mercredi 29 juin 2016

La Paroshoh avec le Ramba''m : Shalah Lakho

ב״ה

La Paroshoh avec le Ramba''m

Shalah Lakho


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Dans la Parashath Shalah Lakho, la Tôroh discute des lois relatives à la transgression involontaire de la ´avôdhoh Zoroh, qui s'est produite à cause d'une erreur de jugement du Sanhédhrin sur une question ayant trait à la ´avôdhoh Zoroh. La Tôroh conclut cette discussion par un avertissement lancé contre des transgressions volontaires dans le domaine de la ´avôdhoh Zoroh1 :

Et celui qui agit d'une main haute2, que ce soit parmi les natifs ou parmi les étrangers, c'est `adhônoy qu'il blasphème. Et cette âme sera retranchée du milieu de son peuple, car elle a méprisé la parole de `adhônoy et violé Son commandement. Retranchée, on retranchera cette âme. Son péché est sur elle.
וְהַנֶּפֶשׁ אֲשֶׁר-תַּעֲשֶׂה בְּיָד רָמָה, מִן-הָאֶזְרָח וּמִן-הַגֵּר--אֶת-יהוה, הוּא מְגַדֵּף; וְנִכְרְתָה הַנֶּפֶשׁ הַהִוא, מִקֶּרֶב עַמָּהּ. כִּי דְבַר-יהוה בָּזָה, וְאֶת-מִצְוָתוֹ הֵפַר; הִכָּרֵת תִּכָּרֵת הַנֶּפֶשׁ הַהִוא, עֲו‍ֹנָה בָהּ

Le Ramba''m ז״ל commente la phrase כִּי דְבַר-יהוה בָּזָה « Ki Dhavar `adhônoy Bozoh – car elle a méprisé la Parole de `adhônoy » et affirme qu'elle fait non seulement référence aux idolâtres volontaires, mais également à tous ceux qui négligent leur obligation d'étudier la Tôroh. Voici ce qu'il écrit dans son Mishnéh Tôroh à ce sujet3 :

« Car elle a méprisé la parole d'HaShem » ; c'est celui qui ne s'intéresse pas du tout aux paroles de la Tôroh. De même, quiconque a la capacité de s'occuper dans la Tôroh, mais ne le fait pas, ou lit et étudie et se détourne vers les vanités du monde, abandonnant son étude et y renonçant, celui-là est inclus dans la catégorie de ceux qui méprisent la parole d'HaShem.
כִּי דְבַר-ה' בָּזָה --זֶה שֶׁלֹּא הִשְׁגִּיחַ עַל דִּבְרֵי תּוֹרָה, כָּל עִיקָר. וְכֵן כָּל שֶׁאִפְשָׁר לוֹ לַעְסֹק בַּתּוֹרָה, וְאֵינוּ עוֹסֵק, אוֹ שֶׁקָּרָא וְשָׁנָה, וּפֵרַשׁ לְהַבְלֵי עוֹלָם וְהִנִּיחַ תַּלְמוּדוֹ וּזְנָחוֹ--הֲרֵי זֶה בִּכְלַל בּוֹזֶה דְּבַר ה׳

Le Ramba''m explique ici la phrase כִּי דְבַר-יהוה בָּזָה « Car elle a méprisé la Parole de `adhônoy » comme se référant à trois sortes d'individus :

  1. celui qui « ne s'intéresse pas du tout aux paroles de la Tôroh », c'est-à-dire qui ne se préoccupe pas du tout de l'obligation d'étudier la Tôroh
  2. celui qui a la capacité d'étudier la Tôroh mais choisit de ne pas le faire
  3. celui qui s'est consacré à l'étude mais oriente ensuite son attention exclusivement aux « inepties du monde ».

Ces trois catégories d'individus ont « méprisé la Parole de `adhônoy » en négligeant l'étude de la Tôroh, chacun à sa façon. La question qui se pose est celle-ci : quelle différence y a-t-il entre les deux premières catégories que décrit ici le Ramba''m, à savoir celui qui « ne s'intéresse pas du tout aux paroles de la Tôroh », et celui qui a l'opportunité d'étudier mais ne le fait pas ? À l'évidence, le premier a également eu l'opportunité d'étudier ; autrement, on ne pourrait pas dire de lui qu'il a « méprisé » la Tôroh en ne l'étudiant pas. Quelle est donc la différence entre ces deux catégories d'individus ?

Le Laham Mishnéh4 offre la description suivante sur la seconde catégorie, celle dans laquelle tombe celui qui a la capacité d'étudier mais ne le fait pas :

Cela signifie qu'il ne l'a pas fait, non pas parce que cela ne l'intéressait pas, mais plutôt parce qu'il ne désirait pas, par pure paresse, s'occuper dans la Tôroh.

Selon le Laham Mishnéh, ces deux catégories se réfèrent à deux sortes d'individus complètement différents. La première catégorie inclut ceux qui ne parviennent tout simplement pas à comprendre ou reconnaître l'importance de l'étude de la Tôroh, qui ne la considèrent pas comme une activité de grande valeur et importante en elle-même. La seconde sorte d'individus que décrit le Ramba''m inclut ceux qui reconnaissent la valeur de l'étude de la Tôroh, mais sont tout simplement des gens paresseux, fainéants, qui préfèrent qu'on leur serve des Shi´ourim tout fait plutôt que de s'adonner personnellement à l'étude de la Tôroh. Ils cèdent eux-mêmes à une vie de confort et de relaxation qui inclut un peu d'étude de la Tôroh uniquement jusqu'au point où cela n'interfère pas avec ce mode de vie confortable qu'ils désirent mener.

Selon cette lecture, le Ramba''m souligne ici qu'il n'est pas nécessaire de s'opposer à l'étude de la Tôroh sur des bases idéologiques pour être inclus dans la catégorie de ceux qui « méprisent » la Tôroh. Même lorsque quelqu'un possède le plus grand respect pour l'étude de la Tôroh et les Talmidhé Hakhomim, il lui incombe également de consacrer un peu de son temps à une étude personnelle de la Tôroh.

La paresse dans l'étude de la Tôroh équivaut à la mépriser, et il est donc de la responsabilité de chaque Israélite de faire un effort proactif de consacrer quelques instants de son planning quotidien à l'étude personnelle de la Tôroh. Toute attitude qui ne se rapproche pas d'un effort concerté et proactif d'étudier la Tôroh est automatiquement classifiée comme étant « un mépris de la Parole d'HaShem », car on disgracie la Tôroh en ne lui accordant pas l'importance et la priorité qu'elle mériterait dans notre routine quotidienne.

1Bamidhbor 15:30-31
2C'est-à-dire avec effronterie. Son acte est délibéré et il sait qu'il est interdit
3Hilkôth Talmoudh Tôroh 3:16

4Qui est un commentaire sur le Mishnéh Tôroh, par le Rov `avrohom Dé Bôtôn (1560-1605)

Le Judaïsme est basé sur la preuve et non pas que sur la foi

ב״ה

Le Judaïsme est basé sur la preuve et non pas que sur la foi


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Trop souvent, et principalement dans les milieux hassidiques, on donne au Judaïsme une impression incorrecte d'être une religion basée sur la foi à l'instar du christianisme. C'est une grave erreur ! Dès lors que le Judaïsme est déformé de cette manière, il perd sa nature rationnelle, vraie et unique, nous privant par la même occasion de tout argument pouvant justifier le fait de ne pas adhérer aux autres religions. Dans un tel cas, si le Judaïsme est semblable aux autres religions, en ce que lui aussi est basé sur la foi, pourquoi un Juif devrait-il absolument suivre le Judaïsme ? Car si la foi se voit octroyer une valeur et une place plus grande que la preuve, quelqu'un pourrait alors, à juste titre, déclarer : « J'ai une plus grande foi en Jésus qu'en Moïse » ou « J'ai une plus grande foi dans le Coran que dans la Torah », des positions auxquelles un Juif fidèle à la Tôroh ne pourrait apporter la moindre réponse.

Or, Môshah Rabbénou ע״ה nous a enseigné dans la Tôroh un tout autre Judaïsme, qui est non seulement une religion unique à laquelle aucune autre ne peut être comparée, mais qui, en plus, est principalement basée sur la preuve, ainsi qu'il est dit1 : אַתָּה הָרְאֵתָ לָדַעַת, כִּי יהוה הוּא הָאֱלֹהִים: אֵין עוֹד, מִלְּבַדּוֹ « Toi, tu as été initié à cette connaissance: que `adhônoy seul est Dieu, qu'il n'en est point d'autre en-dehors de Lui », et2 : וְיָדַעְתָּ הַיּוֹם, וַהֲשֵׁבֹתָ אֶל-לְבָבֶךָ, כִּי יהוה הוּא הָאֱלֹהִים, בַּשָּׁמַיִם מִמַּעַל וְעַל-הָאָרֶץ מִתָּחַת: אֵין, עוֹד « Et tu sauras aujourd'hui, et le graveras contre ton cœur, que `adhônoy seul est Dieu, dans les cieux en haut et sur la terre ici bas ; il n'en est point d'autre ! ». Le Juif ne doit pas seulement croire que Dieu existe et est l'Unique ; il doit également le savoir ! Le Judaïsme n'est pas une religion de croyances mais de connaissances solides, inaltérables et irréfutables. Môshah Rabbénou nous a enseigné que Dieu a orchestré la Révélation au Sinaï afin que nous possédions des « preuves », afin que nous basions nos croyances sur des vérités démontrées, et non sur une foi immature.

Un Judaïsme basé sur la foi uniquement ignore les paroles de Môshah Rabbénou, dépouille le Judaïsme de son âme (les gens font ceci ou cela parce qu'on leur a dit de le faire, mais ne savent pas, dans le fond, pourquoi) et désarme les Juifs face aux missionnaires de quelque autre religion que ce soit. Et l'une des raisons pour lesquelles certains Juifs font la promotion d'un Judaïsme basé sur la foi et non les preuves est qu'ils ne savent en réalité pas du tout démontrer la véracité du Judaïsme, car ils n'ont jamais vraiment pris la peine de concrètement utiliser leurs cerveaux et leur faculté de raisonnement pour creuser dans la Tôroh. Au contraire, on les a éduqués dans un culte qui leur enseigne à avoir une foi aveugle dans le Rebbe (qui est comme un demi dieu) et à avaler sans broncher ni réfléchir toutes les paroles qui seraient prononcées par un rabbin. Mais que l'on ne s'y trompe pas : un Judaïsme basé sur la foi uniquement n'est plus du Judaïsme, car Môshah Rabbénou a exigé que la foi soit soutenue par l'évidence, la raison et les preuves. Voilà pourquoi le Ramba''m ז״ל écrit ceci dans le tout dernier chapitre de son Guide des Égarés3 :

Les Sages disent encore qu'on exige de l'homme d'abord la connaissance de la Loi, ensuite l'acquisition de la sagesse, et enfin la connaissance de la tradition qui se rattache à la Loi, c'est-à-dire de savoir en tirer des règles pour sa conduite. Tel doit être l'ordre successif des études : d'abord on doit connaître les idées en question traditionnellement, ensuite on doit savoir les démontrer, et enfin on doit se rendre un compte exact des actions qui constituent une bonne conduite. Voici comment ils s'expriment sur les questions qui sont successivement adressées à l'homme au sujet de ces trois choses : « Lorsque l'homme se présente devant le tribunal (céleste), on lui demande d'abord : As-tu fixé certaines heures pour l'étude de la Loi ? As-tu discuté sur la sagesse ? As-tu appris à comprendre les sujets les uns par les autres ? »4 Il est donc évident que, selon eux, la connaissance de la Loi est une chose et la sagesse une chose à part ; celle-ci consiste à confirmer les vérités de la Loi au moyen de la spéculation vraie.

Voilà pourquoi toute communauté juive qui forme ses fidèles à devenir des robots privés de la faculté de raisonner, et les contraint à simplement accepter une parole ou une règle sur la seule base de la « foi » et confiance aveugle, est une communauté déviante n'ayant rien à voir avec le Judaïsme et qu'il est préférable de qualifier de secte. Et c'est d'eux dont parlent les versets suivants5 :

Le Seigneur a dit: Puisque ce peuple ne Me rend hommage que de bouche et ne M'honore que des lèvres, et qu'il tient son cœur éloigné de Moi, et que sa piété à Mon égard se borne à des préceptes d'hommes, à une leçon apprise, Je vais continuer à faire avec ce peuple des choses surprenantes, inouïes, où la sagesse de ses sages restera courte, où l'intelligence de ses gens d'esprit se voilera.
וַיֹּאמֶר אֲדֹנָי, יַעַן כִּי נִגַּשׁ הָעָם הַזֶּה, בְּפִיו וּבִשְׂפָתָיו כִּבְּדוּנִי, וְלִבּוֹ רִחַק מִמֶּנִּי--וַתְּהִי יִרְאָתָם אֹתִי, מִצְוַת אֲנָשִׁים מְלֻמָּדָה. לָכֵן, הִנְנִי יוֹסִף לְהַפְלִיא אֶת-הָעָם-הַזֶּה--הַפְלֵא וָפֶלֶא; וְאָבְדָה חָכְמַת חֲכָמָיו, וּבִינַת נְבֹנָיו תִּסְתַּתָּר

1Davorim 4:35
2Ibid., verset 39
3Môréh Navoukhim, Livre 3, Chapitre 54
4Talmoudh, Shabboth 31a

5Yasha´yohou 29:13-14

vendredi 24 juin 2016

La Paroshoh avec le Ramba''m : Baha´alôthakho

ב״ה

La Paroshoh avec le Ramba''m

Baha´alôthakho


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Nous lisons dans notre Paroshoh de la semaine le verset suivant1 :

Miryom et `aharôn parlèrent de Môshah concernant la belle femme qu'il avait prise, car il avait prise une belle femme.
וַתְּדַבֵּר מִרְיָם וְאַהֲרֹן בְּמֹשֶׁה, עַל-אֹדוֹת הָאִשָּׁה הַכֻּשִׁית אֲשֶׁר לָקָח: כִּי-אִשָּׁה כֻשִׁית, לָקָח

La Tôroh ne nous donne pas davantage de détails sur le contenu des propos tenus par Miryom ע״ה et `aharôn ע״ה lorsqu'ils parlèrent en cachette contre Môshah Rabbénou ע״ה, mais nos Sages, de mémoire bénie, nous en fournissent. Ils expliquent que c'est Miryom qui initia la discussion et que `aharôn y participa en l'écoutant. (C'est pour cela que le verset ne dit pas littéralement « ils parlèrent » mais תְּדַבֵּר « Tadhabbér – elle parla ».) Miryom dit à `aharôn qu'elle pensait avoir compris de l'épouse de Môshah Rabbénou, Sippôroh ע״ה, que Môshah Rabbénou n'avait plus d'intimité avec elle.2 Miryom et `aharôn trouvèrent cela très étonnant. Eux aussi étaient des prophètes. Et pourtant, ils n'avaient pas pour autant cessé d'être intimes avec leurs conjoints respectifs.3 En s'engageant dans cette discussion, Miryom et `aharôn transgressèrent l'interdiction du לְשׁוֹן הָרַע « Lashôn Hora´ », parler d'une façon dénigrante sur quelqu'un d'autre.

La Tôroh explique qu'en raison de ce péché, Miryom fut frappée de Sora´ath, qui est une affliction de la peau décrite dans le Séfar Wayyiqro`. De ce que nous avions lu dans le Séfar Wayyiqro` il était évident que la Sora´ath est une punition. Par contre, il ne nous avait pas été dit pour prix de quel péché pouvions-nous être sujet à cette punition. Sur la base de l'incident rapporté dans notre Paroshoh, il ressort clairement que le Lashôn Hora´ est l'un des péchés qui entraîne la Sora´ath.

Le lien entre la Sora´ath et le Lashôn Hora´ est également indiqué par d'autres passages. Par exemple, dans le Séfar Davorim la Tôroh nous demande de soigneusement suivre les instructions du Kôhén dans le diagnostique et traitement de la Sora´ath. Puis, la Tôroh nous exhorte à nous rappeler de l'incident ayant impliqué Miryom.4 D'après HaZa''l, le message est que pour éviter la Sora´ath nous devons nous abstenir d'adopter le comportement de Miryom. En d'autres mots, on doit s'abstenir de faire du Lashôn Hora´.5

Tous les comportements qui sont interdits ou exigés par la Tôroh sont inclus dans l'une des 613 Miswôth. Quelle Miswoh interdit donc de faire du Lashôn Hora´ ? Afin de répondre à cette question, nous devons définir les termes que nous employons. Le Ramba''m ז״ל, dans son Mishnéh Tôroh, aux Hilkôth Dé´ôth, explique que le Lashôn Hora´ n'est qu'une sorte de langage prohibé. C'est-à-dire qu'il y en a d'autres. Au total trois sortes de langage sont défendues aux Israélites. La première est la רְכִילוּת « Rakhilouth », c'est-à-dire le colportage. Il ne s'agit pas nécessairement d'une parole négative. C'est simplement l'acte de discuter des affaires de quelqu'un d'autre avec une tierce personne. Le Lashôn Hora´ est une forme particulière de Rakhilouth. Il s'agit d'un colportage négatif : parler d'une manière dénigrante de quelqu'un d'autre. Cependant, il y a un critère spécifique à remplir pour être considéré comme ayant transgressé cette interdiction : le Lashôn Hora´ consiste à transmettre à une tierce personne des informations dénigrantes qui sont vraies. Faire du Lashôn Hora´, ce n'est pas raconter des mensonges sur autrui. Raconter un mensonge sur autrui ou répandre de fausses rumeurs est ce que l'on appelle du מוֹצִיא שֵׁם רַע « si` Shém Ra´ », qui constitue la troisième sorte de langage interdit. En résumé, faire du colportage est de la Rakhilouth ; le Lashôn Hora´ c'est parler de quelqu'un d'autre d'une manière dénigrante en rapportant des informations qui sont vraies ; et dire des mensonges sur autrui ou répandre des rumeurs dénigrantes à son sujet c'est du Môsi` Shém Ra´.6 Nous pouvons à présent identifier la Miswoh qui est transgressée lorsqu'on fait du Lashôn Hora´. D'après le Ramba''m aucune Miswoh n'interdit en elle-même le Lashôn Hora´. La Tôroh interdit plutôt la Rakhilouth, qui inclut en elle-même le Lashôn Hora´ ! Et la source de cette interdiction est le verset suivant7 : לֹא-תֵלֵךְ רָכִיל בְּעַמֶּיךָ « Lô` Thélékh Rokhil Ba´ammakho - Ne va pas [comme un] colporteur parmi ton peuple ».

Nous pouvons à présent nous poser une autre question : Pourquoi le Ramba''m inclut-il le Lashôn Hora´ dans la Miswoh qui interdit la Rakhilouth, plutôt que de le considérer comme une interdiction à part entière ? Il est important de signaler que le Ramba''m traite des lois relatives à la Rakhilouth dans la section « Hilkôth Dé´ôth » de son Mishnéh Tôroh, et cela n'est pas dû au hasard. Quel est le sujet traité dans les Hilkôth Dé´ôth ? Dans cette section du Mishnéh Tôroh, le Ramba''m expose les règles se rapportant à la santé, aussi bien au niveau physique qu'émotionnelle. L'inclusion de la Miswoh qui interdit la Rakhilouth dans cette section du Mishnéh Tôroh sous-entend que s'adonner au colportage constitue un comportement autodestructeur. La personne qui s'adonne au colportage compromet son bien-être émotionnel. À partir de cette perspective, il est approprié d'inclure le Lashôn Hora´ dans la Miswoh qui interdit toute forme de colportage. Chacune d'elles nuit à son propre bien-être émotionnel.

En poussant plus loin, la position du Ramba''m nous éclaire sur le fonctionnement du Lashôn Hora´. Nous pouvons remarquer qu'en dépit du désir répandu de se débarrasser de la mauvaise tendance à faire du Lashôn Hora´, cela se traduit très rarement en un changement réel de comportement. Pourquoi ce comportement est-il si difficile à modifier et à corriger ? Une partie de la réponse réside dans la méthode généralement adoptée et conseillée pour traiter le problème. Nous pouvons remarquer que la méthode la plus répandue pour « régler » le problème du Lashôn Hora´ consiste à lire davantage sur la gravité de ce péché. Les livres sur le Lashôn Hora´ pullulent à profusion dans les libraires juives et font partie des classiques. Mais il ressort clairement qu'étudier à long terme les lois relatives au Lashôn Hora´ et des ouvrages sur la gravité du péché n'a qu'un impact très limité sur le comportement des lecteurs.

En fait, cela n'est pas du tout surprenant. Si quelqu'un désire changer ses mauvaises habitudes alimentaires, peut-on sérieusement croire que lire des livres sur l'alimentation saine renforcera ce désir et permettra des changements solides ? Celui qui désire perdre des kilos n'y parviendra certainement pas en lisant des ouvrages sur l'exercice physique. Ce genre de lecture peut offrir une inspiration temporaire. Mais dans le long terme cette approche ne mène généralement pas à des résultats permanents. Il est plutôt plus utile d'identifier et traiter la racine du comportement. Dans le cas de la nourriture, on doit se demander pourquoi est-ce que l'on mange excessivement. Où se situe l'attraction ? Quelle fonction remplit la nourriture dans la vie de la personne ?

Il va de soi que la même approche peut être efficace lorsqu'on veut traiter le problème du Lashôn Hora´. Qu'est-ce qui nous amène à nous adonner à un tel comportement ? Nos Sages, de mémoire bénie, ont quelque chose de très intéressant à dire à ce sujet. Ils nous enseignent que lorsqu'on dégrade les autres nous ne faisons que refléter et exposer au grand jour nos propres insuffisances.8 En d'autres mots, nous parlons des autres afin de détourner notre attention (ou celle des autres) de nos propres instabilités, défauts et fautes.

Analysons cela de plus près. Nous pouvons tous reconnaître que l'un des plus grands défis auxquels nous faisons face lorsqu'on souhaite grandir personnellement est le besoin d'évaluer de façon critique et objective nos propres attitudes et comportements. Plus une attitude ou un comportement est profondément enraciné, plus il est difficile de l'identifier et de le reconnaître. Mais cela ne signifie pas que nous ne sommes pas conscients de nos fautes personnelles. Nous sommes frustrés par ces imperfections et pourtant, nous ne sommes pas désireux de complètement les reconnaître et les confronter. Comment gérons-nous cette frustration ? Nos Sages disent qu'en général nous avons recours à l'automédication. Nous fuyons notre frustration en transférant notre attention sur les manquements des autres. Plutôt que de nous focaliser sur nous-mêmes, nous plaçons notre point de focalisation sur l'autre personne. Nous évaluons cette personne et disséquons son comportement et ses attitudes avec la précision que nous devrions normalement utiliser pour la tache d'introspection qui est plus dure et douloureuse.

C'est pour cela que le Ramba''m considère que la Rakhilouth est un comportement qui compromet la santé personnelle de l'individu qui s'y adonne. Nous détournons notre attention de nous-mêmes et l'attachons à quelqu'un d'autre. Le Lashôn Hora´ est une manifestation extrême de ce mécanisme. Le colportage est une simple diversion. En faisant du Lashôn Hora´ nous sommes en réalité conscients (jusqu'à un certain point) d'une déficience personnelle. Mais plutôt que de reconnaître nos manquements personnels, nous nous focalisons sur ces mêmes points de la façon dont ils sont manifestés chez quelqu'un d'autre. Par ce stratagème, nous faisons du déni de nos propres fautes.

Cet enseignement de nos Sages nous permet de proposer une façon de traiter le problème du Lashôn Hora´ en particulier et de la Rakhilouth en général. Le besoin d'en faire est apparemment motivé par la présence d'un manquement personnel dont nous sommes quelque peu conscients. Mais cette conscience suscite une réponse malsaine. Nous transférons notre attention en la faisant passer de nous à l'autre personne. Si cela est correct, alors chaque fois que nous ressentons le besoin de faire du Lashôn Hora´ ou de la Rakhilouth, nous devons répondre à une question : Qu'est-ce qui me dérange sur moi-même ? Qu'est-ce que je tente de fuir sur moi-même en parlant des autres ? Plutôt que de laisser notre attention être détournée, nous devons renforcer notre attention sur nous-mêmes et nous accorder un moment pour une introspection.

Ce n'est pas une solution facile à appliquer. Mais elle semble répondre de façon plus adéquate aux motifs fondamentaux cachés derrière le Lashôn Hora´ et la Rakhilouth.

1Bamidhbor 12:1
2Voir Rash''i sur Ibid.
3Voir Rash''i sur Ibid., verset 2
4Davorim 24:8-9
5Voir Rash''i sur Ibid., verset 9
6Mishnéh Tôroh, Hilkôth Dé´ôth 7:1-8
7Wayyiqro` 19:16

8Talmoudh, Qiddoushin 70b

mardi 21 juin 2016

Un des messages de la Manôroh

ב״ה

Parashath Baha´alôthakho

Un des messages de la Manôroh


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La Paroshoh de cette semaine contient la Miswoh de l'allumage de la Manôroh. Sur les mots הֶעֱלָה נֵרֹתֶיהָ « il alluma ses lampes »1, le Sifri commente qu'à partir de l'emploi du terme הֶעֱלָה « Ha´aloh », qui signifie littéralement « il fit monter », nous apprenons que `aharôn Hakkôhén ע״ה a construit un escabeau, qui était placé devant la Manôroh, sur lequel il devait monter pour allumer la Manôroh.

L'escabeau est en fait explicitement mentionné dans la Mishnoh2. Il y est dit qu'il y avait une grosse pierre devant la Manôroh dotée de trois marches sur laquelle `aharôn devait monter afin d'allumer la Manôroh.

Que le Sifri et la Mishnoh attirent notre attention sur cet escabeau indique qu'il y a quelque chose d'important concernant cet objet, qui va au-delà de sa fonction pratique. En outre, le fait que monter sur cet escabeau soit essentiel avant de pouvoir allumer la Manôroh indique une relation entre l'escabeau et la Manôroh.

Rash''i ז״ל, dans son commentaire sur le deuxième verset de notre Paroshoh de la semaine, cite un célèbre Midhrosh qui explique que le chapitre relatif à l'allumage de la Manôroh fut placé après celui relatif aux offrandes apportées par les princes d'Israël pour la raison suivante :

Parce que `aharôn, lorsqu’il a assisté à l’inauguration par les princes, s’est affligé de ne pas avoir été avec eux, ni lui ni sa tribu. Le Saint, béni soit-Il, lui a alors dit : « Par ta vie ! Ta part est plus grande que la leur ! Car c’est toi qui allumeras et entretiendras les lumières ».
לְפִי שֶׁכְּשָׁרָאה אַהֲרֹן חֲנֻכַּת הַנְּשִׂיאִים חָלְשָׁה אָז דַּעְתּוֹ, שֶׁלֹּא הָיָה עִמָּהֶם בַּחֲנֻכָּה לֹא הוּא וְלֹא שִׁבְטוֹ. אָמַר לוֹ הַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא: חַיֶּיךָ, שֶׁלְּךָ גְּדוֹלָה מִשֶּׁלָּהֶם, שֶׁאַתָּה מַדְלִיק וּמֵיטִיב אֶת הַנֵּרוֹת

Ce Midhrosh explique que la part de `aharôn est supérieure à celle des princes d'Israël, car ces derniers n'ont apporté que des sacrifices, qui prendront fin avec la destruction du Béth Hammiqdosh, alors que lui méritera d'accomplir un acte qui sera éternel, à savoir allumer la Manôroh. Tous les commentateurs se demandent donc ce que veut dire Rash''i (ou plus exactement, le Midhrosh) par le fait que l'allumage de la Manôroh sera éternelle. En effet, l'allumage de la Manôroh, comme les sacrifices, faisait partie des activités qui dépendaient de l'existence du Béth Hammiqdosh. Puisque le Béth Hammiqdosh a été détruit, nous n'avons également plus la Miswoh de l'allumage de la Manôroh, tout comme nous n'avons plus celle d'apporter des sacrifices. Que veut donc dire Rash''i/le Midhrosh ?

Nous connaissons la réponse classique rapportée par le Ramba''n ז״ל selon quoi on doit comprendre cela comme se référant à l'allumage de la Manôroh de Hanoukkoh, dont le précepte est d'application encore aujourd'hui et ne dépend pas de l'existence du Béth Hammiqdosh. Mais d'autres commentateurs proposent une interprétation différente : la Manôroh symbolise la Tôroh, comme il est écrit כִּי נֵר מִצְוָה, וְתוֹרָה אוֹר « car une Miswoh est une lampe et la Tôroh une lumière ».3 Et la Tôroh est le guide, le manuel, de l'existence du peuple juif. C'est y adhérer qui fait de nous des Juifs, et c'est elle qui fait avancer le peuple juif jusqu'à nos jours. En allumant la Manôroh, `aharôn symbolisait cette lumière de la Tôroh qui continuera à se répandre éternellement. Notre obligation de nous soumettre aux préceptes contenus dans la Tôroh n'a pas pris fin avec la destruction du Béth Hammiqdosh. Bien au contraire, cette soumission à la Tôroh continue à nous incomber et nous incombera encore jusqu'à l'éternité.

Si tel est le cas, nous pouvons comprendre pourquoi nos Sages (dans la Mishnoh et le Sifri) ont tant insisté sur le fait que `aharôn devait monter sur un rocher à trois marches afin d'allumer la Manôroh. Le Shéloh Haqqodhôsh ז״ל explique que tout comme nous voyons qu'il existe quatre catégories de dégâts4 et trente-neuf catégories de travaux interdits à Shabboth5, nous voyons également qu'il existe trois catégories interdites de traits de la personnalité6 : הַקִּנְאָה וְהַתַּאֲוָה וְהַכָּבוֹד, מוֹצִיאִין אֶת הָאָדָם מִן הָעוֹלָם « La jalousie, la cupidité et les honneurs retirent l'homme du monde ». Un être humain qui est animé par la jalousie, convoite constamment et recherche incessamment les honneurs se retire du monde, car il lui est impossible de vivre avec les gens puisqu'il considère avoir un droit sur ce qui appartient aux autres et estime que tout le monde doit plier les genoux devant lui et l'honorer (alors que lui n'honore personne, ou quand même il le fait c'est également pour sa propre gloire).

Les trois marches placées devant la Manôroh symbolisaient ces trois mauvais traits de la personnalité. `aharôn envoyait ainsi un double message aux générations futures. Le premier est que l'objectif à atteindre pour un Juif, ce qui fait son ADN, est la soumission à la Tôroh. Mais dans le même temps, si on veut vivre d'après les prescriptions de la Tôroh et répandre sa lumière, c'est-à-dire que si on veut s'élever jusqu'à la Tôroh, on doit d'abord corriger ses propres traits de la personnalité. Pour reprendre les propos de nos Sages : דרך ארץ קדמה לתורה « Darakh `aras Qadhmoh Lattôroh – la bienséance précède la Tôroh ». Avant d'en arriver à penser à la Tôroh, nous devons d'abord nous assurer que nos traits de la personnalité sont en ordre. C'est seulement lorsqu'on a travaillé certains défauts de notre caractère que la Tôroh a une plus grande possibilité de demeurer en nous et que nous pourrons jouir de ses nombreux bienfaits dans notre vie quotidienne.

1Bamidhbor 8:3
2Tomidh 3:9
3Mishlé 6:23
4Talmoudh, Bavo` Qammo` 2a
5Talmoudh, Shabboth 73a

6Mishnoh, `ovôth 4:21

Claquer des doigts à Shabboth

ב״ה

Claquer des doigts à Shabboth


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Est-il permis à Shabboth de claquer ses doigts, en frottant ensemble le pouce et le majeur de façon à produire un son ?

Le Ramba''m ז״ל, dans son Mishnéh Tôroh1, écrit explicitement que claquer ses doigts כְּדֶרֶךְ הַמְּשׁוֹרְרִים « Kadharakh Hammashôrarim – à la façon des chanteurs » est défendu à Shabboth, et ce Pasaq est également codifié dans le Shoulhon ´oroukh2. La raison de cette interdiction est que HaZa''l ont interdit de produire des sons musicaux le Shabboth (taper des mains en rythme, taper en rythme sur une table, taper en rythme contre sa cuisse, etc.) par crainte que cela n'amène à réparer des instruments de musique, ce qui constituerait alors une transgression toranique du Shabboth, puisque réparer est une des Malo`khôth de Shabboth. En d'autres mots, la personne sera tellement entraînée par le rythme qu'elle produit qu'elle pourrait en arriver à vouloir reproduire le même son et rythme avec des instruments de musique. Puisqu'elle n'en a pas, elle se mettrait à les fabriquer ou les réparer en plein Shabboth.

Rabbénou Yisro`él `issérlén ז״ל, dans son illustre Taroumath Haddashan3, s'interroge sur cette Halokhoh à la lumière d'un passage de la Gamoro`, au traité Yômo`, qui explique que les responsables du Béth Hammiqdosh claquaient des doigts pour garder éveillé le Kôhén Godhôl la nuit de Yôm Hakkippourim lorsqu'il commençait à s'endormir, car la Halokhoh veut que le Kôhén Godhôl ne dorme pas cette nuit-là. À l'évidence, si claquer des doigts est interdit à Shabboth cela doit également l'être à Yôm Hakkippourim. Comment donc pouvait-on permettre de claquer des doigts dans le Béth Hammiqdosh pour garder éveillé le Kôhén Godhôl à Yôm Hakkippourim ?

Le Kasaf Mishnéh (un commentaire sur le Mishnéh Tôroh du Ramba''m rédigé par Rabbi Yôséf Qa`rô ז״ל, l'auteur du Shoulhon ´oroukh) a répondu à cette question en se basant sur le principe de אֵין שְׁבוּת בַּמִּקְדָּשׁ « `én Shavouth Bammiqdosh », qui stipule que les interdictions rabbiniques énoncées par les Sages n'étaient pas contraignantes dans le Béth Hammiqdosh. Étant donné que l'interdiction de claquer des doigts à Shabboth fut décrétée par les Sages mais qu'à l'évidence ce n'est pas interdit au niveau de la loi de la Tôroh, cette interdiction ne s'appliquait pas dans le Béth Hammiqdosh et c'est pourquoi ceux qui s'y trouvaient avec le Kôhén Godhôl la nuit de Yôm Hakkippourim pouvaient sans aucun problème faire claquer leurs doigts. En outre, le Kasaf Mishnéh ajoute, comme on l'a rapporté plus haut au nom du Ramba''m, que claquer des doigts n'est interdit à Shabboth que lorsqu'on le fait à des fins musicales, comme par exemple pour garder un rythme ou accompagner un chant, à cause de la crainte d'en arriver à réparer un instrument. Par contre, il n'existe aucune interdiction de claquer des doigts simplement pour faire un bruit, comme par exemple pour garder quelqu'un éveillé, pour réveiller quelqu'un, pour appeler quelqu'un, ou encore pour attirer l'attention de quelqu'un. C'est également ce qu'explique le Hofés Hayim ז״ל dans son Mishnoh Barouroh4.

Par conséquent, on peut claquer des doigts à Shabboth dans le but de faire un bruit, comme par exemple pour réveiller quelqu'un, étant donné que cette interdiction rabbinique ne s'applique qu'aux claquements musicaux.

Il convient de signaler, comme l'ont fait les Tôsofôth, que cette interdiction de claquer des doigts de façon musicale pourrait tout à fait de ne plus s'appliquer à notre époque, étant donné que l'écrasante majorité des Juifs d'aujourd'hui, contrairement à ceux des temps talmudiques, sont incapables de réparer ou fabriquer d'eux-mêmes des instruments de musique. Dans les temps talmudiques, où les gens étaient beaucoup plus manuels et artisanaux qu'aujourd'hui, pratiquement tout le monde était capable d'aisément fabriquer lui-même des instruments, d'où l'interdiction de HaZa''l. Cette situation n'existe plus de nos jours ; par conséquent, il pourrait ne plus y avoir le moindre problème à claquer des doigts même de façon musicale.

1Hilkôth Shabboth 23:4
2`ôrah Hayim 339:3
3Simon 62

4339:9

Ajouter du sel ou des épices dans une casserole à Shabboth

ב״ה

Ajouter du sel ou des épices dans une casserole à Shabboth


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Il y a un principe halakhique fondamental appelé כְּלִי רִיאשׁוֹן מְּבַשֵּׁל « Kali Ri`shôn Mavashél » (littéralement, « un ustensile premier cuit »), qui signifie qu'un ustensile (casserole, poêle, marmite, etc.) dans lequel de la nourriture a été cuite au-dessus du feu a la capacité de cuire des aliments crus même après qu'on l'ait retiré du feu. C'est pour cela qu'il est défendu à Shabboth d'ajouter des aliments crus dans une casserole qui s'est trouvée sur le feu aussi longtemps que la nourriture qui se trouve dedans est à une température égale ou supérieure au niveau de יַד סוֹלֶדֶת בּוֹ « Yadh Sôladhath Bô » (littéralement, « la main en est dégoûtée »), qui correspond au niveau où sa main recule immédiatement par réflexe au contact de la chaleur. Étant donné que la nourriture se trouve encore dans le Kali Ri`shôn et qu'elle est chaude, le Kali Ri`shôn est capable de cuire un aliment cru que l'on ajoute dedans, ce qui constituerait une profanation du Shabboth (la Malo`khoh de בִּישׁוּל « Bishoul », cuire).

Un exemple concret de l'application pratique de cette Halokhoh est l'assaisonnement des aliments après qu'ils aient été retirés du feu. Il arrive parfois qu'une femme retire une casserole de riz de sur le feu le vendredi soir car elle s'apprête à servir et se rend compte par la suite qu'elle a oublié d'assaisonner le riz. Bien que la casserole ne soit plus sur le feu, il est interdit d'ajouter des épices crues telles que du poivre et du cumin, étant donné qu'elles seraient considérées comme ayant été crues lorsqu'on les a versées dans la casserole de riz chaud. La femme doit plutôt transférer le riz de la casserole vers un bol ou une assiette et seulement alors ajouter les épices. D'après de nombreuses opinions, de la nourriture dans un כְּלִי שֵׁנִי « Kali Shéni » (littéralement, « deuxième ustensile »), à l'inverse du Kali Ri`shôn dans lequel la nourriture a été cuite, n'a pas la capacité d'effectuer une « cuisson ». Il est par conséquent permis d'ajouter des épices crues à du riz chaud après qu'il ait été retiré de la casserole dans laquelle il a été cuit.

Il convient de préciser qu'il est parfaitement permis d'ajouter du sel même lorsque le riz chaud se trouve encore dans le Kali Ri`shôn, si le Kali Ri`shôn a été retiré du feu. Le sel que nous achetons de nos jours est passé par un processus qui implique une « cuisson » et en verser dans un Kali Ri`shôn ne constitue donc pas une « cuisson ». Il est par conséquent permis d'ajouter du sel à du riz chaud même avant que l'on ait transféré le riz dans un Kali Shéni. Néanmoins, on ne peut pas ajouter du sel tandis que la casserole se trouve encore sur le feu, en dépit du fait que le sel a déjà été cuit. Ce n'est qu'après que la casserole a été retirée du feu que l'on peut ajouter du sel.

En résumé :

  • Il est défendu d'ajouter des épices crues dans une casserole même après qu'on l'ait retirée du feu, si la nourriture qu'elle contient est encore chaude.
  • Des épices ne peuvent être ajoutées qu'après que l'aliment ait été cuit ou après qu'on l'ait transféré de la casserole vers un bol ou une assiette.
  • Par contre, du sel peut être versée dans une casserole de nourriture chaude, pourvu que la casserole ait été retirée du feu.

vendredi 17 juin 2016

Le Ramba''m interdit-il aux convertis d'occuper des positions d'autorité ?

ב״ה

Le Ramba''m interdit-il aux convertis d'occuper des positions d'autorité dans un Béth Din ?


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De façon tout à fait ironique et lamentable de nombreux Bathé Dinim d'aujourd'hui utilisent un passage du Mishnéh Tôroh du Ramba''m ז״ל pour interdire aux convertis d'occuper des positions d'autorité sur les Juifs de naissance et de siéger au sein d'un Béth Din de trois hommes rassemblés pour procéder à une conversion. Ils prétendent ainsi qu'un converti ne peut occuper une fonction d'autorité que sur d'autres convertis, et ne peut donc siéger dans un Béth Din que pour juger un converti. D'autres encore vont jusqu'à utiliser ce passage du Mishnéh Tôroh pour déclarer tout simplement qu'un converti ne peut devenir rabbin, car les convertis ne peuvent avoir autorité sur les Juifs de naissance. C'est ironique en ce que la plupart des rabbins d'aujourd'hui prétendent que l'on ne doit pas trancher la Halokhoh en suivant le Ramba''m. Mais apparemment, quand ils pensent avoir trouvé quelque chose dans le Mishnéh Tôroh qui soutient leurs erreurs, ils changent d'avis ! Et c'est lamentable en ce que le Ramba''m n'a jamais dit ou écrit une chose pareille !

Le passage du Mishnéh Tôroh sur lequel s'appuient ces rabbins et organisations est celui-ci1 :

Nous ne désignons pas comme roi quelqu'un provenant de l'Assemblée des Convertis, même si ses ancêtres étaient Israélites sur plusieurs générations, à moins que sa mère fasse partie des Israélites, car il est dit2 : « Tu ne placeras point à ta tête un homme étranger, qui n'est pas ton frère ». Cela ne s'applique pas qu'à la royauté, mais plutôt à toutes les positions d'autorité au sein du peuple d'Israël, c'est-à-dire, ni comme chef de l'armée, ni comme chef de cinquante hommes, ni comme chef de dix hommes. Il ne peut pas même superviser la distribution des eaux d'une source aux divers champs. Il est inutile de dire qu'un Dayyon ou un Nosi`3 ne peut être qu'Israélite, car il est dit4 : « Du milieu de tes frères tu placeras sur toi un roi », c'est-à-dire, toute autorité que tu placeras à ta tête ne peut provenir que du milieu de tes frères.
אֵין מַעְמִידִין מֶלֶךְ מִקְּהַל גֵּרִים, אַפִלּוּ אַחַר כַּמָּה דּוֹרוֹת--עַד שֶׁתִּהְיֶה אִמּוֹ מִיִּשְׂרָאֵל: שֶׁנֶּאֱמָר "לֹא תוּכַל לָתֵת עָלֶיךָ אִישׁ נָכְרִי, אֲשֶׁר לֹא-אָחִיךָ הוּא". וְלֹא לְמַלְכוּת בִּלְבָד, אֵלָא לְכָל שְׂרָרוֹת שֶׁבְּיִשְׂרָאֵל--לֹא שַׂר צָבָא, וְלֹא שַׂר חֲמִשִּׁים אוֹ שַׂר עֲשָׂרָה, אַפִלּוּ מְמֻנֶּה עַל אַמַּת הַמַּיִם שֶׁמְּחַלֵּק מִמֶּנָּה לַשָּׂדוֹת; אֵין צָרִיךְ לוֹמַר דַּיָּן אוֹ נָשִׂיא, שֶׁלֹּא יְהֶא אֵלָא מִיִּשְׂרָאֵל: שֶׁנֶּאֱמָר "מִקֶּרֶב אַחֶיךָ, תָּשִׂים עָלֶיךָ מֶלֶךְ"--כָּל מְשִׂימוֹת שֶׁאַתָּה מֵשִׁים עָלֶיךָ, לֹא יִהְיוּ אֵלָא מִקֶּרֶב אַחֶיךָ

Ce passage semble à première vue discriminer à l'égard des convertis, puisqu'il interdit aux convertis d'occuper des positions d'autorité au sein du peuple d'Israël. Or, toute personne qui connaît la position du Ramba''m sur le statut des convertis sait automatiquement que ce ne peut être ce que le Ramba''m veut dire ici. Le Ramba''m était l'un des plus grands défenseurs de l'égalité entre les Israélites de naissance et les convertis à la foi israélite. Il défend les convertis avec ardeur dans son Mishnéh Tôroh et ses Tashouvôth (correspondances halakhiques), enseignant qu'il n'y a aucune différence entre les convertis et les Israélites de naissance. En outre, dans la chaîne de transmission de la Tôroh Orale, que le Ramba''m cite lui-même dans son Introduction au Mishnéh Tôroh, nous retrouvons de nombreux Sages qui étaient eux-mêmes des convertis, comme par exemple `ônqalôs ז״ל, `antighnôs de Sôkhô ז״ל, Shama´yoh ז״ל, `avtalyôn ז״לet beaucoup d'autres. Ces convertis occupaient tous des positions d'autorité en tant que rabbins et dirigeant de Yashivôth. Mais alors, pourquoi une telle position dans ce passage susmentionné du Mishnéh Tôroh ?

Premièrement, la source du Ramba''m pour cette Halokhoh est la Gamoro` de Qiddoushin 73a où il est enseigné qu'une communauté composée exclusivement de convertis ne peut pas être appelé « une assemblée » (Qahal). Le Talmoudh, à plusieurs reprises, nous parle de convertis qui formaient leurs propres assemblées, qui n'étaient donc constituées que de convertis, formant ainsi une caste à part. Au sein du peuple d'Israël, il y avait trois castes : les Kôhanim, les Lawiyim et les Yisro`élim (ceux qui n'étaient ni Kôhén, ni Léwi). Ces convertis formaient donc une quatrième caste que l'on appelait alors « Qahal Gérim – Assemblée des Convertis ». Puisqu'ils ont décidé de se mettre à part des Israélites de naissance et des autres convertis Israélites pour former leurs propres assemblées exclusivement composées de convertis, ils n'étaient pas pleinement traités comme des Israélites. D'où cette décision du Ramba''m selon quoi, puisqu'ils ne sont pas pleinement comme des Israélites, ils ne peuvent pas occuper des positions d'autorité au sein du peuple d'Israël. Par cette Halokhoh, le but du Talmoudh était de rendre quasiment impossible la formation de communautés de convertis qui s'établiraient en assemblées distinctes et séparées du reste du peuple d'Israël.5

Deuxièmement, le Ramba''m cite le fameux enseignement du Talmoudh selon quoi « Les convertis sont aussi difficiles pour les Israélites que l'affliction de la Sora´ath ». Ce n'est évidemment pas une insulte à l'égard des convertis, puisque ce passage ne parle que des convertis qui causent la perte du peuple d'Israël et se retournent contre les principes de la Tôroh et la Halokhoh, comme ceux qui forment des assemblées de convertis à part du reste du peuple d'Israël, ceux qui apostasient et renient la foi ou encore ceux qui se sont convertis pour des motifs ultérieurs. Ces convertis sont une calamité pour le peuple d'Israël. Voilà pourquoi le Ramba''m écrit ceci6 :

14. Un converti [dont les motivations] n'ont pas été vérifiées, ou qui ne s'est pas fait enseigner les Miswôth et leurs punitions, et s'est fait circoncire et s'est immergé en présence de trois tiers, c'est un converti. Même s'il est découvert qu'il s'est converti pour un motif ultérieur, étant donné qu'il s'est fait circoncire et s'est immergé, il a quitté la catégorie des Gôyim, mais nous le considérons avec scepticisme jusqu'à que sa droiture soit clarifiée. Même s'il retourne [à ses anciennes voies] et adore des idoles, il est [traité] comme un Israélite apostat. Ses fiançailles sont considérées être des Qiddoushin, et il est également une Miswoh de lui rendre les objets qu'il a perdus, car dès lors qu'il s'est immergé, il est devenu semblable aux Israélites. C'est pourquoi, Shimshôn et Shalômôh conservèrent leurs épouses, bien que leurs secrets fussent dévoilés.
יד  גֵּר שֶׁלֹּא בָדְקוּ אַחֲרָיו, אוֹ שֶׁלֹּא הוֹדִיעוּהוּ הַמִּצְווֹת וְעָנְשָׁן, וּמָל וְטָבַל בִּפְנֵי שְׁלוֹשָׁה הִדְיוֹטוֹת--הֲרֵי זֶה גֵּר: וְאַפִלּוּ נוֹדַע שֶׁבִּשְׁבִיל דָּבָר הוּא מִתְגַּיֵּר--הוֹאִיל וּמָל וְטָבַל, יָצָא מִכְּלָל הַגּוֹיִים; וְחוֹשְׁשִׁין לוֹ, עַד שֶׁיִּתְבָּאַר צִדְקוּתוֹ. אַפִלּוּ חָזַר וְעָבַד עֲבוֹדָה זָרָה--הֲרֵי הוּא כְּיִשְׂרָאֵל מְשֻׁמָּד, שֶׁקִּדּוּשָׁיו קִדּוּשִׁין; וּמִצְוָה לְהַחְזִיר אֲבֵדָתוֹ, מֵאַחַר שֶׁטָּבַל נַעֲשָׂה כְּיִשְׂרָאֵל. וּלְפִיכָּךְ קִיַּם שִׁמְשׁוֹן וּשְׁלֹמֹה נְשׁוֹתֵיהֶן, וְאַף עַל פִּי שֶׁנִּגְלָה סוֹדָן
15. C'est la raison pour laquelle les Sages ont dit7 : « Les convertis sont aussi difficiles pour les Israélites que l'affliction de la lèpre », car la plupart d'entre eux, pour une raison ou une autre, retournent [à leurs anciennes voies] et amènent des Israélites à s'égarer, et il est une chose difficile de nous séparer d'eux une fois qu'ils se sont convertis. Va et apprends ce qui s'est passé dans le désert lors de l'adoration du Veau d'Or et des Qivrôth Hatta`awoh ! De même, la plupart des [plaintes soulevées dans les épisodes où les Israélites] tentèrent incessamment [Dieu] furent initiées par eux.
טו  וּמִפְּנֵי זֶה אָמְרוּ חֲכָמִים, קָשִׁים לָהֶם גֵּרִים לְיִשְׂרָאֵל כְּנֶגַע צָרַעַת--שֶׁרֻבָּן חוֹזֵר בִּשְׁבִיל דָּבָר, וּמַטְעִין אֶת יִשְׂרָאֵל; וְקָשֶׁה הַדָּבָר לִפְרֹשׁ מֵהֶם, אַחַר שֶׁנִּתְגַּיְּרוּ. צֵא וּלְמַד מַה אֵרַע בַּמִּדְבָּר בְּמַעֲשֵׂה הָעֵגֶל, וּבְקִבְרוֹת הַתַּאֲוָה; וְכֵן רֹב הַנִּסְיוֹנוֹת, הָאסַפְסוּף הָיוּ בָּהֶן תְּחִלָּה

Le Ramba''m ne parle donc pas du tout des convertis sincères, dont il fait les éloges à de nombreuses reprises (en fait, le Ramba''m se soumet pleinement aux enseignements du Talmoudh qui encourage vivement à répandre la Tôroh autour de nous afin de faire beaucoup de convertis et faire diminuer l'immoralité et l'idolatrie dans le monde), tout comme le Talmoudh, mais des convertis renégats et ceux qui ne se sont pas convertis avec sincérité.

Voilà pourquoi les convertis membres de l'Assemblée des Convertis ne sont pas pleinement traités comme des Israélites, et par conséquent ils ne peuvent pas avoir de positions d'autorité sur les Israélites (de naissance ou convertis). D'où la Halokhoh du Mishnéh Tôroh, qui est néanmoins utilisée par quelques rabbins ignorants (qui ont pourtant une « Samikhoh ») pour interdire aux convertis de siéger dans un Béth Din dans des affaires qui concernent des Juifs de naissance, ou même pour procéder à des conversions, voire même de devenir des rabbins. Ces pseudo rabbins font avec le Mishnéh Tôroh ce qu'ils font de la Tôroh et de la Halokhoh en général : de la manipulation, et les sots prennent leur égarement pour de la sagesse !

Puissions-nous avoir le mérite de voir s'accomplir les paroles suivantes tirées des Shamônah ´asréh : הָשִׁיבָה שׁוֹפְטֵינוּ כְּבָרִאשׁוֹנָה וְיוֹעֲצֵינוּ כְּבַתְּחִלָּה, וּמְלֹךְ עָלֵינוּ אַתָּה לְבַדְּךָ « Rends nos juges comme autrefois et nos conseillers comme au commencement. Et règne sur nous, Toi seul », avec la venue de Moshiah Sidhqénou, quand les vraies lois d'HaShem seront instaurées et que nous aurons des juges dignes de ceux des temps d'autrefois qui trancheront les affaires avec vérité, justice et équité dans le Sanhédhrîn de notre roi. Puisse-t-il paraître prochainement et de nos jours pour mettre fin à notre exil et à la folie qui s'empare du ´am Yisro`él ! `omén !

1Hilkôth Malokhim Oumilhomôth 1:5
2Davorim, Ibid.
3Chef de Sanhedrîn, ou Chef spirituel d'une ville ou de l'ensemble du peuple juif. En Hébreu moderne, ce terme désigne également un président, ou un chef d'état.
4Davorim, Ibid.
5Talmoudh, Qiddoushin 70a-b
6Hilkôth `issouré Bi`oh 13:14-15
7Yavomôth 47a
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