lundi 13 mai 2019

Réflexions sur la bonne et mauvaise éducation torahique – Partie IV


בס״ד

Réflexions sur la bonne et mauvaise éducation torahique – Partie IV


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  1. La nature des déclarations midrashiques/`aggadiques

Bien que certains rabbins aient favorisé une interprétation littéralistes des paroles de HaZa''l, de nombreux autres ont rejeté dans le langage le plus dur cette approche. HoRov Savi Hirsch Hayyôth (5565-5615), l'un des plus grands talmudistes de Galicie et ardent défenseurs de la sagesse de HaZa''l, fit l'observation suivante :

Il existe quelques sujets dans la Gamoro` dont le sens ne peut être pris littéralement, parce que le texte pris littéralement dépeindrait D.ieu comme un être corporel, et constituerait de temps à autres un acte de blasphème. Nous devrions, et nous y sommes en réalité astreints, croire que les transmetteurs de la vraie Qabboloh, qui nous sont connus pour être des hommes justes et saints et également comme des Talmidhé Hakhomim accomplis, ne s'exprimeraient pas d'une manière si absurde. Nous devons, par conséquent, croire que leurs paroles furent prononcées dans un sens allégorique ou mystique et qu'elles renvoient à des choses de l'importance la plus élevée, qui dépassent de loin notre capacité mentale.

HoRov Hayyôth offrit des exemples d'enseignements rabbiniques qui furent donnés d'une manière rhétorique afin d'éveiller la curiosité des auditeurs ; qui exprimaient des idées profondes dans un style figuré ; qui usaient de paraboles et d'hyperboles. Prendre ces Midhroshim littéralement aurait pour conséquence de complètement mal comprendre les méthodes et messages de HaZa''l.

HoRov Hayyim Dowidh Halléwi fit remarquer que HaZa''l étaient fréquemment en désaccord les uns les autres dans leurs interprétations midrashiques. Il est impossible que deux opinions opposées puissent toutes deux être historiquement vraies ! Par exemple, la Tôroh rapporte qu'après la mort de Yôséph Hassaddiq un nouveau Pharaon se leva sur l’Égypte. Le Talmoudh déclare que Rov suggéra que cela se référait littéralement à un nouveau Pharaon, tandis que Shamou`él interpréta cette phrase torahique comme voulant dire qu'il s'agissait du même Pharaon mais qui passa des décrets nouveaux contre les Israélites. Ces deux déclarations ne peuvent pas être vraies simultanément !1 Ni Rov ni Shamou`él n'apporta la moindre preuve historique ou traditionnelle pour soutenir son opinion ; plutôt, leurs opinions découlaient de leur propre lecture du texte biblique ! Il est donc important de comprendre que les Midhroshim ne font PAS partie de la Tôroh Orale d'Israël, mais ne sont que les lectures et compréhensions personnelles de nos Sages sur le texte biblique !

Les interprétations de HaZa''l étaient souvent énoncées afin de communiquer une leçon morale, et non pour commenter des événements réellement historiques. Par exemple, le Talmoudh rapporte que Rov Nahmon suggéra que Ya´aqôv `ovinou et sa famille, sur le chemin vers l’Égypte pour se réunir à Yôséph, s'arrêtèrent à Ba`ér Shova´ et abattirent des arbres qui avaient été plantés par `avrohom `ovinou. Ils emportèrent ce bois avec eux en Égypte, et le gardèrent tout au long des siècles de leur esclavage égyptienne. Lorsqu'ils quittèrent l’Égypte, ils emportèrent ce bois avec eux, et l'utilisèrent pour bâtir le Mishkon dans le désert.2 C'est une belle façon de lier ensembles l'histoire des Israélites à leur ancêtre originel, `avrohom. Toutefois, il n'existe aucune raison de supposer, et encore moins d'affirmer, que Rov Nahmon fit des recherches historiques qui le conduisirent vers cette interprétation, et il n'y a également aucune raison convaincante de croire qu'il détenait une tradition orale à ce sujet ; chose que lui-même n'a, d'ailleurs, pas prétendu ! L'importance et la signification de cette interprétation n'ont rien à voir avec son historicité, mais tout à voir avec l'influence endurante de `avrohom sur les Bané Yisro`él.

Puisque HaZa''l faisaient usage de diverses techniques littéraires et rhétoriques, il est essentiel de prendre leurs déclarations avec recul. Il est aussi essentiel de reconnaître que leurs interprétations reflètent leurs propres opinions personnelles, et non une tradition orale clairement définie ou divinement ordonnée.

HoRov Hay Go`ôn enseigna que la `aggodhoh incluait des déclarations des Sages où « chacun interprétait selon ce qui lui montait au cœur ». Il ajouta que nous ne nous appuyons pas sur les paroles de la `aggodhoh, mais les considérons comme des opinions personnelles.3 HoRov Shariro` Go`ôn enseigna que la `aggodhoh, le Midhrosh et les interprétations homilétiques de la Bible doivent être classés dans la catégorie des `oumdano`, c'est-à-dire des opinions personnelles et spéculations.4 Le Go`ôn Shamou`él ban Hôphni déclara : « Si les paroles des anciens contredisent la raison, nous ne sommes pas obligés de les accepter ! »5

La position selon laquelle les déclarations de HaZa''l ne doivent pas être comprises littéralement a une longue et distinguée tradition acceptée par tous les Ga`ônim (rabbins venus juste après la période du Talmoudh), Shamou`él Hannoghidh, Ribbénou, son fils, et de nombreux autres Ri`shônim (les rabbins venus juste après la période des Ga`ônim). Plus récemment, cette position fut magistralement défendue par HoRov Samson Raphaël Hirsch, qui déclara que « les dires `aggadiques n'ont pas d'origine sinaïques...Et quelqu'un dont l'opinion diffère de celle de nos Sages en matière de `aggodhoh ne doit pas être traité d'hérétique, d'autant que les Sages eux-mêmes divergeaient fréquemment ».

Lorsque nous enseignons des Midhroshim/`aggodhôth, nous devons être suffisamment sophistiqués pour considérer ces passages dans leur contexte littéraire et rhétorique. Nous ne devons pas forcer une interprétation littéraliste, encore moins lorsqu'une telle interprétation va à l'encontre de la raison, ou lorsque des interprétations alternatives valides sont également disponibles.

Certains Sages examinèrent les histoires bibliques et calculèrent que Rivqoh `imménou était âgée de trois ans lorsqu'elle abreuva les chameaux du serviteur de `avrohom. Ce calcul, rapporté dans le Sédhar ´ôlom, suppose que `avrohom envoya son serviteur trouver une épouse à Yishoq `ovinou immédiatement après la ´aqédhoh. Et pourtant, la Tôroh elle-même ne précise pas que cela se produisit immédiatement après la ´aqédhoh ou s'il y eut un laps de quelques années entre les deux histoires. Bien que Rash''i rapporte cet enseignement midrashique dans son commentaire de la Tôroh, ses propres disciples, les Tôsophôth, rapportent un autre calcul rabbinique qui conclut que Rivqoh aurait été âgée de quatorze ans lorsqu'elle abreuva les chameaux !6 Ainsi, les commentaires de Rash''i ne constituent pas une vérité absolue. Il est étrange de voir que l'étude de la Tôroh de nos jours se résume à simplement étudier la Tôroh avec Rash''i, alors que même au sein de la littérature rabbinique classique il y a des divergence d'opinion quant à l'âge qu'avait Rivqoh. L'opinion selon quoi elle était âgée de trois ans avait simplement pour but de mettre en avant les qualités inhabituelles, voire même miraculeuses, de Rivqoh, mais n'est pas à prendre littéralement. De l'autre côté, l'opinion selon quoi elle était âgée de quatorze ans désirait comprendre le texte d'une manière plus réaliste et rationnelle, puisqu'il est clair, à partir du texte lui-même, que Rivqoh était suffisamment mature que pour abreuver des chameaux, décider de quitter sa famille afin de se marier, et pour épouser Yishoq. Il est donc intenable de prétendre qu'elle n'avait que trois ans littéralement.

Ainsi, lorsqu'on discute de l'âge de Rivqoh avec nos enfants et élèves, ce n'est pas un problème de rapporter l'enseignement rabbinique selon quoi elle avait trois ans, en tant que moyen midrashique de mettre en avant les qualités inhabituelles de Rivqoh, tout comme un Midhrosh voudrait que `avrohom aurait découvert HaShem à l'âge de trois ans. Mais il faut également faire parvenir à leur connaissance qu'un enseignement rabbinique plus valide que celui-ci soutient que Rivqoh avait en fait quatorze ans à ce moment (et `avrohom, quarante, quarante-huit, ou cinquante ans, lorsqu'il découvrit D.ieu). Cette approche est évidemment plus raisonnable et rationnelle. Aucun parent ou enseignant ne doit insister pour qu'un enfant ou élève croit que Rivqoh était âgée de trois ans « parce que HaZa''l l'ont dit ». Or, HaZa''l ont aussi dit qu'elle avait quatorze ans ! Il faut dire aux enfants et élèves que les déclarations midrashiques sont souvent énoncées pour communiquer une leçon, et non pour rapporter des vérités historiques. Si on fait le choix de citer ou d'enseigner un Midhrosh, il faut alors prendre le temps d'enseigner les leçons qu'il communique.

Lorsqu'un Midhrosh est enseigné comme s'il faisait partie intégrale du texte biblique, cela porte préjudice au texte biblique, et aussi au Midhrosh. Les élèves doivent constamment être capables de différencier entre ce qui est dit dans le texte, et ce qui n'est rien d'autre qu'une interprétation rabbinique. Il faut plus particulièrement faire attention lorsque des Midhroshim incluent des détails surnaturels ou très bizarres ; les élèves pourraient en arriver à croire que ces éléments midrashiques font réellement partie de la bible. Car si on ne leur apprend pas à différencier entre le texte et son interprétation homilétique, si un jour ils en arrivent à rejeter ces Midhroshim bizarres ils pourraient culpabiliser en pensant faussement rejeter la bible elle-même ; et cela peut mener à davantage de catastrophes spirituelles.

Une tendance bien connue du Midhrosh est de glorifier les personnages justes et dépeindre de façon vile les personnages mauvais. Les héros bibliques deviennent plus larges que la vie dans leurs bontés ; et les vilains bibliques sont caractérisés par toutes sortes de vices et défauts. Cela fait partie de la méthode hyperbolique et moralisante de la littérature midrashique. Cette méthode midrashique doit être enseignée aux élèves, de sorte qu'ils se familiarisent avec le style de HaZa''l dans leurs éloges des justes et condamnations des impies. Cette méthode nous permettra de comprendre la façon qu'a le Midhrosh de présenter Washti.

Le texte de la Maghilloh ne nous dit pratiquement rien sur Washti. Nous ne savons pas pourquoi elle refusa de se présenter malgré l'ordre du roi. Son refus pourrait être très positivement interprété : elle était pudique, et refusa courageusement d'obéir à l'ordre inapproprié de son époux (en effet, du texte de la Maghilloh, on peut aisément déduire que l'ordre du roi était qu'elle se présente toute nue devant tous les invités.) Néanmoins, l'esprit midrashique veut démoniser `ahashwérôsh et sa femme. Pour se faire, le Midhrosh sous-entend que Washti était une descendante du méchant Navoukhadhna`ssar ; c'est pour cela qu'elle aurait été la compagne parfaite de `ahashwérôsh. Ils sont tous les deux corrompus. Si elle fait partie de la famille impie de Navoukhadhna`ssar, c'est qu'elle aussi doit être mauvaise. Pourquoi, donc, ne s'est-elle pas présentée malgré l'ordre de `ahashwérôsh ? La raison ne pouvait pas être qu'elle était pudique ou courageuse ; sinon cela la dépeindrait d'une façon positive. C'est la raison pour laquelle le Midhrosh suggère, sans doute avec une dose d'humour, que Washti était dotée de défauts physiques hideux (de longues oreilles et une queue), de sorte qu'elle avait honte de paraître devant le roi et ses convives. C'est pour cela qu'elle refusa de venir. Cette description midrashique prive ainsi Washti de la moindre vertu morale, et fait d'elle un personnage puni de défauts physiques symbolisant en réalité son âme mauvaise. Il n'y a donc rien de littéral ou de véridique dans ce Midhrosh !

En vérité, nous pouvons nous interroger s'il y a la moindre pertinence éducative à enseigner cette interprétation midrashique à des enfants à l'école maternelle. Il est improbable qu'ils puissent comprendre la méthode midrashique cachée derrière cette description de Washti. Les enseignants pourraient aimer l'enseigner afin de faire rire les enfants et éveiller leur imagination. Mais à long terme cette leçon fait du tort aux enfants, à moins que l'enseignant stipule clairement qu'il ne s'agit là que d'une exagération midrashique sur Washti, mais non d'une partie de la description que le texte de la Maghilloh fait d'elle. HaZa''l n'ont jamais affirmé que leurs Midhroshim devaient être inséparables et indistinguables du texte biblique, et nous ne devons pas non plus faire une telle affirmation pour eux !

Les conclusions à tirer de cette série de quatre articles devraient être claires et évidentes pour tous ceux qui sont intéressés à donne une éducation torahique véridique et authentique à leurs enfants et élèves. Pourtant, le fait est que beaucoup de mauvaises éducations se retrouvent dans nos maisons, synagogues et écoles. Une approche simpliste et littéraliste des paroles de HaZa''l continue d'avoir de l'influence, et est même très répandue. Ce n'est pas seulement intellectuellement et pédagogiquement insensé ; c'est même carrément une humiliation et dégradation de la Tôroh et de HaZa''l, comme cela fut dit par Ribbénou lui-même ! Nous devons tous élever nos voix pour l'amour de la Tôroh, de la vérité et du bien-être religieux de nos générations.
1´aséh Lakho Rov 5:49
2Midhrosh Rabboh Hammavô`or, Volume 4, Baré`shith 94:4
3sar Hagga`ônim, Volume 4, pages 59-60
4Ibid., page 60
5Ibid., pages 4-5
6Tôsophôth, sur Yavomôth 61b


vendredi 10 mai 2019

Les moutons de Ya´aqôv : la génétique et l'épigénétique dans la Tôroh


בס״ד

Sidhrath Wayyizkôr `alôhim – Les moutons de Ya´aqôv : la génétique et l'épigénétique dans la Tôroh


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Dans la Sidhroh de cette semaine, Wayyizkôr `alôhim, Lovon reconnaît qu'il a abondamment été béni par HaShem ית׳ grâce à la présence de Ya´aqôv `ovinou ע״ה, et lui propose un nouveau salaire pour son travail. À ce moment, Ya´aqôv savait qu'il ne fallait pas faire confiance à Lovon, et lui demanda simplement la possession de tous les moutons tachetés (c'est-à-dire, ayant un pelage de différentes couleurs) et mouchetés (c'est-à-dire, ayant des pois sur le pelage). Ces moutons à l'apparence imparfaite étaient peu en nombre. Lovon accepta sans hésitation. Il semble que les deux connaissaient les principes de base de la génétique. Aujourd'hui, nous savons que les moutons peuvent avoir approximativement 17 allèles de couleurs différentes et que la couleur blanche est dominante.

Pour ceux qui ont oublié leurs cours de biologie lorsqu'ils étaient à l'école : un allèle est une variation d'un gène. Ainsi, par exemple, tous les humains possède un gène pour la couleur des yeux, mais ont différents allèles qui codent pour obtenir les différentes couleurs : certains ont des allèles pour des yeux bleus, alors que d'autres ont des yeux bruns, etc. Chaque individu possède deux allèles pour chaque gène – une de leur mère, et une autre de leur père. Certains allèles sont « dominants », tandis que d'autres sont « récessifs ». Les allèles dominants ont davantage de probabilité de s'exprimer. Chez les humains, la couleur brune des yeux est dominante sur les yeux de couleur bleue, et c'est pourquoi +/- 55% des gens ont les yeux bruns, alors que seuls +/- 8% ont les yeux bleus.


Les « échiquiers de Punnet » basiques montrant les probabilités de la couleur des yeux des enfants de parents ayant entièrement les yeux bruns et bleus, et d'un parent aux yeux bruns ayant un allèle bleu.

Le blanc est l'allèle dominant pour la couleur des moutons, de ce fait Lovon supposait qu'il venait de conclure une belle affaire par rapport à Ya´aqôv, qui semblait à première vue ignorer la génétique des moutons. En réalité, Ya´aqôv connaissait assez bien la génétique des moutons, et cachait quelque chose d'autre dans sa manche. La seule raison pour laquelle il fit cette proposition à Lovon est qu'il savait que Lovon l'avare l'accepterait sans trop y réfléchir. Comment donc Ya´aqôv supplanterait-il son beau-père ?

  • Petite introduction à l'épigénétique

Ya´aqôv était évidemment un généticien plus instruit que Lovon, car il était conscient d'un concept qui ne fut découvert que dans les récentes décennies, appelé épigénétique. L'épigénétique se réfère aux diverses couches d'héritabilité (probabilité pour qu'une caractéristique apparente, manifeste d'un individu soit transmise héréditairement par les facteurs génétiques) et des effets génétiques qui sont au-dessus, ou à l'extérieur du code génétique en lui-même. En 2008, les scientifiques ont défini un trait épigénétique comme étant « un phénotype héréditaire stable résultant de changements dans un chromosome sans modification de la séquence de l'ADN ». Pour le dire en des termes plus simples : le chromosome qui contient les gènes est altéré d'une certaine façon sans affecter la séquence de l'ADN (le code génétique). Cette altération est aussi héritable, et s'est transmise d'une génération à l'autre.

Un certain nombre de mécanismes épigénétiques ont été découverts. Les plus courants sont la méthylation et l'acétylation, où de petites molécules sont attachées ou retirées du brin d'ADN, l'amenant à se torsader soit plus fermement ou moins fermement. Lorsque l'ADN se torsade plus fermement, le gène est rendu inaccessible, et ne peut pas s'exprimer. S'il ne s'est pas torsadé, le gène est exposé, et peut alors se traduire dans la protéine pour laquelle il code, exprimant ainsi le trait chez la personne.


Enroulement de l'ADN et expression d'un gène

Bien que l'épigénétique soit compliquée, ses implications sont énormes. Ce que cela signifie en termes pratiques est que bien que quelqu'un possède un certain gène, ce gène n'a pas nécessairement à s'exprimer, puisqu'il peut être réduit au silence à travers des mécanismes épigénétiques. Par exemple, quelqu'un qui possède un gène qui le prédispose au cancer, Hos Washolôm (à Dieu ne plaise), pourrait potentiellement voir ce gène être supprimé, éliminant ainsi son risque élevé d'avoir un cancer. Cela s'applique également aux personnes qui pourraient génétiquement être prédisposées à l'obésité, au diabète, à Alzheimer, ou théoriquement, à n'importe quel autre trait. Quelqu'un qui possède à la fois des allèles bruns et bleus n'a pas nécessairement à avoir des yeux bruns. L'allèle des yeux bruns peut être réduit au silence, permettant à l'allèle bleu de pleinement s'exprimer.

Il en est de même des moutons de Ya´aqôv. Bien que les allèles pour donner des moutons tachetés et mouchetés soient récessifs, l'allèle blanc dominant peut être supprimé, ce qui aura pour conséquence de produire davantage de moutons tachetés et mouchetés. Dans la Tôroh, nous lisons comment Ya´aqôv a pris des branches d'arbre et retiré une partie de leur écorce pour exposer les couches blanches intérieures de sorte que leur motif ressemble à celui des moutons tachetés et mouchetés. Il a ensuite placé ces branches en face des moutons blancs qui étaient en chaleur, et cela amena les moutons blancs à produire davantage de petits qui étaient tachetés et mouchetés. De cette façon, Ya´aqôv fut rapidement capable de multiplier le nombre de moutons à l’apparence irrégulière dans les troupeaux, augmentant ainsi sa propre richesse, et laissant Lovon dans une surprise totale !

Qu'est-ce que la science a à dire à ce propos ? Est-il véritablement possible pour des moutons blancs de produire des petits tachetés et mouchetés rien qu'en regardant des branches d'arbre tachetées et mouchetées ? Quels facteurs affectent concrètement l'épigénétique ?

  • La révolution épigénétique

Dans le nord de la Suède se trouve un petit village isolé appelé Överkalix. Ce village a conservé des annales historiques détaillées, incluant les naissances, les maladies, et les morts, ainsi que les moissons et les prix de la nourriture. Des chercheurs ont commencé à se pencher sur ces données et ont remarqué un certain nombre de schémas émergents. Avec surprise, ceux qui ont été élevés à des époques d'abondance tendaient à mener des vies plus courtes et avec plus de maladies, alors que ceux qui avaient été élevés à des époques de relatives famines étaient en meilleure santé et vivaient plus longtemps ! Plus choquant encore, ils ont découvert que ces traits se transmettaient à leurs enfants et petits-enfants. Les petits-fils de ceux qui avaient grandi à des époques d'abondance vivaient en moyenne six années de moins que les petits-fils de ceux qui avaient grandi à des époques de famine !

L'étude d'Överkalix a ouvert la porte à de plus amples recherches sur le sujet, et aujourd'hui nous savons que non seulement la nourriture a des incidences sur notre épigénétique, mais que c'est également le cas de la cigarette, de l'alcool, des exercices physiques que l'on fait, et de pratiquement tous les choix de style de vie que nous faisons. En outre, des études récentes ont découvert que non seulement nos actes ont des incidences sur notre épigénétique, mais également nos pensées ! En 2013, des scientifiques ont découvert que la méditation affecte le mécanisme épigénétique et cause, entre autres choses, moins d'inflammation dans le corps, de meilleures réponses au stress, et des processus mentaux plus rapides. Vous ne le savez peut-être pas, mais toutes ces choses ont déjà été enseignées dans les textes Juifs il y a plusieurs siècles d'ici ! C'est ainsi que, par exemple, nos Sages nous ont déjà enseigné que la création d'un bébé pouvait être influencée par la pensée. Si vous parvenez à vous concentrer de façon adéquate, vous serez capables de déterminer vous-mêmes le sexe du futur bébé !

L'épigénétique a causé une révolution dans le domaine de la biologie, et une nouvelle réalisation que nous ne sommes pas les esclaves de notre génome. Contrairement à ce qu'il a souvent été dit par d'autres scientifiques, les gènes dont nous avons hérités ne nous contrôlent pas. C'est également pour cela qu'il a été enseigné par nos Sages que אֵין מַזָּל לְיִשְׂרָאֵל « `én Mazzol Layisro`él – Il n'y a pas de Mazzol pour les Israélites ». C'est-à-dire que ce que nous sommes n'est pas déterminé par des forces extérieures sur lesquelles nous n'aurions aucun pouvoir ou contrôle. Nous sommes, au contraire, ceux qui contrôlons comment nos gènes fonctionnent, et pratiquement chaque choix que nous faisons a une incidence sur notre santé et bien-être, ainsi que la santé et le bien-être de nos enfants et petits-enfants, étant donné que ces schémas épigénétiques sont héritables. C'est l'une des découvertes scientifiques les plus éclairantes et libératrices, puisque chaque être humain tient en réalité le volant de sa destinée biologique. Cela devrait aussi nous motiver à croire davantage dans les enseignements de nos Sages et à faire des choix de styles de vie plus sains, parce que même si vous ne vous souciez pas beaucoup de votre propre santé, celle de votre postérité est directement impactée par vos choix !

  • De retour aux moutons de Ya´aqôv

Si la méditation joue un rôle sur la façon qu'ont nos gènes de s'exprimer, les autres processus mentaux peuvent permettre la même chose. En exposant visuellement ses moutons à des images tachetées et mouchetées, Ya´aqôv a actionné un changement épigénétique qui a eu pour conséquence de supprimer les allèles blancs. Les neurologues savent depuis très longtemps qu'il n'y a dans le fond aucune différence dans les schémas du cerveau lorsque quelqu'un voit littéralement quelque chose et lorsqu'ils visualisent simplement la même chose. Si les visualisations mentales comme la méditation peuvent affecter l’épi-génome, alors pourquoi pas la visualisation réelle ? Armé de cette connaissance, Ya´aqôv a supplanté son beau-père et est devenu un homme extrêmement riche.

Mais évidemment, on ne peut pas nier le rôle de HaShem dans le processus, comme Ya´aqôv lui-même l'expliquera à ses épouses dans la Sidhroh de la semaine prochaine (Baré`shith 31:7-9). Changer son épigénétique n'est pas chose facile ! Comme pour pratiquement toute chose, une petite aide de HaShem est toujours nécessaire. Ya´aqôv a fait sa part d'efforts en exposant les animaux à des vues stimulantes, et HaShem S'est occupé du reste.

Il est intéressant de noter que 119 « moutons de Ya´aqôv » sont récemment réapparus en Terre d'Israël ! Cette ancienne race de mouton tire ses origines du Moyen-Orient il y a approximativement 5 000 ans d'ici. Ils avaient été extirpés de la Terre d'Israël il y a longtemps, mais Boroukh HaShem, certains ont survécu et avaient été transportés à travers l'Afrique du Nord vers l'Europe et enfin aux États-Unis. Ce mouton tacheté et moucheté très rare est désormais retourné en Terre Sainte.


En tous les cas, à travers cette Sidhroh, nous comprenons encore plus l'importance d'avoir de solides connaissances scientifiques de façon à mieux comprendre la Tôroh. C'est pourquoi, Ribbénou a clairement écrit que sans connaissance des créations de HaShem, il est impossible de véritablement L'aimer et Le craindre, ni de pleinement comprendre Sa Parole. Sachez que les plus grands secrets de la science sont déjà inclus dans la Parole de HaShem, mais c'est uniquement aujourd'hui que les scientifiques découvrent ce que la Tôroh et le Talmoudh nous ont déjà enseigné !

jeudi 9 mai 2019

Traitement de la Dépression et Bases de la Relation Patient-Docteur


בס״ד

Traitement de la Dépression et Bases de la Relation Patient-Docteur, par Ribbénou HaRambo''m (1138-1204) : Rabbin, Médecin, et Philosophe


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Ribbénou Môshah ban Maymôn, une figure illustre dans l'histoire, la médecine, et la philosophie Juive, a consacré la majorité des dix dernières années de sa vie aux écrits médicaux, au cours desquels il a aussi étudié les maladies mentales et a fourni ce qui peut être considéré comme la toute première description de la médecine psychosomatique. Dans sa lettre médicale envoyée au neveu gravement malade de le Saladin le Grand au Caire, qui souffrait d'un trouble maniaco-dépressif, Ribbénou discute de la consommation possible de l'alcool par son patient Musulman – le seul traitement disponible à l'époque pour la dépression. Ribbénou analyse le conflit entre l'interdiction religieuse pour son patient de boire de l'alcool et sa propre responsabilité professionnelle en tant que médecin vis-à-vis de son patient. Cette lettre illustre l'attitude de Ribbénou concernant la relation patient-docteur, forge une synthèse de la religion et la médecine, et démontre un respect interculturel et une sensibilité psychologique envers son patient Musulman. Ribbénou incorpore avec brio des sources tirées de la culture Juive et Islamique et laisse la décision finale à son patient.

Nous offrons ici cette traduction Française de sa lettre médicale pour laisser Ribbénou parler pour lui-même. Dans nos brefs commentaires qui suivront, nous détaillerons les messages éthiques de Ribbénou pour les lecteurs modernes.

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Lettre Médicale de Ribbénou

Son serviteur est bien conscient que notre Maître, par sa large intelligence et compréhension profonde, sera capable de se conduire de la manière appropriée, en accord avec le traité précédent et ces chapitres. Combien plus lorsque se tient devant lui [un médecin] auprès de qui il pourrait demander une guidance professionnelle ou rechercher une instruction pratique.

Dieu, puisse-t-Il être exalté, est un témoin, et Son témoignage suffit (Qour`ân 4:79-81), que le grand désir de son humble serviteur est de servir notre Maître par sa propre personne et conversation, et non par papier et plume.

Cependant, sa pauvre constitution et la faiblesse de ses facultés naturelles – déjà dans sa jeunesse, et combien plus dans sa vieillesse – constituent une barrière entre lui et de nombreux plaisirs. Je ne parle pas de plaisirs, mais plutôt de bonnes œuvres, dont la plus importante et élevée est de servir notre Maître de façon pratique. Que Dieu soit remercié pour toutes les circonstances qui nous arrivent, les générales et les particulières, dans la totalité de l'existence et ses détails, en chaque individu, en accord avec Sa volonté, qui concorde avec ce qui est dicté par Sa sagesse, dont aucun homme ne peut imaginer les profondeurs. Et que Dieu soit béni pour toute circonstance, peu importe la direction que pourraient prendre les événements.

Notre Maître ne devrait pas critiquer son humble serviteur pour avoir mentionné dans ce traité l'usage du vin et des chants, qui sont tous deux détestés par la religion. Car ce serviteur n'a pas commandé d'agir de la sorte ; il a simplement déclaré ce qui est dicté par sa profession. En effet, les législateurs religieux savent, comme les médecins, que le vin a des bienfaits pour l'homme.

Un médecin est lié, en ce qu'il est un médecin, de se présenter avec un régime bénéfique, qu'il soit défendu ou autorisé ; le patient est doté du libre-arbitre de choisir de le suivre ou pas. Si [le médecin] échoue à mentionner tout ce qui pourrait être utile, qu'il soit défendu ou autorisé, il est coupable d'avoir agi malhonnêtement, car il n'a pas un conseil digne de confiance.

Il est bien connu que la loi religieuse commande ce qui est bénéfique et défend ce qui est nuisible par rapport au Monde-à-Venir. De l'autre côté, le médecin instruit ce qui bénéficiera au corps et avertit concernant ce qui lui nuira dans ce Monde-ci.

La différence entre des commandements religieux et un conseil médical est que la religion commande et contraint quelqu'un à faire ce qui lui bénéficiera dans le futur, et défend ce qui lui nuira dans le futur, et punit pour cela. De l'autre côté, le médecin conseille [quelqu'un] concernant ce qui lui bénéficiera, et l'avertit concernant ce qui lui causera du mal. Il n'utilise pas la coercition, et ne punit pas ; il présente simplement l'information au patient à la façon d'un conseil. Et c'est le choix [du patient de suivre ou pas le conseil].

La raison à cela est évidente. Le mal et le bienfait d'après une perspective médicale sont immédiats et clairement évidents. Ainsi, il n'y a pas lieu d'user de coercition ou de punition. Toutefois, concernant les commandements religieux, le mal et le bienfait qu'ils apportent ne sont pas évidents dans ce Monde-ci. De ce fait, l'insensé pourrait imaginer en lui-même que tout ce qui est décrit comme étant nuisible ne l'est pas, et que tout ce qui est décrit comme bénéfique ne l'est pas, parce que ces choses ne sont pas clairement évidentes pour lui. Pour cette raison la loi religieuse contraint quelqu'un à pratiquer le bien et punit pour avoir commis le mal, car le bien et le mal ne deviendront apparents que dans le Monde-à-Venir. Tout cela est un acte de bonté à notre égard, une faveur qui nous est faites à la lumière de notre folie, une miséricorde sur nous due à la faiblesse de notre compréhension. C'est la mesure de ce que le serviteur a considéré approprié de stipuler devant son Maître et Dominateur, puisse Dieu lui accorder de longues années. Je reste volontiers disponible pour servir notre Maître. Remerciements et louanges à Dieu !

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Commentaires

  • Introduction

Ribbénou HaRambo''m souligne au début les capacités intellectuelles du patient qu'il considère être la clef de la relation patient-docteur et de la réussite du traitement. Ribbénou est le « serviteur » pour le patient, son « maître » (le neveu du Sultan). En citant le Qour`ân, Ribbénou présente le fondement religieux de sa mission médicale d'après le système de croyance du patient. Pour gagner la confiance de son patient, le médecin doit également être familier avec son monde spirituel et religieux.

  • La condition médicale de Ribbénou

Pour Ribbénou, empêcher la souffrance et fournir un soutien médical et spirituel à ceux qui en ont besoin est également un devoir religieux. En partageant partiellement avec son patient sa propre condition médicale, qui ne le détourne pas de ses doubles activités, il encourage son patient à gérer de la même manière ses problèmes médicaux. Ribbénou et son patient Musulman partagent une profonde croyance en Le Créateur, enracinée dans leurs religions respectives.

  • L'obligation médicale du médecin Versus les commandements religieux

Boire de l'alcool peut être médicalement justifié pour traiter la dépression, mais Ribbénou est pleinement conscient de l'interdiction religieuse pour son patient d'en boire (Qour`ân 2:219 ; 5:90-91). Suivant son obligation de médecin, Ribbénou discute franchement des bienfaits de l'alcool avec son patient, qui est le chef religieux d'un royaume Islamique.

  • L'obligation médicale du médecin et l'autonomie du patient

Sur la base de l'obligation professionnelle du médecin, qui est également encrée dans les écrits religieux de Ribbénou, le médecin est tenu de conseiller son patient conformément à ses connaissances médicales, même si le conseil qu'il prodigue contredit la tradition religieuse du patient. Ne pas communiquer des informations médicales à son patient transgresserait l'obligation du médecin d'informer ses patients. Ribbénou détaille la complexité éthique d'un traitement remis en cause à cause des convictions religieuses de son patient Musulman mais laisse la décision finale entre les mains de son patient. Ce rôle clef de l'autonomie du patient est en accord avec la philosophie religieuse de Ribbénou.

  • Commandements religieux Versus instructions médicales

Ribbénou fait la distinction entre la médecine et la religion : l'objectif de la médecine est le bien-être dans ce monde physique. La religion se focalise sur le futur spirituel dans le Monde-à-Venir, où les bienfaits ne sont « pas évidents dans ce Monde-ci ». Sauver des vies et promouvoir le bien-être humain dans ce Monde-ci ne doit pas être négligé à cause de commandements religieux. D'après la tradition Juive, sauver une vie doit recevoir la priorité sur les commandements religieux. Par conséquent, Ribbénou permet de jouir du vin dans certaines limites et encourage son patient Musulman malade de considérer le bienfait de l'alcool dans le traitement de sa maladie.

  • Conclusions

D'importantes valeurs éthiques sont présentées dans la lettre médicale de Ribbénou. Les qualités personnelles du médecin incluent la modestie, l'honnêteté, et un sens du devoir vis-à-vis de sa profession. L'autonomie du patient à décider de suivre ou pas le traitement doit être respectée, y compris avec des patients psychiatriques, ce qui constitue une attitude remarquablement moderne dans la médecine médiévale, qui est une époque où les attitudes paternalistes prévalaient. Dans sa relation patient-docteur, Ribbénou démontre une familiarité avec le monde religieux de son patient en citant le Qour`ân. En traitant franchement aussi bien des réticences religieuses de son dominateur Islamique et des devoirs professionnels du médecin, Ribbénou compare ses valeurs philosophiques et médicales avec celles de son patient. Il analyse le conflit entre la médecine et la religion en définissant leurs caractéristiques et objectifs différents. Pour Ribbénou, sauver une vie est en soi un devoir religieux qui a priorité sur pratiquement toutes les autres obligations religieuses. Étant donné que Ribbénou respecte les nombreuses valeurs communes que le Judaïsme partage avec les diverses religions, ces concepts que l'on retrouve dans la loi Juive sont également pertinents pour son patient Musulman, dont la religion affirme être une continuité du Judaïsme. Ces ponts interculturels entre cet immense érudit de la Tôroh et son patient Musulman sont remarquables pour le 12ème siècle, une période où la persécution religieuse définissait l’atmosphère politique et sociale dans les pays Chrétiens et Musulmans. Dans cette œuvre éthique, Ribbénou combine avec succès des talents médicaux, religieux, philosophiques, et psychologiques, créant une discussion interculturelle respectueuse pour le bienfait et bien-être de ses patients. Pour toutes ces réalisations spéciales, Ribbénou HaRambo''m, surnommé Maïmonide, une autorité rabbinique médiévale remarquable, un philosophe, et médecin, reste un exemple bioéthique pour les médecins contemporains.

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Réflexions sur la bonne et mauvaise éducation torahique – Partie III


בס״ד

Réflexions sur la bonne et mauvaise éducation torahique – Partie III


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  1. Rouah Ro`oh – Mauvais Esprit

Bon nombre de nos Sages (spécifiquement ceux de Babylone) et rabbins des générations antérieures croyaient dans les démons (Shédhim), en des formes métaphysiques maléfiques (par exemple, le ´ayin Hora´), en l'astrologie, et d'autres choses pareilles. De même que bon nombre des non-Juifs sages et instruits de ces époques-là. Ces croyances, qu'a catégoriquement rejetées Ribbénou, sont non seulement citées dans le Talmoudh Bavli, mais dans certains cas ils ont également été reprises dans les codes halakhiques standards. Si on regarde le Shoulhon ´oroukh de Rabbi Yôséph Qa`rô, qui est considéré par l'orthodoxie comme le livre halakhique de référence, beaucoup des préceptes qui y sont enseignées sont clairement basés sur des superstitions et autres croyances kabbalistiques qui n'ont aucun sens. Comment devons-nous considérer ces sources, et comment les expliquer à nos enfants et élèves ? Penchons-nous sur l'un de ces concepts, celui de la Rouah Ro´oh (esprit mauvais), pour illustrer la façon de traiter de tels sujets.

Voici ce que nous pouvons lire dans le Shoulhon ´oroukh1 :

2. Il prendra soin de verser trois fois des eaux sur elles [les mains], afin de faire passer l'esprit mauvais qui repose sur elles.
ב יְדַקְדֵּק לְעָרוֹת עֲלֵיהֶם מַיִם ג' פְּעָמִים לְהַעֲבִיר רוּחַ רָעָה שֶׁשּׁוֹרָה עֲלֵיהֶן
3. Il ne touchera pas avec sa main, avant un lavage, la bouche, ni le nez, ni les oreilles, ni les yeux.
ג לֹא יִגַּע בְּיָדוֹ קֹדֶם נְטִילָה לַפֶּה, וְלֹא לַחֹטֶם, וְלֹא לָאָזְנַיִם, וְלֹא לָעֵינַיִם

Le Shoulhon ´oroukh enseigne que verser trois fois de l'eau sur ses mains, directement après s'être réveillé, serait le seul moyen efficace de retirer la Rouah Ro´oh qui s'attachent aux mains. Il prescrit qu'avant ce lavage des mains il serait défendu de toucher certaines parties du corps (un peu plus loin, il interdit même de toucher un tonneau de bière). Puisque les mains non lavées posséderaient sur elles une Rouah Ro´oh, toucher ces organes sensibles du corps serait dangereux. Et c'est la croyance dominante parmi les Orthodoxes.

Divers commentateurs ont offert des explications variées sur la nature même de cette Rouah Ro´oh et si elle existe réellement. Certains disent qu'elle s'attache aux mains parce que durant le sommeil les mains de la personne pourraient avoir touché différentes parties du corps et seraient devenues impures. D'autres disent que dormir est une forme de mort ; et tout comme une purification est nécessaire lorsqu'on entre en contact avec un cadavre, de même il y aurait besoin de purification lorsqu'on se réveille de son sommeil. C'est le Zôhar, livre de référence de la Qabboloh, qui enseigne ceci : « Car lorsque quelqu'un dort, son esprit s'envole de lui, et tandis que son esprit le quitte, un esprit impur est prêt à reposer sur ses mains, les souillant ainsi. C'est pourquoi il est défendu de bénir une bénédiction avec elles sans s'être d'abord laver ».

Bien que la Halokhoh prescrive effectivement un lavage des mains au matin, la croyance en une Rouah Ro´oh est-elle une exigence religieuse ? Peut-on expliquer le lavage des mains d'une autre manière ?

La stricte vérité est qu'un lavage des mains au matin ne fut prescrit par nos Sages qu'avant la prière, et non au réveil, et jamais ils n'attachèrent cette exigence à une quelconque croyance en une Rouah Ro´oh qui reposerait sur les mains ! Au contraire, de la même manière que les Kôhanim devaient se laver le visage, les pieds et les mains avant de commencer leur service dans le Béth Hammiqdosh, nous aussi devons nous préparer à la prière (qui a remplacé le service dans le Béth Hammiqdosh) par des ablutions. C'est ainsi que Ribbénou, fidèle aux instructions de nos Sages, cite la loi du lavage des mains au matin dans ses lois sur la prière2 :

1. Cinq choses retardent la prière, quand bien même son temps serait arrivé : 1) la pureté des mains, 2) le recouvrement de la nudité, 3) la pureté du lieu de la prière, 4) des choses qui dérangent l'individu, et 5) la concentration du cœur.
א  חֲמִשָּׁה דְּבָרִים מְעַכְּבִין אֶת הַתְּפִלָּה, אַף עַל פִּי שֶׁהִגִּיעַ זְמַנָּהּ--טַהְרַת הַיָּדַיִם, וְכִסּוּי הָעֶרְוָה, וְטַהְרַת מְקוֹם הַתְּפִלָּה, וּדְבָרִים הַחוֹפְזִים אוֹתוֹ, וְכַוָּנַת הַלֵּב
2. La pureté des mains : Comment [s'applique-t-elle] ? On lave ses mains avec de l'eau jusqu'à l'articulation, et ensuite on prie. Si on se trouvait en chemin et qu'est arrivée le moment de la prière, mais que l'on n'a pas d'eau, s'il y a entre soi-même et l'eau [une distance de] quatre Milin, c'est-à-dire huit mille `ammoh, on se rend jusqu'au lieu [où se trouve] l'eau et on se lave [les mains], et après cela on prie. Mais s'il y a entre soi-même et l'eau plus que cela, on nettoie ses mains avec une pierre, de la terre ou une poutre, et on prie.
ב  טַהְרַת הַיָּדַיִם כֵּיצַד: רוֹחֵץ יָדָיו בַּמַּיִם עַד הַפֵּרֶק, וְאַחַר כָּךְ יִתְפַּלַּל. הָיָה מְהַלֵּךְ בַּדֶּרֶךְ וְהִגִּיעַ זְמָן הַתְּפִלָּה, וְלֹא הָיָה לוֹ מַיִם--אִם הָיָה בֵּינוֹ וּבֵין הַמַּיִם אַרְבָּעָה מִילִין, שְׁהֶן שְׁמוֹנַת אֲלָפִים אַמָּה--הוֹלֵךְ עַד מְקוֹם הַמַּיִם וְרוֹחֵץ, וְאַחַר כָּךְ מִתְפַּלֵּל; הָיָה בֵּינוֹ וּבֵין הַמַּיִם יָתֵר מִכָּאן--מְקַנֵּחַ יָדָיו בִּצְרוֹר אוֹ בְּעָפָר אוֹ בְּקוֹרָה, וּמִתְפַּלֵּל
3. Dans quel cas les paroles susmentionnées s'appliquent-elles ? Devant soi. Et si le lieu de l'eau se trouve derrière soi, on est astreint à ne revenir sur ses pas que jusqu'à un Mil. Mais si on a dépassé l'eau de plus d'un Mil, on n'a pas l'obligation de revenir [sur ses pas]. Plutôt, on nettoie ses mains et on prie. Dans quel cas les paroles selon lesquelles on ne doit purifier pour la prière que ses mains s'appliquent-elles ? Dans le cas de toutes les prières, excepté la Taphillath Shahrith. Mais à Shahrith, on lave son visage, ses mains et ses pieds, et ensuite on prie. Et si on était éloigné de l'eau, on nettoie ses mains uniquement, et on prie.
ג  בַּמֶּה דְּבָרִים אֲמוּרִים, לְפָנָיו; אֲבָל אִם הָיָה מְקוֹם הַמַּיִם לְאַחֲרָיו, אֵין מְחַיְּבִין אוֹתוֹ לַחְזֹר לְאַחֲרָיו אֵלָא עַד מִיל. אֲבָל אִם עָבַר מִן הַמַּיִם יָתֵר מִמִּיל, אֵינוּ חַיָּב לַחְזֹר, אֵלָא מְקַנֵּחַ יָדָיו, וּמִתְפַּלֵּל. בַּמֶּה דְּבָרִים אֲמוּרִים, שְׁאֵינוּ מְטַהֵר לִתְפִלָּה אֵלָא יָדָיו בִּלְבָד--בִּשְׁאָר תְּפִלּוֹת, חוּץ מִתְּפִלַּת שַׁחְרִית; אֲבָל בַּשַּׁחְרִית--רוֹחֵץ פָּנָיו יָדָיו וְרַגְלָיו, וְאַחַר כָּךְ יִתְפַּלַּל. וְאִם הָיָה רָחוֹק מִן הַמַּיִם--מְקַנֵּחַ יָדָיו בִּלְבָד, וּמִתְפַּלֵּל

En d'autres mots, se laver les mains (le visage et les pieds également) fait partie de la préparation appropriée avant de pouvoir se présenter devant le Tout-Puissant par la prière. Ribbénou, comme le Talmoudh, ne fait aucunement mention d'une quelconque Rouah Ro´oh ! L'obligation de se laver les mains avant la prière n'est qu'une question de propreté physique et de purification rituelle, mais n'est pas connectée à une Rouah Ro´oh. En prenant l'approche de Ribbénou (qui est, en réalité, l'approche talmudique), nous pouvons respecter et enseigner la pratique du lavage des mains au matin sans la conditionner à la croyance en une Rouah Ro´oh.

Bien que Ribbénou rejette la notion d'une Rouah Ro´oh comme raison du lavage des mains au matin, d'autres rabbins ne furent pas si catégoriques. Bien qu'ils doutaient que la Rouah Ro´oh puisse causer le moindre dégât physique, ils étaient peu désireux de rejeter la croyance en l'existence d'une Rouah Ro´oh, car elle est présente dans le Talmoudh Bavli et d'autres textes rabbiniques (d'après leur compréhension). Ils résolurent ce dilemme en suggérant que la Rouah Ro´oh existaient dans les temps passés, mais plus à nos époques modernes. Par exemple, le Mahara''m ban Habbiv, écrivit que : « à nos époques, nous n'avons jamais vu ni entendu qui que ce soit ayant touché ses yeux avec des mains non lavées le matin, qui ensuite serait devenu aveugle ; par conséquent, la Rouah Ro´oh du matin n'existe plus au milieu de nous ».3 L'opinion selon laquelle la Rouah Ro´oh aurait perdu son efficacité à nos époques fut également exprimée par le Maharsha''l, le `éliyoh Rabboh, et d'autres.4

Rabbi Hayyim Dowidh Halléwi, un grand Pôséq qui était un adhérant au Zôhar, releva qu'il existe de nombreux sujets qui dépassent notre compréhension, parmi lesquels la notion de Rouah Ro´oh. Néanmoins, lorsqu'il décrit le lavage des mains au matin, Rabbi Halléwi refuse l'explication du Zôhar et fournit plutôt l'explication suivante : « Étant donné que l'intention du cœur, au fond de lui-même, est l'accomplissement des Miswôth, il convient que l'humain pense au moment du lavage que par ce moyen il se prépare au service du Créateur, tout comme un Kôhén qui lavait ses mains dans le Béth Hammiqdosh ».5

À l'évidence, nous devons pratiquer et enseigner la Halokhoh du lavage des mains au matin. Mais nous ne sommes pas obligés de croire ou d'inculquer une croyance en une Rouah Ro´oh. Lorsque nous enseignons le texte du Shoulhon ´oroukh sur la Rouah Ro´oh, nous pouvons expliquer que beaucoup de gens croyaient en ce concept en ces époques-là ; que Ribbénou n'a jamais fait mention de cette expression dans aucune de ses lois sur le lavage des mains au matin ; qu'il n'est pas religieusement requis de croire en ce concept. On peut également leur communiquer le fait que de nombreux rabbins suggérèrent que la Rouah Ro´oh avait perdu son efficacité à nos époques, c'est-à-dire que ce n'est plus du tout pour nous un sujet pertinent aujourd'hui ! Nous pouvons expliquer le lavage des mains au matin comme une purification rituelle en préparation à la prière. Il est complètement inconvenant de contraindre nos enfants à croire que la Rouah Ro´oh serait un fondement de notre tradition religieuse. C'est mal et insensé d'enseigner que toucher ses yeux, son nez, sa bouche, ou ses oreilles, avec des mains non lavées au réveil leur causera des problèmes corporels. C'est pédagogiquement et intellectuellement stupide de contraindre des élèves à accepter des choses qui s'avèrent à l'évidence être fausses, et de déguiser de tels enseignements dans des vêtements de vérité religieuse. Cela ne peut mener qu'à la dégradation de la foi aux yeux des élèves lorsqu'ils grandiront et auront des raisonnements plus sophistiqués. Ils pourraient également en arriver à conclure que la foi et la superstition se valent, ce qui est une éventualité dangereuse et malheureuse.

À suivre...
1`ôrah Hayim 4:2-3
2Mishnéh Tôroh, Séphar Ho`ahavoh, Hilkôth Taphilloh Ouvirakhath Kôhanim 4:1-3
3Cité dans la note de bas de page numéro 8 du Yalqout Yôséph, rédigé par le fils du Rov ´ôvadhyoh Yôséph, Rov Yishoq Yôséph, Volume Un de la prière, pages 9-10
4Ibid.
5Maqôr Hahayyim, 1:2:5

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