mercredi 29 janvier 2020

Les raisons et dangers d'une Houmroh


בס״ד

Les raisons et dangers d'une Houmroh


Cet article peut être téléchargé ici.

Une חֻמְרָה « Houmroh » est définie comme la pratique de la Halokhoh d'une manière plus stricte que ce qui est absolument nécessaire. Pourquoi quelqu'un agirait-il d'une manière plus stricte que nécessaire ? Quelle est la place de la rigueur dans notre pratique halakhique ? Nous trouvons plusieurs justifications à une Houmroh dans les enseignements de HaZa''l.

  • Justification n°1 : Crainte d'en arriver à une ´avéroh

La première Mishnoh de de la Masakhath `ovôth rapporte l'enseignement suivant des `anshé Kanasath Haggadhôloh : וַעֲשׂוּ סְיָג לַתּוֹרָה « Et faites une clôture autour de la Tôroh ». La Mishnoh nous enseigne que l'on doit interdire même les actions autorisées afin d'éviter les situations sujettes à l'erreur ou à la tentation, qui pourraient nous amener à transgresser la Halokhoh elle-même. La Gamoro` applique ce principe dans un certain nombre de contextes, en utilisant la formulation alternative suivante : « Va, va, disons-nous à un Nozir. Ne t'approche pas du vignoble ! ».1

Ainsi, une justification possible pour être plus rigoureux que nécessaire est afin d'éviter de transgression la Halokhoh de base. Si l'on sait que se livrer à une certaine activité crée un risque de mener à une ´avéroh, alors il faut certainement être Mahmir et éviter cette activité.

  • Justification n°2 : Prendre en compte une opinion halakhique plus stricte

La plupart des Houmrôth pratiquées de nos jours, cependant, ne sont pas basés sur la Mishnoh susmentionnée, mais plutôt sur une Gamoro` qui apparaît dans la Masakhath Shabboth2 :

Ribbi Yôhonon suit [ici] son opinion générale. Car Ribbi Yôhonon a dit : « Les chaussures sont comme les Taphillin : tout comme les Taphillin [sont attachées] sur [le bras] gauche, de même, les chaussures [sont mises au pied] gauche [en premier] ». Une objection a été soulevée : [N'est-il pas enseigné que] lorsqu'on met ses chaussures, on met d'abord la droite et puis la gauche ? Rov Yôséph a dit : « Il a été enseigné ceci : bien que Ribbi Yôhonon ait dit l'inverse, celui qui agit d'une ou l'autre manière fait [bien] »3. `abbayé lui a dit : « Mais peut-être que Ribbi Yôhonon n'a pas entendu cette Barrayatho`, mais s'il l'avait entendue il se serait rétracté ? Ou peut-être qu'il l'a entendue mais soutenait que la Halokhoh n'est quand même pas comme cette Mishnoh4 ? ». Rov Nahmon bar Yishoq a dit : « Celui qui craint les Cieux satisfait aux deux opinions ». Et qui est-ce ? Mor le fils de Ravino`. Que faisait-il ? Il mettait [la sandale] au pied droit, mais ne la laçait pas. Puis, il mettait la [sandale] gauche et la laçait. Ensuite, il laçait la [sandale] droite. Rov `ashi a dit : « J'ai vu que Rov Kahano` n'était pas méticuleux5 ».
ואזדא רבי יוחנן לטעמיה דאמר ר' יוחנן כתפילין כך מנעלין מה תפילין בשמאל אף מנעלין בשמאל מיתיבי כשהוא נועל נועל של ימין ואחר כך נועל של שמאל אמר רב יוסף השתא דתניא הכי ואמר רבי יוחנן הכי דעבד הכי עבד ודעבד הכי עבד אמר ליה אביי דילמא רבי יוחנן הא מתני' לא הוה שמיע ליה ואי הוה שמיע ליה הוה הדר ביה ואי נמי שמיע ליה וקסבר אין הלכה כאותה משנה אמר רב נחמן בר יצחק ירא שמים יוצא ידי שתיהן ומנו מר בריה דרבנא היכי עביד סיים דימיניה ולא קטר וסיים דשמאליה וקטר והדר קטר דימיניה אמר רב אשי חזינא לרב כהנא דלא קפיד

Ni R. Kahano` ז״ל ni R. Yôséph ז״ל n'étaient méticuleux quant à l'ordre de mettre des chaussures. Cela suit la méthodologie halakhique standard ; l'une ou l'autre option remplit l'une des deux opinions, et nous n'avons pas affaire à une transgression grave qui pourrait nous obliger à nous prononcer strictement en cas de doute pour l'une ou l'autre opinion. Néanmoins, Mor le fils de Ravino` ז״ל, craignant Hashshém ית׳, était Mahmir avec lui-même et s'efforçait de s'assurer qu'il était à l'abri de toute possibilité de la moindre transgression en remplissant les deux opinions.

De même, dans une Gamoro` de la Masakhath Houllin6 il est déduit d'un Posouq de Yahazqé`l7 ע״ה qu'une personne juste ne mangerait pas la viande si un doute se posait quant à son admissibilité bien qu'elle ait été jugée Koshér par le jugement d'un Rov. Bien que le Rov ait tranché avec indulgence et que la viande est donc licite sur le plan halakhique, une personne juste (un Saddiq) soupçonnerait peut-être que la décision du Rov était erronée et s'abstiendrait donc de manger un aliment qui renfermerait en lui la moindre possibilité de transgression.

Nous voyons à partir de ces deux sources qu'il est considéré comme digne d'éloges d'être plus Mahmir que nécessaire en guise qu'expression de Yir`ath Shomayim, la crainte du Ciel. Bien que la Halokhoh puisse trancher avec indulgence dans un cas douteux, la Houmroh est encouragée afin d'éviter même la possibilité d'une transgression.

  • Justification n°3 : Amélioration de l'accomplissement d'une Miswoh

Une troisième justification à une Houmroh se trouve dans une Mishnoh de la Masakhath Soukkoh8 :

Mishnoh : On peut manger et boire dans le cadre d'un repas occasionnel en dehors de la Soukkoh ... Un incident s'est produit dans lequel ils ont apporté un plat cuisiné à Rabban Yôhonon ban Zakka`y pour qu'il le goûte, et à Rabban Gamli`él ils ont apporté deux dates et un seau d'eau. Et ils ont chacun dit : « Emmenez-les à la Soukkoh et nous les mangerons là-bas ! ». [En revanche,] quand ils ont donné à R. Sadhôq moins que le volume d'un œuf de nourriture, il a pris la nourriture dans un chiffon à des fins de propreté.9 Et il l'a mangée à l'extérieur de la Soukkoh et n'a pas récité une Barokhoh après l'avoir mangée.

Gamoro` : [La Mishnoh cite-t-elle] un incident pour contredire [la Halokhoh citée dans la Mishnoh précédente selon quoi on peut manger ou boire dans le cadre d'un repas occasionnel en dehors de la Soukkoh] ? [L'incident impliquant Rabban Yôhonon ban Zakka`y et Rabban Gamli`él indique que l'on ne peut rien manger en dehors de la Soukkoh. La Gamoro` répond :] La Mishnoh est incomplète [car il manque un élément significatif], et elle enseigne ce qui suit : Si l'on cherche à s'imposer une Houmroh et à ne rien manger en dehors de la Soukkoh, on peut être Mahmir, et il n'y a pas d'élément d'arrogance [en adoptant cette Houmroh]. Et il y avait aussi un incident à l'appui de cette décision : Ils ont apporté un plat cuisiné à Rabban Yôhonon ban Zakka`y pour qu'il le goûte, et à Rabban Gamli`él ils ont apporté deux dates et un seau d'eau et ils ont chacun dit : « Emmenez-les à la Soukkoh et nous les mangerons là-bas ! ».

Rabban Yôhonon ban Zakka`y ז״ל et Rabban Gamli`él ז״ל ont agi avec Houmroh et sont entrés dans la Soukkoh même pour une petite collation, ce qui est compris comme accordant une légitimité universelle à la Houmroh de manger même la plus petite collation dans la Soukkoh. Cette Houmroh a été assumée non par crainte que manger en dehors de la Soukkoh puisse constituer une transgression, ce qui n'est clairement pas le cas, ni même par crainte que cela puisse conduire à une transgression, mais plutôt pour une raison positive. Bien que l'on ne soit pas obligé de grignoter dans la Soukkoh, le faire constitue un accomplissement supplémentaire de la Miswoh de vivre dans la Soukkoh. Ces Hakhomim ont été Mahmirim afin d'améliorer leur accomplissement de la Miswoh de résider dans la Soukkoh, par désir de maximiser leur ´avôdhath Hashshém.

  • Justification n°4 : Accomplissement de l'Esprit de la Loi

Une quatrième justification à une Houmroh, quelque peu similaire à la troisième, se trouve mentionnée en thème général dans le commentaire du Rambo''n ז״ל sur la Tôroh. Le Rambo''n souligne à plusieurs endroits10 que la Tôroh comprend à la fois des commandements spécifiques et des directives générales, car des commandements techniques et des interdictions spécifiques peuvent toujours être contournés tout en violant l'esprit de la loi. Une personne intelligente pourrait techniquement accomplir tous les commandements interpersonnels, tout en étant une personne cruelle et égoïste. Elle pourrait respecter toutes les lois du Shabboth, et pourtant en faire une journée de travail, et elle pourrait s'abstenir des actions qui sont rituellement interdites et néanmoins mener une vie hédoniste et profane. Par conséquent, la Tôroh nous ordonne d'être saints et pas seulement de s'abstenir d'activités rituellement interdites, d'être honnêtes et bons et pas seulement de s'abstenir de vol et de péchés similaires, et de se reposer à Shabboth et pas seulement de s'abstenir des Malo`khôth interdites.

Alors que le commandement de suivre l'esprit de la loi est contraignant et pas seulement une Houmroh, la mise en œuvre de ces directives peut être classée comme une Houmroh dans un certain sens, car elles exigent que chaque individu, en fonction de sa situation unique, s'abstienne d'activités qui pourraient être techniquement admissibles, et même appropriées, dans différentes circonstances.11

Nous pouvons donc conclure que le phénomène d'une Houmroh est fermement enraciné dans la tradition halakhique. Il convient d'être Mahmir afin d'éviter des situations de tentation, afin de respecter l'esprit de la loi ou de renforcer une Miswoh, et d'éviter un acte douteux pouvant entraîner une transgression, même si le processus halakhique le permet.

Il convient de noter que même si la Houmroh est considérée comme juste et louable, elle n'est pas nécessairement nécessaire, même pour les grands Hakhomim de la Tôroh, car R. Kahano` n'était pas Mahmir concernant la façon de mettre ses chaussures et R. Sadhôq n'était pas Mahmir quant au fait de ne rien manger en-dehors de la Soukkoh.12 Cependant, de telles Houmrôth sont certainement une expression valable et louable de la crainte et de l'amour envers Hashshém lorsqu'elles sont assumées par celui qui se sent inspiré à le faire.

  • Est-ce une folie ou un acte de piété d'adopter une Houmroh ?

Maintenant que nous avons établi une base solide pour la pratique de la Houmroh, il est surprenant de voir une décision dans le Shoulhon ´oroukh qui semble délégitimer cette pratique même. Le Shoulhon ´oroukh13 stipule que celui qui est exempté de la Miswoh de la Soukkoh, et reste néanmoins dans la Soukkoh, ne reçoit aucune récompense céleste pour sa Houmroh et est plutôt considéré comme un idiot. Le Moghén `avrohom14 ז״ל tranche de la même manière en ce qui concerne celui qui est exempté de l'obligation de s'accouder à la table du Sédhar de Pasah et le fait néanmoins, et indique la source de cette décision dans le Talmoudh Yaroushlami, qui déclare que quiconque qui est exempté de quelque chose et le fait néanmoins est considéré comme un idiot.15 Le Moghén `avrohom souligne cependant que cette déclaration ne peut pas être prise à la lettre, car nous pratiquons de nombreuses Houmrôth qui sont considérées appropriées et même louables. Il est d'avis que le Talmoudh Yaroushlami doit certainement se référer à un sous-ensemble spécifique de Houmrôth qui sont inappropriées et contre-productives. Malheureusement, le Moghén `avrohom ne définit pas la nature de ces Houmrôth qui sont considérées comme stupides plutôt que pieuses.

Plusieurs tentatives d'explications ont été entreprises pour clarifier cette décision déroutante du Talmoudh Yaroushlami.

  • Problème n°1 : Inventer une nouvelle religion

Ribbénou Manahém Hammé`iri ז״ל explique que le Yaroushlami se réfère au cas de celui qui est Mahmir d'une manière qui n'entraîne aucun accomplissement spirituel, car la Houmroh qu'il a adoptée n'amène à l'accomplissement d'aucune Miswoh, ni ne stimule le développement intellectuel ou éthique.16 Celui qui invente un acte d'adoration inutile qui n'apporte aucun avantage halakhique ou éthique mérite certainement d'être qualifié d'imbécile. Bien que son intention soit sincère, il invente une nouvelle religion au lieu d'améliorer son accomplissement du judaïsme.

  • Problème n°2 : Transgression d'une autre Halokhoh

Alors que le Mé`iri a interprété la critique du Yaroushlami comme dirigée contre celui dont le Houmroh n'a pas de substance positive, la plupart des Maphôrashim comprennent que le Yaroushlami critique celui dont la Houmroh pourrait contenir un élément positif tout en ayant également des ramifications négatives qui l'emportent sur son avantage. Le Shavouth Ya´aqôv17 ז״ל suggère que ce principe est cité par le Shoulhon ´oroukh spécifiquement en ce qui concerne celui qui est assis dans la Soukkoh sous la pluie parce que bien qu'une telle personne améliore son accomplissement de la Miswoh de résider sous la Soukkoh, il transgresse la Miswath ´aséh de se réjouir de la fête, ainsi que le principe de la Tôroh selon quoi דְּרָכֶיהָ דַרְכֵי-נֹעַם « ses voies sont des voies de contentement ».18 De plus, le Shavouth Ya´aqôv cite la Mishnoh qui compare la chute de pluies durant Soukkôth à un serviteur qui a préparé une coupe pour le roi et le roi l'a jetée à son visage. Lorsque Hashshém fait pleuvoir pendant Soukkôth, cela constitue un rejet explicite de notre Miswoh de s'asseoir dans la Soukkoh, et donc celui qui continue de s'asseoir dans la Soukkoh au mépris de ce message clair fait preuve de manque de respect envers le Roi des rois.

Le principe de la chose, selon le Shavouth Ya´aqôv, est facilement généralisable. Chaque fois qu'agir de manière stricte concernant une Halokhoh entraîne une transgression d'une autre Halokhoh, une telle Houmroh est clairement contre-productive, et nous pouvons à juste titre attribuer la folie à celui qui la pratique.

  • Problème n°3 : L'arrogance

Si nous examinons cette citation du Yaroushlami dans son contexte d'origine, nous constatons que le Yaroushlami critique en effet celui dont la Houmroh constitue une transgression d'une autre exigence halakhique. Cependant, l'exigence halakhique concurrente ne réside pas dans le domaine de Bén `odhom Lammoqôm, des Miswôth entre l'homme et Hashshém, mais plutôt dans le domaine de Bén `odhom Lahavérô, entre l'homme et son prochain.

Le Yaroushlami introduit ce principe vers la fin d'une discussion complexe sur l'interdiction de montrer sa religiosité. Le Yaroushlami analyse un différend concernant la possibilité d'être Mahmir d'une manière qui rend publique sa piété extraordinaire, en distinguant entre la Houmroh qui implique le sacrifice de soi et qui ne fait que susciter l'éloge, et entre un Hokhom ou dirigeant communautaire établi et un citoyen moyen. Au cours de cette discussion, le Yaroushlami rapporte une histoire19 :

R. Za´iro` a dit : « [Un Talmidh des Hakhomim peut suivre une ligne de conduite qui entraînera pour lui une difficulté] uniquement s'il ne fait pas ridiculiser les autres ». [L'histoire suivante illustre cela :] Une fois R. Mayasho` et R. Shamou`él bar R. Yishoq étaient assis et mangeaient dans l'un des Botté Kanosiyôth à l'étage, et il était temps de prier. R. Shamou`él bar R. Yishoq s'est levé et a prié [interrompant son repas]. R. Mayasho` lui a dit : « Ribbi n'a-t-il pas enseigné : ''S'ils ont commencé [à manger], ils n'interrompent pas [leur repas pour prier]'' ? Et Hizqiyoh [n'a-t-il pas] enseigné : ''Quiconque est exempté d'une obligation et l'accomplit est appelé un simplet'' ? ».

Les critiques de R. Mayasho` ז״ל à l'encontre de R. Shamou`él bar R. Yishoq n'étaient pas simplement qu'il se livrait à la pratique d'une Houmroh, mais qu'il le faisait d'une manière qui pouvait être considérée comme insultante pour ses collègues et pouvait être interprétée à tort comme une expression d'arrogance et supériorité religieuse.

Le Talmoudh Bavli considère également comme axiomatique qu'il est interdit de se livrer à la pratique d'une Houmroh si cette pratique donne une apparence d'arrogance, bien que les détails de cette interdiction soient sujets à débat. À deux endroits de la Mishnoh, Rabban Gamli`él ז״ל et les Hakhomim se demandent s'il est permis de respecter une Houmroh particulière. Ils discutent dans la Masakhath Barokhôth20 sur la permissivité pour un Hothon, qui est exempté de l'obligation de réciter le Shama´, de suivre la pratique de Rabban Gamli`él, qui a récité le Shama´ le soir de son mariage. Dans la Masakhath Pasohim21, ils discutent de la permissivité pour Juif ignorant de s'abstenir de travailler à Tish´oh Ba`ov, comme c'était la coutume des Talmidhé Hakhomim.

La Gamoro` conclut que, fondamentalement, tout le monde convient que l'on ne peut pas s'engager dans une Houmroh qui pourrait sembler être une expression d'arrogance. Les débats ne portent que sur les détails d'une telle interdiction. Lors d'un mariage, si tous les invités récitent le Shama´ et que le Hothon récite avec eux, il peut sembler arrogant parce qu'il récite le Shama´ dans des circonstances où d'autres Hathonim ne l'ont pas fait, mais peut-être qu'il ne semble pas arrogant, parce qu'il agit comme tout le monde au mariage. En ce qui concerne Tish´oh Ba`ov, il est peut-être arrogant pour un Juif ignorant de prendre congé de son travail et d'agir comme s'il était capable de passer une journée entière à méditer sure la perte du Béth Hammiqdosh. D'un autre côté, celui qui l'observe pourrait peut-être supposer que sa journée de travail était courte ce jour-là et qu'il est rentré plus tôt parce qu'il n'y avait pas de travail disponible.

Il est clair, cependant, que HaZa''l s'inquiétaient de la possibilité que quelqu'un en arrive à abuser du concept de la Houmroh afin de démontrer sa supériorité religieuse. Non seulement cela, mais même une personne sincère ne pourrait pas agir d'une manière qui pourrait être mal interprétée comme une expression d'arrogance, et donc provoquer une discorde sociale ou engendrer du cynisme à propos de la pratique religieuse.

  • D'autres problèmes potentiels

Nous trouvons également d'autres contextes dans lesquels HaZa''l étaient sensibles aux dangers Bén `odhom Lahavérô qui pouvaient découler de la pratique d'une Houmroh. Un exemple simple se trouve dans une Gamoro` de la Masakhath Sôtoh22. La Mishnoh y déclare qu'un « piétiste insensé » provoque la destruction du monde. La Gamoro` illustre le sens d'une piété folle en décrivant un homme qui voit une femme se noyer dans la rivière mais s'abstient de la sauver parce qu'il est inapproprié de regarder les femmes. Ceci est un exemple évident d'une Houmroh qui a mal tourné.

Un exemple plus subtil se trouve dans la Tôsaphto`23, qui stipule que l'on n'est pas autorisé à nous affliger par un jeûne excessif, de peur qu'on ne nuise à notre santé et qu'on ne puisse pas travailler, et que l'on devienne ainsi un fardeau pour la communauté. Nous apprenons d'ici que la Houmroh est encouragé au détriment de ses propres ressources financières, mais pas si cela conduit les autres à s'occuper financièrement de nous.

En fait, dès le tout début de la Tôroh, on nous enseigne qu'il ne faut pas s'engager dans une Houmroh au détriment des autres. `avrohom `ovinou ע״ה, après avoir conquis les quatre rois et acquis ainsi tout le butin qu'ils avaient pris aux cinq rois conformément aux lois de la guerre contemporaines, a décidé d'être Mahmir et refusa de garder le butin de Sodome.24 Mais il savait que sa Houmroh exercerait une pression sociale sur ses alliés païens, qui avaient tout droit à leur part dans le butin de la guerre et seraient poussés à renoncer à leurs parts afin de ne pas apparaître moins droits que lui. `avrohom n'était pas disposé à faire pression sur les autres pour qu'ils soient Mahmirim s'ils ne voulaient pas sincèrement l'être de leur propre gré, et il a donc explicitement stipulé qu'il n'était Mahmir que pour son propre compte, mais pas pour les autres. Cela a établi un précédent pour les pieux Juifs qui doivent Mahmirim à leurs propres frais, tout en veillant à ne pas nuire ou gêner les autres, ni à leur imposer leurs propres Houmrôth. Or, beaucoup de personnes aujourd'hui qui ont pris sur elles certaines Houmrôth se comportent avec arrogance et extrémisme, et pensent qu'il est bien que les autres soient aussi Mahmirim qu'elles-mêmes. Cela a pour conséquence de développer un radicalisme idiot et des sentiments de supériorité qui amènent à mépriser les autres qui sont moins Mahmirim. Cela n'est pas la voie de la Tôroh ! Si quelqu'un veut être Mahmir dans un domaine, qu'il s'applique lui-même cette Houmroh sans l'imposer à qui que ce soit d'autre, ni rabaisser ceux qui ne seraient pas à son niveau de rigueur religieuse.

  • Conclusion

Nous avons vu plusieurs critiques de la pratique inappropriée d'une Houmroh. Le Mé`iri a critiqué la Houmroh dépourvue de signification halakhique ou qui ne cause pas une amélioration éthique. Le Shavouth Ya´aqôv a critiqué une Houmroh adoptée au détriment de notre respect pour Hashshém, pour Ses Miswôth ou pour les principes généraux de la Tôroh. Et de nombreuses sources ont critiqué la Houmroh qui se fait au détriment des autres, qui affecte leurs vies, leurs gagne-pains ou leurs sentiments. Il est clair que la pratique d'une Houmroh, bien que louable, requiert de l'intelligence et du jugement, afin de s'assurer que son bénéfice n'est pas contrebalancé par l'insensibilité aux autres valeurs de la Tôroh.
1Shabboth 14a, Pasohim 40b, Yavomôth 46a, Bavo` Masi´a` 92a, ´avôdhoh Zoroh 17a, 58b-59a. Un Nozir a une interdiction Min Hattôroh de consommer des raisins, et de ce fait, une Houmroh consiste à s'éloigner d'un vignoble afin d'éviter la tentation.
261a
3Il est laissé à l'appréciation de chacun de choisir de placer sa chaussure droite ou sa chaussure gauche en premier, car d'un côté, ceux qui mettent leur chaussure gauche en premier le font parce que c'est du côté gauche que l'on attache les Taphillin du bras, tandis que de l'autre côté, ceux qui mettent la chaussure droite en premier le font parce que la règle générale veut qu'on donne priorité au côté droit en toute chose.
4C'est-à-dire, qu'elle n'est qu'une Barrayatho`, mais pas une Mishnoh.
5C'est-à-dire, parfois il commençait par mettre la chaussure droite, parfois il commençait par mettre la chaussure gauche.
644b
74:14
826a-b
9Il ne s'est pas lavé les mains au préalable, car d'après son opinion on n'est pas obligé de se laver les mains pour de la nourriture valant moins que le volume d'un œuf.
10Voir, par exemple, ses commentaires sur Wayyiqro` 19:2, 23:24 et Davorim 6:18.
11De plus, il est probable que dans ces Miswôth, selon le Rambo''n, est incluse à la fois une obligation absolue de respecter l'esprit de la loi et des encouragements à être Mahmir et à la hauteur d'une version plus idéalisée de l'esprit de la loi, que le Rambo''n appelle Parishouth.
12Il semble cependant, d'après le passage de la Masakhath Houllin, que chaque Hokhom devrait être Mahmir et éviter les éléments douteux qui ont été autorisés uniquement par le jugement subjectif du Rov local.
13`ôrah Hayyim 639:7
14`ôrah Hayyim 472:6
15Talmoudh Yaroushlami, Barokhôth 2:5 et Shabboth 1:2.
16Béth Habbahiroh, Bavo` Qammo` 87a. Il cite le passage du Yaroushlami au nom du Midhrosh.
17Tashouvôth Shavouth Ya´aqôv 3:45, cité dans le Sha´aré Tashouvoh sur le Shoulhon ´oroukh, `ôrah Hayyim 639:5.
18Mishlé 3:17. Voir Soukkoh 32a, Yavomôth 15a et 87b.
19Talmoudh Yaroushlami, Barokhôth 2:5 et Shabboth 1:2.
2016b
2154b
2221a
23Ta´nith 2:12
24Baré`shith 14:21-24

mardi 28 janvier 2020

Sert-il encore de Cachériser ses ustensiles ?


ב״ה

Sert-il encore de Cachériser ses ustensiles ?


Cet article peut être téléchargé ici.

La question suivante m'a été soumise :

Si aujourd’hui les ustensiles que nous utilisons ne sont plus poreux comme à l'époque du Talmud, et s'ils sont bien nettoyés, alors a quoi sert donc la cacherisation ? Notamment après 24h puisque le goût est détérioré ?
Cela voudrait-il dire que de nos jours nous pouvons faire cuire du lait puis
de la viande (et vice-versa) dans un même ustensile propre et non poreux (après 24 h bien sur) ?

Cette question est une bonne opportunité de rappeler quelques règles essentielles concernant la cachérisation des ustensiles.

La vaisselle peut être faite de différents matériaux : porcelaine, faïence, verre, bois, plastiques divers, métal. Certains peuvent être cachérisés, certains ne peuvent pas l'être, d'autres font l'objet d'une divergence.

Il est dit dans la Tôroh1 :

Et un ustensile d'argile dans lequel il a été cuit sera brisé. Mais s'il a été cuit dans un ustensile d’airain, il sera frotté et rincé dans l'eau.
וּכְלִי-חֶרֶשׂ אֲשֶׁר תְּבֻשַּׁל-בּוֹ, יִשָּׁבֵר; וְאִם-בִּכְלִי נְחֹשֶׁת בֻּשָּׁלָה, וּמֹרַק וְשֻׁטַּף בַּמָּיִם.

Ce verset est à la base de certaines règles de cachérisation de la-vaisselle, et de ce qui peut ou non être cachérisé.

Que vous puissiez ou non conserver la vaisselle que vous possédez déjà dépend du matériau à partir duquel ils sont fabriqués. Si la vaisselle est « en terre / argile », c'est-à-dire en porcelaine ou en grès, il est fort probable que vous ne puissiez pas les conserver, du moins pas pour une utilisation immédiate. La faïence non émaillée ne peut pas du tout être cachérisée, car la céramique poreuse absorbe en permanence les jus et les saveurs des aliments.

  • La porcelaine

La porcelaine émaillée épaisse ou la porcelaine fine peut parfois être cachérisée, mais elle doit rester inutilisée pendant au moins 12 mois. Il s'agit du temps jugé nécessaire à la dissipation de toutes les saveurs non cachères ayant pu être absorbées. Si le glaçage est mince et pourrait facilement s'écailler, la vaisselle ne peut probablement pas être cachérisée. L'alternative consiste à trouver un four et de chauffer les articles en céramique à des températures de four (environ 1 100°c), mais à cette chaleur, la porcelaine pourrait se briser.

La règle concernant la porcelaine s'applique non seulement aux couverts, mais aussi aux plateaux de service, ainsi qu'aux bols à mélanger, aux bols à fruits, etc. Les articles qui ne sont jamais utilisés avec des aliments chauds, comme un bol à fruits en céramique ou un sucrier, ne sont pas Toréph [non Koshér] et n'ont pas besoin d'être cachérisés.

Les théières, si elles n'ont jamais été utilisées avec du thé aromatisé, peuvent ne pas avoir besoin d'être cachérisées et peuvent être conservées.

  • Le verre

Le verre est un matériau controversé dans les décisions orthodoxes, car la catégorie dans laquelle il devrait être classé n'est pas certaine. Il existe trois opinions à ce sujet : le `ôr Zaroua´ ז״ל, le Séphar Miswôth Godhôl (écrit par Ribbénou Môshah de Coucy ז״ל), Ribbénou Yônoh ז״ל et d'autres Ri`shônim soutiennent que le verre conserve le même Din que la faïence et la poterie en ce qu'il absorbe la saveur des aliments stockés dedans mais ne peut pas être cachérisé même par un processus d'ébouillantage (car ces types de vaisselles ne peuvent jamais libérer pleinement les saveurs qui y sont stockées et libèrent toujours de petites quantités de cette saveur, que ce soit des produits laitiers ou toute autre saveur d'un aliment interdit et pour cette raison, même l'ébouillantage n'est pas efficace). La raison pour laquelle ces Pôsaqim considèrent que le verre conserve le même Din que la poterie est que le verre est formé de sable et est donc similaire à la poterie.

Le Rambo''m ז״ל stipule que bien que le verre absorbe la saveur comme les autres formes de vaisselles, il n'est pas comparable à la poterie qui ne peut pas être cachérisée par ébouillantage ; le verre peut plutôt être cachérisé par ébouillantage d'après le Rambo''m, car il est comme les autres métaux.

De l'autre côté, les Tôsophôth ז״ל, Ribbénou Tam ז״ל, le Rashba''` ז״ל, le Ro`''sh ז״ל, et de nombreux autres Ri`shônim tranchent que le verre n'absorbe pas du tout la saveur des aliments et peut être utilisé aussi bien pour les produits lactés que carnés, dès lors qu'on l'aura lavé entre les deux. Dans son Shoulhon ´oroukh, Ribbi Yôséph Qa`rô ז״ל tranche en faveur de cette position et écrit explicitement que les ustensiles en verre « n'ont pas besoin d'être cachérisés car ils n'absorbent pas ». Et telle est la coutume séfarade universelle comme l'attestent les plus grands sages séfarades qui écrivent qu'il n'est pas nécessaire d'avoir deux sets de verrerie pour les produits laitiers et la viande. Par contre, le Rama''` tranche en accord avec l'opinion de ceux qui disent que le verre est comme la poterie en ce qu'il absorbe la saveur mais ne peut pas être cachérisé même par l'ébouillantage et écrit : « Et certains sont plus stricts et disent que même la purge par ébullition n'a aucun effet dans leur cas ». Et telle est la coutume ashkénaze majoritaire.

Pour résumer les trois positions :
  • le verre est poreux comme la poterie et ne peut jamais être cachérisé (il faudra donc avoir deux sets de verrerie ou plus) ;
  • le verre est poreux comme le métal et peut être cachérisé par ébouillantage ;
  • le verre n'est absolument pas poreux et ne nécessite donc pas de cachérisation, mais pourra simplement être lavé entre chaque utilisation.

Mais en réalité, ce que les orthodoxes d'aujourd'hui ne comprennent pas est que ces trois positions ne sont absolument pas contradictoires, mais reflètent plutôt l'évolution de la fabrication du verre (les verres d'autrefois étaient véritablement poreux mais cette porosité s'est atténuée au fur et à mesure, amenant ainsi les verres d'aujourd'hui à ne plus être poreux) et le type de verre que chaque sage susmentionné avait à sa disposition là où il vivait. Ainsi, tous ces sages ne décrivaient le verre que d'après la réalité de l'époque et de l'endroit où ils vivaient. Par conséquent, il n'y a pas à choisir entre ces trois positions ; il suffira de s'informer sur la qualité du verre à son époque et dans sa localité pour déterminer la position à suivre pour soi-même.

Si vous avez donc des verres poreux mais cachérisables (car ils sont comme des métaux mais pas comme de la poterie), il existe deux manières de les cachériser : en les lavant simplement et en attendant 24 heures, ou par le trempage. Cette méthode, le trempage, est principalement utilisée pour préparer la verrerie pour Pasah, mais elle peut également être utilisée lors du passage d'une cuisine non Koshér à une cuisine Koshér. Placez la verrerie en une seule couche (sans empilage) dans un grand récipient (cela peut être fait dans une baignoire nettoyée qui n'a pas été utilisée depuis 24 heures). Couvrir complètement d'eau. La verrerie doit tremper 72 heures, mais vous devez changer l'eau après 24 heures et à nouveau après 48 heures. Au bout des 72 heures, égouttez et lavez la verrerie.

Il y a d'autres méthodes de cachérisation à appliquer à d'autres matériaux, mais ce n'est pas le sujet de cet article de les explorer. Mais à la lumière des deux exemples mentionnés dans cet article, la porcelaine et le verre, nous pouvons répondre à la question de savoir : à quoi sert la cachérisation des ustensiles à notre époque ? Si un ustensile poreux a été utilisé pour consommer quelque chose d'interdit, et qu'on souhaite l'utiliser pour consommer quelque chose d'autorisé, ou que l'ustensile poreux avait servi à cuire ou manger de la viande et qu'ensuite on souhaite consommer des produits laitiers dans le même ustensile, ou qu'un ustensile poreux a été utilisé durant l'année pour chauffer et consommer des produits à base de Homés et qu'on souhaite réutiliser ce même ustensile durant Pasah, dans tous ces cas une cachérisation des ustensiles sera nécessaire. Mais dès lors que l'ustensile n'est pas poreux, aucune cachérisation ne sera nécessaire, et on pourra se contenter de bien rincer à l'eau cet ustensile avant utilisation.

L'establishment orthodoxe rend en réalité chaque jour chaque fois un peu plus difficile les lois relatives à la Kashrouth des ustensiles par faux conservatisme et ignorance des réalités contemporaines (car ils oublient de prendre en compte que les ustensiles d'aujourd'hui ne sont pas comme ceux d'hier, et que la Halokhoh de la cachérisation ne concerne réellement que ce qui est poreux). Mais quand on analyse les sources et faisons preuve de bon sens, la pratique de ces règles est véritablement aisée, rationnelles, et en phase avec la réalité et l'esprit et la lettre de la Halokhoh.
1Wayyiqro` 6:21

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...