lundi 22 février 2021

Emission de semence en vain - L’influence du christianisme

 

בס״ד

 

Emission de semence en vain : Une approche rationaliste

 


L’influence du christianisme

 

Cet article peut être téléchargé ici.

Pour (re)lire :

·        La première partie

·        La deuxième partie

·        La troisième partie

·        La quatrième partie

·        La cinquième partie

·        La sixième partie

·        La septième partie

·        La huitième partie

·        La neuvième partie

·        La dixième partie

·        La onzième partie

·        La douzième partie

·        La treizième partie

·        La quatorzième partie

·        La quinzième partie

·        La seizième partie

 

J'ai évoqué à quelques reprises l'idée qu'au moins une partie de l'attitude négative halakhique envers la masturbation était le résultat d'une influence culturelle chrétienne et générale. J'ai plaidé dans le dernier article en faveur de l'adoption de l'approche du PMO (Paradigme Maïmonidien Orignal) sur la masturbation au lieu de l'approche du PSA (Paradigme du Shoulḥon ´oroukh). C’est quelque peu facile et gratifiant de mettre la faute sur les autres (les chrétiens) et d’exonérer les Juifs.

 

Mais je suis désolé de dire que dans ce cas, nous ne pouvons pas blâmer les chrétiens. Du moins pas le développement du PSA que j'ai décrit en détail auparavant. Le PSA a été fortement influencé par le Zôhar. Le Zôhar s'impose comme la condamnation la plus sévère de la pratique de la masturbation dans toute l'histoire religieuse humaine. C'était l'œuvre religieuse la plus complète, la plus zélée et la plus énergique dans le traitement du sujet, et le premier texte religieux à en discuter avec autant de détails.

 

Bien qu'il y ait des références et des condamnations de la masturbation éparpillées ici et là dans les écrits chrétiens à partir du deuxième siècle, cela ne semble pas avoir été particulièrement important pour les chrétiens jusqu'au milieu du 1 8ème siècle. Il existe des exceptions, comme le pape Léon II (né en 1002, décédé en 1054) qui a écrit durement à ce sujet, mais cela n'est jamais devenu une référence. Le monde antique se souciait peu du sujet. La grande obsession du sujet a vraiment commencé avec la publication d'un tract anonyme appelé « Onania » en Angleterre vers 1722.

 

C’est justement à ce moment-là que l'influence du monde chrétien et du monde universitaire a commencé à se faire sentir sur le monde juif. Il me semble que l'acceptation généralisée du PSA et les opinions strictes concernant la masturbation ont été aidées par la forte rhétorique anti-masturbation qui a envahi le monde chrétien, philosophique et scientifique à partir du début des années 1700. À partir de cette période, tant dans le monde protestant que catholique, l'onanisme est devenu synonyme de masturbation (alors que bibliquement parlant, cela n’a rien à voir comme nous l’avions démontré) et il est devenu accepté comme un péché terrible. Dans le monde philosophique, personnalité aussi influente qu'Emmanuel Kant a condamné fermement la pratique. Dans le monde scientifique, il est devenu admis à cette époque-là que la masturbation était à la fois le signe d'un trouble mental et la cause de toutes sortes de maladies physiques. Ce n'est qu'au milieu du 20ème siècle que ces idées ont commencé à changer, et la masturbation a commencé à être comprise comme une partie normale du développement sexuel.

 

La plus forte influence halakhique sur le judaïsme orthodoxe contemporain d'après la Seconde Guerre mondiale vient des traditions ḥassidiques de l'Europe de l'Est et du monde non ḥassidique de la Yashivoh de Lituanie. Ces deux traditions ont commencé et ont été nourries dans une culture environnante qui pensait que la masturbation était un signe de maladie mentale, qu'elle était médicalement malsaine et que c'était une abomination et une perversion pour lesquelles Hashshém a condamné à mort ´ér et ˋônon. Il n'est pas surprenant que les Pôsaqim et les maîtres du Mousor de l'époque n'aient pas prêté grande attention aux opinions du R’’i Hazzoqén et d'autres et aient accepté le paradigme du Shoulḥon ´oroukh. C’est en ce sens que l’on parle d’influences chrétiennes et générales.

 

Un indicateur que tel est le cas, est que les opinions exprimées par les partisans du PMO n'ont pas disparu immédiatement lorsque le Shoulḥon ´oroukh les a supprimées. Le PSA a mis un certain temps à s'implanter. Comme nous le verrons, immédiatement après la publication du Shoulḥon ´oroukh, de nombreuses autorités rabbiniques se sont opposées à la négation des opinions du R’’i Hazzoqén, du Ṭôsophôth Ri’’d et du Rambo’’m.

 

Il est logique qu'il n'ait pas été facile pour le Shoulḥon ´oroukh de supprimer l'opposition en omettant le R’’i Hazzoqén. Cette opinion représentait la position traditionnelle conforme au Ṭalmoudh, et non une opinion isolée. De nombreuses autorités halakhiques parmi les Riˋshônim (autorités halakhiques qui se sont succédées à partir de +/- l’an 1100 jusqu’à 1550) et les premiers ˋaḥarônim (autorités halakhiques qui se sont succédées à partir de +/- 1550 jusqu’à 1800) ont soutenu l'opinion du R’’i Hazzoqén. En voici quelques-uns : Ribbénou Môrdokhay ban Hillél Hakkôhén (Allemagne, 1250-1298, connu sous le nom du « Môrdokhay »)[1] ; Ribbénou Baṣalˋél ban ˋavrohom ˋashkanazi (Israël, 1520-1592)[2] ; Ribbénou ˋoshér ban Yaḥiˋél (« Le Roˋ’’sh » Allemagne puis Espagne, 1250-1327)[3] ; Ribbénou Méˋir Hakkôhén de Rothenburg (Allemagne, fin du 13ème siècle)[4] ; Ribbénou Yasha´yohou DiTrani « le plus jeune » (Italie fin 13ème - début du 14ème siècle)[5] ; Ribbénou Shalômôh Louriyoˋ (Pologne 1510-1573, « Le Maharsha’’l)[6] ; Rov ˋavrohom Ḥayyim Shour (Belz, Pologne fin 16ème, début du 17ème siècle)[7]. Tout ce qui précède et bien d’autres au moins soutiennent l’opinion du R’’i Hazzoqén comme une alternative viable à l’interdiction stricte de « répandre de la semence ».

 

C'est pour cette raison que le commentaire important sur le Shoulḥon ´oroukh, le Béth Shamouˋél (fin du 17ème siècle) nuance immédiatement la déclaration du Shoulḥon ´oroukh selon laquelle la masturbation serait le péché « le plus grave de la Ṭôroh » en disant que le Shoulḥon ´oroukh ne pensait pas vraiment ce qu’il a dit. (À mon humble avis, le Shoulḥon ´oroukh le pensait clairement, puisqu’il a trouvé dans le Zôhar à quel point ce « péché » était grave.)

 

Malgré cette opposition solide et robuste au PSA, dans les siècles qui ont suivi la publication du Shoulḥon ´oroukh, le PSA est finalement devenu le paradigme prédominant. Le PMO est retourné dans le passé presque comme s’il n'avait jamais existé. Au fur et à mesure que la communauté juive européenne (au moins d'Europe de l'Est) se développa en branches ḥassidiques et « lituaniennes » avant la Seconde Guerre mondiale, le PSA devint fermement ancré. Je crois que c'était en grande partie parce que la même chose se passait dans le monde extérieur. Pourquoi le monde juif ignorerait-il presque complètement une tradition majeure de la société générale et l'échangerait contre une autre ? De toute évidence, la pensée chrétienne, philosophique et médicale de l'époque concernant les « horreurs » de la masturbation dominaient la communauté juive de la même manière qu'elle dominait la pensée occidentale en général.

 

Donc, en conclusion, je ne crois pas que nous puissions blâmer « les autres » d'avoir imposé cette rigueur au judaïsme. Nous l’avions fait nous-mêmes en premier. Cependant, le fait que ce soit devenu le paradigme halakhique prédominant a été presque certainement fortement influencé par des facteurs extérieurs.

 

Le seul aspect positif auquel je puisse penser, c'est que peut-être l'inverse pourrait être vrai. Si l'aversion de la société générale pour la masturbation a contribué à nous pousser vers une attitude halakhique stricte, peut-être que la reconnaissance par la science moderne que la masturbation occasionnelle est normale peut nous ramener au paradigme halakhique original qui acceptait aussi en effet que cela est vrai. Peut-être. Peut-être. Avec l'aide de Hashshém et avec le bon sens et la force des sources de la Ṭôroh que j'ai citées dans cette série d’articles, cela peut peut-être fonctionner.

 

Merci d'avoir lu mes dix-sept articles sur ce sujet, je pense que je peux maintenant passer à d'autres tout aussi importants.



[1] Masakhath Niddoh, Haggohôth Môrdokhay 247 :744

[2] Shittoh Maqoubbaṣath Nadhorim 20b

[3] Ṭôsophôth Horoˋ’’sh, Yavomôth 34b

[4] Haggohôth Maymôniyôth, Hilkôth ˋissouré Biˋoh 21 :9

[5] Pisqé Ria’’z, Kathoubbôth 5

[6] Yam Shal Shalômôh, Yavomôth 34b

[7] Ṭôrath Ḥayyim, Sanhédhrin 54a

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