jeudi 14 janvier 2021

Emission de semence en vain - Le Tour manipule la position du Rambo’’m

 

בס״ד

 

Emission de semence en vain : Une approche rationaliste

 


Le Tour manipule la position du Rambo’’m

 

Cet article peut être téléchargé ici.

 

Pour (re)lire :

·        La première partie

·        La deuxième partie

·        La troisième partie

·        La quatrième partie

·        La cinquième partie

·        La sixième partie

·        La septième partie

·        La huitième partie

·        La neuvième partie

·        La dixième partie

·        La onzième partie

·        La douzième partie

·        La treizième partie

 

Dans cet article, nous reviendrons sur le monde halakhique et verrons comment la conception de l'interdiction de la masturbation a évolué à mesure qu'elle est devenue codifiée dans les livres.

 

Ribbénou Ya´aqôv ban ˋoshér (le Riva’’ˋ, 1269-1343), également connu sous le nom du « Ba´al Hattourim », est célèbre pour être l'auteur du « ˋarbo´oh Tourim »  ou « Les Quatre Piliers ». Cette œuvre a été extrêmement influente dans le développement futur de la loi juive. Le format de cette œuvre est devenu le modèle de toutes les œuvres halakhiques majeures jusqu'aux temps modernes. L'un des aspects les plus importants du ˋarbo´oh Tourim était qu'il servait de pont qui unifiait les deux écoles primaires d'érudition halakhique qui commençaient à s'éloigner de plus en plus, à savoir les savants ashkénazes et séfarades. Le Riva’’ˋ est né à Cologne en Allemagne, mais a déménagé avec son célèbre père, le « Roˋ’’sh », en Castille en Espagne, il a donc bu dans les deux puits. Il était connu pour sa dépendance au Rambo’’m, mais aussi pour la manière dont il explique les opinions des Ṭôsophôth en cas de désaccords.

 

Un examen rapide du développement de la Halokhoh jusqu'à présent est important afin de comprendre la signification de cet article. Nous avons décrit comment le Rambo’’m comprenait les objections talmudiques à la masturbation. Le Rambo’’m avait essentiellement trois problèmes avec la masturbation :

1.     Si cette activité sexuelle a lieu afin de maintenir une relation sexuelle tout en se soustrayant à son obligation de procréer, même dans le cadre du mariage. Cela ne s'appliquait donc qu'à quelqu'un qui n'avait pas encore rempli son obligation de procréer ;

2.     Si c’est une activité sexuelle qui est faite intentionnellement comme méthode de gratification sexuelle en dehors du contexte du mariage, cela était appelé « Niˋouph Bayodh Ouvraghal ». Ceci, selon le Rambo’’m, est problématique parce que cela développe un environnement d'immoralité et de promiscuité, et marque un manque général de sainteté.

3.     Le troisième est que le Rambo’m, conformément à la pensée médicale de son époque, estimait généralement que trop d'activité sexuelle avait des risques pour la santé. Cela s'appliquerait même à trop de rapports sexuels avec son propre conjoint, même d'une manière tout à fait autorisée.

 

Ce qui n'était pas interdit par le Rambo’’m, c'était l'activité sexuelle, faite dans le contexte du mariage, qui entraîne une éjaculation hors du vagin ou ne peut pas entraîner une grossesse. De même, ce qui n'était pas interdit par le Rambo’’m, c'était la masturbation par un homme d'une manière qui n'entraînerait pas de promiscuité ou d'immoralité. (Cela ne signifie pas que le Rambo’’m approuvait ce comportement, car il désapprouvait fortement de se stimuler sexuellement de manière délibérée, et recommandait le mariage précoce et l'implication dans des activités plus saintes pour garder son esprit loin des pensées qui pourraient conduire au péché. Cela signifie simplement que d’un point de vue strictement halakhique il n'y a pas d'interdiction spécifique de « répandre de la semence »).

 

C'était aussi clairement l'opinion du Ṭôsophôth Ri’’d et du R’’i Hazzoqén, et la compréhension générale halakhique même pendant les premiers jours ˋ des asidhé ˋashkanaz tels que Ribbénou Yahoudhoh Haḥosidh.

 

Passons maintenant au Riva’’ˋ, que j'appellerai « le Tour » (abréviation de son ouvrage « ˋarbo´oh Tourim »). Le Tour, dans son style habituel, apporte des citations directes du Rambo’’m afin de présenter les opinions du Rambo’’m sur une question halakhique, puis il apporte les opinions dissidentes des savants ashkénazes et séfarades. Il écrit aussi souvent ses propres conclusions après avoir discuté des opinions du Rambo’’m et d'autres. En ce qui concerne notre sujet, la façon dont le Tour présente le Rambo’’m est très différente de la façon dont nous avons analysé le Rambo’’m dans nos articles précédents.

 

Il est remarquable, et même choquant, de noter comment, à travers de nombreux changements subtils, omissions et changements de contexte, le Tour présente le Rambo’’m sous un jour complètement différent. Je ne veux pas suggérer que le Tour a délibérément changé l’opinion du Rambo’’m, mais plutôt, le Tour écrivait après environ deux cents ans d'influence d'un changement radical dans la Halokhoh en ce qui concerne l'attitude envers la masturbation. Par conséquent, il a compris le Rambo’’m très différemment de nous, à la suite de cette influence.

 

Je ne mentionnerai que quelques-uns des points les plus importants, mais j'espère qu’ils seront suffisants pour montrer quels effets ces changements subtils dans la présentation du Tour de l’opinion du Rambo’’m ont eu sur le développement ultérieur de la Halokhoh :

 

1.     Le Tour place ces Halokhôth dans les lois de Parou Ourvou (procréation). Cela donne immédiatement l'impression que les lois du « déversement de semence » visent aussi bien les couples mariés que les hommes célibataires. Cela diffère du placement par le Rambo’’m de ces lois dans le Séphar Qadhoushshoh avec d'autres interdictions conçues pour aider à prévenir l'immoralité et la promiscuité.

 

2.     Le Tour, en citant le passage ci-dessous du Rambo’’m, fait un changement de mot subtil mais très important :[1]

 

Il est interdit d’émettre une couche de semence pour rien. C’est pourquoi un homme ne battra pas à l’intérieur pour vanner à l’extérieur. Et il n’épousera pas une mineure qui n’est pas apte à enfanter. En revanche, ceux qui adultèrent avec la main et émettent [ainsi] une couche de semence, non seulement il s’agit d’un grave interdit, mais celui qui le fait doit demeurer en isolement (de la communauté), et c’est concernant ces personnes qu’il a été dit : (Yasha´yohou 1:15) « Vos mains sont remplies de sangs » et ils sont comme s’ils avaient tué une personne.

אָסוּר לְהוֹצִיא שִׁכְבַת זֶרַע לְבַטָּלָה; לְפִיכָּךְ לֹא יִהְיֶה אָדָם דָּשׁ מִבִּפְנִים וְזוֹרֶה מִבַּחוּץ, וְלֹא יִשָּׂא קְטַנָּה שְׁאֵינָהּ רְאוּיָה לְוֶלֶד.  אֲבָל אֵלּוּ שֶׁמְּנָאֲפִין בַּיָּד, וּמוֹצִיאִין שִׁכְבַת זֶרַע--לֹא דַּי שְׁהוּא אִסּוּר גָּדוֹל, אֵלָא שֶׁעוֹשֶׂה זֶה בְּנִדּוּי הוּא יוֹשֵׁב; וַעֲלֵיהֶם נֶאֱמָר "יְדֵיכֶם, דָּמִים מָלֵאוּ" (ישעיהו א,טו), וּכְאִלּוּ הָרְגוּ נֶפֶשׁ

 

Le mot אֲבָל  « ˋavol » que j'ai traduit par « en revanche », a été insidieusement  remplacé par le Tour par un simple ו « Woˋw » conjonctif signifiant « et ». Bien que cela semble être un petit changement, il est en fait extrêmement important. Jusqu'à présent, nous avons compris le Rambo’’m comme discutant de deux catégories différentes, séparées par le mot אֲבָל  « en revanche ». Les deux premiers cas, le fait de retirer son pénis pour éjaculer en-dehors de la femme et le fait de se marier à une femme trop jeune car elle ne pourra pas tomber enceinte, étaient des problèmes parce que l’homme qui ferait cela serait dans l’incapacité d’accomplir la Miṣwoh de Parou Ourvou. Cependant, נִאוּף בְּיָד וּבְרֶגֶל « Niˋouph Bayodh Ouvraghal » (« adultère avec la main et avec le pied ») était un problème qui était interdit car cela conduirait à la promiscuité. (Rappelez-vous que le Rambo’’m a expliqué dans son Commentaire sur la Mishnoh que « Niˋouph Bayodh Ouvraghal » se réfère au fait d’avoir un contact sexuel avec d'autres femmes qui n'implique pas de rapports vaginaux. Cela n’est pas, comme le pensent certains, une expression se rapportant à la masturbation. Cela inclut, par exemple, le fait pour un homme de frotter avec son pied le corps d’une autre femme jusqu’à ce que cela l’amène à l’éjaculation, ou encore le fait pour un homme de pénétrer une autre femme avec ses doigts jusqu’à ce que cela l’amène à l’éjaculation. Dans les deux cas, il n’y a pas eu de pénétration vaginale avec le pénis, mais c’est néanmoins considéré être des actes immoraux, car à force cela amènera l’homme a rechercher de vraies relations sexuelles avec cette femme ou d’autres. C’est cela que l’on appelle « adultère avec la main et avec le pied ».) En changeant « en revanche » par « et » le Tour suggère que נִאוּף בְּיָד וּבְרֶגֶל « Niˋouph Bayodh Ouvraghal » ferait référence à la masturbation et s'appliquerait aussi bien aux couples mariés qu'aux célibataires, ce qui n’était pas le sens des propos du Rambo’’m. Et le fait que le Tour rapporte ce passage du Mishnéh Ṭôroh sans rapporter également le commentaire du Rambo’’m sur la Mishnoh où il explique le sens de l’expression נִאוּף בְּיָד וּבְרֶגֶל « Niˋouph Bayodh Ouvraghal » donne alors l’impression que le Rambo’’m parlait de la masturbation, alors que ce n’est pas le cas. C’est là une manipulation très grave !

 

3.     Le Tour ne cite pas le Rambo’’m qui a permis à un homme d'épouser une femme incapable de concevoir s’il a déjà accompli Parou Ourvou. C'était l'une des principales sources de preuves avec lesquelles le Rambo’’m a clairement expliqué ce qu'était l'interdiction de « Hôṣoˋath Zara´ - émission de semence ». Une relation sexuelle constante avec un conjoint, faite de manière à volontairement  éviter de remplir son obligation de procréer, c’est cela que le Ṭalmoudh condamne et qualifie d’émission de semence en vain (et là encore, il ne s’agit pas donc de la masturbation), car cela indique un mariage aux seules fins du plaisir sexuel. Le Tour laisse complètement de côté cette Halokhoh du Rambo’’m.

 

4.     Le Tour cite le Rambo’’m avec la nouvelle phrase supplémentaire qui n'était pas incluse dans les manuscrits originaux du Rambo’’m. Cette phrase a été volontairement ajoutée à la fin de la Halokhoh où le Rambo’’m autorise explicitement toutes sortes d'activités sexuelles avec son conjoint, et même d’embrasser et toucher son conjoint dans n’importe quel organe (y compris les parties génitales avec ses doigts et autres). La phrase frauduleusement ajoutée déclare : « tant qu’il ne répand pas de semence en vain ». Nous avons déjà discuté de cette phrase dans la septième partie de cette série d’articles, mais selon les manuscrits originaux, le Rambo’’m était clairement et sans ambigüité en train de permettre toutes les sortes d’activités sexuelles avec son conjoint même celles qui n'entraînent pas de grossesse, y compris les relations anales, buccales et d'autres pratiques, conformément au Ṭalmoudh qui les autorise explicitement en déclarant que de la même manière qu’un homme a le droit de manger sa viande ou son poisson comme il l’entend (bouilli, grillé, rôti, etc.), de même un homme peut faire avec sa femme ce qu’il désire au niveau sexuel (avoir des rapports sexuels est souvent comparé au fait de « manger », d’où cette illustration du Ṭalmoudh). L'insertion de cette phrase frauduleuse détruit complètement tout ce que le Rambo’’m disait juste avant.

 

5.     Le Tour interdit même à un homme marié de toucher son propre pénis, interdisant ainsi ce que le Ṭalmoudh et le Rambo’’m permettent explicitement. Tout cela était dû à sa peur que même un homme marié puisse se masturber.

 

La somme totale de tout cela (et de nombreux autres changements subtils que je n’ai pas rapportées afin de rester bref) est que le Tour présente le Rambo’’m comme s'il avait les mêmes positions que Ribbénou Ṭam. Il veut nous faire croire que pour le Rambo’’m, cette semence répandue est interdite même pour un couple marié, et qu’il y aurait une interdiction spécifique de répandre de la semence qui aurait son origine dans la Ṭôroh, comme Ribbénou Yônoh.

 

Le Tour reconnait cependant que le R’’i Hazzoqén autorisait expressément l'éjaculation extra-vaginale pour les couples mariés. Il présente donc le R’’i Hazzoqén comme une opinion dissidente (ce qui est faux). Le résultat final de la présentation du Tour est que nous avons l’opinion du puissant Rambo’’m qui est présentée comme si elle s'opposait à l’opinion isolée dissidente du R’’i Hazzoqén. Le Tour prétend donc trancher en faveur du Rambo’’m, étouffant essentiellement tout débat futur sur cette question !

 

Alors que le R’’i Hazzoqén dans notre analyse originale suivait simplement l'approche répandue et généralement comprise de ce sujet dans le Ṭalmoudh et le Rambo’’m, tout à coup le Tour l'a transformé en une opinion indulgente, isolée, dissidente et excentrique sans aucun soutien pour la soutenir. C’est ce genre de manipulation des écrits des anciens que nous avons à maintes reprises exposé et que nous continuerons à faire sur ce blog, chaque fois que l’occasion se présentera !

 

Comme nous le verrons dans le prochain article, le Béth Yôséph va aller plus loin et utiliser la Qabboloh pour éliminer complètement l'opinion du Ṭalmoudh, du Rambo’’m et du R’’i Hazzoqén et établir la falsification de l’opinion du Rambo’’m par le Tour en loi du peuple juif.



[1] Mishnéh Ṭôroh, Hilkôth ˋissouré Biˋoh 21 :18

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