jeudi 31 octobre 2019

Inspection des insectes dans les fruits et légumes


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Inspection des insectes dans les fruits et légumes


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La question suivante m'a été soumise :

J'avais une grande question sur les fruits et la versification d'insectes. À notre époque est on obligé de vérifier et d'inspecter systématiquement chaque fruit et légume que l'on souhaite consommer ? Sachant qu'avec les pesticides et la manipulation génétique ( qui n’existaient pas a l’époque du talmud) on n'a pratiquement aucune chance de trouver un insecte. De plus, de nos jours les fruits que l'on achète sont cueillis bien avant maturité et sont mis en vente plusieurs semaines après leur cueillette, si bien que si le fruit est véreux il aurait déjà pourri. Or, aujourd'hui ce n est plus le cas. Normalement un fruit véreux se pourrit rapidement non ?

La question concernant les insectes dans les légumes, les fruits et d’autres aliments est l’une des questions les plus difficiles et les plus complexes dans le domaine de la Kashrouth. La Tôroh nous ordonne1 :

Ne rendez pas abominables vos âmes par aucun Sharas qui pullule, et ne vous rendez pas impurs par eux, car vous seriez rendus impurs par eux.
אַל-תְּשַׁקְּצוּ, אֶת-נַפְשֹׁתֵיכֶם, בְּכָל-הַשֶּׁרֶץ, הַשֹּׁרֵץ; וְלֹא תִטַּמְּאוּ בָּהֶם, וְנִטְמֵתֶם בָּם

La question qui se pose est la suivante : quelle est la Halokhoh en ce qui concerne les légumes, les feuilles et les fruits qui ont souvent sur eux ou à l’intérieur d'eux de minuscules insectes très difficiles à voir ? Il est clair qu'il n'y a aucune interdiction concernant les insectes minuscules que l'œil humain ne peut pas voir, car la Tôroh nous a ordonné de faire attention aux insectes qui peuvent être vus naturellement, avec l'œil humain. La question qui se pose est la suivante: quelle la Halokhoh en ce qui concerne les insectes minuscules mesurant environ un demi-millimètre à deux millimètres, qu’une personne ordinaire peut voir sur une surface de couleur contrastante, mais dans les feuilles et les fruits la plupart des gens ne les voient qu'en faisant beaucoup d'effort, parce que leur couleur est similaire à la couleur des feuilles, ou parce que les insectes se cachent à l'intérieur du chou-fleur et du maïs, ou parce qu'ils ressemblent à un grain de farine ou à un petit grain de sable, et qu'une personne ordinaire ne se rend compte qu'ils sont des insectes seulement s'il les voit ramper ?

Certains Pôsaqim sont d'avis qu'étant donné que, sous certaines conditions, les experts peuvent voir ces insectes, tout légume ou fruit contenant probablement de minuscules insectes est interdit à la consommation sans avoir éliminé au préalable tous les insectes. Et lorsque, dans une minorité de cas, de minuscules insectes peuvent être trouvés à l’intérieur, il faut faire un effort pour les éliminer, et Badhi´avodh, si on ne vérifie pas par erreur, la nourriture est Koshér.

D’un autre côté, certains Pôsaqim soutiennent que bien que si on voit un insecte aussi minuscule, il est interdit de le manger, néanmoins, s'il se trouve sur un aliment qu'une personne ordinaire ne peut voir sans un grand effort, ou sans moyen auxiliaire, il est considéré comme Tophél et Botél (secondaire et annulé) à la nourriture, et il n'y a aucune interdiction de manger du légume ou du fruit, qui est contient probablement un insecte.

Même après avoir examiné et approfondi cette question, et passé en revue les propos du Talmoudh, des Ri`shônim et des `aharônim pour parvenir à une conclusion claire quant à la Halokhoh, je suis parvenue à la conclusion qu'il était impossible de déterminer la Halokhoh, car les deux positions ont leur place dans la Halokhoh.

En effet, selon les règles acceptées de la Halokhoh, la Halokhoh suit l'opinion indulgente puisqu'il s'agit d'un doute quant à un principe rabbinique (Saphéq Darabbanon), car une personne n'est pas intéressée par le fait de manger de l'insecte, mais est obligée de le manger avec la nourriture, contre sa volonté. De plus, selon la majorité des Pôsaqim, un insecte minuscule est Botél Bashishim (c'est-à-dire permis tant que les éléments interdits ne constituent pas plus de 1/60ème du tout) Min Hattôroh, et ce ne sont que les Hakhomim qui ont été sévères en déclarant qu'une « Bariyoh » (un insecte entier) n'est pas Botél même dans mille. Certains Pôsaqim disent que les Hakhomim n'étaient sévères que pour un gros insecte, mais s'il est minuscule et dégoûtant, même d'après les Hakhomim il est alors Botél Bashishim. De plus, il est également douteux qu’un insecte minuscule existe réellement dans ce fruit ou légume.

D'autre part, l'approche stricte a également un argument de poids car, sous certaines conditions, tout le monde peut voir les minuscules insectes, et avec un effort considérable, même si cela prend quelques heures ; puisque celui qui cherche peut le trouver et le supprimer, il n'est pas pris en compte, n'est pas mélangé, et n'est pas Botél même dans mille.

Par conséquent, la Halokhoh suit l'approche indulgente, mais celui qui veut être Mahmir à sur quoi s'appuyer.

En ce qui concerne les légumes à feuilles d'assaisonnement tels que le persil, l'aneth et la coriandre, il existe un problème : les insectes minuscules, tels que les thrips et les pucerons, sont attirés par eux lorsqu'ils grandissent dans le champ, et le lavage à l'eau ne les supprime pas tous, car leurs pattes ont une substance collante qui peut aider certains des insectes à rester collés aux feuilles malgré le lavage à l'eau. En effet, un courant d’eau puissant et ciblé les rincerait sans doute, mais il est difficile de diriger l’eau dans chaque pli et crevasse des feuilles.

Autrefois, la coutume était de faire tremper les feuilles dans de l'eau avec du sel et du vinaigre, puis de les laver; cependant, puisque le sel et le vinaigre ne dissolvent pas complètement la substance collante sur les pattes des insectes, ils ne sont pas tous rincés et les personnes suivant l'approche rigoriste doivent examiner soigneusement chaque feuille de laitue à la lumière du soleil.

Lorsque les gens ont commencé à faire tremper les feuilles dans de l’eau avec du savon, par exemple du savon à vaisselle, il est devenu évident que la matière active contenue dans le savon (détergent) était bien plus efficace que le vinaigre ou le sel, car elle dissout les substances grasses, substance collante sur les pattes de l'insecte, et après un bon rinçage, elles sont complètement éliminées. C'est pourquoi aujourd'hui, il s'est répandu le Minhogh de rendre les légumes à feuilles comestibles en les faisant tremper dans de l'eau savonneuse pendant environ trois minutes, puis bien les rincer. Dans le passé, beaucoup de gens, y compris d'éminents Talmidhé Hakhomim, se contentaient de rincer les légumes à feuilles avec de l’eau uniquement et, lorsque les inquiétudes se développaient, les trempaient préalablement dans de l’eau salée ou du vinaigre. Nous pouvons continuer à agir de la sorte. Aujourd’hui, cependant, beaucoup les trempent dans de l’eau savonneuse, car l’approche halakhique s’appuie principalement sur la difficulté d’éliminer les insectes minuscules, mais comme il est possible sans grande difficulté de supprimer tous les insectes en les plongeant dans de l’eau savonneuse, ils agissent de la sorte. Mais est-ce sain pour la santé ?

En effet, certaines personnes affirment que l'ingestion de savon est malsaine. Néanmoins, même en termes de santé, il est toujours préférable de faire tremper les légumes-feuilles dans de l'eau avec du savon, car, de même que les insectes ne peuvent pas être éliminés sans savon, il en va de même pour les pesticides, qui sont beaucoup plus nocifs que le savon. Ainsi, tremper les légumes à feuilles dans de l'eau avec du savon et les rincer est bénéfique à la fois pour éliminer les insectes et pour éliminer les pesticides résiduels. Afin de se débarrasser des restes de savon et des insectes, les feuilles doivent être bien rincées.

Ces dernières années, des produits efficaces pour éliminer les insectes et les pesticides, comparables au savon, mais dénués de risques pour la santé, sont apparus sur le marché, et leur utilisation est recommandée.

Selon l'approche des Mahmirim, en plus de cela, il convient de vérifier soigneusement les légumes à contre-jour. Une autre option consiste à utiliser des légumes cultivés dans des serres qui ont été contrôlés et qui se sont avérés exempts d'insectes.

Pour la laitue et le chou, les feuilles doivent être séparées et trempées dans de l’eau avec du savon ou d'autres produits plus sains que le savon pendant environ trois minutes, afin que le savon puisse dissoudre la substance collante sur les pattes de l’insecte. Ensuite, les feuilles doivent être lavées à fond avec de l’eau, en éliminant le savon et les insectes. On veillera en trempant les feuilles dans de l'eau avec du savon, et également lors du lavage, à ce que l'eau atteigne tous les plis et les crevasses des feuilles.

Lorsque vous envisagez de couper les feuilles pour la salade, il est préférable de les couper au format souhaité, puis de les laisser tremper et de les rincer, car plus les morceaux sont petits, plus il est facile pour l'eau d'atteindre tous les plis et les crevasses.

Étant donné que parfois les feuilles de laitue ou de chou contiennent des insectes connus en hébreu sous le nom de זבובי המנהרות « Zavouvé Hamminhorôth » (littéralement « insectes des tunnels ») ou Liriomyza brassicae, idéalement, il est bon d'examiner quelques feuilles à la lumière naturel comme un échantillon pour voir si elles contiennent des « tunnels ». Si vous trouvez des « tunnels », il convient d’examiner toutes les feuilles à la lumière et d’enlever le minuscule insecte situé au bout de chaque « tunnel ». Cependant, selon les règles halakhiques de la Kashrouth, l'examen d'un échantillon de feuilles à la lumière n'est pas obligatoire, car ce phénomène est assez rare et, de plus, il existe une opinion selon laquelle, même s'il y a un insecte, il n'est pas interdit (en raison de sa taille trop petite).

Quant aux Mahmirim, voici la méthode à employer : après le rinçage, veillez à examiner chaque feuille des deux côtés à la lumière, ou faites tremper les feuilles dans de l'eau avec du savon, puis frottez-les avec une éponge à récurer luffa ou quelque chose de similaire, afin de garantir l'élimination de tous les insectes minuscules , et en plus, examinez la feuille à la lumière pour voir si elle a des « tunnels ».

Certains Pôsaqim sont d'avis qu'en ce qui concerne le chou-fleur, le brocoli, les fraises et le maïs en épi, il faut être rigoureux, comme le sont les Mahmirim, car ces légumes ont des endroits cachés où peuvent se cacher de minuscules insectes, et même après le trempage et le rinçage, il est à craindre qu'ils restent. Néanmoins, selon les règles de la Halokhoh, ces légumes peuvent également être rendus Koshér comme les autres légumes à feuilles en les faisant tremper dans de l’eau savonneuse pendant environ trois minutes, puis en les lavant abondamment à l’eau. Pour les fraises, il faut d’abord enlever la tige et la feuille avec un peu de fraise elle-même.

Ceux qui suivent l'approche des Mahmirim ne mangent ces légumes que s'ils sont cultivés dans des endroits sans insectes. Selon l'approche des Mahmirim, toute l'inflorescence (le capitule complet, y compris les tiges, les brins, les bractées et les fleurs - environ 40% du légume) du chou-fleur et du brocoli peut être enlevée, la partie restante imbibée et rincée à fond, puis vérifié pour s'assurer qu'ils sont propres. En ce qui concerne le maïs en épi, les personnes qui suivent l'approche des Mahmirim sont habituées à retirer les grains de l'épi, à les laver soigneusement et à s'assurer ainsi qu'ils ne contiennent pas d'insectes.

Quand existe-t-il une obligation de recherche les insectes et quand l'obligation ne s'applique-t-elle pas ?

Il existe trois catégories halakhiques qui déterminent l'obligation de rechercher des insectes.
  1. מיעוט שאינו מצוי « Mi´out Sha`énô Masouy » : Certains fruits et légumes ne sont que rarement infestés. Pour ces aliments, il n’est pas obligatoire de les contrôler. Cette catégorie comprend les pommes, les poires, les bananes, les concombres et autres. En raison de la très faible probabilité d'infestation, il n'y a aucune obligation d'y rechercher des insectes.
  2. מוחזק נגוע « Mouhzoq Nagoua´ : Certains aliments, tels que la laitue et le chou ordinaire (pendant les mois d’été) et des légumes à feuilles similaires, sont présumés, par expérience, être infestés d'insectes. Leur consommation est donc interdite à moins d’être correctement vérifiée.
  3. מיעוט המצוי « Mi´out Hammasouy » : C’est un niveau intermédiaire. La plupart des échantillons de nourriture ne sont pas infestés, mais une minorité substantielle est infestée. Des exemples de cela sont (en général) les abricots et les dattes, et de nombreux types de fruits, légumes, haricots et céréales pour lesquels la plupart des spécimens sont exempts d'insectes, mais une minorité substantielle est infestée. Les aliments qui appartiennent à cette catégorie doivent être vérifiés. Toutefois, si une personne omet de les vérifier et qu’ils ne peuvent plus le faire, le mélange résultant n’est pas interdit à la consommation.

Et pour finir, il n'est pas exact d'affirmer que si un fruit contenait des insectes il serait forcément pourri. En effet, quand bien même la majorité des fruits consommés en Occident ne sont pas frais et datent de plusieurs jours après la cueillette, les nouvelles méthodes de conservation modernes permettent justement aux insectes d'être conservés dans les fruits et légumes sans causer forcément de pourriture.
1Wayyiqro` 11:43

jeudi 24 octobre 2019

Pourquoi préfèrent-ils le Shoulhon ´oroukh au Mishnéh Tôroh ?


בס״ד

Pourquoi préfèrent-ils le Shoulhon ´oroukh au Mishnéh Tôroh ?


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Le Mishnéh Tôroh en quatorze volumes du Rambo''m a été le premier code de Halokhoh le plus complet, le plus lisible et le mieux organisé. Il n’est pas surprenant, par exemple, que les quatorze livres de son code soient si savamment conçus qu’ils contiennent exactement mille chapitres.

Pourtant, environ un siècle après sa mort, un autre Espagnol, Ribbénou Ya´aqôv ban `oshér (1270 - 1340, surnommé le Ba´al Hattourim), composa un ouvrage en plusieurs volumes sur la Halokhoh, qu'il nomma « ´arbo`oh Tourim ». Environ deux siècles plus tard, un autre rabbin espagnol, Ribbénou Yôséph Qa`rô (1488-1575), rédigea son livre de Halokhoh en plusieurs volumes, qu'il baptisa le « Shoulhon ´oroukh ». Plus d'une douzaine d'autres collections ont suivi, mais le Shoulhon ´oroukh, avec les annotations du rabbin polonais Môshah `issarlés (1525-1572, surnommé le Ramo''`), est devenu le code privilégié et est utilisé par la plupart des Juifs orthodoxes.

Le Rambo''m a nommé son code et les livres qu'il contient en fonction de leur contenu, tels que « Lois du culte des idoles » et « Lois des rois et leurs guerres ». Mais Ribbénou Ya´aqôv ban `oshér a opté pour des titres poétiques moins informatifs tels que Hôshén Mishpot (Pectoral du Jugement), qui traite des délits, des procédures judiciaires, des emprunts et des intérêts, et ´évan Ho´azar (Pierre d'Assistance), concernant le mariage. Ces noms, aussi obscurs soient-ils, se sont maintenus et les autres Pôsaqim ont utilisé ces titres pour parler des Halokhôth. Bien que l’approche du Rambo''m soit clairement la plus simple et rationnelle, les autres codes sont - pour des raisons que nous verrons bientôt - plus couramment utilisés.

Questions :

1.      Pourquoi Ribbénou Ya´aqôv ban `oshér et les autres Pôsaqim décidèrent-ils de rédiger leurs propres codes ?
2.     Pourquoi, de manière générale, la composante orthodoxe du judaïsme préfère-t-elle les codes ultérieurs ?
3.     Quels sont les quelques exemples de contenu pouvant démontrer le contraste entre le code du Rambo''m et les codes ultérieurs ?

Les prétendus problèmes perçus avec le Mishnéh Tôroh du Rambo''m

Un code de loi, par définition, présente la loi de manière claire, précise et organisée, de sorte que les juristes et la population puissent voir quel comportement est autorisé et ce qui est interdit. Un code de loi ne devrait pas être un volume de discours contenant la source du droit, son développement historique, ni une discussion législative de différences d'opinions.

Le Rambo''m était un lecteur prolifique et connaissait bien le code de loi islamique ainsi que les ouvrages de droit des autres pays et leurs styles. Il a reconnu la logique de la méthode de présentation claire et organisée utilisant des déclarations concises et décisives du droit, une méthode encore utilisée par d'autres cultures aujourd'hui. Il a rédigé son code de cette manière, en mettant l’accent sur les besoins des juristes et de la population en général.

Ce faisant, le Rambo''m a modifié la présentation juive traditionnelle du droit. L’approche conventionnelle de l'étude halakhique, c’est-à-dire « légale », était et devait tenir compte de l’opinion de tous les rabbins sur le sujet à l’examen. En fait, tant la Mishnoh (composée au 3ème siècle) que les Talmoudhim de Jérusalem et de Babylone (datant respectivement des 4ème et 6ème siècles) présentent différents points de vue sur différents sujets, sans pour autant énoncer la Halokhoh décisive. L'objectif principal est la discussion, pas la décision.

Cette méthode talmudique présente certains avantages. Cela contribue à aiguiser les esprits des élèves et expose des points de vue qui, sans être décisifs, peuvent être pris en compte lorsque la situation change. Toutefois, il est évident qu'elle ne présente pas de déclaration finale claire de la loi pouvant être facilement utilisée par les juristes et le grand public. En fait, le style discursif et le placement de différentes parties d'un sujet dans divers traités talmudiques, plutôt que de rassembler un sujet entier dans un seul volume, empêchent toute personne autre que les érudits de l'utiliser pour prendre des décisions légales.

Le maître du père du Rambo''m, le `ibn Miggosh, avait étudié auprès de Ribbénou Yishoq ban Ya´aqôv `alphasi, qui avait composé un résumé concis du Talmoudh en vingt-quatre volumes, intitulé Séphar Hahalokhôth. Dans ct ouvrage, il a supprimé la plupart des discussions homilétiques non halakhiques et des délibérations et désaccords halakhiques, rendant les décisions finales un peu plus claires que les livres précédents. Cependant, l'ouvrage de Ribbénou `alphasi était encore talmudique. Il résumait la discussion de chaque page de manière concise, mais il ne rassemblait pas les discussions sur le sujet dans les autres traités, ne les compilait pas ensemble, et conservait le langage talmudique.

De même, le code organisé du Rambo''m n’incluait pas les opinions contradictoires et omettait les sources des Halokhôth. Mais il est allé plus loin que Ribbénou `alphasi. Il a rassemblé toutes les informations halakhiques pertinentes des divers traités sous un même sujet. Cependant, certains rabbins ont estimé que les discussions rabbiniques et l'indication des sources qu'il avait omises étaient nécessaires. Ribbénou `oshér ban Yahi`él (c. 1259–1328, connu sous le nom de Ribbénou `oshér ou le Ro`''sh), par exemple, dérangé par l'absence d'opinions contradictoires, dénigra avec arrogance le code du Rambo''m en disant[1] : « Il écrit son livre comme s'il prophétisait de la part de HaShem ».

Pourtant, malgré ces protestations, les codes post-maimonidiens n’ont jamais réussi à écarter les points de vue maimonidiens. C'était impossible simplement à cause de la sagesse du Rambo''m. Ainsi, Ribbénou Ya´aqôv ban `oshér a décidé de trancher les Halokhôth en se basant sur les opinions majoritaires de trois géants: son père, Ribbénou `oshér ban Yahi`el, dont on a parlé plus haut, Ribbénou `alphasi, précédemment mentionné, et le Rambo''m. Lorsque Ribbénou Yôséph Qa`rô a écrit son code, il a lui aussi décidé de prendre en compte les opinions majoritaires de ces trois géants et Ribbénou Ya´aqôv ban `oshér. Ribbénou Môshah `issarlés, à son tour, fonda ses écrits sur le travail de Ribbénou Qa`rô, mais les compléta par les coutumes polonaises.

La vraie raison des nouveaux codes

L'omission des discussions rabbiniques et la source des Halokhôth étaient la raison officielle, mais probablement pas véritable, pour laquelle d'autres rabbins estimaient devoir écrire leurs propres codes. Cela est évident car, si ces deux omissions étaient ce qui dérangeait vraiment les rabbins qui ont rédigé les nouveaux codes, ils auraient dû être satisfaits en ajoutant uniquement des gloses indiquant les sources et les points de vue opposés.

La vraie raison, selon toute vraisemblance, était l'incapacité des non-rationalistes de traiter le rationalisme du Rambo''m et son refus d'inclure les pratiques superstitieuses, le comportement magique, le recours au présage, le mysticisme et d'autres comportements irrationnels qui étaient si chers au grand public. Ces comportements non rationnels sévissaient chez de nombreux juifs - y compris de nombreux rabbins.

Exemples de règles non rationnelles dans les codes post-maïmonidiens

Les mariages

La peur pour l'avenir, le désir profond de vivre dans le bonheur et la conviction qu'il était possible de contrôler des événements en évolution par des moyens magiques ont conduit inconsciemment et incitent encore et toujours de nombreuses personnes à recourir aux présages et à la réalisation d'autres actes superstitieux. Ainsi, il ne devrait pas être surprenant pour vous d'apprendre que la cérémonie de mariage, par exemple, à un moment où un couple devrait considérer les vérités de la vie et commencer à contrôler son avenir rationnellement, est pleine de comportements irrationnels. Les ouvrages de Halokhoh post-maïmonidiens ont codifié ces types de comportement.

Le Shoulhon ´oroukh[2], qui contient les pratiques des juifs des pays séfarades (espagnols, nord-africains et israéliens), stipule que les hommes ne doivent épouser des femmes que pendant la pleine lune, mais Ribbénou Môshah `issarlés, qui a écrit sur les Mishnoghim ashkénazes (allemands et ouest-européens), a déclaré que, dans son pays, les hommes se mariaient généralement avec des femmes au début du mois lunaire, lorsque la lune grandissait. Cette pratique n’est pas mentionnée dans la littérature talmudique ou gaonique ni dans le Mishnéh Tôroh du Rambo''m. Le Rashba''` (Ribbénou Shalômôh ban `avrohom `ibn `addarath, 1235-1310) a curieusement défendu cette superstition contre ceux qui s'en moquaient : « ce n'est pas de la divination, mais comme les rois sont amenés vers l'eau pour que leur règne prospère [et grandisse], ainsi [le mariage est] célébré à la plénitude et pas quand [la lune] décroît, et c'est un bon signe… ce n'est pas de la superstition (Darkhé Ho`amôri) ». Le Rashba''` a écrit que le Rambo''n (Ribbénou Môshah ban Nahmon) avait également conseillé aux gens de se marier au moment opportun du cycle lunaire.

La supériorité de la droite sur la gauche

Comment les gens commencent-ils leur journée pour assurer le succès ? Le Rambo''m commence son code par des enseignements sur HaShem et la nécessité d’acquérir des connaissances sur Lui. Les codes post-maimonidiens, au contraire, commencent par indiquer aux personnes de chausser leur chaussure droite sans la nouer, suivie de la chaussure gauche, puis d'attacher les lacets de la chaussure gauche, puis ceux de la chaussure droite.[3] Ribbénou Môshah `issarlés déclare que dans son pays, où les chaussures n'ont pas de lacets, les gens devraient d'abord chausser leurs chaussures droites. Le commentaire « Sha´aré Tashouvoh » déclare que si les gens sont gauchers, ils doivent inverser la procédure. Le commentaire « Moghen `avrohom » déclare que, lorsque les gens se lavent les mains, ils doivent d'abord se laver la main droite.

L’explication généralement admise pour cette exigence est que le pouce droit et le gros orteil droit sont importants, mais que le bras gauche est tout aussi important, car c’est là que les Taphillin sont placées. Par conséquent, la droite et la gauche doivent être respectées.

Cette explication est problématique. Selon ce récit, la main droite est importante au niveau pratique et la gauche est significative au niveau spirituel. Étant donné que le Shoulhon ´oroukh insiste toujours sur le spirituel, il est plutôt étrange que la main droite soit privilégiée en ce que la chaussure droite (ou la gauche, pour un gaucher) est placée en premier. De plus, la cohérence avec l'accent mis sur le spirituel aurait dû exiger que la main gauche soit lavée en premier.

Par conséquent, il est clair que la main droite a la préférence parce que les Gôyim d'antan considéraient superstitieusement que donner la priorité à la droite constituait une bonne manière de réaliser des activités parce qu'ils constataient que la plupart des gens étaient droitiers. En effet, jusqu'à récemment, de nombreux parents tentaient de façon scandaleuse d'empêcher leurs enfants d'utiliser la main gauche pour l'écriture et d'autres activités similaires, parfois avec des résultats psychologiques négatifs. C’est pour cette raison que les anciens Gôyim païens croyaient que les gens devaient toujours commencer les activités avec la droite, y compris la marche, et, en fait, toujours se tourner vers la droite quand il était raisonnable de le faire. Ils pensaient que cet acte humain d'utiliser la droite conduirait, voire forcerait, la nature par bonne magie à produire un événement fortuit. Les Juifs ont été influencés par cette pensée superstitieuse et ont adopté de nombreuses pratiques basées sur celle-ci.

Le Rambo''m mentionne la préférence de la droite sur la gauche dans son Mishnéh Tôroh[4], mais n'insère aucune notion superstitieuse. Il déclare qu'une personne doit montrer du respect pour le site de l'ancien Béth Hammiqdosh, même s'il n'existe plus. Par exemple, les personnes doivent accéder au site par la droite afin que les autres personnes qui les voient sachent qu’elles ne rencontrent aucun problème. Ceux qui ont des problèmes, comme par exemple ceux qui sont en période de deuil, doivent s’approcher par la gauche. De cette façon, bien que le Rambo''m ne le note pas spécifiquement, les gens sauraient s’ils peuvent s’adresser à la personne et la consoler ou l’aider d’une autre manière.

En dormant

Le Shoulhon ´oroukh[5] prescrit : « Il est interdit de dormir dans un lit faisant face à l'est et à l'ouest si sa femme est avec lui [ce qui signifie pour les rapports sexuels] et il convient de faire attention [de ne pas le faire] même si son épouse n'est pas avec lui ». Le commentaire du Moghén `avrohom, se référant au Zôhar, déclare qu'il existe une raison mystique à cette exigence. L'auteur du Shoulhon ´oroukh et de nombreux autres non-rationalistes étaient convaincus que la Shakhinoh, la présence divine, n'était pas un sentiment humain de la présence de HaShem, mais un être divin réel. Par conséquent, le commentaire du Moghén Dowidh explique que, puisque la Shakhinoh habite à l'ouest, il est interdit à toute personne de tourner le visage ou son dos vers la Shakhinoh, en particulier pendant les rapports sexuels. Cela fait partie des nombreuses hérésies kabbalistiques, qui conçoivent la Shakhinoh comme un être divin réel.

Dans le Mishnéh Tôroh[6], le Rambo''m déclare qu’une personne ne devrait pas dormir ou utiliser les latrines face à l’ouest, mais explique que c’est l’une des nombreuses façons par lesquelles les Juifs se souviennent de l’ancien Béth Hammiqdosh avec respect : étant donné que le saint des saints était à l'ouest du Béth Hammiqdosh, il convient de le rappeler en s'abstenant de ces deux activités dans cette direction. Donc, rien à voir avec les superstitions et aberrations kabbalistiques.

Manière de se laver

Le Shoulhon ´oroukh[7] ordonne à une personne de se laver les mains à trois reprises avec de l'eau le matin « pour ôter l'esprit démoniaque (Rouah Ro´oh) qui est sur elles ». Le commentaire « Ba`ér Hétév » explique que cela ne suffit pas s'il verse de l'eau une fois sur ses mains, même s'il en verse une quantité considérable, car le problème de la présence du démon n'est résolu que par l'utilisation du chiffre magique trois. Par la suite, le Shoulhon ´oroukh[8] stipule que cette eau ne peut pas tomber sur le sol, mais doit être versée dans un récipient, car l'eau sur le sol contaminerait la maison avec l'esprit démoniaque qui s'y trouve maintenant. Puis, le Shoulhon ´oroukh[9] avertit que l'eau doit être évacuée des habitations humaines. Comme pour la manière de mettre les chaussures, le Shoulhon ´oroukh[10] demande à la personne en train de se laver de donner la priorité à la main droite de deux manières. Il doit prendre le récipient contenant l'eau avec sa main droite, puis le mettre dans sa main gauche afin qu'il puisse d'abord verser l'eau sur sa main droite.

Le Rambo''m ne mentionne jamais la présence présumée du mauvais esprit démoniaque au matin, ni la prétendue nécessité de verser obligatoirement trois fois de l'eau sur les mains pour s'en débarrasser. Le Talmoudh lui-même (qui contient pourtant de nombreux enseignements sur les démons et esprits, et les manières de s'en débarrasser ou de les neutraliser) n'en fait pas mention.

Conduites à adopter dans les latrines

Le Shoulhon ´oroukh[11] interdit aux personnes qui ont terminé la défécation de s'essuyer de la main droite. Les commentateurs expliquent que la main droite ne doit pas être utilisée car elle sert également à pointer sur la Tôroh et que, de plus, HaShem a donné la Tôroh avec Sa main droite. Il convient de rappeler que le Rambo''m abhorrait la notion erronée selon laquelle HaShem aurait un corps physique, y compris une main droite.

Le Shoulhon ´oroukh[12] stipule également qu' « une personne ne peut pas se nettoyer avec de la faïence à cause de la sorcellerie ». Cette règle n'a pas été instituée pour des raisons de sécurité, afin d'éviter de vous égratigner, mais repose sur une superstition mentionnée dans le Talmoudh Babylonien[13], où une femme sorcière dit qu'elle est incapable de faire du mal aux rabbins parce qu'ils ne se nettoient pas avec un tesson; se nettoyer avec un tesson les exposerait à la sorcellerie.

La peur superstitieuse du mauvais œil

Le Shoulhon ´oroukh[14] interdit à un père et son fils, ou à deux frères, d'être appelés l'un après l'autre à lire la Tôroh, car cela pourrait causer les dommages diaboliques du mauvais œil.

Se protéger des démons

Le Shoulhon ´oroukh[15] déclare qu'un Juif ne doit pas dire la prière du « Mé´én Shava´ » (une version concise de la prière de la ´amidhoh) la nuit de Pasah, car cette prière a été instituée pour protéger des démons les retardataires qui se rendaient à la synagogue (cela dit en passant, c'est totalement faux. La raison de l'institution de cette prière était afin de rallonger l'office du vendredi soir, pour que les retardataires ne se retrouvent pas seuls à la synagogue, en raison du fait qu'en Babylonie les synagogues étaient situées dans les campagnes, ce qui exposerait les fidèles aux brigands et autres criminels sévissant la nuit. Ainsi, lorsque les retardataires arrivaient, l'office avait été rallongé, et cela leur permettait de ne pas rentrer seuls après l'office); le livre ajoute que la nuit de Pasah, HaShem protège les Juifs des démons et que cette prière n'est donc pas nécessaire.

Utiliser du sel contre les démons

Le Shoulhon ´oroukh[16] déclare que les gens devraient mettre du sel sur leur pain lors des repas pour effrayer les démons, mais que cela est inutile à Pasah lorsque HaShem les protège des démons. Or, la seule raison pour laquelle nous trempons le pain dans le sel, ce n'est pas à cause des démons, mais parce que le pain doit être trempé dans un condiment ou du sel en souvenir de la rosée dans laquelle était recouverte la manne qui tombait du ciel, et aussi parce que notre table remplace le Mizbéah ; or, tous les sacrifices offerts sur le Mizbéah devaient contenir du sel. Le pain étant un aliment sacré, nous l'accompagnons également de sel. L'obligation d’accompagner chaque Qôrbon de sel est répétée trois fois dans la Tôroh.

Astrologie / Démons pervertissant la justice

Dans son commentaire sur le `arbo´oh Tourim de Ribbénou Ya´aqôv ban `oshér[17], Ribbénou Yôséph Qa`rô mentionne l’opinion de Ribbénou `oshér ban Yahi`él qui affirme que parfois le Mazzol peut pervertir la justice. Ce que Ribbénou `oshér ban Yahi`él entend par Mazzol n’est pas précisé, mais il fait clairement référence aux forces astrologiques ou aux démons. Ribbénou `oshér ban Yahi`él déclare que parfois le Mazzol aime l'un des plaideurs dans une affaire judiciaire et oblige les juges à trancher l'affaire selon l'opinion de leurs favoris, même si la Halokhoh - si elle n'était pas affectée par des forces démoniaques - aurait normalement dû être tranchée contre le favori des démons.

En résumé

Être rationnel dans un monde irrationnel a ses inconvénients, en particulier lorsque le monde s'est engagé à croire et à appliquer des pratiques non rationnelles. Ainsi, bien que le code de Halokhoh du Rambo''m soit de loin le code le plus rationnel et le plus érudit à avoir été rédigé - en termes de style, de langage et de contenu - et le plus facile à comprendre, et bien que les rabbins reconnaissent pour l'écrasante majorité d'entre eux qu’il contient la vérité, ils sentaient qu'il était préférable d'incorporer de nombreuses « traditions » populaires dans leurs codes, y compris des pratiques basées sur la superstition, parce qu'ils croyaient en l'efficacité de telles pratiques ou, lorsqu'ils n'y croyaient, parce qu'elles étaient si chères à la masse inculte.

Cela a toujours été le seul moyen efficace de traiter avec l'humanité. Les gens ne peuvent être enseignés qu'à leur niveau. il est impossible de transformer subitement les opinions et les pratiques de la masse inculte par mandat ou par persuasion.

Enfin, posez-vous sincèrement cette question : N'est-il pas étrange que Ribbénou Yôséph Qa`rô, qui était séfarade, dû s'appuyer sur les opinions de rabbins ashkénazes (excepté le Rambo''m) pour rédiger son Shoulhon ´oroukh ? Est-ce parce qu'il y avait beaucoup plus de rabbins rationalistes parmi les séfarades plus que parmi les ashkénazes (qui furent clairement influencés, sur de nombreux points, par les superstitions répandues dans l'Europe catholique du Moyen-âge) ? Cela est vraiment ironique, car depuis que le Shoulhon ´oroukh fut accepté par les séfarades, ces derniers sont devenus plus irrationnels et superstitieux que les ashkénazes qui, au fur et à mesure du temps, semblent renoncer, eux, de plus en plus à la Qabboloh et autres croyances et pratiques superstitieuses (excepté les Hasidhim, évidemment, qui sont profondément empêtrés dans ces choses, et qui ont renoncé à bon nombre de pratiques et rites ashkénazes pour adopter les superstitions séfarades).


[1]     Sha`alôth Outhashouvôth Horo''sh 31:9
[2]    Yôréh Dé´oh 179:2
[3]    Shoulhon ´oroukh, `ôrah Hayyim 2:4-5
[4]    Hilkôth Béth Habbahiroh 7:2
[5]    `ôrah Hayyim 3:6
[6]    Hilkôth Béth Habbahiroh 7:2
[7]    `ôrah Hayyim 4:2
[8]    Ibid., 8
[9]    Ibid., 9
[10]  Ibid., 10
[11]   Ibid., 3:10
[12]   Ibid., 11
[13]   Shabboth 82a
[14]  `ôrah Hayyim 140
[15]   Ibid., 487
[16]  Ibid., 475
[17]   Hôshén Mishpot, Hilkôth Dayyonim 25

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