ב״ה
Étymologie
des mots dans la Langue Sainte
Le
sens du mot « Simhoh »
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article peut être téléchargé ici.
Poursuivons
notre analyse des termes intéressants apparaissant dans la
Maghillath ´astér ou étant en lien avec la fête de Pourim.
Nous
avions vu dans l'article intitulé « Les
autres Miswôth de Pourim – Le repas de fête et les dons aux
pauvres ». que le concept de « Simhoh »
était très présent et important pour les célébrations de la fête
de Pourim. Lorsqu'on pose la question de la signification du terme
« Simhoh », la quasi totalité des gens répondront
qu'il veut dire « joie ». Nous allons voir que ce n'est
pas là son unique définition.
שִׂמְחָה
« Simhoh »
provient de la racine שׂמח.
On forme le nom en ajoutant un ה,
comme c'est le cas pour d'autres mots renvoyant à des sentiments
comme אַהֲבָה
« `ahavoh
– amour », יִרְאָה
« Yir`oh
– crainte », ou encore חֶמְדָה
« Hamdhoh
– désir ». En plus de sa signification de « joie »
en général, dans l'Hébreu talmudique il a commencé à se référer
également à une « occasion/célébration joyeuse ». Il
existe également l’adjectif שַׂמֵחַ
« Saméah
– joyeux ». Mais quel est le sens-même de la racine שׂמח ?
Elle
est liée à l'Ougaritique
« shmh » (« être joyeux », « se
réjouir »), à l'Arabe « shamaha » (« était
élevé », « était fier »), et à l'Akkadien
« shamahou/samahou » (« germer »,
« fleurir »). Étant donné que dans l'Hébreu
authentique, les lettres שׂ
et צ
ont
un son quasiment identique (d'où la raison pour laquelle je
représente le צ
par
un s souligné – s -, afin de le distinguer du שׂ,
comme c'est également le cas chez les Safaradhim orientaux, par
exemple les Syriens, ou encore chez les Témonim et Irakiens,
contrairement à ceux qui le translittèrent « ts », ce
qui en fait une diphtongue, alors qu'il n'y a pas de diphtongue dans
la langue hébraïque, puisque chaque lettre ne constitue qu'un seul
son, et non une combinaison de deux sons ou plus. Voir également
l'article intitulé « L'Hébreu
Ancien », où nous avions montré qu'à l'origine, les
lettres שׂ
et ס
ne
constituaient en réalité qu'une seule et même lettre), la racine
שׂמח
est
en réalité également liée à la racine צמח,
qui signifie « germer », « pousser », ou
encore « surgir », un peu comme l'Akkadien
« shamahou/samahou ».
Lorsqu'on
sait tout cela, on a plus facile à comprendre certains versets dont
la traduction habituelle est problématique. Prenons pour exemple le
verset suivant1 :
`ôr
Saddiqim Yismoh Wanér Rasho´im Yidh´okh
|
אוֹר־צַדִּיקִים
יִשְׂמָח;
וְנֵר
רְשָׁעִים יִדְעָךְ
|
Ce
verset est communément traduit par « La
lumière des justes se réjouira, mais la lampe des méchants
s'éteindra ».
Cette erreur est basée sur le mythe couramment répandu selon quoi
la racine שׂמח
signifie
uniquement « se réjouir », « être joyeux ».
Mais cela n'a aucun sens ici ! Comment une lumière peut-elle
être joyeuse ? Et si le verset voulait dire que la lumière des
justes rendra joyeuse (les autres), Shalômôh Hammalakh ע״ה
aurait
alors employé le mot יִשַׂמֵחַ
« Yisaméah »
au lieu de יִשְׂמָח
« Yismoh ».
Certains traducteurs ont vu le problème que posait la traduction
susmentionnée, et n'ont rien trouvé de mieux que de complètement
transformer le verset, comme par exemple la Bible du Rabbinat, qui le
traduit de la manière suivante : « La
lumière des justes répand une joyeuse clarté; la lampe des
méchants est fumeuse »,
ce qui s'écarte totalement des propos de Shalômôh Hammalakh. En
fait, יִשְׂמָח
« Yismoh »
signifie ici « jaillira » (dans le sens de gagner en
intensité), et est donc proche de la signification de יִצְמָח
« Yismoh »,
qui signifie « jaillira », « surgira »,
« poussera ». D'ailleurs, Yônoh
`ibn Jon`oh,
un lustre grammairien hébreu du 11ème siècle, écrit que la racine
שׂמח
signifie
« augmenter », et le Mé`iri
ז״ל
commente
le verset susmentionné en disant qu'il signifie « la lumière
des justes augmentera chaque jour ». Ainsi, nous pouvons plus
correctement traduire par « La
lumière des justes augmentera, mais la lampe des méchant
s'éteindra ».
Mais les gens qui se bornent à traduire la racine שׂמח
comme
voulant uniquement dire « se réjouir » ne peuvent
percevoir le message que transmet ici Shalômôh Hammalakh.
J'ai
toujours dit qu'il existait un grave problème dans la manière dont
la Langue Sainte est enseignée de nos jours dans la plupart des
institutions religieuses. Les
enfants se font enseigner les bases du Loshôn Haqqôdhash à un très
jeune âge, dès le début de leur éducation religieuse formelle,
mais leurs enseignants prêtent très peu d'attention aux détails, à
la sagesse profonde, à la multiplicité des sens des mots, et à la
beauté presque mathématique inhérente au Loshôn Haqqôdhash. Je
donne moi-même des cours de Loshôn Haqqôdhash, et je suis frappé
de voir que des gens qui ont appris cette langue Divine depuis
l'enfance ne savent en réalité pas comment elle fonctionne, comment
elle est harmonieuse.
Une
autre signification de la racine שׂמח
est
« briller » (tout comme en Anglais, le verbe « to
brighten » peut signifier à la fois « rendre heureux »
et « éclairer »), comme la racine araméenne צמח.
Cela permet d'élucider un nombre important d'autres versets très
familiers, comme par exemple : יִרְאוּ
יְשָׁרִים וְיִשְׂמָחוּ
« les
gens intègres verront et seront radieux »2,
ou encore : אוֹר,
זָרֻעַ
לַצַּדִּיק;
וּלְיִשְׁרֵי־לֵב
שִׂמְחָה
« La
lumière est semée pour les justes, l'éclat pour ceux dont le cœur
est intègre »3.
Les traducteurs de la NJPS
connaissaient ce sens méconnu de la racine שׂמח,
et c'est pour cela qu'ils ont également traduit le verset de Mishlé
13:9 de la manière suivante : « La
lumière des justes sera radieuse, mais la lampe des méchant
s'éteindra »,
ce qui est tout à fait correct.
À
la lumière de tout cela, nous devons admettre qu'au fur et à mesure
du temps, des distinctions ont commencé à être faites en Hébreu
entre les racines שׂמח
et
צמח,
alors qu'à l'origine elles signifient la même chose, comme nous
pouvons le voir dans les autres langues sémitiques, comme l'Arabe ou
encore l'Akkadien. Aujourd'hui, la plupart traduisent par שׂמח
« se
réjouir » et צמח
par
« germer/pousser/grandir », alors qu'aucune différence
ne devrait être faite entre elles.
Tout
cela mit ensemble nous permet de comprendre qu'il existe un lien, et
même un jeu de mots, entre « la joie », « le
bonheur », « la lumière », et « l'éclat »,
dans les versets suivants de la Maghillath `astér4 :
Et la ville de
Shoushon se réjouit (Sohaloh) et fut joyeuse (Soméhoh).
Pour les Juifs, il y avait de la lumière (`ôroh), de la joie
(Simhoh), du bonheur et de l'honneur.
|
וְהָעִיר
שׁוּשָׁן,
צָהֲלָה
וְשָׂמֵחָה.
לַיְּהוּדִים,
הָיְתָה
אוֹרָה וְשִׂמְחָה,
וְשָׂשֹׂן,
וִיקָר
|
Ce
qui est remarquable dans ce verset, c'est que la racine שׂמח
peut
aussi bien signifier « se réjouir » que « briller »,
mais qu'il en est également de même pour la racine צהל,
que nous avons traduit ci-dessus par « se réjouit », et
qui signifie à la fois « briller » et « se
réjouir ». Il ne fait donc aucun doute qu'en associant ces
deux racines verbales dans le même verset, avec le mot אוֹרָה
« `ôroh »
(lumière), l'auteur de la Maghillath `astér était en train de
faire un jeu de mots servant à nous indiquer qu'ils ont tous le même
sens, qu'ils sont tous liés les uns aux autres.
Je
ne peux qu'inviter tout le monde à passionnément s'intéresser à
la Langue Sainte, qui est d'une richesse insoupçonnée pour
beaucoup. Et en vous penchant sur les sens multiples d'un même mot,
vous comprendrez que la traduction « traditionnelle »
n'est pas nécessairement la seule possible. D'ailleurs, de nombreux
versets ont un sens totalement différent lorsqu'ils sont rapportés
dans le Talmoudh, et plusieurs Sages pouvaient comprendre un même
verset de diverses manières, grâce, précisément, à la richesse
de la Langue Sainte. Un texte ne doit jamais être limité à un seul
sens. C'est la Parole de Dieu, et Dieu étant infini, Sa Parole revêt
des significations infinies, et selon les contextes et les situations
un sens sera plus approprié qu'un autre.
1Mishlé
13:9
2Tahillim
107:42
3Ibid.,
97:11
4`astér
8:15-16