ב״ה
Tafillin
de Rash''i et Tafillin de Rabbénou Ta''m
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Question :
Quelles
sont les différences entre les Tafillin de Rash''i et celles de
Rabbénou Ta''m ? Quelle est l'origine de leur divergence ?
Et y a-t-il une obligation de mettre les deux paires ?
Réponse :
Ce
sont là des questions très intéressantes !
Commençons
par le début !
Les
Tafillin contiennent quatre passages de la Tôroh, appelés
פַּרְשִׁיּוֹת
« Parshiyôth »,
qui sont rédigés sur des parchemins que l'on place dans des espèces
de boîtes carrées appelées בָּתִּים
« Bottim ».
Les quatre passages en question sont קַדֶּשׁ
« Qaddash »1,
וְהָיָה
כִּי יְבִאֲךָ
« Wahoyoh
Ki Yavi`akho »2,
שְׁמַע
« Shama´ »3
et וְהָיָה
אִם שָׁמֹעַ
« Wahoyoh
`im Shomôa´ »4.
À l'intérieur de la Tafilloh qui est placée sur le bras, ces
quatre passages sont généralement écrits sur un seul parchemin,
tandis que dans la Tafilloh qui est placée sur la tête, ils sont
généralement rédigés chacun sur un parchemin distinct et insérés
dans un compartiment distinct.5
Il
y a deux erreurs qui sont communément faites. La première consiste
à croire qu'il n'existerait que deux sortes de Tafillin, à savoir,
celles de Rash''i ז״ל
et
celles de Rabbénou Ta''m ז״ל.
En réalité, il existe de nombreuses paires de Tafillin différentes,
comme les Tafillin « Shimousho` Rabboh » ou encore les
Tafillin « Ra`ava''d ». La deuxième erreur consiste à
croire que les noms de ces paires de Tafillin furent données car
elles sont fabriquées suivant les instructions spécifiques des
rabbins dont elles portent les noms. En réalité, la seule
association entre ces rabbins et les Tafillin qui portent leurs noms
se situe au niveau de l'ordre des Parshiyôth à l'intérieur des
Tafillin.
L'origine
du débat se trouve dans le passage talmudique suivant6 :
Nos Rabbins
ont enseigné : Quel est leur ordre ?7
« Qaddash Li » et « Wahoyoh Ki Yavi`akho »
sont sur la droite ; « Shama´ » et « Wahoyoh
`im Shomôa´ » sont sur la gauche. Mais n'a-t-il pas été
enseigné l'inverse ? `abbayé a dit : « Ce n'est
pas une contradiction, car dans un cas8
on se réfère à la droite du lecteur9,
tandis que dans l'autre cas on se réfère à la droite de celui
qui les porte ; le lecteur les lit donc d'après leur
ordre ».
|
ת"ר
כיצד סדרן קדש לי והי'
כי
יביאך מימין שמע והי'
אם
שמוע משמאל והתניא איפכא אמר אביי ל"ק
כאן מימינו של קורא כאן מימינו של מניח
והקורא קורא כסדרן
|
Rash''i
interprète cette Gamoro` comme voulant dire que les Parshiyôth
doivent être placées dans les Bottim suivant leur ordre
d'apparition dans la Tôroh. Ainsi, de gauche à droite sur celui qui
porte les Tafillin (et donc de droite à gauche pour celui qui se
trouve en face de quelqu'un portant les Tafillin), cela nous
donnera :
Qaddash
|
Wahoyoh
Ki Yavi`akho
|
Shama´
|
Wahoyoh
`im Shomôa´
|
C'est
d'ailleurs précisément l'ordre dans lequel ces passages sont cités
dans le Talmoudh, comme vous pouvez le voir. Mais Rabbénou Ta''m (le
petit-fils de Rash''i) n'est pas d'accord avec son grand-père, et
affirme que les deux passages qui commencent par « Wahoyoh »
doivent être placés côte à côte, et les deux autres aux
extrémités. Ainsi selon lui, de gauche à droite sur celui qui
porte les Tafillin (et donc de droite à gauche pour celui qui se
trouve en face de quelqu'un portant les Tafillin), cela nous
donnera :
Qaddash
|
Wahoyoh
Ki Yavi`akho
|
Wahoyoh
`im Shomôa´
|
Shama´
|
Même
cet ordre respecte ce que dit le Talmoudh, puisque que « Qaddash »
et « Wahoyoh Ki Yavi`akho » sont sur la droite du
lecteur, tandis que « Shama´ » et « Wahoyoh `im
Shomôa´ » sont sur sa gauche. Ainsi, techniquement parlant,
même l'opinion de Rabbénou Ta''m peut être considérée valable.
Mais
il est important de comprendre que ce débat n'a pas du tout commencé
par Rash''i et Rabbénou Ta''m. (Il n'y a donc en réalité aucune
raison d'appeler ces Tafillin d'après leurs noms.) Ainsi, les
Tôsofôth10
ז״ל
citent
des Ga`ônim, parmi lesquels le Rov Hay
Go`ôn ז״ל,
qui soutenaient la même position que Rabbénou Ta''m, déjà +/- 100
ans avant Rash''i (1040-1105), et +/- 200 ans avant Rabbénou Ta''m
(1100-1171). Mais les Tôsofôth citent également l'ouvrage
« Shimousho` Rabboh », consacré intégralement aux lois
relatives aux Tafillin, et datant du 7ème siècle de l'Ere Courante,
qui défend la même position que Rash''i. (À noter que c'est cet
ouvrage qui a donné le nom de la paire de Tafillin appelée
« Shimousho` Rabboh ».)
Certaines
personnes prétendent faussement que l'on aurait retrouvé des
Tafillin à Qoumran défendant les deux positions. Mais la vérité
est que, bien qu'un nombre conséquent d'ordres différents des
Parshiyôth fut retrouvé, aucun
d'eux ne correspond exactement à la position de Rash''i ou Rabbénou
Ta''m.
À
cause de cette divergence entre Rash''i et Rabbénou Ta''m,
différentes pratiques se sont développées. Certains font toute la
prière avec les Tafillin de Rash''i, puis, quand ils ont terminé,
ils les retirent, mettent les Tafillin de Rabbénou Ta''m, et
récitent le Shama´ ou d'autres passages bibliques. Certains
Safaradhim suivent la pratique du `ari, qui avait pour coutume de
porter les deux paires simultanément, ce qui implique d'avoir de
petites paires de Tafillin. D'autres enfin ne mettent que les
Tafillin de Rash''i, considérant que retirer ses Tafillin après la
prière pour mettre celles de Rabbénou Ta''m est une Houmroh
inutile.
Et
c'est bel et bien une Houmroh
inutile. Ou on met celles de Rash''i, ou on met celles de Rabbénou
Ta''m ! D'ailleurs, le Go`ôn de Wilno` ז״ל
était
opposé au fait de mettre les Tafillin de Rabbénou Ta''m, car si on
use de l'argument selon lequel on devrait mettre les deux paires afin
de respecter les deux avis, ce serait alors au moins 64 paires de
Tafillin que l'on devrait mettre chaque jour ! En effet, il
existe d'innombrables façons différentes de faire les Tafillin. Il
n'y a pas qu'au niveau de l'ordre des parchemins que des Tafillin
peuvent varier ; il peut y avoir des différences concernant
l'angle dans lequel les parchemins doivent être placés (un peu
comme la divergence sur l'angle des Mazouzôth, si elles doivent être
mises verticalement, horizontalement ou en oblique), le côté du
parchemin où les textes doivent être rédigés, comment faire les
coutures, etc. Le Talmoudh parle également de la permissivité
d'avoir des Tafillin oblongues (mais pas rondes), ou de rédiger les
quatre passages de la Tafilloh de la main sur quatre parchemins
différents au lieu d'un, etc. Ainsi, si certains considèrent que
par respect pour Rash''i et Rabbénou Ta''m il faudrait mettre les
deux paires, qu'ils soient alors logiques avec eux-mêmes et mettent
alors quotidiennement, comme le dit le Go`ôn de Wilno`, les 64
paires de Tafillin différentes pouvant exister au minimum, puisqu'il
n'y a pas divergence qu'entre Rash''i et Rabbénou Ta''m ! Bien
que toutes les Tafillin soient plus ou moins identiques à
l'extérieur, il existe de nombreuses différences à l'intérieur.
Il
convient donc de signaler que si on désire réellement
accomplir la Miswoh
des Tafillin en suivant les règles de Rabbénou Ta''m, on devrait
alors placer les parchemins horizontalement et non pas verticalement,
conformément à l'instruction donnée par Rabbénou Ta''m. De même,
d'après Rash''i, il n'y aurait aucune raison de placer les couronnes
sur les lettres שעטנז
גץ,
contrairement à ce qui se fait actuellement même sur les Tafillin
dites de Rash''i ! Nous voyons donc que les Tafillin de Rash''i
et Rabbénou Ta''m ne sont absolument pas des Tafillin confectionnées
suivant les règles énoncées par ces deux rabbins, mais plutôt
suivant leur opinion concernant l'ordre des Parshiyôth de la
Tafilloh de la tête. Ainsi, même Rabbénou Ta''m ne portait pas les
Tafillin que nous appelons aujourd'hui « Rabbénou Ta''m ».
Quelle
était la position du Ramba''m ז״ל
dans
ce débat ?
Dans
une de ses Tashouvôth, le Ramba''m nous dit qu'à l'origine il
portait des Tafillin dans lesquelles les Parshiyôth commençant par
« Wahoyoh » étaient placées au milieu (comme dans les
Tafillin dites de Rabbénou Ta''m), et que c'était la pratique à
l'Ouest (c'est-à-dire, en Espagne, en Provence, et ailleurs). Il
attribut cela à la forte influence qu'a eu sur les Juifs de ces
contrées-là un ouvrage sur les Tafillin rédigé par un certain
Rabbénou Môshah de Cordoue (à ne pas confondre avec Rabbi Môshah
de Cordoue, dit Cordovera, ou surnommé « Rama''q »).
Bien que cette pratique était répandue et qu'elle était la sienne
également, lorsqu'il s'est installé à l'Est (c'est-à-dire en
Égypte et en Palestine), il changea son opinion :
Et
des sages dignes de confiance m'ont dit avoir ouvert les Tafillin de
Rabbénou Hay
Go`ôn ז״ל,
et ils ont découvert qu'ils étaient rédigés suivant l'odre que
j'ai expliqué dans mon ouvrage. Et Rabbénou Môshah Haddari faisait
(à l'origine) comme vous (avec les « Wahoyoh » au
milieu). Mais lorsqu'il s'est rendu du pays de l'Ouest vers la Terre
d'Israël, ses Tafillin devinrent comme celles des gens de votre
pays. Cependant, lorsqu'ils lui montrèrent les paroles des Ga`ônim
d'antan, et leurs preuves, il s'est débarrassé de ses Tafillin, et
s'est fait des Tafillin conformes à l'ordre que nous avons mentionné
par écrit.
Et
la preuve claire de ce problème se trouve dans le Chapitre Haqqomas
(Manohôth
34) : « Le
lecteur lit d'après l'ordre de
la Tôroh, Qaddash Li, Wahoyoh Ki Yavi`akho, Shama´, Wahoyoh `im
Shomôa´ ».
Et cette version du texte ne se trouvait pas dans nos ouvrages dans
le pays de l'Ouest, mais voici que j'ai trouvé toutes les anciennes
évidences textuelles, et c'est ainsi qu'ils sont rédigés à
l'intérieur. Et nous avons également l'acte du maître, puisque les
habitants de la Terre d'Israël sont tous minutieux vis-à-vis de
cette Miswoh,
et ils ont rédigé les Parshiyôth suivant l'ordre dans lequel ils
apparaissent dans la Tôroh, une tradition de génération en
génération.
Étant
donné l'incapacité de trancher la question sur la base de la
version courante du Talmoudh que nous possédons aujourd'hui, le
Ramba''m s'est tourné vers d'autres méthodes pour déterminer le
sens du Talmoudh et la Halokhoh finale à suivre.
En
effet, lef ait qu'il existe un débat sur l'ordre des Parshiyôth est
problématique. Il ne peut y avoir qu'une seule Halokhoh possible sur
base de ce passage talmudique. Mais le texte en notre possession est
trop vague et permet d'être interprété aussi bien suivant
l'opinion de Rash''i que celle de Rabbénou Ta''m. Mais le texte ne
dit pas que deux opinions sont possibles, qu'il est permis de mettre
les Parshiyôth dans l'un ou l'autre ordre. Par conséquent, ou bien
c'est l'approche soutenue par Rash''i qui est correcte, ou bien c'est
celle de Rabbénou Ta''m. (C'est aussi pour cela qu'il est
complètement idiot de mettre les deux, puisque l'une des deux
opinions est forcément fausses, et l'on n'accomplirait rien en
mettant les deux.)
Voici
donc comment le Ramba''m s'y est pris pour enfin parvenir à une
décision finale, plutôt que de chaque fois changer de pratique :
- Il a inspecté les artefacts et les realia, à la recherche de témoignages sûrs concernant les Tafillin que Rabbénou Hay portait de son vivant.
- Il a passé en revue les preuves manuscrites, et a donné priorité aux manuscrits qui étaient les plus anciens et donc plus authentiques. Ces manuscrits fournissaient tous un texte très clair sur l'ordre précis des Parshiyôth, contrairement au texte ambigu que nous possédons aujourd'hui.
- Il a observé la pratique des gens, donnant la priorité à ceux qui détenaient une chaîne de tradition ininterrompue, et qui suivaient donc depuis des générations très lointaines ce que l'on appelle le « Nousah `aras Yisro`él » (le rite Palestinien). En d'autres mots, il a rigoureusement analysé les données de chaque pratique, non pas pour donner un poids à chacune d'elles (contrairement à ce que font beaucoup de gens aujourd'hui, qui, plutôt que d'analyser la Halokhoh de façon objective, vont plutôt chercher à défendre leurs pratiques), mais pour déterminer laquelle d'entre elles était la plus authentique.
Il
est bien connu que les Juifs de Palestine du temps des Ri`shônim
avaient accès à des manuscrits originaux et très anciens du
Talmoudh, permettant de résoudre des passages très compliqués des
versions que nous possédons. C'est sur base de ces manuscrits
authentiques que de nombreux Ri`shônim, tels le Ri''f ז״ל ou le
Ramba''m, ont composé leurs ouvrages. Et dans ces manuscrits
palestiniens, tous affirment sans ambiguïté que l'ordre des
Parshiyôth des Tafillin suit l'ordre dans lequel ils apparaissent
dans la Tôroh, ce qui est tout à fait conforme à ce qu'on appelle
les « Tafillin de Rash''i ».
Comme
nous l'avons dit, le Ramba''m ne fut pas le seul à avoir eu accès à
ces manuscrits. En fait, c'était très courant pour les Ri`shônim
Safaradhim de se tourner vers ces manuscrits ou observer la pratique
des Juifs Palestiniens lorsqu'un passage des versions standards su
Talmoudh semblait impénétrable. Les `ashkanazim le faisaient
beaucoup moins, car il leur était plus compliqué d'y avoir accès.
Cela a permis au Ramba''m de résoudre ce conflit une bonne fois pour
toute. D'après de nombreux Pôsqim, c'est en réalité en raison de
cette Tashouvoh du Ramba''m que la pratique anciennement très
répandue de placer au milieu les Parshiyôth commençant par
« Wahoyoh » devint de plus en plus marginale.
Aujourd'hui, rares sont ceux qui la suivent encore. En fait, excepté
dans les milieux kabbalistes et hassidiques, peu de monde mettent
encore les Tafillin de Rabbénou Ta''m. C'est donc grâce au Ramba''m
que nous portons quasiment tous aujourd'hui les Tafillin de Rash''i,
et non celles de Rabbénou Ta''m.
C'est
un excellent exemple illustrant l'enseignement de nos Sages selon
quoi « La Tôroh n'est plus dans le ciel », c'est-à-dire
qu'il incombe à chacun d'utiliser sa raison et sérieusement
réfléchir et analyser un problème sous tous ses angles afin de
parvenir à la décision qu'il considérera comme étant la plus
appropriée et authentique, plutôt que de compter sur
d'hypothétiques révélations divines ou suivre comme un mouton les
pratiques des autres, sans avoir pris la peine de se pencher soi-même
sur le problème !
La
conclusion est donc qu'il ne sert absolument à rien de mettre les
Tafillin qui suivent l'ordre des Parshiyôth de Rabbénou Ta''m. Non
seulement celles qui suivent l'ordre de Rash''i suffisent, mais c'est
également le seul ordre possible et convenable d'un point de vue
halakhique. Mais si vous décidez de mettre les deux paires pour
néanmoins respecter également l'opinion de Rabbénou Ta''m, faîtes
alors preuve de cohérence, et investissez alors dans toutes les
différentes paires de Tafillin qui peuvent exister d'un point de vue
halakhique, et mettez-les chaque jour pour respecter tous les avis,
et pas seulement celui de Rabbénou Ta''m !
1Shamôth
13:1-10
2Ibid.,
versets 11 à 16
3Davorim
6:4-9
4Ibid.,
11:13-21
5Talmoudh,
Manohôth 34b
6Ibid.
7C'est-à-dire,
l'ordre des Parshiyôth dans la Tafilloh de la tête
8Dans
la première Barayatho`
9C'est-à-dire,
celui qui se tient devant la personne qui porte les Tafillin
10Sur
Manohôth 34b