samedi 31 janvier 2015

Sur la nature et le futur de la Halokhoh par rapport à l'autonomie religieuse : Cinquième et dernière partie

בס״ד

Sur la nature et le futur de la Halokhoh par rapport à l'autonomie religieuse

Cinquième et dernière partie

Le rabbin Nothon Lopes Cardozo שליט״א

Pour (re)lire :

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  • Problèmes halakhiques

À première vue, il semble que de nombreux principes halakhiques pourraient interdire la possibilité de réintroduire le concept de « `Éllou Wa`éllou ». Le Talmoud comprend des opinions minoritaire en matière de Dinéi DaRabbonon - les rabbiniques. C'est la catégorie qui nécessite urgemment que l'on traite des questions de spiritualité et de Halokhoh établie. En général, les opinions minoritaires ne sont pas destinées à être suivies. La raison est évidente: permettre aux gens de reprendre ces avis auraient un impact destructeur sur la communauté juive et son besoin de comportement normatif uniforme, c'est-à-dire, « afin de ne pas fragmenter la Tôroh dans de nombreuses Tôrohs » (Sanhédrin 88b).

Mais qu'en serait-il si suivre des opinions minoritaires ne ferait qu'accroître l'amour et le respect des lois de la Tôroh (Da`ôrayto`)) chez de nombreux coreligionnaires Juifs? Beaucoup de lois rabbiniques sont des haies de protection érigées dans le but distinct et précis d'empêcher des personnes de violer la loi de la Tôroh, mais que faire si elles produisent le résultat inverse, à savoir, le rejet absolu de loi de la Tôroh? Aujourd'hui, nombre de ces lois rabbiniques garder les gens à l'extérieur au lieu de les inviter à entrer. Elles ne sont pas propices à la spiritualité désirée par tous les gens qui essaient de respecter les lois de la Tôroh. Et si certaines des opinions minoritaires étaient plus propice à l'observance des lois de la Tôroh? C'est particulièrement vrai concernant les lois rabbiniques qui affectent l'individu. Ces sujets exigent un grand investissement spirituelle à un niveau individuel. Ne serait-il pas plus sage dans ces cas d'encourager la mise en application des opinions minoritaires telles que rapportées dans le Talmoud au lieu de les interdire et de normaliser les opinions de la majorité?1

  • Béith Shamma`y et Béith Hillél

Nous nous demandons si une telle approche serait valable au niveau des controverses rituelles entre Béith Shamma`y et Béith Hillél. La Halokhoh suit sans équivoque Béith Hillél, et dans des circonstances normales, il est interdit de se conformer aux avis de Béith Shamma`y (´Éiouvin 13b). Cependant, la raison de cette règle n'est pas du tout claire (Voir Yavomôth 14a). En fait, il semble qu'il y avait des cas dans le passé où suivre des décisions de Béith Shamma`y fut même encouragé (Barokhôth 53b). Quelle que soit la raison, serait-il permis de suivre les avis de Béith Shamma`y lorsque certaines personnes se sentent plus liées à ce point de vue? Après tout, beaucoup de ces divergences d'opinion [entre Béith Shamma`y et Béith Hillél] ne portent pas seulement sur des aspects juridiques ou des disputes académiques; elles sont, avant tout, des différences d'approche sur la vie religieuse. (Voir par exemple la question de savoir si l'on doit allumer les huit bougies le premier jour de Hanoukkoh (Béith Shamma`y) ou seulement le dernier jour (Béith Hillél ).) Ne serait-il pas plus conforme à l'esprit de Béith Shamma`y et Béith Hillél de permettre aux gens de décider par eux-mêmes [comment allumer les bougies de Hanoukkoh], maintenant que l'engagement religieux dans une société laïque est d'une nature entièrement différente de ce qu'il était dans les premiers temps?

  • Ignorer les opinions minoritaires

En outre, le Talmoud nous permettrait-il non seulement d'ignorer des opinions majoritaires, mais également des opinions rabbiniques minoritaires si le résultat amènerait les gens à respecter les lois de la Tôroh? Il est une évidence que de nombreuses lois rabbiniques facilitent l'observance des lois de la Tôroh, mais qu'en est-il si les gens se sentent confinés par ces lois au point de ne plus comprendre l'esprit, disons, de cette prière ou du Shabboth ? Dans de nombreux cas, il n'est même pas clair si une loi est Da`ôrayto` ou DaRabbonon, et dans ces cas on ne peut pas prendre de risques. Mais là où nous savons pertinemment bien qu'ils sont DaRabbonon, cela serait-il autorisé? Après tout, les êtres humains sont des plus complexes. La liberté dans un domaine conduit souvent à un plus grand engagement dans un autre.

En effet, dans les temps pré-mishnaïques et talmudiques, bon nombre de ces lois rabbiniques n'existaient pas encore, et les gens prenaient leurs propres décisions sur la façon de s'assurer qu'ils ne violeraient pas la loi de la Tôroh ou sur la façon de donner un sens à leur relation avec D.ieu par leurs propres prières ou d'autres rituels.2 Il n'y avait pas de livres de prière et il semble qu'il était strictement interdit de mettre par écrit des prières3 (Shabboth 115b). Est-il impossible d'adopter nous aussi une approche semblable aujourd'hui?

  • Bénédictions, prières et offices synagogaux personnalisés

Les gens pourraient-ils adopter d'autres versions de bénédictions, telles que celles décrites dans le Talmoud mais pas codifiées dans la Halokhoh pratique? Le Talmoud objecterait-il vraiment contre quelqu'un qui formule ses propres Barokhôth si elles ont une plus grande importance pour lui? Quand les gens se plaignent de ne pouvoir se connecter à certaines des Barokhôth et prières officielles; que ces Barokhôth et prières sont d'une telle beauté qu'ils sont incapables d'absorber leur signification profonde et donc se sentent hypocrites en les disant; ou que la récitation constante des mêmes Barokhôth et prières ne permet plus les dire avec ferveur religieuse, n'y a-t-il pas une certaine vérité à leur affirmation? Après tout, n'était-ce pas le but des Sages de formuler ces textes religieux pour inciter les gens à louer et remercier sincèrement D.ieu? N'est-il pas préférable pour nous de dire différentes prières lorsque cet objectif serait mieux servi? Inutile de dire que certaines exigences spirituelles et religieuses devraient être préservées.4

Différents types d'offices synagogaux pourraient-ils être créés dans lesquels des prières et rituels alternatifs sont laissés à l'appréciation de la communauté? Les Minhagim, rituels et d'autres traditions sont d'une grande importance et ne devraient pas être pris à la légère. Ils ont grandement contribué au judaïsme. Mais que faire si les gens ont désespérément besoin d'exprimer leur dévotion religieuse d'une manière différente? Tout comme il est possible pour un rabbin de prendre une décision halakhique un jour et une différente le lendemain, parce qu'il voit les choses différemment, pourquoi cela ne pourrait-il pas s'appliquer également aux prières de l'être humain? Qu'en serait-il si cela contribuerait à créer une expérience religieuse plus authentique?

Ces questions et d'autres sont de la plus haute importance si nous voulons revitaliser le judaïsme dans le cœur de beaucoup de gens.

  • Hôra`ath Sho´oh

Dans cette veine, peut-être devrions-nous nous pencher sur les concepts halakhiques qui traitent de cas où la suspension d'une loi particulière « ramène les foules à la religion et les sauve d'un laxisme religieux général » (Mishnéh Tôroh, Hilkhôth Mamrim 2:4). Ces concepts pourraient inclure les notions de Hôra`ath Sho´oh, la nécessité de la suspension temporaire d'une loi; Lamigdar Milto`, l'amélioration d'un sujet particulier; et ´Éth LaShem, un temps pour agir pour D.ieu. Comme le grand sage talmudique Réish Laqqish l'a fait remarquer, « Il y a des moments où la suspension de la Tôroh peut être sa fondation »5 (Manohôth 99a-b). Ces concepts se réfèrent généralement à des changements à court terme, et sont généralement limités dans leur portée. Cependant, il y a eu des cas dans l'histoire religieuse juive où des sujets ont été modifiés sur une base à long terme, et dans certains cas n'ont jamais été révoqués. En fait, ces principes ont même été utilisés pour des besoins religieux totalement opposés, en fonction des Hashqofôth des communautés qui étaient au bout du rouleau et tentèrent activement de faire survivre le judaïsme dans les temps modernes. Ces exemples peuvent être trouvés dans le concept de « Tôroh ´Im Darakh `Aras » développé par Rabbi Samson Raphaël Hirsch; dans l'opposition du Hothom Sôfèr à la culture générale; dans la décision prise par le Hofés Hayim d'autoriser les jeunes femmes à recevoir une éducation toranique plus poussée; et dans l'interdiction rabbinique existant dans certains milieux, concernant les groupes de prière exclusivement composés de femmes.6 Toutes ces innovations furent une réponse à une crise aiguë, qu'elles aillent laqouloh7 ou Lahumroh8. Elles ne peuvent probablement pas être inclus dans la stricte définition et les paramètres de Hôra`ath Sho´oh, mais elles portent clairement son caractère et ont été acceptées comme telles par les différentes communautés. Elles ressemblent toutes à une Hôra`ath Sho´oh.

Pour éviter tout malentendu, je répète qu'en aucune façon je ne suggère que nous fassions disparaître des pièces du judaïsme, ou que l'on nie la divinité de la Tôroh et l'importance de la loi rabbinique. C'est plutôt l'inverse. Mes observations et suggestions proviennent d'un amour profond et d'une grande appréciation pour ce que représente la Halokhoh. C'est par amour pour la Parole de D.ieu qui est descendue à nous au Sinaï, que cet article est né.
1En fait, bon nombre d'opinions considérées minoritaires dans le Talmoud pouvaient néanmoins être appliquées par ceux qui le désiraient. Qu'une opinion soit minoritaire ne signifie pas automatiquement qèue l'on doive obligatoirement suivre l'opinion majoritaire sur la question. C'est ainsi que tout au long du Talmoud, nous voyons de nombreux Sages qui se tenaient plutôt du côté de l'opinion minoritaire et l'appliquaient, en dépit qu'elle n'était pas majoritaire, car sur de nombreuses questions que l'on suive telle ou telle opinion n'a en réalité aucune incidence halakhique négative.
2Nous avons apporté de nombreux exemples dans divers articles publiés sur ce blog pour démontrer que dans les temps talmudiques, tout n'était pas formalisé. On pouvait, par exemple, réciter ses propres formules pour la Havdoloh et d'autres rituels.
3Justement pour que la prière ne devienne jamais quelque chose de figé. C'est ainsi que le Talmoud oblige en réalité à ajouter des éléments nouveaux dans toutes nos prières, contrairement à ce qui se fait de nos jours où les mêmes prières sont récitées chaque jour. Même au Moyen-Âge, c'était le Shaliah Sibbour qui improvisaient le déroulement de l'office en choissant lui-même les chants qu'il désirait que l'assemblée chante avec lui. C'est ainsi que de nombreux Piyyoutim se frayèrent un chemin dans le Siddour. Le Talmoud rapporte également les versions personnelles du « Môdim DaRabbonon » que faisaient bon nombre de personnes pendant la ´Amidoh. Chacun pouvait dire ce qu'il voulait pendant que le Shaliah Sibbour récitait la bénédiction du « Môdim ».
4Le Talmoud donne effectivement des règles à suivre lorsqu'on récite ses propres Barokhôth. Nous ne devons donc pas les formuler comme bon nous semble.
5C'est-à-dire, ce qui permet de la préserver et la maintenir en vie.
6Tous ces exemples sont des innovations causées par des situations particulières. Nous voyons donc qu'il est totalement faux de prétendre qu'il est interdit de changer quoi que ce soit dans la pratique religieuse.
7Vers l'indulgence

8Vers la rigueur

jeudi 29 janvier 2015

Sur la nature et le futur de la Halokhoh par rapport à l'autonomie religieuse : Quatrième partie

בס״ד

Sur la nature et le futur de la Halokhoh par rapport à l'autonomie religieuse

Quatrième partie

Le rabbin Nothon Lopes Cardozo שליט״א

Pour (re)lire :

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  • Le judaïsme est un mode de vie autonome

La question que nous devons à présent poser est de savoir comment ramener le judaïsme à son « soi » originel et authentique dans lequel la tradition halakhique du « `Éllou Wa`éllou »1 est une fois de plus reconnue et appliquée. Peut-on réactiver ce concept pour apporter une nouvelle vie dans la circulation sanguine du judaïsme pour ces jeunes qui sont dans le besoin? Certes, le principe de « `Éllou Wa`éllou » n'est pas un chèque en blanc qui permet tout. Ce principe ne doit être mis en œuvre que s'il va stimuler un plus grand engagement à la vie religieuse juive tout en répondant simultanément aux nombreux changements drastiques qui ont eu lieu dans notre monde moderne. La nécessité de l'autonomie humaine ainsi que la spiritualité et la soif de sens qui sont recherchées par tant de jeunes devra être traitée.

Nous devons réaliser que le judaïsme est un mode de vie autonome. Bien que le besoin de conformité au sein de la communauté doit être constamment pris en considération, en fin de compte on est censé répondre en tant qu'individus aux exigences de la Tôroh. Chaque être humain est un monde entier, et il n'y a pas deux êtres humains qui soient identiques dans leur constitution psychologique, dans leurs besoins religieux ou expériences de D.ieu. On ne peut rencontrer D.ieu qu'en tant qu'individu. Qu'est-ce, après tout, le but de mon existence si ce n'est de me rapporter à D.ieu différemment de mon voisin? Imiter ce que font les autres dans leur service de D.ieu démontre qu'il n'y a aucune raison pour que je sois venu au monde. Le besoin criant de distinction humaine est démontrée par le fait qu'aucun Juif n'a reçu la Tôroh ou entendu la voix de D.ieu au Sinaï de la même manière, comme l'a fait remarquer le Maharshal. La nécessité d'une plus grande autonomie halakhique n'est pas dans le simple but d'adapter le judaïsme à l'esprit des temps modernes, mais aussi de rendre le judaïsme plus authentique et fidèle à son propre esprit. Bien que la nécessité de la conformité communautaire a souvent rendu difficile pour le judaïsme d'insister sur la nécessité de l'autonomie personnelle, la difficulté vécue par tant de jeunes gens aujourd'hui peut propulser cette question à l'avant-garde de notre préoccupation.

  • Questions difficiles

À la lumière des observations mentionnées ci-dessus, je me demande si nous pouvons présenter à nouveau les grands débats talmudiques d'une manière qui va remodeler le judaïsme dans son soi originale à multiples facettes et coloré, de sorte que les jeunes Juifs d'aujourd'hui, qui s'interrogent, tombent amoureux de lui. Devrions-nous permettre, et même encourager, des personnes ou des communautés à décider elles-mêmes laquelle des nombreuses opinions dans le Talmoud aimeraient-ils suivre?

Pour répondre à cette question nous devons sans doute aller au-delà de la façon classique avec laquelle la Halokhoh a été appliquée à travers les générations ultérieures. À bien des égards la question n'est pas seulement d'ordre halakhique; c'est aussi une question d'ordre hashkafique. Nous devons trouver de nouvelles voies à la spiritualité juive. Même s'il n'est pas tout à fait clair où commencent les questions de Halokhoh, les questions de Hashqofoh, la `aggodoh et les besoins spirituels qui influencent la pensée halakhique, il est nécessaire d'entrer dans une nouvelle façon halakhique de penser; une qui a rarement été utilisée, mais fait clairement partie du monde du Talmoud. C'est le concept de plusieurs vérités dans la Tôroh de D.ieu. Dans notre monde moderne, l'esprit de la Halokhoh comme une tradition vivante à multiples facettes devient extrêmement pertinente. Les règles conventionnelles sur la façon de parvenir à une décision halakhique peuvent avoir à intégrer des exigences plus spirituelles. Toutefois, cela ne peut se faire que si elles sont enracinées dans le Talmoud et ne violent pas les principes sous-jacents du débat halakhique comme décrit par « `Éllou Wa`éllou ». Le débat quant à savoir si les individus peuvent décider de leur propre chef quelle opinion dans le Talmoud ils aimeraient suivre est d'une importance capitale.

  • Les savants halakhiques et la crise religieuse

Les grands savants halakhiques d'aujourd'hui et de demain devront décider si nous sommes autorisés à mettre en œuvre cette idée. Seront-ils prêts à sincèrement considérer ces questions? Sont-ils équipés de suffisamment de connaissances sur notre monde - la crise morale, spirituelle et religieuse dans laquelle tant de jeunes se retrouvent - pour traiter de cette question? Comprennent-ils pleinement la place centrale que l'autonomie humaine occupe dans la société d'aujourd'hui et dans le judaïsme authentique? Est-ce qu'ils se connectent assez avec la mélodie religieuse de la Halokhoh pour même voir la nécessité de ces questions? Ils peuvent facilement rejeter ces questions comme hors de propos, inacceptables, non-Koshér ou même hérétique; mais cela ne va pas. Trop de choses sont en jeu. La situation difficile de l'humanité en général et des Juifs en particulier, est si grande, que le refus de traiter ces problèmes éloigneront finalement de nombreux bons Juifs de la tradition juive et de la pratique religieuse. Ignorer le besoin grandissant de tant de jeunes, des personnes intelligentes, pour une approche autonome d'un mode de vie halakhique personnel n'est plus possible. Un grand courage est même nécessaire pour ne serait-ce que soulever ces questions, et encore plus pour donner des réponses. Ce qui est nécessaire est la volonté sincère de penser hors de la boîte.

mercredi 28 janvier 2015

Sur la nature et le futur de la Halokhoh par rapport à l'autonomie religieuse : Troisième partie

בס״ד

Sur la nature et le futur de la Halokhoh par rapport à l'autonomie religieuse

Troisième partie

Le rabbin Nothon Lopes Cardozo שליט״א

Pour (re)lire :

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  • Critique de Maïmonide et de Rabbi Yôséf Qa`rô

Comme mentionné précédemment1, plusieurs talmudistes de premier plan ont fait valoir que le Mishnéh Tôroh de Maïmonide et le Shoulhon ´Oroukh de Rabbi Yôséf Qa`rô ont privé loi juive de cet esprit. Maïmonide élimine toutes les références à la base de ses décisions et passe presque systématiquement au silence l'existence même des opinions dissidentes et minoritaires.2 Les rares fois où il les mentionne, il semble exprimer une attitude négative, comme s'il souhaite sauver le judaïsme de cet embarras. (Voir, par exemple, Hilkhôth Mamrim 1:3-4.) Bien que moins extrême, Rabbi Yôséf Qa`rô affirme également ses décisions dans le Shoulhon ´Oroukh en termes généraux, sans mentionner de sources ou d'autres opinions. Il est vrai qu'il a d'abord rédigé le « Béith Yôséf » dans lequel il apporte de nombreuses opinions et sources.3 On pourrait donc faire valoir qu'il ne voulait pas que son Shoulhon ´Oroukh puisse devenir une œuvre distincte et autonome. Cependant, le fait est qu'une fois que cet ouvrage fut rédigé, il a rapidement assumé ce statut même. Il serait difficile de prétendre que l'auteur n'avait pas prévu cette possibilité.

  • Maharshal, Maharal et Rabbi Hayim ban Basal`él

Trois autorités furent profondément préoccupées par cette évolution: Rabbi Shalômôh Louria, connu sous le nom de Maharshal (1510-1573); Rabbi Yahoudoh Low ban Basal`él, connu sous le nom du Maharal de Prague (1520-1609); et Rabbi Hayim ban Basal`él (1530-1588), le frère du Maharal. Chacun à sa manière a attaqué le Mishnéh Tôroh et le Shoulhon ´Oroukh, affirmant qu'ils étaient anti-talmudiques et donc anti-halakhiques.4 Le Maharshal a accusé Maïmonide d'agir « comme si (il) a reçu (le Mishnéh Tôroh) directement de Môshah au Mont Sinaï, [comme s'il] l'a reçu directement du ciel, n'offrant aucune preuve ... » (Yam Shal Shalômôh, Introduction à Bavo` Qammo`). Dirigeant son attaque vers le Shoulhon ´Oroukh de Rabbi Yôséf Qa`rô dans lequel l'auteur suit l'avis de la majorité des trois autorités (Rif, Rô`sh et Maïmonide), le Maharshal s'est demandé en quoi l'auteur avait-il le droit de le faire. Rabbi Yôséf Qa`rô a-t-il reçu une telle tradition qui remonte à l'époque des sages ? (ibid)

Le Maharshal poursuit en affirmant que l'entreprise même du Shoulhon ´Oroukh est dangereuse. Ceux qui l'étudient en viendront à croire que ce que Rabbi Yôséf Qa`rô écrit est l'autorité finale, et même « si un être vivant se tenait devant eux et écrirait que la Halokhoh est différente, en citant d'excellents arguments ou même une tradition reçue faisant autorité, ils ne prêteront pas attention à ses paroles ... » (Yam Shal Shalômôh, introduction à Houllin).5 Rabbi Hayim ban Basal`él ajoute que les gens ne réalisent pas que cette autorité [halakhique] n'est « qu'une personne parmi d'autres » (Vikouah Mayim Hayim 7)

En outre, ces codes [halakhiques] conduisent à la paresse intellectuelle. Les gens n'étudieront plus le Talmoud car ils s'appuient sur ces ouvrages [halakhiques]. Nous pouvons comparer cette situation à un pauvre qui recueille des aumônes des gens riches et aime afficher ses marques de richesse. À première vue, il donne l'impression d'effectivement être riche. Après tout, il a de la nourriture et des vêtements. Mais en vérité, c'est une illusion, car tout ce qu'il a vient des éléments qu'il a recueillis. (ibid) De même, celui qui étudie seulement ces codes et règles [halakhiques] ne connait pas du tout les tenants et les aboutissants des débats talmudiques qui les ont précédés.

Rabbi Basal`él met en garde contre un autre danger. Comment peut-on même savoir si la Halokhoh telle qu'elle est rapportée dans le Mishnéh Tôroh ou le Shoulhon ´Oroukh est applicable à une situation particulière ? Ces questions sont dans un état de flux. Un changement mineur peut exiger une réponse radicalement différente. Même plus audacieuse encore est son observation selon quoi, étant donné que la « [Torah] n'est plus dans le ciel » (Bavo` Mési´o` 59a-b) et que les questions halakhiques doivent être décidées par les êtres humains, il est possible que la même autorité halakhique puisse voir les choses différemment aujourd'hui que ce qu'il a fait hier. En tant que tel, il peut statuer différemment aujourd'hui que ce qu'il a fait hier. Ce n'est pas une lacune ou une incohérence. Tout cela fait partie du principe selon quoi « celles-ci et celles-là sont les paroles du D.ieu vivant ».

Le Maharal ajoute que le rabbin ne peut compter que sur sa propre intelligence: « Et même quand sa sagesse le conduit à se tromper, il est néanmoins bien-aimé par D.ieu tant qu'il a fait de son mieux pour raisonner. Et cette personne est de loin préférable à celle qui détermine la Halokhoh à partir d'un seul ouvrage, sans en connaître la raison, marchant comme un aveugle le long du chemin » (Nétivôth ´Ôlom 16, à la fin).6

Ces autorités conviennent que le Talmoud seul devrait être la source de la prise de décision halakhique.7 Tous déclarent que la préoccupation « qu'il y ait beaucoup de Tôrohs [différentes] en Israël » (Sanhédrin 88b) n'a aucune incidence sur cette question. Ce n'est pas la multitude d'opinions halakhiques qui crée le danger de nombreuses Tôrohs [différentes]; c'est le rejet même du Talmoud en tant seul texte faisant autorité pour décider des questions halakhiques qui présente ce danger. En fait, c'est la codification qui provoque le problème de nombreuses Tôrohs [différentes] en Israël, car la codification [systématique] n'oblige plus le Pôséq à revenir aux différentes opinions exprimées dans le Talmoud ! Le Talmoud incarne le judaïsme dans sa forme la plus authentique. C'est la validité de chacune des opinions opposées comme faisant partie de la Tôroh de D.ieu qui rend le judaïsme dynamique et fidèle à son propre esprit. C'est seulement à partir du Talmoud lui-même que le rabbin doit décider la loi, en tenant compte de toutes les différentes opinions qui y sont mentionnées.

Il ne fait aucun doute que Maïmonide et Rabbi Yôséf Qa`rô avaient les meilleures intentions. Ils voulaient créer un terrain d'entente et ont estimé qu'une codification unifiée rendrait cela possible. Les deux ont estimé que leurs coreligionnaires Juifs avaient besoin d'un judaïsme simplifié dans lequel presque rien n'a été laissé au hasard ou à l'aléatoire. Tout comme les treize principes de Maïmonide sur la foi ont donné au judaïsme une apparence de religion dogmatique, de même en fut-il du Mishnéh Tôroh et du Shoulhon ´Oroukh. Ces ouvrages codifiés ont fait pénétrer des éléments étrangers dans le judaïsme.8 Avec le recul, nous pouvons voir qu'ils ont causé une fausse déclaration de la nature de la loi juive et de son esprit. Cela a mis en mouvement un genre entier de littérature halakhique qui est non-juive dans son esprit. Le résultat fut une fausse impression du judaïsme, qui est devenue la cause célèbre des attaques contre le judaïsme vu comme une religion de rigidité obscure. Le Traité théologico-politique de Spinoza est un exemple typique, et la codification extrême dans le monde juif d'aujourd'hui est le résultat évident [de ces codifications à outrance].

Tout cela étant dit, nous devons continuer à étudier les ouvrages de Maïmonide et Rabbi Yôséf Qa`rô et peut-être même vivre selon leurs directives. Ils appartiennent à ce que le judaïsme a de mieux à offrir. Mais nous devons être prudents et veiller à ne pas créer l'impression qu'il n'y a pas de voies alternatives.9 Nous devons faire de nos jeunes des chercheurs conscients du fait que la Halokhoh est beaucoup plus que ce que ces ouvrages représentent. Par dessus tout, nous devrions voir ces ouvrages sublimes comme n'étant rien d'autre que des commentaires sur le Talmoud. Plus précisément, le Mishnéh Tôroh de Maïmonide nous offre des vues profondes sur la façon dont son esprit de génie a lu et compris le Talmoud.10 C'est en cela, et non dans sa tentative de codifier la loi juive, que Maïmonide a apporté sa plus grande contribution à l'étude juive. En fin de compte, ce n'est que par les discussions contenues dans le Talmoud que nous, avec l'aide de nos rabbins, devons décider comment vivre notre vie religieuse.11
3Là encore, voir l'article intitulé « Aucun code halakhique n'est supérieur au Talmoud »
4Voir l'article intitulé « Que signifie être Rambamiste », où il avait été expliqué que bien que nous nous référons au Rambam, nous estimons le Talmoud supérieur. Par conséquent, nous ne suivons pas le Rambam lorsque ses opinions sont contraires à ce qui est dit dans le Talmoud.
5Et c'est précisément ce qui se passe, au point de nous fait croire qu'il faut suivre le Shoulhon ´Oroukh en tout point, même quand il contredit le Talmoud. Voir l'article intitulé « Renverser la hiérarchie ».
6Et c'est ce que font aujourd'hui la majorité des Juifs, suivant des tonnes de règles et de lois, sans même savoir si elles sont conformes au Talmoud, et sans même se soucier des raisons cachées derrières ces règles et lois, qu'ils suivent juste parce qu'elles sont rapportées dans tel ou tel ouvrage ! Dans le même temps, ceux qui rejettent ce diktat insensé et s'attellent à revenir à la Halokhoh authentique du Talmoud ou à juger toute loi et règle à la lumière de sa conformité ou pas avec le Talmoud, ceux-là sont insultés ou méprisés, voire taxés de rebelles. Mais rebelles contre qui ? Contre les rabbins ou contre la Loi Orale (dans laquelle tout Juif affirme croire) ?
7Et c'est ce que je défends ardemment sur ce blog.
8Le Rambam s'est souvent beaucoup appuyé sur les Gé`ônim et a compté comme Halokhoh certaines pratiques nées après l'époque talmudique. De même, son esprit trop rationaliste l'a amené à rejeter certaines doctrines dans lesquelles croyaient pourtant nos Sages (comme par exemple l'existence des démons, la sorcellerie, etc.). Quant à Rabbi Yôséf Qa`rô, il a fait pénétrer la prétendue « Qabboloh » du Zôhar dans la Halokhoh.
9Comme ceux qui déclarent « apostats » ou « hérétiques » quiconque ne suivrait pas les Halokhôth et règles de notre époque n'ayant pas de fondement talmudique. Si la majorité veut suivre ces règles, c'est son droit. Mais qu'elle reconnaisse alors aux autres le droit de ne faire que ce qui est tranché par le Talmoud, qui est notre Tôroh Orale contenant les paroles et doctrines de nos Sages de mémoire bénie, qui sont de loin supérieurs à tout ce qui s'est fait depuis l'ère talmudique ! Le but de ce blog est précisément de montrer, avec sources à l'appuie, que des voies alternatives halakhiquement valables existent, et que bon nombre des choses qui se font aujourd'hui contredisent la Tôroh Écrite et Orale, dans lesquelles tout Juif affirme croire. Je suis pleinement conscient que certains articles ou propos peuvent choquer les plus sensibles, et surtout ceux qui croient dur comme fer en leurs rabbins et leur infaillibilité, et considèrent toutes les règles du judaïsme actuel comme faisant partie de la tradition reçue au Sinaï. Mais ce n'est pas cela qui doit empêcher de dire les choses telles qu'elles sont.
10Et la raison pour laquelle le Mishnéh Tôroh est utilisé comme référence sur ce blog est que par l'étude profonde du Mishnéh Tôroh, il est possible de remonter jusqu'aux sources talmudiques plus aisément qu'avec tout autre ouvrage halakhique et voir de nous-mêmes si ce que dit le Rambam est bien ce que dit le Talmoud ou pas, car, en définitive, ce n'est pas le Mishnéh Tôroh notre autorité, mais le Talmoud lui-même. Lorsque le Mishnéh Tôroh est lu et étudié de cette façon, c'est là qu'on en fait l'usage le plus approprié.

11Et c'est la raison pour laquelle le blog `Ôr HaMishnoh fut créé, de façon à revenir aux sources talmudiques.

lundi 26 janvier 2015

Sur la nature et le futur de la Halokhoh par rapport à l'autonomie religieuse : Deuxième partie

בס״ד

Sur la nature et le futur de la Halokhoh par rapport à l'autonomie religieuse

Deuxième partie

Le rabbin Nothon Lopes Cardozo שליט״א

Pour (re)lire :

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  • Le problème de la codification

Au cours des cinq derniers siècles, de célèbres dirigeants rabbiniques ont appelé à limiter l'autorité écrasante du Shoulhon ´Oroukh de Rabbi Yôséf Karo et du Mishnéh Tôroh de Maïmonide. Ils estimaient que ces œuvres ne reflètent pas l'authentique judaïsme et sa tradition halakhique. La raison est évidente. Ces deux grands codes de la loi juive ne sont pas dans l'esprit du judaïsme. Ils présentent la Halokhoh dans des façons qui s'opposent au cœur et l'âme du Talmoud, et donc du judaïsme lui-même. Ils ont privé le judaïsme de sa tradition halakhique à multiples facettes et sa musique inhérente. Ce ne sont pas ces œuvres elles-mêmes qui sont le problème mais l'idéologie qu'elles représentent: la philosophie de codification et de finalisation la loi juive.

Ce problème a pris des proportions terribles à notre époque. Il y a plus d'études du judaïsme aujourd'hui que dans les deux mille dernières années. De plus en plus de jeunes se consacrent à une vie de Shamirath Hammiswôth (d'observance religieuse). Cela devrait être un motif de grand optimisme. Que pourrions-nous vouloir d'autre dans une ère d'extrême laïcité ? Cependant, il est difficile de nier que cet engagement révèle un effet secondaire inquiétant. Il expose les éléments d'un judaïsme artificiel qui a été ré-écrit de manière préjudiciable qui s'oppose à sa nature même.

Une lecture attentive de la littérature juive orthodoxe de notre temps révèle que de nombreux auteurs se méprennent sur la nature de la loi juive. Une grande partie de cette littérature est consacrée à la codification extrême et obsessionnelle, qui va de pair avec un désir de « fixer » la Halokhoh une bonne fois pour toute. Les lois de Mouqsah, de la Tavilath Kélim, de la Sani´outh et beaucoup d'autres, sont codifiées avec chaque fois plus de détails que jamais auparavant. Ces ouvrages sont devenus la norme par lesquels la jeune communauté religieuse vit sa vie. Lorsqu'on les étudie on se demande si nos ancêtres étaient réellement religieux, étant donné que ces recueils n'ont jamais été mis à leur disposition et qu'ils n'auraient jamais pu connaître toutes les minuties présentées aujourd'hui au Juif pratiquant. Au cours des années, nous avons embaumé le judaïsme tout en affirmant qu'il est vivant parce qu'il continue à maintenir sa forme extérieure.

La majorité de la littérature halakhique d'aujourd'hui est standardisée, permettant peu de place à la flexibilité halakhique et au besoin spirituel d'un peu de nouveauté. Pour la plupart, le lecteur est invité à suivre le point de vue le plus rigoureux sans se demander s'il l'aidera effectivement dans son ´Avôdath HaBôré` (service du Créateur), selon sa personnalité distincte. La musique de la Halokhoh, son esprit et sa mission sont entièrement perdus dans ce type de littérature. Lorsque l'étudiant cherche au-delà de ces ouvrages la musique, il est souvent confronté à une approche dogmatique du judaïsme qui manque entièrement la cible. Nous sommes marquée par la codification et la dogmatisation excessive.

Une autre tentative obsessionnelle qui contraste avec la nature même du judaïsme est la tentative de codifier les croyances juives. Les croyances juives sont constamment dogmatisées et halakhisées par les autorités rabbiniques, et toute personne qui n'accepte pas ces croyances rigides n'est plus considérée comme un vrai Juif religieux. Un esprit de finalisation s'est emparé du judaïsme.

  • Celles-ci et celles-là sont les paroles du D.ieu Vivant

L'une des plus grandes contributions du Talmoud au judaïsme est son indétermination, son refus fréquent de faire la loi. Les discussions talmudiques consistent principalement en des positions concurrentes, manquant souvent une décision claire qui fait autorité. La raison est évidente: il ne devrait pas toujours y en avoir une. La déclaration talmudique bien connue, « `Éllou Wa`éllou Divréi `Alôhim Hayim – Celles-ci et celles-là sont les paroles du D.ieu Vivant » (´Éirouvin 13b), soutient cette position. Un désaccord halakhique et des opinions radicalement opposées sont l'essence du Judaïsme. Il y a une raison profonde à ce principe. La Tôroh, qui est la parole de D.ieu, ne peut qu'être multiforme. Comme D.ieu Lui-même, elle ne peut jamais s'intégrer dans un système finalisé, car elle est beaucoup trop vaste. Chaque être humain est différent; la Tôroh doit donc être différente pour chacun d'entre eux, démontrant des dimensions et des possibilités infinies. C'est l'un des aspects les plus fascinants de la tradition juive, ce qui la distincte clairement des religions du monde.

Dans un discours brillant, Rabbi Shalômôh Louria, le Maharshal (1510-1573), déclare :

On ne devrait jamais être étonné par la quantité de débats et d'argumentations en matière de Halokhoh. ... Toutes ces vues sont dans la catégorie de « Celles-ci et celles-là sont les paroles du D.ieu Vivant », comme si chacune d'elles a été reçue directement par Môshah au Sinaï ... Les kabbalistes ont expliqué que la base de cela est que chaque âme individuelle était présente au Sinaï et a reçu la Tôroh au moyen de quarante-neuf Sinôrôth, chaînes spirituelles. Chacun perçu la Tôroh de son propre point de vue en fonction de sa capacité intellectuelle, ainsi que la nature et le caractère unique de son âme particulière. Cela explique la différence de perception dans la mesure où l'un a conclu que l'objet était Tamé` à l'extrême, un autre l'a perçu comme étant absolument Tahôr, et pourtant une troisième personne fait valoir le statut ambivalent de l'objet en question. Tous ces points de vue sont vrais et authentiques. Ainsi, les sages ont déclaré que dans un débat entre les savants, toutes les positions articulées sont différentes formes de la même vérité.
Yam Shal Shalômôh, Introduction à Bavo` Qammo`

Les observations de Maharshal vont au cœur du judaïsme. Il n'existe pas de principe selon lequel il faudrait avoir une Tôroh fixe qui est identique pour tous. Il y a certainement des objectifs qui doivent être atteints: à savoir, l'accomplissement des commandements de D.ieu. Mais il n'y a pas de bénéficiaires passifs. Chaque personne reçoit la Tôroh individuellement, selon sa propre personnalité et ses circonstances exceptionnelles. En fait, on pourrait soutenir que l'idéal aurait été que qu'aucun texte écrit ne fut donné au Sinaï étant donné que deux personnes sont capables de lire le même texte de manière différente. Le sens du texte dépend dans une large mesure du lecteur et n'est donc pas une réalité fixe. Le fait qu'un texte ait même été donné au Sinaï est en soi un compromis. Même si un texte aurait dû être donné, a priori, il aurait dû l'être en autant de versions qu'il y a de Juifs depuis le Sinaï. Ce n'est pas arrivé; un seul texte a été révélé en raison du fait qu'il y avait un besoin d'unité et d'affiliation entre les Juifs, de partager l'expérience d'un texte Divin dans un lien d'unité, façonner un peuple élu qui apporterait la parole de D.ieu au monde. Il y avait la nécessité d'une base fondamentale à travers laquelle les Juifs seraient en mesure de discuter de la parole de D.ieu et la partager partout où ils vont. Surtout, un texte fixe était nécessaire pour faciliter la discussion, et non une contrainte. Si les choses étaient restées ainsi, il serait resté en vie, permettant à l'infini de nouvelles interprétations possibles et des perspectives uniques.

On pourrait même faire valoir que tous les Juifs n'avaient pas besoin des mêmes Miswôth. Ce fut seulement pour les nécessités de la camaraderie, et le destin commun du peuple juif et de leur mission dans le monde, qu'ils avaient tous à s'engager à accomplir toutes les Miswôth. Pour reprendre les paroles de Rabbi Mordakhai Yôséf de Isbitza, « Et bien que ce ne soit pas chaque Juif qui ait besoin de toutes les interdictions contenues dans la Tôroh, il a néanmoins l'obligation de tenir compte de cette interdiction et l'assumer pour le bien de ses correligionnaires Juifs » (Méi Hashilô`ah, Parashath Baré`shith 22:12)

  • La nature de la Halokhoh

La Halokhoh est le résultat pratique de croyances non finalisées, un mode de vie pratique tout en restant dans un suspens théologique. Concernant l'esprit et la quête de trouver D.ieu, il n'est pas possible d'arriver à des conclusions définitives. La quête de D.ieu doit rester ouverte à tous afin de permettre à l'esprit humain de trouver son chemin par essais et découvertes. En tant que tel, le judaïsme n'a pas de catéchisme. Il a une aversion inhérente au dogme. Même s'il inclut de fortes convictions, il n'est pas possible de les formuler dans quelque type de système faisant autorité. Il appartient à l'érudit talmudique de faire son choix entre de nombreux avis, car ils sont tous authentiques. Ils font partie de la Tôroh de D.ieu, et même des opinions divergentes « proviennent toutes d'un même Berger » (Hagigoh 3b).

La Halokhoh transforme le liquide fluide des croyances juives en une substance solide. Elle refroidit l'acier chauffé d'idées exaltées et les transforme en actions pragmatiques. L'équilibre unique entre la Halokhoh pratique et les croyances non finalisées assure que le judaïsme ne se changera pas en une religion qui est paralysée dans la crainte d'une tradition rigide ou qu'il ne s'évaporera pas dans une rêverie utopique.


Pourtant, il serait tout à fait erroné de croire que la nécessité de l'application pratique de la Halokhoh ait quelque chose à voir avec la vérité absolue. La Halokhoh pratique n'est en principe qu'une seule manière d'agir. Elle n'assume une autorité qu'au niveau de l'exécution pratique de la Halokhoh. Même lorsque la Halokhoh pratique doit être décidée, le feu du débat doit rester en vie. Les croyances juives sont comme des arbres qui sont secoués çà et là, oscillant comme si on les faisait tourner en l'air à partir d'une corde détendue; la Halokhoh doit refléter cette réalité. Même lorsque la Halokhoh est plus directe et incontestable, elle doit se conformer à la vérité sans équivoque que même les opinions halakhiques opposées sont « toutes les paroles du D.ieu vivant », et chacune d'elles porte le potentiel de devenir la Halokhoh pratique.

Sur la nature et le futur de la Halokhoh par rapport à l'autonomie religieuse : Première partie

בס״ד

Sur la nature et le futur de la Halokhoh par rapport à l'autonomie religieuse

Première partie

Le rabbin Nothon Lopes Cardozo שליט״א

Je reproduis ici un texte du rabbin Nothon Lopes Cardozo שליט״א, une sommité du Judaïsme hispano-portugais de notre époque, dont je partage une grande partie des opinions. Il est le directeur de l'Académie David Cardozo à Jérusalem, et un auteur et conférencier très connu.

Ce texte apparaît dans le 7ème numéro de « Conversations », le journal de l'Institut pour des Idées et Idéaux Juifs. Cela permettra, je l'espère, de comprendre la teneur de certains des articles publiés sur ce blog car je suis moi-même quotidiennement confronté à des personnes (même nées religieuses) ayant les mêmes problèmes et interrogations sur le judaïsme actuel. Étant donné la longueur de l'article, et pour ne pas vous prendre trop de temps, il sera coupé en plusieurs parties (selon les sous-titres des points que le rabbin développe)..

************

  • Préface

C'est avec beaucoup d'hésitation et d'appréhension que j'écris cet article. Je ne veux pas être mal compris. Je suis amoureux du judaïsme, de la tradition rabbinique, et de la Halokhoh. Je les considère comme saint, et ils sont au cœur même de mon existence. Néanmoins, je suis préoccupé par l'avenir du judaïsme et son impact sur nos jeunes.

Cet article est un appel émotionnel lancé à nos autorités religieuse, et doit être lu dans cet esprit. Ce n'est pas un travail académique, citant de nombreuses sources et soulevant des arguments intellectuels. Plutôt, il est écrit suite à une profonde préoccupation, et devrait être considéré comme une tentative honnête de régler certains problèmes graves qui affligent la communauté religieuse juive contemporaine. Il est écrit dans la sueur et le sang. Mon intention n'est pas de propager le mécontentement, mais aider le judaïsme orthodoxe à avancer dans une époque qui est radicalement différente de celle de nos ancêtres.

J'enseigne la philosophie juive. Je suis confronté quotidiennement à de nombreux jeunes Juifs qui recherchent un mode de vie juif religieux authentique, mais sont incapables de trouver une satisfaction spirituelle dans le système halakhique majoritaire suivi aujourd'hui dans la plupart des communautés ultra-orthodoxes ou modernes. Pour beaucoup d'entre eux, la vie halakhique typique n'est pas synonyme de véritable religiosité. Ils estiment que la Halokhoh est devenue trop monotone, trop standardisée et trop superficielle (axée sur les apparences, la façon de s'habiller, etc.), ce qui empêche d'expérimenter la présence de D.ieu sur une base quotidienne. Au-delà de « l'observance religieuse », ils aspirent à la sainteté et a donné un sens à ce qu'ils font. Beaucoup d'entre eux estiment qu'il y a trop de formalisme dans le système halakhique, et pas assez de sens profond; trop d'obéissance et pas assez de place pour l'âme individualiste, ou pour la spontanéité religieuse. De plus en plus de jeunes sincères expriment ces préoccupations, et nombre d'entre eux sont profondément affectés par leur incapacité à vivre une vie halakhique conventionnelle. Étant donné qu'ils aspirent sincèrement à découvrir la Halokhoh, je lutte pour trouver une réponse à cette situation de plus en plus préoccupante. La solution doit admettre simultanément qu'une véritable vie religieuse juive ne peut exister sans être attachée au monde de la Halokhoh. Cette tension existentielle a grandement influencé le contenu de ce document. Les observations suivantes ne sont donc pas écrites dans la perspective d'un halakhiste, mais dans la perspective d'un penseur juif profondément préoccupé, qui désire que les jeunes soient authentiquement religieux tout en vivant une vie halakhique qui a du sens pour eux. Ce qui suit suggère un nouvel éclairage sur le monde de la Halokhoh et son application pratique.

Certes, il existe de nombreux arguments qui peuvent être avancés contre le contenu de cet article, dont certains peuvent même être émis par moi. Cependant, le but de cet article est d'amener les gens à penser, et non accepter comme la vérité définitive mes observations et suggestions.

Je suis pleinement conscient que les opinions exprimées peuvent ne pas être acceptables pour la plupart des décisionnaires hautement respectés de notre époque. Mon analyse et mes suggestions n'obtiendront probablement pas leur approbation. J'espère simplement agir comme un catalyseur dans l'espoir que certaines autorités halakhiques et penseurs juifs prendront mes suggestions au sérieux et seront prêts à en discuter. Elles ne sont rien d'autre que des pensées qui viennent à l'esprit lorsqu'on analyse et discute de ces questions avec les élèves.

Il est essentiel que le lecteur comprenne que mon intention n'est pas de simplifier le judaïsme en le rendant plus compatible avec l'esprit progressiste de notre époque. Je ne cherche pas non plus à rendre le judaïsme plus facile et plus conviviale en trouvant des permissions et faisant des raccourcis. Je ne crois pas du tout que ce serait au cœur des problèmes auxquels le judaïsme est confronté aujourd'hui. Ce qui est vital est de savoir si oui ou non le judaïsme est en mesure d'offrir au Juif une mission divine, transformant le Juif moderne en un être d'inspiration religieuse sainte, qui incarne l'essence même de la Tôroh dans la société moderne. Le judaïsme doit être infusé avec plus de vitalité spirituelle et de vigueur religieuse. C'est ce que tant de jeunes d'aujourd'hui recherchent.

Pour atteindre cet objectif, les dimensions spirituelles du judaïsme ont besoin de beaucoup plus d'attention. Cela peut nécessiter d'avoir recours aux sources aggadiques (non juridiques) pour provoquer des sentiments d'inspiration dans la prise de décision halakhique. Nul doute que beaucoup de décisionnaires formels s'opposeront à cette approche sur la base de la notion selon laquelle le matériel aggadique et halakhique doit être séparé. Néanmoins, je crois que si nous voulons garder le judaïsme vivant pour les nombreuses personnes qui cherchent des voies différentes à la religiosité juive, cette approche doit être examinée attentivement. Une fois que davantage de dimensions spirituelles sont infusées dans le monde de la Halokhoh, et l'image même de la Halokhoh est vue dans une lumière différente, les jeunes qui s'interrogent seront en mesure de trouver la vie religieuse juive qu'ils cherchent. Cela peut nécessiter d'aller au-delà des Kalaléi Pasiqoh classiques (principes de la prise de décision halakhique) qui ont été utilisés dans le passé. Cette approche n'est pas destinée à miner les méthodes classiques par lesquelles déterminer la Halokhoh; mais plutôt à trouver un moyen d'inspirer les jeunes qui cherchent à se trouver dans le judaïsme halakhique.


Les observations et les suggestions apportées ici sont fondées sur la conviction que bien que la Halokhoh a un côté rigide et formelle, elle comprend également un appel à la créativité religieuse personnelle, un appel à la noblesse humaine et une demande de dévotion et de Qadoushoh (sainteté).

Inceste père-fille

בס״ד

Inceste père-fille


Question de D. :

J'ai relu attentivement le Chapitre 18 du Lévitique avec des arbres généalogiques pour m'y retrouver. Je ne trouve pas d'interdit sexuel entre un père et sa fille! Qu'en pensez-vous? L'interdit se trouve-t-il a un autre passage?

Ma réponse :

L'inceste père-fille est bel et bien interdit dans ce Chapitre de Wayyiqro`. Nous pouvons déjà le déduire à partir du verset 6 :

Qu'aucun homme n'approche d'aucune proche parente, pour en découvrir la nudité: je suis HaShem.
אִישׁ אִישׁ אֶל-כָּל-שְׁאֵר בְּשָׂרוֹ, לֹא תִקְרְבוּ לְגַלּוֹת עֶרְוָה: אֲנִי, ה׳

Nous voyons donc déjà ici qu'un homme ne peut pas découvrir la nudité (une expression euphémique pour décrire un rapport intime) de quelqu'un qui est שְׁאֵר בְּשָׂרוֹ « Sha`ér Basorô » (expression qui désigne toute personne avec qui on a un lien de sang vertical direct, par exemple père-fille, et horizontal direct, par exemple frère-sœur).

Ensuite, au verset 7, nous lisons :

Ne découvre point la nudité de ton père ainsi que la nudité de ta mère
עֶרְוַת אָבִיךָ וְעֶרְוַת אִמְּךָ, לֹא תְגַלֵּה

Puisque ce verset déclare qu'on ne peut avoir de rapports sexuels ni avec son père ni avec sa mère, cela signifie clairement que ce verset s'adresse aux enfants, donc à la fille et au fils. Par conséquent, ce verset interdit explicitement les relations sexuelles père-fille, mère-fils, père-fils et mère-fille !

Enfin, au verset 8, nous lisons :

Ne découvre point la nudité de la femme de ton père: c'est la nudité de ton père
עֶרְוַת אֵשֶׁת-אָבִיךָ, לֹא תְגַלֵּה: עֶרְוַת אָבִיךָ, הִוא

Ici, la Tôroh s'adresse aux beaux-enfants de la seconde épouse du père. Ainsi, la Tôroh explique que ce n'est pas parce que l'actuelle épouse de notre père n'est pas notre mère biologique (et que l'on n'a donc aucun lien de sang avec elle) qu'il serait permis d'avoir une relation sexuelle avec elle, car dès lors qu'elle a épousé notre père, elle est considérée de facto comme étant « Sha`ér Basorô ». Le fait qu'elle soit lié à notre père la lie également à nous, et elle devient donc notre mère à travers le lien qu'elle a avec notre père !.

Nous voyons donc clairement que les relations sexuelles père-fille sont explicitement interdites dans la Tôroh, tout comme les relations entre un père et sa belle-fille, car à partir du moment où quelqu'un s'est uni par les liens du mariage à une personne ayant un lien de sang avec moi, toute relation avec cet individu devient automatiquement interdite (avec ma une belle-mère, car elle s'est unie à mon père avec qui j'ai un lien de sang ; ma belle-sœur car elle s'est unie à mon frère avec qui j'ai un lien de sang ; ma demi-sœur car elle est la fille d'un de mes parents, etc.)

Réaction de D. :

Merci beaucoup ! Je n'avais pas lu les phrases dans les deux sens - ascendant, descendant - mais seulement dans le sens ascendant.


Shavouah Tov

vendredi 23 janvier 2015

Parashath Bô` : La Miswoh des Tafillin

בס״ד

Parashath Bô`

La Miswoh des Tafillin


Dans la Parashath Bô`, la Tôroh nous introduit pour la première fois à la Miswoh des Tafillin, en nous disant1 :

Et cela te servira de signe sur ta main et de souvenir entre tes yeux, afin que la Tôroh d'HaShem soit dans ta bouche, car d'une main puissante HaShem t'a fait sortir d’Égypte.
וְהָיָה לְךָ לְאוֹת עַל-יָדְךָ, וּלְזִכָּרוֹן בֵּין עֵינֶיךָ, לְמַעַן תִּהְיֶה תּוֹרַת ה׳, בְּפִיךָ: כִּי בְּיָד חֲזָקָה, הוֹצִאֲךָ ה׳ מִמִּצְרָיִם

Le but pour lequel nous portons les Tafillin, tel que décrit dans ce verset, est donc לְמַעַן תִּהְיֶה תּוֹרַת ה׳, בְּפִיךָ « afin que la Tôroh d'HaShem soit dans ta bouche ». Mais nous pouvons nous demander comment comprendre cet objectif. En d'autres mots, comment est-ce qu'en mettant les Tafillin parvenons-nous à faire en sorte que la Tôroh d'HaShem יתברך soit dans notre bouche ?

La réponse émerge très clairement des commentaires faits par le Rambam זצ״ל, vers la fin de sa présentation des Halokhôth relatives aux Tafillin. Il écrit2 :

La sainteté des Tafillin est énorme, car tout le temps où les Tafillin sont sur la tête et le bras d’un homme, il est humble et a la crainte [du Ciel], ne se livre pas à la raillerie et aux conversations futiles, et ne pense pas à de mauvaises choses, mais oriente son cœur vers les propos de vérité et la justice. C’est pourquoi, il convient de s’efforcer à les porter toute la journée, car telle est la Miswoh. On dit de Rov, le disciple de Rabbénou Haqqodôsh, qu’on ne le vit jamais marcher quatre coudées sans [réciter des paroles de] Torah, sans Sisith et sans Tafillin.
קְדֻשַּׁת תְּפִלִּין, קְדֻשָּׁה גְּדוֹלָה הִיא: שֶׁכָּל זְמָן שֶׁתְּפִלִּין עַל רֹאשׁוֹ שֶׁלָּאָדָם, וְעַל זְרוֹעוֹ--הוּא עָנָו וְיָרֵא, וְאֵינוּ נִמְשָׁךְ בִּשְׂחוֹק וּבְשִׂיחָה בְּטֵלָה, וְאֵינוּ מְהַרְהֵר בְּמַחְשָׁבוֹת רָעוֹת, אֵלָא מְפַנֶּה לִבּוֹ לְדִבְרֵי הָאֱמֶת וְהַצֶּדֶק. לְפִיכָּךְ צָרִיךְ אָדָם לְהִשְׁתַּדַּל לִהְיוֹתָן עָלָיו, כָּל הַיּוֹם--שֶׁמִּצְוָתָן, כָּךְ הִיא. אָמְרוּ עָלָיו עַל רָב תַּלְמִיד רַבֵּנוּ הַקָּדוֹשׁ, שֶׁכָּל יָמָיו לֹא רָאוּהוּ שֶׁהָלַךְ אַרְבַּע אַמּוֹת בְּלֹא תּוֹרָה, אוֹ בְּלֹא צִיצִית, אוֹ בְּלֹא תְּפִלִּין

Lorsque quelqu'un porte les Tafillin, il attache la Tôroh sur son bras et sa tête, une expérience qui l'amène à penser sérieusement et à focaliser son attention sur דִבְרֵי הָאֱמֶת וְהַצֶּדֶק « les propos de vérité et la justice », c'est-à-dire, les obligations de la Tôroh. La nature humaine est telle que les gens sont naturellement poussés vers בִּשְׂחוֹק וּבְשִׂיחָה בְּטֵלָה « la raillerie et les conversations futiles », et en arrivent aussi à מְהַרְהֵר בְּמַחְשָׁבוֹת רָעוֹת « penser à de mauvaises choses ». Ayant perdu le contrôle, l'esprit et la bouche des gens s'occupent par des vanités ou, pire encore, par des péchés et de la débauche. L'expérience du port des Tafillin a pour objectif de ramener l'esprit et le cœur de l'homme à la Tôroh, à l'éloigner des vanités de la vie, et lui rappeler qu'il doit consacrer son temps alloué sur terre à la Tôroh et aux Miswôth, plutôt qu'à « la raillerie et aux conversations futiles ». C'est pourquoi, le Rambam insiste sur le fait que le Talmoud préconise de porter les Tafillin tout au long de la journée, et non pas uniquement pour la prière du matin (comme cela se fait de nos jours), car cela minimise, voire même élimine, le temps nécessaire pour que l'esprit de quelqu'un se mette à errer dans les frivolités et les vanités.

C'est là le lien entre la Miswoh des Tafillin et le fait qu'en les mettant la Tôroh d'HaShem sera dans notre bouche. Contrairement à la pratique d'aujourd'hui où les tafillin ne sont rien d'autre qu'un article de prière, le but des Tafillin est de nous aider à nous assurer que nous accorderons la plus grande priorité à l'étude et la pratique, que nos facultés seront premièrement et principalement utilisées pour rechercher l'excellence spirituelle, et non les plaisirs physiques excessifs et insignifiants.

C'est pourquoi HaShem יתברך ordonna à Môshah Rabbénou ע״ה d'inclure la Miswoh des Téfillin parmi les toutes premières Miswôth transmises aux Banéi Yisro`él après la sortie d’Égypte. Il désirait faire comprendre à ses esclaves à peine affranchis qu'ils avaient été libérés de l'asservissement égyptien uniquement dans le but de servir le Tout-Puissant יתברך, et non pour se servir eux-mêmes, et qu'ils avaient tout simplement été transférés du service de Pharaon au service d'HaShem יתברך. Alors que Pharaon usa de la torture et des tourments pour s'assurer que l'esprit de ses esclaves resterait focalisé sur les obligations qu'ils avaient envers lui, HaShem יתברך usa d'une méthode totalement différente, à savoir, les Tafillin, pour S'assurer de la loyauté et dévotion de Ses sujets. Les paroles de Tôroh portées sur nos bras et têtes remplacent les coups de fouet des oppresseurs et sont le rappel constant que nous vivons au service d'HaShem יתברך et devons, par conséquent, Lui consacrer toute notre vie !

Ce message des Tafillin est toujours aussi pertinent aujourd'hui que dans les temps bibliques et talmudiques. Aujourd'hui, nous aussi sommes tenus de nous rappeler quotidiennement, et tout au long de la journée, de notre statut de עבדי ה׳ « ´Avdéi HaShem – esclaves/serviteurs d'HaShem », et de la nécessité de revoir notre échelle des priorités et l'organisation de notre routine quotidienne, afin de nous assurer d'atteindre efficacement cet objectif.
1Shamôth 13:9 ; voir aussi 13:16

2Mishnéh Tôroh, Hilkhôth Tafillin Oumazouzoh Waséfèr Tôroh 4:25
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