ב״ה
Y
a-t-il en soi une obligation de lire deux fois la Maghilloh ?
Cet
article peut être téléchargé ici.
Il
est une Miswoh de la lire intégralement, et la Miswoh
consiste à la lire durant la nuit et durant la journée. Toute la
nuit est valable pour la lecture de la nuit, et toute la journée
est valable pour la lecture de la journée.
|
מִצְוָה
לִקְרוֹת אֶת כֻּלָּהּ.
וּמִצְוָה
לִקְרוֹתָהּ בַּלַּיְלָה,
וּבַיּוֹם;
וְכָל
הַלַּיְלָה כָּשֵׁר לִקְרִיאַת
הַלַּיְלָה,
וְכָל
הַיּוֹם כָּשֵׁר לִקְרִיאַת הַיּוֹם
|
L'homme
a l'obligation de lire la Maghilloh durant la nuit, et de la
répéter durant la journée. [Concernant la lecture] de la nuit,
sa plage horaire s'étend sur toute la nuit. [Concernant la
lecture] de la journée, sa plage horaire s'étend sur toute la
journée, à partir du lever du soleil jusqu'à la fin de la
journée. Mais si on a [commencé à] la lire à partir de l'aube,
on est quitte.
|
חייב
אדם לקרות המגילה בלילה ולחזור ולשנותה
ביום.
ושל
לילה – זמנה כל הלילה,
ושל
יום – זמנה כל היום,
מהנץ
החמה עד סוף היום;
ואם
קראה משעלה עמוד השחר – יצא
|
La
plupart des rabbins d'aujourd'hui considèrent comme allant de soi
que l'on doit lire deux fois la Maghilloh à Pourim ; une
première fois la veille au soir, et une seconde fois le lendemain
matin. Mais nous verrons qu'historiquement et halakhiquement parlant,
ce n'est pas forcément correct. Quant au Ramba''m et à Rabbi Yôséf
Qa`rô, nous avons déjà rapporté dans divers articles qu'il ne
convenait pas de trancher la Halokhoh uniquement sur base de leurs
ouvrages (Mishnéh Tôroh et Shoulhon ´oroukh), mais qu'il
était plutôt un devoir de toujours rechercher les sources
talmudiques sur lesquels ils s'appuient et vérifier par soi-même si
la Halokhoh talmudique est réellement conforme à ce qu'ils
tranchent.3
Et nous allons voir qu'en lisant le Talmoudh, il ressort que lire
deux fois la Maghilloh n'est pas forcément la Halokhoh.
Nous
lisons ceci dans la Mishnoh4 :
On
ne peut lire la Maghilloh, ni faire la circoncision, ni
s'immerger [au Miqwah], ni asperger [avec les eaux de la vache
rousse5],
et de même la femme observant chaque jour son état de pureté
ne s'immergera pas, avant le lever du soleil. Et tous, si on
les a faits dès l'aube, c’est valable.
|
|
[Pendant]
tout le jour, c’est valable de lire la Maghilloh, de lire le
Hallél, de sonner le Shôfor6,
de prendre le Lôlov7,
de réciter la Tafillath Hammousofin8,
de [sacrifier] les Mousofin, de réciter la confession [qui
accompagne le sacrifice] des taureaux [expiatoires]9,
de réciter la confession [qui accompagne] le Ma´asér10,
de réciter la confession de Yôm Hakkippourim, de poser les
mains11,
de faire l’égorgement [d’un animal], le balancement [du
´^omar12],
l’approche [de l’offrande de farine], sa prise en une
poignée pleine, sa combustion, l’égorgement des
tourterelles et colombes13,
la réception14,
la projection15,
faire boire la femme Sôtoh16,
briser la nuque de la génisse17,
et la [cérémonie de] purification du Masôro´ |
כָּל
הַיּוֹם כָּשֵׁר לִקְרִיאַת הַמְּגִלָּה,
וְלִקְרִיאַת
הַהַלֵּל,
וְלִתְקִיעַת
שׁוֹפָר,
וְלִנְטִילַת
לוֹלָב,
וְלִתְפִלַּת
הַמּוּסָפִין,
וְלַמּוּסָפִין,
וּלְוִדּוּי
הַפָּרִים,
וּלְוִדּוּי
הַמַּעֲשֵׂר,
וּלְוִדּוּי
יוֹם הַכִּפּוּרִים,
לִסְמִיכָה,
לִשְׁחִיטָה,
לִתְנוּפָה,
לְהַגָּשָׁה,
לִקְמִיצָה
וּלְהַקְטָרָה,
לִמְלִיקָה,
וּלְקַבָּלָה,
וּלְהַזָּיָה,
וּלְהַשְׁקָיַת
סוֹטָה,
וְלַעֲרִיפַת
הָעֶגְלָה,
וּלְטָהֳרַת
הַמְּצֹרָע
|
La
Mishnoh nous dit que la lecture de la Maghilloh doit se faire en
journée, de préférence après le lever du soleil, bien que si on
l'a faite à partir de l'aube c'est valable. Puis, elle énumère
toute une liste d'activités ne pouvant se réaliser qu'en journée,
et la lecture de la Maghilloh y est inclue. La Gamoro`18
se demande si le fait que cette Mishnoh ne dise rien sur une lecture
nocturne de la Maghilloh peut être considéré comme une réfutation
de la position de Rébbi Yahôshoua´ ban Léwi ז״ל
(que
nous analyserons plus bas), qui a tranché que la Maghilloh devait
être lue la nuit et relue durant la journée. Mais la Gamoro` avance
que l'on pourrait tout à fait répondre que la Mishnoh ne voulait
parler que de la lecture de la Maghilloh en journée.
Mais
cette réponse de la Gamoro` ne résout absolument pas le problème.
Même si cette Mishnoh ne voulait traiter que de la lecture en
journée, ou plus généralement des Miswôth
devant se réaliser en journée, la Mishnoh suivante19
traite des Miswôth
devant se réaliser la nuit, et aucune mention n'est faite de la
lecture de la Maghilloh, indiquant clairement que la lecture de la
Maghilloh n'est pas une Miswoh
que l'on peut accomplir la nuit ! Une plus grande réfutation
contre cette Gamoro` se trouve dans la Tôsafto` qui, comme la
Mishnoh, sous-entend clairement qu'il n'y a qu'une seule lecture de
la Maghilloh à Pourim, et déclare explicitement que cette Miswoh
ne doit pas s'accomplir la nuit20 :
קראה
בלילה לא יצא ידי חובתו
« Celui
qui la lit durant la nuit n'est pas quitte de son obligation ».
Il ressort donc que durant toute la période tannaïque, il n'y avait
pas de lecture nocturne de la Maghilloh, et que la position de Rébbi
Yahôshoua´ ban Léwi était une innovation.
Son
raisonnement est traité dans la Gamoro` de la manière suivante21 :
Et Rébbi
Yahôshoua´ ban Léwi a dit : L'homme a l'obligation de lire
la Maghilloh durant la nuit, et de la répéter durant la journée,
car il est dit22 :
« Mon Dieu, j'appelle de jour et Tu ne réponds pas ;
de nuit, et il n'est pas de trêve pour moi »
|
ואריב"ל
חייב אדם לקרות את המגילה בלילה ולשנותה
ביום שנאמר אלהי
אקרא יומם ולא תענה ולילה ולא דומיה לי
|
La
Gamoro` poursuit en disant que ses disciples prirent cet enseignement
comme voulant dire que la Maghilloh devait être lue durant la nuit,
et que la Mishnoh qui s'y rapportait (à savoir, le Traité
Maghilloh) devait être étudiée durant la journée. En effet, le
verbe לשנותה
« Lishnôthoh »,
que l'on a traduit ici par « la répéter », peut
également se comprendre par « l'étudier », comme dans
la célèbre maxime23 :
תנא
דבי אליהו:
כל
השונה
הלכות בכל יום מובטח לו שהוא בן עולם הבא
« Tono`
Dhavé `éliyohou : Kol Hashônah
Halokhôth Bakhol Yôm Mouvtah
Lô Shahou` Ban Ho´ôlom Habbo` - Il a été enseigné par l’École
de `éliyohou : Quiconque étudie
des Halokhôth chaque jour s'assure d'être un fils du
Monde-à-Venir ». Mais Rébbi Yirmayoh ז״ל
leur
a répondu qu'il a entendu de Rov Hiyo`
bar `abbo` ז״ל
que
le terme « Lishnôthoh » avait ici le sens de
« répétition », et non pas d'étude, et donc, que Rébbi
Yahôshoua´ ban Léwi voulait dire que la lecture de la Maghilloh
devait être répétée en journée.
Ce
dernier base sa décision sur une lecture homilétique d'un verset
tiré du Tahillim
22,
que la tradition homilétique associe à l'histoire de Pourim. En
d'autres mots, ce n'est qu'une `asmakhto`, et une déduction
personnelle de Rébbi Yahôshoua´ ban Léwi. De la réaction de ses
disciples, qui pensaient qu'il voulait dire que la Maghilloh devait
être lue durant la nuit et que les Mishnoyôth du traité Maghilloh
devaient être étudiées en journée, nous pouvons aisément voir
qu'une double lecture de la Maghilloh, la nuit et en journée,
n'était pas une pratique connue. Et du fait qu'il a fallu attendre
la génération suivante des `ammôro`im (Rébbi Yirmayoh et Rébbi
Halbô
ז״ל)
pour clarifier et confirmer qu'il devait y avoir deux lectures de la
Maghilloh démontre que le doute à longtemps subsisté quant au sens
à donner aux propos de Rébbi Yahôshoua´ ban Léwi, car le
Sanhédhrin n'a jamais institué deux lectures, mais une seule.
Le
Touré `avan ז״ל
(Rabbi
`aryéh Leib Gunzberg, 1695-1785) fut le tout premier talmudiste de
premier plan à admettre que la lecture nocturne de la Maghilloh
pourrait ne pas du tout faire partie des lois originelles de Pourim.
Sa conclusion fut que la lecture en journée est requise Middivré
Sôfrim (par décret de nos Sages qui existaient du temps des
événements de Pourim), tandis que la lecture nocturne n'est qu'une
institution rabbinique d'une origine tardive.24
Mais il fut loin d'être le seul. Le Nôdha´ BiYhoudhoh ז״ל
(Rabbi
Yahazqé`l
ban Yahoudhoh Landau, 1713-1793) soutenait exactement la même
position que lui.25
Le
Minhath
Bikkourim ז״ל
(Rabbi
Shamou`él `avighdôr de Karlin, 1806-1866) alla plus loin encore, en
déclarant ouvertement que la lecture nocturne de la Maghilloh suit
de plusieurs siècles l'institution de la fête de Pourim.26
Le Pari Maghadhim ז״ל
(Rabbi
Yôséf ban Mé`ir Ta`ômim, 1727-1792) soutient la même chose.27
Le
Binyan Shalômôh ז״ל
(Rabbi
Shalômôh Hakkôhén de Wilno`, 1828-1905) alla plus loin encore, et
affirma que la lecture nocturne n'était pas même une obligation
rabbinique, mais la simple institution de Rébbi Yahôshoua´ ban
Léwi.28
En d'autres mots, il n'existe pas même une obligation rabbinique de
lire deux fois la Maghilloh, qui est une pratique basée sur une
opinion personnelle.
Le
Pané Yahôshoua´ ז״ל
(Rabbi
Ya´aqôv Yahôshoua´ ban Savi
Hirsch Falk, 1680-1756) explique que la lecture principale de la
Maghilloh est celle qui a lieu en journée, car c'est en journée que
la victoire miraculeuse des Israélites a eu lieu (les batailles ne
sont pas livrées durant la nuit). Il définit la lecture nocturne
comme n'étant qu'une « simple Miswoh »,
c'est-à-dire, quelque chose que l'on fait juste comme ça, par
habitude, par coutume.
Le
Har Savi
(Rabbi Savi
Pésah
Frank, 1873-1960) rejeta toutes les preuves historiques avancées par
le Binyan Shalômôh et d'autres, et écrit ceci :
Il est difficile
de dire que du temps de Mordokhay et `astér, et tout au long de la
période du Deuxième Béth Hammiqdosh et durant l'ère tannaïque,
ce qui fait plus de 600 ans, la Maghilloh n'était pas lue la nuit.
Est-il possible que durant les glorieuses années de Jérusalem
aucune autorité ne trouva sage de légiférer cette ordonnance, mais
que durant l'ère qui suivit la destruction [de Jérusalem] les Sages
estimèrent nécessaire de le faire ?
Pour
défendre l'antiquité de la lecture nocturne de la Maghilloh, le Rov
Frank avance comme argument qu'aucun des Ri`shônim n'a même jamais
mentionné l'origine tardive de cette pratique29,
et cite même deux Ri`shônim (le Ra''n ז״ל
et
le Ritva''` ז״ל)
qui croyaient que la lecture nocturne était une pratique remontant
aux époques même de Mordokhay et `astér.
Les
arguments qu'il avance sont complètement vides de sens. Le fait
qu'aucun des Ri`shônim n'ait suggéré que la lecture nocturne de la
Maghilloh était d'une origine tardive, n'est une preuve de rien ;
ces Ri`shônim étaient des Pôsqim, pas des historiens ! En
outre, tout le raisonnement du Rov Frank est biaisé, et ne prend pas
en compte les preuves historiques des Pôsqim précédemment
mentionnés, puisqu'il commence son analyse en rejetant d'entrée la
possibilité que cette pratique ait pu se développer au fur et à
mesure du temps (ce qui est pourtant un fait discernable à partir
des sources talmudiques elles-mêmes). Ainsi, avant même de se
pencher sur les preuves, il commence par dire דבר
זה קשה לאומרו
« il
est difficile de dire une telle chose ». Il n'y a aucune
objectivité dans sa démarche !
Bien
que Rébbi Yahôshoua´ ban Léwi soit la source la plus ancienne
pour l'exigence de lire la Maghilloh durant la nuit, certaines
sources suggèrent clairement, contrairement à ce qu'avance le Rov
Frank, que l'on a progressivement évolué d'une absence totale de
lecture nocturne vers une lecture nocturne quasiment obligatoire.
- Lectures nocturnes partielles
Dans
le traité Sôfrim30,
après avoir cité la déclaration de Rébbi Yahôshoua´ ban Léwi,
il est fait mention du fait que certaines communautés avaient la
coutume de lire la moitié de la Maghilloh la nuit du premier
Shabboth du mois de `adhor, et la seconde moitié de la Maghilloh la
nuit du deuxième Shabboth du mois de `adhor. Le traité Sôfrim
ajoute que Rébbi Mé`ir ז״ל
s'opposa
à cette pratique jusqu'à ce qu'on lui expliqua que les gens le
faisaient afin de glorifier Dieu, et non pas afin d'accomplir
l'obligation halakhique de lire la Maghilloh.
Nous
pouvons donc voir que les gens étaient conscients du fait que lire
la Maghilloh de nuit ne permettait pas d'accomplir son devoir !
C'est pour cela qu'ils le faisaient juste pour glorifier Dieu, et
s'acquittaient donc de leur devoir uniquement au moment de la lecture
de la Maghilloh ayant lieu la journée de Pourim.
- Lecture nocturne à Sepphoris
Une
seule fois dans sa vie, Rébbi Yôhonon
ban Nouri ז״ל
lut
la Maghilloh durant la nuit à Sepphoris. Rébbi Yôsé ז״ל
tenta
de démontrer, à partir de cet épisode, que l'exigence halakhique
de lire la Maghilloh pouvait s'accomplir la nuit du 14 `adhor. Mais
les Sages lui répondirent que rien ne devait être déduit de cet
épisode, parce que cela s'était produit à une période de
persécutions, durant laquelle les préceptes religieux étaient
réalisés même de façon non conformes à la Halokhoh, car mieux
valait faire quelque chose plutôt que rien du tout.31
Cet
épisode s'est produit en 117 de l’Ère Courante, lorsque les
répercussions tragiques de la révolte avortée des Juifs de la
diaspora se ressentirent jusqu'en Judée sous la domination du
général Romain, Lusius Quietus. Nous voyons là encore que les
Sages étaient catégoriquement opposés à une lecture nocturne de
la Maghilloh, mais qu'ils ne le permirent cette année-là qu'en
raison de la situation particulière dans laquelle les Israélites se
trouvaient.
- La décision de Rébbi Haninoh
Le Talmoudh
Yarousholmi32
rapporte une déclaration halakhique qui est très similaire de celle
émise par Rébbi Yahôshoua´ ban Léwi :
´oulloh
Biriyoh, Rébbi La´ozor au nom de Rébbi Haninoh :
Celui qui en a l'habitude doit la lire durant la nuit, et la
répéter durant la journée
|
עולה
בירייה ר'
לעזר
בשם ר'
חנינה
רגיל צריך לקרותה בלילה ולשנותה ביום
|
Deux
mots sont d'une grande importance et font toute la différence avec
la position de Rébbi Yahôshoua´ ban Léwi : רגיל
« Raghil »
(avoir l'habitude) et צריך
« Sorikh »
(doit). Rébbi Haninoh
ז״ל
n'impose
la lecture nocturne de la Maghilloh qu'à ceux qui avaient déjà
l'habitude de le faire, tandis que Rébbi Yahôshoua´ ban Léwi
l'applique à tout le monde. Cependant, Rébbi Haninoh
emploie le mot צריך
« Sorikh »,
qui est beaucoup plus faible que le terme חייב
« Hayyov »
employé par Rébbi Yahôshoua´ ban Léwi en matière d'obligation
religieuse, et indique qu'il n s'agit pas là d'une obligation
halakhique, contrairement à la position de Rébbi Yahôshoua´ ban
Léwi, mais d'une pratique admissible que l'on peut perpétuer.
Nous
voyons que dans les temps mishnaïques, au 2ème siècle de l'E.C.,
certaines
communautés lisaient la Maghilloh la nuit, soit en raison des
persécutions qui empêchaient les rassemblements en journée, soit
en guise de coutume, mais certainement pas comme une obligation
halakhique. À un certain moment, la pratique s'étant déjà
répandue, certains
Sages, tel que Rébbi Haninoh,
approuvèrent cette pratique, et dirent que ceux qui s'étaient déjà
habitués à le faire pouvaient continuer à lire la Maghilloh la
nuit de Pourim. Enfin, Rébbi Yahôshoua´ ban Léwi déclara que
l'entièreté de la communauté juive devait adopter la pratique de
la lecture nocturne de la Maghilloh. Mais même là, il exista une
ambiguïté sur ses propos, qui pouvaient être compris soit comme
voulant dire que la Maghilloh devait être lue la nuit, puis étudier
en journée les Mishnoyôth du traité Maghilloh, soit comme voulant
dire que la Maghilloh devait être lue la nuit, puis lue à nouveau
en journée (car c'est réellement en journée que la Miswoh
s'accomplit. Par conséquent, la lecture nocturne ne suffit pas). Une
génération plus tard, il fut acquis que la Maghilloh devait être
lue deux fois, une première fois la nuit et une deuxième fois en
journée. Mais avant cela, il aurait été inimaginable d'observer la
fête de Pourim durant la nuit. D'ailleurs, au fur et à mesure que
la coutume de la lecture nocturne se répandit, les gens commencèrent
également à tenir leur repas de Pourim la nuit, alors que la
Halokhoh exige qu'il ait lieu en journée, puisque c'est en journée
que se sont produits les événements de Pourim. C'est la raison pour
laquelle Ravo` ז״ל
trancha
au 4ème siècle que quiconque prenait son repas de Pourim la nuit du
14 `adhor n'était pas quitte de son obligation.33
Une Halokhoh que la quasi totalité des Juifs ne respectent pas !
Étrange ! N'en déplaise donc au Rov Frank, nous avons démontré
que la lecture de la Maghilloh n'était pas faite de nuit du temps de
Mordokhay et `astér, mais que cela fut instituée beaucoup plus tard
par des phases successives, et qu'il est raisonnable de conclure que
cette lecture nocturne n'est pas halakhique en elle-même, mais tout
au plus une pratique acceptable, de sorte que celui qui ne lit pas la
Maghilloh la nuit de Pourim, mais uniquement en journée, ne
transgresse absolument pas la Halokhoh.
Ce
qui est dramatique, est le fait que la lecture nocturne de la
Maghilloh est devenue le principal moyen d'observer la fête de
Pourim. En effet, les synagogues sont généralement beaucoup plus
remplies pour la lecture nocturne de la Maghilloh qu'elles ne le sont
pour la lecture du lendemain matin, alors que c'est cette dernière
lecture qui est obligatoire d'après la Halokhoh. De même, les repas
de la nuit de Pourim sont beaucoup plus copieux que ceux de la
journée de Pourim, alors que la Halokhoh interdit de prendre son
repas de fête la nuit de Pourim ! (Même le Ramba''m tranche
que celui qui prend son repas de fête la nuit de Pourim n'accomplit
pas la Miswoh34,
conformément au Pasaq de Ravo`.)
Reconnaître
le fait que la lecture nocturne de la Maghilloh est une évolution
tardive est la clef pour répondre à une question qui a beaucoup
troublé les Ri`shônim. Puisque la lecture nocturne est la première
fois que la Maghilloh est lue à Pourim, la bénédiction de שהחיינו
« Shahahayonou »
doit être faite avant cette lecture. La logique voudrait qu'elle ne
soit pas répétée lors de la lecture du lendemain en journée,
puisqu'à ce moment-là, la Miswoh
n'est plus nouvelle (étant donné qu'elle avait été accomplie la
veille au soir). Et pourtant, le Talmoudh ne fait aucune distinction
entre la nuit et le jour au niveau des bénédictions à faire avant
la lecture.35
La question qui se pose est pourquoi ce silence ?
Les
Ri`shônim Safaradhim, tel que le Ramba''m, tranchent que
« Shahahayonou »
n'est pas récité avant la lecture qui se fait en journée.36
À l'inverse, les Ri`shônim `ashkanazim disent qu'il faudrait le
réciter également en journée. Remarquant la contradiction et le
problème sous-jacent, le Rashba''m ז״ל
(Rabbénou
Shamou`él ban Mé`ir, 1085-1158), qui est pourtant un `ashkanazi,
trancha que la Halokhoh suivait l'avis des Safaradhim. Son jeune
frère, Rabbénou Ta''m ז״ל
(Rabbénou
Ya´aqôv ban Mé`ir, 1100-1171) tenta de justifier la pratique
ashkénaze en avançant comme théorie que la lecture en journée est
la méthode principale pour publier plus grandement le miracle,
tandis que la lecture nocturne est la méthode secondaire.37
(Explication qui ne tient non seulement pas la route, mais qui est en
plus contredite par le fait qu'il y a plus de gens la nuit que le
jour dans les synagogues pour la lecture de la Maghilloh.)
D'un
point de vue historique, il est facile de comprendre ce qui s'est
passé et d'où provient le problème. Avant que la pratique de lire
la Maghilloh la nuit de Pourim ne se développa, « Shahahayonou »
n'était récitée qu'avant la lecture de la journée, puisque la
Maghilloh n'était pas lue de nuit. Après que la pratique de la
lecture nocturne se développa et se répandit, il devint nécessaire
de réciter « Shahahayonou »
la nuit, rendant ainsi la lecture en journée superflue. En effet,
d'après les règles relatives aux bénédictions faites en vain, il
est raisonnable d'arguer qu'il doit être interdit de réciter
« Shahahayonou »
en journée si on l'a fait la nuit. C'est pour cela que les
Safaradhim interdisent la récitation de « Shahahayonou »
en journée, et cela démontre, même malgré les Safaradhim, que la
Halokhoh n'impose en réalité qu'une
seule lecture de la Maghilloh.
Par contre, chez
les `ashkanazim, en dépit de la protestation du Rashba''m, la
bénédiction fut maintenue, non pas pour de bonnes raisons, ni même
pour des considérations halakhiques, mais simplement parce qu'il est
difficile de retirer des bénédictions à la liturgie une fois que
les gens se sont habitués à les faire. La théorie aberrante de
Rabbénou Ta''m est simplement une tentative désespérée de
justifier une pratique qui ne s'est développée qu'à la suite
d'incidents historiques.
Enfin,
lire la Maghilloh de nuit pose un problème par rapport aux autres
Miswôth
de Pourim, qui ne peuvent se réaliser qu'en journée. Il n'y a
aucune raison que la lecture de la Maghilloh fasse exception.
Les choses qui
peuvent paraître comme solidement gravées dans la roche ne le sont
pas nécessairement lorsqu'on prend la peine d'analyser les sources
d'origine de ces pratiques.
La
conclusion est qu'il n'y a non seulement aucune obligation de lire la
Maghilloh la nuit de Pourim, mais on pourrait en plus arguer qu'il
est inconvenant de le faire. Dans la littérature talmudique, il est
clair et évident que c'est par la lecture de la Maghilloh en journée
que l'on s'acquitte de son devoir, et que c'est uniquement en raison
de la persécution que se développa petit à petit la pratique de la
lire également la nuit. Et même ceux qui le faisaient la nuit ne le
faisaient pas pour s'acquitter de leur devoir (à moins qu'il soit
impossible de la lire en journée), mais pour glorifier Dieu, un peu
comme la lecture nocturne du Hallél à Pésah.
1Hilkôth
Maghilloh Wahanoukkoh 1:3
2`ôrah
Hayim 687:1
3Voir
par exemple les articles intitulés « Sur
la nature et le futur de la Halokhoh par rapport à l'autonomie
religieuse – troisième partie » et « Le
Shoulhon ´oroukh n'a aucune valeur halakhique »
4Maghilloh
2:4-5
5Pour
quelqu'un qui a touché un mort
6À
Rô`sh Hashonoh
7À
Soukkôth
8Qui
était faite dans le Béth Hammiqdosh les jours où le sacrifice
additionnel était offert au Béth Hammiqdosh, le Shabboth, à Yôm
Tôv, Hôl Hammo´édh et Rô`sh Hôdhash
9À
Yôm Hakkippourim
10La
dîme
11Sur
la tête de l'animal avant qu'il ne soit sacrifié
12Entre
Pésah et Shovou´ôth
13Pour
les sacrifices d'oiseaux
14La
réception du sang jaillissant du cou de l'animal égorgé dans un
ustensile approprié pour le projeter après sur l'autel
15La
projection du sang recueilli sur l'autel et le rideau séparateur
16Soupçonnée
d'adultère par son mari
17En
cas d'un mort retrouvé dans un village
18Ibid.,
20a
19Ibid.,
2:6
20Tôsafto`,
Ibid., 2:2
21Ibid.,
4a
22Tahillim
22:3
23Tano`
Dhavé `éliyohou Zouto`, Chapitre 2 ; Maghilloh 28b ;
Niddoh 73a
24Gloses
sur la Gamoro` de Maghilloh 4b
25Qammo`,
`ôrah Hayim 41
26Gloses
sur la Tôsafto` de Maghilloh 2:2
27`éshél
`avrohom 692:2
28Binyan
Shalômôh, Paragraphe 58
29Har
Savi, `ôrah Hayim 2:120
30Sôfrim
14:15-16
31Voir
Tôsafto`, Maghilloh 2:2
32Maghilloh
20b (Chapitre 2, Halokhoh 4)
33Talmoudh,
Maghilloh 7b
34Mishnéh
Tôroh, Hilkôth Maghilloh Wahanoukkoh 2:15
35Le
Ro`''sh, Maghilloh 1:6
36Mishnéh
Tôroh, Hilkôth Maghilloh Wahanoukkoh 1:3
37Tôsofôth,
Maghilloh 4a