé et
couple marié est que les fiancés n'ont pas de toit commun et ne
vivent donc pas ensemble. C'est ainsi que de nombreux Ri`shônim,
parmi lesquels le Ra''n ז״ל
(Rabbénou
Nissim de Gérone, 1320-1376) ou encore le Ri''f ז״ל
(Rabbénou
Yishoq
`alfasi, 1013-1103), expliquent que dès l'instant où la fiancée
est entrée dans la maison de son fiancé, avec l'intention de
devenir sa femme et vivre avec lui, la condition de la « Houppoh »
est remplie, et elle est considérée être sa femme. Cela n'a rien à
voir avec un « dais nuptial » sous lequel devrait se
dérouler le mariage.
Chez
les Témonim (Juifs yéménites), il n'y avait pas de dais nuptial,
contrairement à ce qui se fait de nos jours, mais plutôt une
chambre nuptiale qui était, en fait, une pièce dans la maison du
fiancé qui était magnifiquement décorée. C'est dès l'instant que
les invités et la famille les y ont laissés seuls que le mariage
est consommé. C'était la pratique dans la quasi-totalité des
communautés juives dans le monde, avant que n'ait lieu la
« réforme » rapportée dans les écrits du Ramo''`.
C'est ainsi que Rabbénou Yishoq ban `abbo` Mori (1122-1193), un
rabbin Provençal, explique ceci dans son ouvrage intitulé « ´ittour
Sôfrim » (qui lui a valu son surnom de « ´ittour ») :
« La
Houppoh,
c'est lorsque son père la remet à son mari, la faisant ainsi entrer
dans cette maison »,
et décrit lui aussi qu'elle était magnifiquement décorée pour
l'occasion. Il cite d'ailleurs un passage du Talmoudh Yarousholmi6
qui démontre que décorer la maison avant que la fiancée n'y entre
se faisait déjà dans les temps talmudiques.
Tout
cela est très important à savoir, car cela a des ramifications
pratiques quant au moment où les bénédictions du mariage doivent
être récitées. De nos jours, elles sont faites sous le dais
nuptial. Mais puisque le terme « Houppoh »
ne désigne pas le dais nuptial, comme nous l'avons démontré, cette
pratique est également erronée ! Voici ce que rapporte donc le
Ramba''m :
3. Et
on doit faire les bénédictions des fiancés dans la maison du
fiancé, avant les Nissou`in. Et voici les six bénédictions...7
|
ג וְצָרִיךְ
לְבָרַךְ בִּרְכַת חֲתָנִים בְּבֵית
הֶחָתָן,
קֹדֶם
הַנִּשּׂוּאִין;
וְהֶן
שֵׁשׁ בְּרָכוֹת,
וְאֵלּוּ
הֶן
|
En
d'autres mots, puisque le mariage prend effet dans la maison du
fiancé, les célébrations sont organisées chez lui. Mais les six
bénédictions des fiancés doivent être faites avant que le lien du
mariage ne soit établi, c'est-à-dire avant que la fiancée n'entre
dans la maison du fiancé pour devenir sa femme. Si du vin est
disponible, il y aura alors sept bénédictions (les six + celle du
vin), et elles ne peuvent être faites qu'en présence d'au moins dix
hommes adultes, et le fiancé compte dans les dix.8
(Précisons bien que la pratique actuelle consiste à les faire
réciter par un officiant que l'on appelle « Masddér
Qiddoushin », et que cela est valable, il est toutefois
préférable que le fiancé les récite lui-même plutôt que de
laisser d'autres le faire pour lui.) Néanmoins, la récitation de
ces bénédictions n'est pas indispensable et n'a pas d'incidence sur
la validité du mariage. C'est ainsi que le Ramba''m poursuit en
disant :
5. Celui
qui s'est fiancé à une femme et a fait les bénédictions des
fiancés, mais ne s'est pas isolé avec elle dans sa maison, elle
est encore une `arousoh, car les Nissou`in ne sont pas réalisés
par les bénédictions des fiancés, mais l'entrée dans la
Houppoh.
S'il s'est fiancé et est entré dans la Houppoh,
mais qu'il n'a pas fait les bénédictions des fiancés, elle est
totalement une Nasou`oh, et on pourra les refaire même après
plusieurs jours. Une Niddoh ne doit pas se marier tant qu'elle ne
s'est pas purifiée, et on ne fait pas les bénédictions des
fiancés pour elle tant qu'elle ne s'est pas purifiée. Mais si on
a transgressé, qu'on l'a épousée et fait [les bénédictions],
on ne bénira plus à nouveau.
|
ה הַמְּאָרֵס
אֶת הָאִשָּׁה,
וּבֵרַךְ
בִּרְכַת חֲתָנִים,
וְלֹא
נִתְיַחַד עִמָּהּ בְּבֵיתוֹ--עֲדַיִן
אֲרוּסָה הִיא:
שְׁאֵין
בִּרְכַת חֲתָנִים עוֹשָׂה הַנִּשּׂוּאִין,
אֵלָא
כְּנִיסָה לַחֻפָּה.
אֵרַס
וְכָנַס לַחֻפָּה,
וְלֹא
בֵּרַךְ בִּרְכַת חֲתָנִים--הֲרֵי
זוֹ נְשׂוּאָה גְּמוּרָה;
וְחוֹזֵר
וּמְבָרֵךְ,
אַפִלּוּ
אַחַר כַּמָּה יָמִים.
וְלֹא
תִנָּשֵׂא נִדָּה,
עַד
שֶׁתִּטְהַר;
וְאֵין
מְבָרְכִין לָהּ בִּרְכַת חֲתָנִים,
עַד
שֶׁתִּטְהַר.
וְאִם
עָבַר וְנָשָׂא וּבֵרַךְ,
אֵינוּ
חוֹזֵר וּמְבָרֵךְ
|
Ainsi,
ce ne sont pas les bénédictions qui réalisent le lien du mariage,
mais le fait pour la fiancée de s'être isolée dans la Houppoh
avec son fiancé. Par conséquent, même si ces bénédictions
n'auraient pas été faites, mais que la fiancée est entrée dans la
Houppoh, le mariage est contracté, mais cela ne fonctionne pas dans
le sens inverse. En outre, ces bénédictions pourront être faites
devant dix hommes même plusieurs jours après qu'ils se soient
isolés dans la Houppoh. Et puisque les bénédictions du mariage
sont indépendantes mêmes de la contradiction du mariage, si un
homme a récité ces bénédictions pour épouser une femme Niddoh,
bien qu'il ne devait pas le faire, cela n'est d'aucune conséquence,
même s'il s'est isolé avec elle dans la Houppoh,
car elle était dans un état qui ne permet pas de contracter le lien
du mariage. Elle ne sera considérée être sa femme que lorsqu'elle
sera sortie de son état de Niddoh, et à ce moment-là, il ne sera
pas nécessaire de refaire à nouveau les bénédictions.
Pourquoi
les `ashkanazim sont-ils passés de la chambre nuptiale au dais
nuptial ? Ma réponse personnelle est celle-ci : les
`ashkanazim ont toujours été plus « prudes » que les
autres ethnies juives, et se sont donc attachés à éliminer les
Halokhôth trop « sexuelles » et « impudiques »
à leurs yeux. Pour eux, il était considéré « indécent »
ou « impudique » de conduire une femme jusqu'à la maison
de son fiancé, en sachant ce qu'ils allaient y faire dès qu'on les
y laisserait seuls. Par conséquent, cette pratique fut abolie et on
cessa d'accompagner et escorter la fiancée jusqu'à la maison de
celui qui allait l'épouser. Plutôt, on remplaça la chambre
nuptiale par le dais nuptial qui, avec ses quatre côtés et son
« toit » rappelle symboliquement une « maison »,
le foyer que les mariés bâtiront ensemble. Et au lieu que les
parents escortent la mariée vers la maison de son mari, ils
l'escortent désormais vers cette « maison » symbolique.
Ils ont fait la même chose pour d'autres pratiques qu'ils
considéraient « dérangeantes », « immorales »,
« impudiques », etc., comme par exemple la polygamie ou
la permission pour un couple d'avoir des rapports de la manière qui
leur convient.
Mais
tout cela n'a rien à voir avec la Halokhoh, et il n'y a rien de plus
honteux que d'avoir honte de la Tôroh et de la Halokhoh !
La
conclusion est qu'il est faux de considérer des gens comme étant
« mariés » simplement parce qu'ils ont tenu une
cérémonie sous un dais nuptial, au cours de laquelle les
bénédictions ont été faites. Ils ne sont mariés que dès
l'instant où la fiancée est entrée dans la maison de son fiancé,
avec l'intention d'être sa femme et vivre avec lui, et qu'elle s'y
trouve seule avec lui pour consommer leur union (mais même s'ils ne
font rien, comme cela a été dit plus haut, ils seront néanmoins
considérés mariés dès l'instant où ils se sont isolés). C'est
ce que la Tôroh et HaZa''l
appellent « Houppoh »,
et cela existait même jusqu'à récemment dans pratiquement toutes
les communautés juives.
1Une
femme qui s'est fiancée, mais n'est pas encore mariée
2Ce
qui est la sanction pour la transgression d'un interdit rabbinique.
Bibliquement parlant, un couple fiancé pas encore marié peut avoir
des rapports sexuels, mais les Sages l'ont interdit plus tard,
notamment parce que certains hommes défloraient leurs fiancées,
mais les répudiaient ensuite, causant l'annulation du mariage
programmé
3C'est-à-dire
qu'il en a fait sa fiancée par les Qiddoushin
4Les
fiançailles (Qiddoushin) peuvent être contractées de trois
manières, et l'une d'elles consiste à avoir un rapport sexuel par
lequel on établit le lien des fiançailles (nous aurons l'occasion
d'en reparler dans des articles spécifiquement réservés aux lois
du mariage)
5Une
femme mariée
6Sôtoh
9:5
7Le
Ramba''m poursuit en rapportant les six bénédictions à faire
8Halokhoh
4