בס״ד
Halokhoh
sur la chirurgie esthétique
Première Partie
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§
Introduction
Nous allons publier
deux articles sur la permissivité ou pas de subir une chirurgie esthétique. Pour
se faire, nous allons parcourir quatre Ṭashouvôth classiques
de quatre éminents Pôsaqim du 20ème siècle. Bien que la chirurgie
esthétique n’existait pas dans les temps bibliques et talmudiques, il existe de
très nombreux principes bibliques et talmudiques sur lesquels s’appuyer, et qui
sont disséminés à travers ces quatre Ṭashouvôth que nous
analyserons minutieusement de façon à obtenir une perspective large et complète
sur le sujet. Cela nous montrera à nouveau comment il est possible de trancher
sur des questions contemporaines tout en se basant sur des sources anciennes,
bien que la situation à laquelle nous sommes confrontés n’existait pas
forcément aux époques antérieures.
Nous présenterons
dans cette première partie les deux premières Ṭashouvôth sur le
sujet.
§
Horov Môshah Feinstein
On a demandé à Rov Môshah
Feinstein en 1964 s'il était permis à une jeune femme de subir une chirurgie
plastique afin d'améliorer ses chances de trouver un Shiddoukh approprié.[1] Rov Môshah a autorisé la
chirurgie sur la base de la définition du Rambo’’m ז״ל de l'interdiction
de חַבָּלָה « Ḥabboloh » (causer une blessure).[2] En général, la Ṭôroh interdit de blesser une autre personne[3] et la Gamaro`[4] déclare que cette
interdiction s'applique même au fait de se blesser soi-même. Le Rambo’’m écrit
que cette interdiction ne s'applique que lorsqu'elle est réalisée דֶּרֶךְ נִצָּיוֹן « de manière belliqueuse ».
Ceci est très significatif car cela indique que le Rambo’’m tranche
conformément à la position tannaitique selon laquelle il est interdit à un
individu de se blesser. Rov Môshah déduit donc du Rambo’’m (puisqu’il ajoute דֶּרֶךְ נִצָּיוֹן « de manière
belliqueuse ») que si la blessure est faite de manière bénéfique,
l'interdiction de Ḥabboloh (aussi bien pour les autres que pour soi-même) ne s'applique
pas. Un individu peut se blesser s'il le fait à son profit.
Rov Môshah cite
quatre sources talmudiques pour appuyer la décision du Rambo’’m. Premièrement,
la Gamaro`[5] rapporte que lorsque Rov Ḥisdo` ז״ל marchait au milieu d’épines, il relevait
son pantalon pour que sa peau soit écorchée plutôt que ses vêtements. Rov Ḥisdo` s’est justifié en expliquant que la peau se
guérit et se reconstitue, ce qui n’est pas le cas des vêtements. On voit ainsi que
l'interdiction de se blesser ne s'applique pas si cela ne se fait pas de
manière belliqueuse.
Deuxièmement, aussi
bien le ṬaNa’’Kh[6] que la Gamaro`[7] condamnent l'individu qui
a refusé de suivre l'ordre de Mikhoh Hannovi` (communiqué par Hashshém ית׳) de blesser le Novi`. Il fallait que Mikhoh
paraisse blessé pour mettre en avant un certain point dans une exhortation
qu'il adresserait au roi `aḥ`ov. Nous voyons ainsi que blesser dans un but positif (dans ce cas,
l'accomplissement du commandement divin) est permis car cela ne se fait pas de
manière belliqueuse. On pourrait cependant remettre en question cette preuve,
car un commandement divin semble suspendre une interdiction.
Troisièmement, la Gamaro`[8] déclare que l'on est
autorisé à effectuer une saignée sur son père. La Gamaro` cite le célèbre Posouq וְאָהַבְתָּ
לְרֵעֲךָ כָּמוֹךָ « aime ton semblable comme toi-même »[9] comme source de cette
décision. Rash’’i ז״ל explique : « Il nous est seulement interdit de faire aux
autres ce que nous ne voudrions pas que nous soit fait ». Rov Môshah
explique que les blessures bénéfiques telles que la saignée sont quelque chose
que tous les gens [prudents] veulent qu’on leur fasse si nécessaire et par
conséquent, cela n'est pas inclus dans l'interdiction de blesser les autres.
Nous voyons donc que les blessures à des fins bénéfiques sont autorisées.
Quatrièmement, la Mishnoh[10] parle de quelqu'un qui
avait un doigt supplémentaire et l'a retiré. Cette Mishnoh n'ajoute pas les
mots « même si l'on n'a pas le droit de le faire ». En
revanche, quelques Mishnoyôth plus tôt[11] il est fait mention de
celui qui vend sa vache à un Nôkhri, et la Mishnoh commente cependant « même
si l'on n'a pas le droit de le faire ». Ainsi, nous pouvons déduire
que la Mishnoh permet même Lakhaṭṭaḥilloh de retirer un doigt supplémentaire, car elle ne
condamne pas celui qui fait cela !
À la lumière de ces
preuves considérables, Rov Môshah tranche que la jeune femme est autorisée à
subir une chirurgie esthétique, car cela est fait pour son profit et avec son
consentement. La chirurgie plastique ne viole pas l'interdiction de Ḥabboloh car elle ne se fait pas de manière
belliqueuse.
Une question
importante, cependant, émerge de cette Ṭashouvoh de Rov
Môshah. Cette Ṭashouvoh constitue-t-elle une approbation générale de
la permissivité de la chirurgie esthétique dès lors qu'elle profite au patient
et est réalisée avec son consentement ? Ou peut-être que la décision
admissible de Rov Môshah ne s’applique que dans une situation où la chirurgie
est très nécessaire, comme dans le cas spécifique que Rov Môshah a jugé ?
Est-ce que Rov Môshah autoriserait une personne à subir une chirurgie oculaire
au Lasik afin d'éviter les inconvénients de porter des lunettes ou des
lentilles de contact ? Il n’est pas possible de répondre à ces questions
sur la seule base de cette Ṭashouvoh.
La décision de Rov
Môshah[12] concernant la possibilité
d'attacher une intraveineuse à une personne très malade pour éviter la
nécessité pour lui de manger à Yôm Kippour, pourrait être pertinente pour tenter
de répondre à ces questions. Parmi les raisons que Rov Môshah présente pour
interdire de fixer une intraveineuse à cette fin, il y a la préoccupation que
la permission divine de guérir ne s'applique pas à une telle circonstance.
Certaines informations générales sont nécessaires pour comprendre ce problème.
La Gamaro`[13] déduit du fait que la Ṭôroh[14] oblige une personne qui
blesse quelqu'un à payer ses factures médicales que « la Ṭôroh permet à un médecin de
guérir ». En l'absence d'une telle
autorisation, nous aurions pensé, expliquent les Ṭôsophôth, qu'il nous est interdit de guérir parce que nous
« donnerions l’impression de contredire le décret du Roi ». En
d’autres mots, on se serait dit que si la personne est tombée malade, c’est que
c’était la volonté de Hashshém et qu’il ne nous appartenait donc pas de tenter
de la soigner. La Ṭôroh enseigne, cependant, qu’il n’en est pas ainsi, et qu’en soignant un
malade nous ne contredisons pas la Volonté Divine, parce que le Roi qui a émis
le décret que l'individu tombe malade ou se blesse, est le même qui a également
permis aux médecins de guérir !
Rov Môshah suggère
que peut-être que la permission divine de guérir ne s'applique que pour
remédier à une maladie ou une blessure, mais pas pour permettre à un malade de
jeûner à Yôm Kippour. Peut-être que Rov Môshah pense également que Hashshém
nous permet de pratiquer la chirurgie esthétique uniquement lorsqu'elle est
effectuée en cas de grand besoin, mais pas lorsqu'elle est effectuée uniquement
pour des raisons de commodité. Il reste néanmoins difficile de déterminer
l’opinion de Rov Môshah sur ces questions à partir de ses Ṭashouvôth publiées.
§
Rov Ya´aqôv Breisch
On a également
demandé au Rov Ya´aqôv Breisch (qui vivait en Suisse et est décédé
en 1970) s'il était permis à une jeune femme de subir une chirurgie plastique
afin de redresser et de réduire la taille de son nez, afin de faciliter sa
recherche d'un Shiddoukh approprié.[15] Entre parenthèses, il
semble que Rov Môshah et Rov Breisch traitaient du même cas et que le Rov qui a
soumis la question à Rov Môshah l'a également soumise à Rov Breisch pour
décision (c'est une conjecture, car la réponse de Rov Breisch n'est pas datée
et les `iggarôth Môshah
n'identifient pas le questionneur).
Rov Breisch aborde
la question différemment de Rov Môshah. Au lieu de définir l'interdiction de Ḥabboroh, il cherche des précédents dans des œuvres
antérieures sur des blessures à des fins esthétiques. En effet, le style Litvaq
pour résoudre les problèmes halakhiques consiste à définir les paramètres de
l'interdiction ou de la Miṣwoh qui est abordée, tandis que le style des Pôsaqim de Galice est
de rechercher des précédents comparables à la question qu'ils abordent.
Rov Breisch cite la
décision du Shoulḥon ´oroukh[16] interdisant à quelqu'un
de retirer une épine enfoncée dans une partie du corps de son père, ou d'effectuer
une saignée à son père, ou de couper un membre de son père même s'il a
l'intention de le guérir. Le Ramo’’`[17] ז״ל ajoute que cela
n'est interdit que s'il y a une autre personne disponible pour effectuer ces
tâches. Cependant, si personne d'autre n'est disponible et que le père souffre,
il est permis au fils d'effectuer une saignée ou de lui couper un membre, dans
la mesure où le père y consent. Rov Breisch déduit du Ramo’’` qu'un médecin est
autorisé à couper un membre simplement pour soulager la douleur. Rov Breisch
suppose que le Ramo’’` accepte cela même pour un patient dont la vie n'est pas
en danger.
De plus, la Gamaro`[18] déclare qu'un homme est
autorisé à retirer les croûtes de son corps pour éliminer la douleur mais pas à
des fins d'embellissement. Rash’’i explique que retirer les croûtes à des fins
d'embellissement est interdit pour un homme car cela est considéré comme un
comportement féminin. Les Ṭôsophôth écrivent : « Si la seule douleur
dont il souffre est qu'il est gêné de marcher parmi les gens, alors c'est
permis, car il n'y a pas de plus grande douleur que cela ».
Rov Breisch observe
que les Ṭôsophôth élargissent
donc la définition de la douleur pour inclure la détresse psychologique. En
conséquence, Rov Breisch autorise la jeune femme à subir une chirurgie
plastique car elle est effectuée dans le but de trouver un Shiddoukh approprié.
L'incapacité de trouver un partenaire de mariage approprié est certainement
très pénible et l'interdiction de blesser ne s'applique pas à la chirurgie
esthétique effectuée pour résoudre ce problème.
De plus, Rov
Breisch aborde une question qui n'est pas abordée dans la Ṭashouvoh de Rov
Môshah, à savoir l'interdiction de se mettre en danger.[19] Le questionneur a cité du
Ṭashouvoh du `avné Nézar[20] (le `avné Nézar a vécu au
début du 20ème siècle) interdisant à un enfant de subir une
intervention chirurgicale pour redresser sa jambe tordue, en raison du danger
encouru.
Rov Breisch, en
retour, note que la Gamaro` à de nombreux endroits[21] autorise certaines
activités qui comportent un certain danger si les gens adoptent généralement un
tel comportement. (J’en avais moi-même fait mention dans l’article intitulé « Est-ce
interdit par la Halokhoh de fumer des cigarettes ? ».)
La Gamaro` enseigne que
si la société considère qu'une activité constitue un risque tolérable, il est
permis de se livrer à une telle activité. En conséquence, écrit Rov Breisch,
nous sommes autorisés à voyager dans une automobile et dans un avion malgré les
risques. De même, Rov Breisch explique que les risques associés à la chirurgie
ont considérablement diminué depuis l'époque du `avné Nézar. Il note
qu'aujourd'hui la société considère la chirurgie comme un risque tolérable et
est donc admissible à notre époque.
L’autorisation
explicite de Rov Breisch de subir une chirurgie plastique ne s’applique qu’à
une situation où il y a un grand besoin pour cela. Les précédents cités par Rov
Breisch ne permettent une Ḥabboloh que lorsque l'individu souffre physiquement ou
psychologiquement. En effet, c'est la position que Rov J. David Bleich[22] adopte comme normative.
Cependant, Rov Breisch n'interdit pas non plus explicitement la chirurgie
esthétique effectuée pour des raisons de commodité. Il n'aborde tout simplement
pas cette question.
À suivre…
[15] Ṭashouvôth Ḥalqath Ya´aqôv
3 :11 et Ḥôshan
Mishpot 31 dans les nouvelles éditions de cet ouvrage.
[19] Voir Shoulḥon ´oroukh, Yôréh Dé´oh
116 et Ḥôshan Mishpot 427.