jeudi 5 novembre 2020

Emission de semence en vain - L’opinion de Rash’’i

 

בס״ד

 

Emission de semence en vain : Une approche rationaliste

 


L’opinion de Rash’’i

 

Cet article peut être téléchargé ici.

 

Pour (re)lire :

·        La première partie

·        La deuxième partie

·        La troisième partie

·        La quatrième partie

·        La cinquième partie

·        La sixième partie

·        La septième partie

 

Maintenant que nous avons établi l'opinion du Rambo’’m ז״ל, il est temps de suivre comment une compréhension complètement nouvelle de « l'interdiction » de la masturbation est arrivée sur la scène halakhique, et a pratiquement remplacé la compréhension traditionnelle de la Ṭôroh et du Ṭalmoudh jusqu'à quelque part au milieu du 13ème siècle. Cependant, avant de commencer cette discussion, je crois qu'il est important d'expliquer que la compréhension du Rambo’’m n'était en aucun cas limitée au Rambo’’m. C'était, en réalité, la compréhension majoritairement répandue dans le monde rabbinique.

 

Par exemple, le Sama’’g ז״ל (Séphar Miṣwôth Godhôl - début du 13ème siècle), l’un des premiers ouvrages de la littérature halakhique ashkénaze écrit par Ribbénou Môshah de Coucy en France, démontre que la compréhension du Rambo’’m était répandue. Le Sama’’g cite la masturbation au cours de sa discussion sur les pratiques qui pourraient mener à une vie d'immoralité sexuelle. En général, les Rabbonim de cette époque, tant dans les pays ashkénazes comme la France, que dans les pays séfarades comme l'Espagne, conseillaient d'éviter les pratiques qui conduisent à mener une vie de recherche du plaisir sexuel. Parmi les interdictions énumérées avec la masturbation, il y a des choses comme le flirt, le fait de regarder les femmes avec envie, les attouchements, etc., et il a avancé que celui qui s'engage délibérément dans de telles pratiques pourrait en arriver à l'immoralité sexuelle. Telle était la compréhension générale, et elle était majoritairement acceptée.

 

La raison pour laquelle tout cela est important, c'est qu'il n'y a pas d'interdiction inhérente de « gaspiller la semence ». Si tel est le cas, alors lorsqu'un jeune homme ordinaire est excité, ce qui est tout à fait normal et courant, et qu'il gère cette excitation en se masturbant, aucun péché terrible ne s'est produit. Lorsqu'un couple aimant se livre à une activité sexuelle et qu'un homme éjacule en-dehors de la femme, aucun péché terrible ne s'est produit non plus. En fait, le couple ne s'est engagé que dans une activité amoureuse à laquelle on peut s'attendre d'un couple en bonne santé. Le problème est seulement quand on s'engage dans un style de vie qui ne recherche que la stimulation sexuelle, et quand on passe son temps à poursuivre de telles choses. Dans de tels cas, s'engager dans la masturbation tout en poursuivant l'immoralité est le sujet dont ces Rabbonim discutaient.

 

Il est également important de souligner que les opinions de ces Rabbonim et du Ṭalmoudh lui-même ont été exprimées dans un monde dans lequel les attitudes envers ce qui constitue l'immoralité sexuelle étaient très différentes de ce que nous trouvons aujourd'hui. La manière exacte d'appliquer ces idées dans les temps modernes devra attendre que nous terminions notre discussion halakhique.

 

·        Le concept nouveau : « détruire la semence »

 

L'un des érudits talmudiques et halakhiques les plus célèbres de tous les temps est Ribbénou Shalômôh ban Yiṣḥoq ז״ל, connu sous le nom de Rash’’i. Il était célèbre pour beaucoup de choses, mais au niveau littéraire, il est bien connu pour sa brièveté et sa capacité à transmettre de grandes idées en quelques mots. Tant de fois, des concepts talmudiques extrêmement difficiles sont expliqués par Rash’’i dans un court fragment de phrase simple qui parvient d'une manière ou d'une autre à tout éclairer. Parfois cependant, sa brièveté laisse également beaucoup de place à une interprétation ultérieure qui ne faisait originellement pas partie de sa pensée. Par conséquent, de nombreux livres ont été écrits et des discours talmudiques complexes expliquent sur des milliers de pages ce que voulait dire Rash’’i quand il a écrit ceci ou cela.

 

Il y a deux déclarations de Rash’’i qui ont complètement changé la compréhension halakhique de la masturbation pour le reste de l'histoire halakhique. Je dirai que franchement, je ne suis pas tout à fait sûr si telle était son intention, mais les quelques mots qu’il a employés ont suffit pour mettre le désordre dans la maison. Dans le commentaire de Rash’’i sur l’ouvrage halakhique de Ribbénou Yiṣḥoq `alphasi ז״ל (connu sous le nom du Ri’’ph) dans Shabboth Chapitre 14, page 108b, Rash’’i fait une de ses courtes déclarations d'explication. Le Ri’’ph lui-même cite la Gamoro` de Niddoh dont nous avons discuté tout ce temps, qu'il a presque certainement compris de la même manière que le Rambo’’m la comprenait. Le Ri’’ph mentionne la comparaison avec le meurtre, ce que presque tout le monde jusqu'à l'époque de Rash’’i comprenait comme signifiant deux choses, que 1) ne pas s'engager à avoir des enfants était similaire à un meurtre et 2) c'était censé paraître effrayant, et non littéral. Cependant, Rash’’i commente ce qui suit :

 

Ils (ceux qui se masturbent) détruisent (« Mashḥithim ») la semence qui pourrait devenir des enfants.

 

Rash’’i est, d’après les ignorants, le tout premier individu à employer l’expression de « destruction de semence » et à l’accoler à la masturbation. Mais nous verrons plus bas que c’est un dévoiement de ses propos.

 

Le deuxième commentaire de Rash’’i sur le sujet se trouve dans ses remarques sur Kathoubbôth 39a. Là, le Ṭalmoudh discute de la permission d'utiliser une forme de contraception appelée « Môkh », qui est une sorte d'éponge placée dans le vagin pendant les rapports sexuels pour servir de barrière, empêchant le sperme d’y entrer. Le Ṭalmoudh permet son utilisation lorsque la grossesse peut être un problème de santé pour la femme en question. La compréhension simple du texte est qu’on peut avoir des relations sexuelles avec sa femme même si elles ne permettront pas d’accomplir la Miṣwoh de la procréation. Rash’’i y déclare :

 

Ils sont autorisés à utiliser un « Môkh » et ils ne sont pas (considérés) comme s'ils détruisaient la semence.

 

La compréhension simple de Rash’’i, à mon humble avis, est qu'il fait également référence au souci que l'on est obligé d'accomplir la Miṣwoh de la procréation. Lorsqu'il utilise le terme « détruire la semence », il l’explique en réalité lorsqu'il déclare que « cela pourrait devenir des enfants ». En d'autres termes, il affirme la même compréhension que tout le monde avant lui, mais avec d’autres mots. La raison pour laquelle il choisit le terme הַשְׁחָתָה « Hashḥothoh » (destruction) est que dans l'histoire de `ônon telle que rapportée dans la Ṭôroh, ce terme est également utilisé :[1]

 

Mais `ônon savait qu’il ne ferait pas vivre pour lui une semence. Alors, lorsqu’il venait vers l’épouse de son frère il détruisait à terre pour ne pas donner de semence à son frère.

וַיֵּדַע אוֹנָן, כִּי לֹּא לוֹ יִהְיֶה הַזָּרַע; וְהָיָה אִם-בָּא אֶל-אֵשֶׁת אָחִיו, וְשִׁחֵת אַרְצָה, לְבִלְתִּי נְתָן-זֶרַע, לְאָחִיו

 

Par quel moyen `ônon détruisait-il sa semence au sol ? Rash’’i l’explique parfaitement bien dans son commentaire sur ce verset susmentionné :

 

Et il détruisait au sol : Il battait à l’intérieur mais vannait à l’extérieur.

וְשִׁחֶת אַרְצָה. דָּשׁ מִבִּפְנִים וְזוֹרֶה מִבַּחוּץ:

 

Reprenant mot pour mot l’expression métaphorique de « battre à l’intérieur et vanner à l’extérieur » qui se retrouve dans le Ṭalmoudh lui-même,[2] Rash’’i explique très bien que la destruction de `ônon consistait à introduire son pénis dans le vagin de Ṭomor (battre à l’intérieur) et à se retirer d’elle au moment de l’éjaculation. Ce n’est pas de la masturbation mais plutôt ce que l’on appelle le coït interrompu, qui est une forme de méthode contraceptive.

 

Cette destruction a toujours été comprise comme signifiant qu'en ne « construisant » pas le monde (c'est-à-dire en ayant des enfants), on est passivement engagé dans sa « destruction ». En d’autres mots, Rash’’i ne voulait PAS parler de la « destruction de la semence » mais de la « destruction du monde » ! Ce qui est une nuance essentielle. La raison pour laquelle il est difficile d'imaginer que Rash’’i parlait de la destruction de la semence elle-même, c'est parce qu'il y a tellement d'exemples dont nous avons discutés dans lesquels l'activité sexuelle et l'éjaculation sont autorisées même si la grossesse est impossible ! Raison pour laquelle, dans le deuxième commentaire de Rash’’i susmentionné, nous voyons clairement qu’il ne considère pas comme une destruction de la semence le fait d’utiliser un « Môkh » pour éviter une grossesse qui pourrait nuire à la santé de la femme. Les choses sont donc beaucoup plus nuancées qu’on nous le fait croire aujourd’hui !

 

Malheureusement, ce n'est pas ainsi que Rash’’i a été interprété par la plupart des autorités halakhiques depuis. Pour eux, Rash’’i essayait de nous enseigner qu'il y a une certaine interdiction littéralement de « gaspiller la semence » (alors qu’il dit explicitement le contraire dans son commentaire sur la Ṭôroh et le Ṭalmoudh, où on voit que ce n’est pas l’acte qui est criminel, mais l’intention pour laquelle on le fait, ainsi que le contexte dans lequel l’acte a eu lieu). Cette compréhension erronée de Rash’’i a tout révolutionné. D'autant que l'on ne trouve nulle part dans la Ṭôroh ou le Ṭalmoudh que « gaspiller la semence », c'est-à-dire, éjaculer du sperme en dehors du corps d'une femme, constituerait une sorte de problème. C’est ainsi qu’un tout nouveau péché est arrivé sur la scène halakhique !

 

Le petit-fils de Rash’’i, Ribbénou Ṭam, fut la prochaine étape dans le développement de ce nouveau concept. Nous analyserons son opinion dans notre prochain article et discuterons de l'influence fatale et terminale de Ribbénou Ṭam sur le développement futur du processus halakhique concernant la masturbation.



[1] Baré`shith 38 :9

[2] Yavomôth 34b

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