jeudi 27 février 2020

L'histoire du carnaval


בס״ד

L'histoire du carnaval : tout savoir sur le carnaval et son lien avec les Juifs


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Le carnaval est un festival annuel qui se produit généralement avant le début du Carême et implique généralement une célébration publique d'une certaine sorte. Ces célébrations publiques comprennent généralement des fêtes de rue, des défilés, des bals ou toute autre forme de divertissement.

Les origines exactes du carnaval sont une affaire discutable. Aujourd'hui, le carnaval est principalement une affaire chrétienne célébrée principalement dans les pays à forte population catholique.

Cependant, le carnaval a commencé bien avant l'émergence du christianisme et était une célébration qui a été mise en évidence sur de nombreux calendriers religieux païens. Il a été spéculé que le carnaval est né il y a environ 5000 ans avec les Égyptiens, d'autres spéculent que c'était les Grecs. Dans l'Égypte et la Grèce antiques, il y avait des festivités autour des cycles de la nature et de l'univers.

Les anciens Égyptiens célébraient la renaissance du soleil à cette époque de l'année. Ils fixaient la durée du festival à 12 jours, pour refléter les 12 divisions dans leur calendrier solaire. Les Égyptiens adorateurs du soleil ont eu l'idée d'une telle fête.

Sacaea était la version persane. Le festival de renouvellement annuel des Babyloniens a été adopté par les Perses. L'un des thèmes de ces festivals était la subversion temporaire de l'ordre. Maîtres et esclaves échangeaient leurs places. Un faux roi était couronné. Des mascarades se répandaient dans les rues. Alors que la vieille année mourait, les règles de la vie ordinaire étaient assouplies.

Dans l'Antiquité bien avant l'émergence du christianisme, les gens que nous appelons aujourd'hui les païens avaient des célébrations sauvages et charnelles centrées sur les solstices d'hiver et de printemps, et les équinoxes de printemps et d'automne. Ces célébrations sauvages étaient celles que les gens hésitaient à abandonner, même après être devenus chrétiens.

Ces célébrations avaient toujours lieu vers la fin de l'hiver pour célébrer l'arrivée du printemps et le renouvellement de la fertilité. Le carnaval était essentiellement considéré comme un passage spirituel de l'obscurité à la lumière, de l'hiver à l'été.

En Europe, les païens croyaient que les mauvais esprits régnaient sur le monde pendant l'hiver et qu'ils devaient être chassés pour que l'été revienne. De nombreux païens célébraient également la fin des récoltes réussies avant l'hiver et les réjouissances charnelles et sexuelles du carnaval étaient un moyen de remercier les esprits.

Les fêtes de carnaval avaient généralement lieu avant le début du printemps, car c'était la dernière chance que les gens du petit peuple avaient de bien manger parce qu'il y avait généralement une pénurie de nourriture vers la fin de l'hiver.

Le bétail était généralement abattu en novembre et, vers la fin de l'hiver, tout le stock hivernal de saindoux, de beurre et de viande devait être mangé avant de commencer à se dégrader avec l'arrivée de températures plus chaudes.

Cette fête assurait que tout le monde était suffisamment nourri pour durer jusqu'au printemps et jusqu'à ce qu'une nouvelle récolte puisse fournir de nouvelles sources de nourriture. Nerthus, la déesse de la fertilité, était au centre de ces célébrations, chassant l'hiver et s'assurant que la fertilité reviendrait au printemps.

Dans la Grèce antique, Dionysia était une grande fête du printemps qui a eu lieu pour honorer Dionysos qui était le dieu du vin. Les Romains ont adopté cette tradition et honoré les Saturnales qui étaient leur Dieu du vin. Ces festivals étaient tous des festins et des réjouissances auxquels on s'adonnait à l'ivresse et aux excès de toutes les sortes.

L'Empire romain a adopté les fêtes païennes et les pratiques les plus populaires. Avec la croissance de l'Empire romain, ces festivités se sont répandues dans tout l'empire sous des noms nouvellement créés. Par exemple, la célébration de décembre du solstice d'hiver est devenue connue sous le nom de festivals Saturnalia et Brumalia.

Les festivals pré-printaniers se sont transformés en festival printanier d'Ishtar à Babylone, ou d'Osiris en Égypte, signalant une nouvelle naissance. Une autre fête a été célébrée au milieu de ces deux, connue comme la «fête de l'amour» de Lupercalia.

Comme vous le voyez, tout cela tournait autour de la débauche.

Après que l'Empire romain eut adopté le christianisme sous Constantin au Ive siècle et que l'influence de l'Église catholique romaine se répandit à travers le monde, on a souvent découvert que partout où l'église allait, les autochtones ne voulaient pas abandonner leurs célébrations et traditions.

Ainsi, au lieu d'utiliser la force, l'église a simplement donné aux fêtes païennes des significations chrétiennes. Les Saturnales et les Brumalia ont été convertis en Noël et fusionnés avec les enseignements de l'église sur la naissance de Jésus.

Les fêtes du printemps ont été converties en Pâques et l’histoire de la déesse Ishtar a fusionné avec l’interprétation de l’église romaine de la mort et de la résurrection de Jésus. Lupercalia est devenue la Saint-Valentin, qui se déroule entre Noël et Pâques.

Le Vatican a ensuite créé le Carême en préparation de Pâques en imposant sa propre interprétation du jeûne de Jésus, en interdisant durant40 jours la viande et les plaisirs terrestres pour les 40 jours avant Pâques. Ils ont déplacé les célébrations des fêtes païennes avant le carême.

Le carnaval du calendrier chrétien impliquait toute la communauté et était une célébration géante dans laquelle de la nourriture et des boissons riches étaient consommées, c'était aussi un moment pour se livrer à des désirs sexuels parce que ces comportements étaient censés être supprimés pendant la période de jeûne suivante. Donc, avant le Carême, tous les excès étaient autorisés, même sexuels, avant une période d'abstinence préparant à la pâques !

Pendant le Carême, aucune fête ni célébration n'avait lieu et les gens s'abstenaient de manger de la viande, des produits laitiers, des matières grasses et du sucre. La plupart de ces aliments n'étaient de toute façon pas disponibles pendant cette période en raison des pénuries hivernales.

Le but du carême était de commémorer Jésus mais aussi un moment de réflexion sur les valeurs chrétiennes. Pour ceux qui se convertissaient au christianisme, c'était le moment de se préparer au baptême à Pâques.

C'est ainsi que le mot carnaval est né des mots latins carnis (viande) et levare («quitter / abandonner»), car juste après le carnaval vient le Carême qui constitue 40 jours de sacrifice et d'abstinence. Le carnaval se terminé le mardi gras, la veille du début officiel du carême, connu sous le nom de mercredi des cendres. Ainsi, le mot « carnaval » vient rappeler qu'après ces festivités charnelles et sexuelles, il faudra s'abstenir de viande et d'autres plaisirs.

Malgré la christianisation du carnaval, certaines des coutumes les plus dépravées du carnaval des Saturnales ont été préservées. C'est ainsi que beaucoup de carnavals à travers le monde organisent, en même temps que les défilés, des orgies publiques. C'est notamment le cas au fameux carnaval de Rio (raison pour laquelle le nouveau président évangélique du Brésil a décidé de ne plus subventionner le carnaval de Rio). Les télévisions et médias en parlent pratiquement jamais, mais sachez que ce que vous voyez dans les médias n'est que la face visible de l’iceberg ; le carnaval, ce ne sont pas que les défilés, mais ce sont aussi toutes les débauches qui ont lieu à côté.

En outre, d'autres coutumes viles, malgré la christianisation de cette fête de débauche, furent intentionnellement ravivées par l'Église catholique en 1466 lorsque le pape Paul II, pour le plaisir de ses citoyens romains, força les Juifs à courir nus dans les rues de la ville chaque année au carnaval. Un récit de témoin oculaire rapporte: «Avant de courir, les Juifs étaient richement nourris, afin de rendre la course plus difficile pour eux et en même temps plus amusante pour les spectateurs. Ils courraient… au milieu des cris et des éclats de rire de Rome, tandis que le Saint-Père se tenait sur un balcon richement orné et riait de bon cœur. »

Dans le cadre du carnaval des Saturnales au cours des XVIIIe et XIXe siècles de notre ère, les rabbins du ghetto de Rome ont été obligés de porter des tenues clownesques et de marcher dans les rues de la ville sous les moqueries de la foule, qui bombardait les rabbins par une variété d'immondices et déchets. Lorsque la communauté juive de Rome a envoyé une pétition en 1836 au pape Grégoire XVI le priant d'arrêter l'abus annuel du carnaval des Saturnales contre la communauté juive, il a répondu: « Il n'est pas opportun de faire une innovation ».

Finalement, le 28 janvier 1668, le pape Clément IX. ordonna que les Juifs ne soient plus humiliés par la population, mais qu'une taxe annuelle de 300 écus soit perçue à la place. Les rabbins devaient payer cette taxe le premier jour du carnaval chaque année aux autorités papales, avec des déclarations de loyauté et de soumission. De temps à autre, les rabbins recevaient des coups de pied au derrière en signe d'acceptation de cette taxe par les autorités. En 1742, les députés juifs reçurent l'ordre de défiler dans des vêtements ordinaires durant le carnaval, et non dans leurs robes de travail, afin de les humilier.

Cette procession annuelle attira bientôt sur elle le mépris de la population, et à plusieurs reprises les députés juifs furent maltraités. Ces humiliations annuelles durant le carnaval contre les Juifs se poursuivirent cependant jusqu'à l'accession à la papauté de Pie IX (1846).

À présent, vous savez tout sur le carnaval et son lien avec les Juifs. Maintenant, vous pouvez également comprendre pourquoi, dans beaucoup de carnavals à travers le monde, le thème de l’antisémitisme est très présent dans les défilés, car humilier le juif fait partie intégrante de l'esprit du carnaval depuis le Moyen-àge.

dimanche 9 février 2020

Le Concept du libre-arbitre – 2ème Partie


בס״ד

Le Concept du libre-arbitre – 2ème Partie


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Dans notre précédent article, nous avons analysé l'opinion générale, qui soutient, comme le Rambo''m, que chacun de nous a le libre arbitre. Nous pouvons choisir par nous-mêmes de faire le bien ou le mal, et ni Hashshém ni aucune autre force ne nous fait choisir l'une ou l'autre possibilité. Dans cet article, nous aborderons maintenant le point de vue minoritaire dans notre tradition, qui soutient qu'en fait nous n'avons pas le libre arbitre.

  • La position de Ribbénou Hasda`y Qarésqas

Chez les Ri`shônim, on retrouve l'opinion de R. Hasda`y Qarésqas ז״ל, philosophe et halakhiste espagnol du 14ème siècle1, qui remet en question l'existence d'événements non déterminés, tels que les choix humains, spontanés et librement décidés. Il démontre que bien qu'il existe de nombreuses preuves du libre choix, il existe également de nombreuses preuves de la possibilité que toutes nos actions soient déterminées. Il conclut que sous un aspect, nous avons le libre arbitre, mais sous un autre aspect, nous n'en avons pas.

La première preuve de la position de R. Hasda`y est la prescience de Hashshém. Si Hashshém est omniscient, alors cela doit signifier que tout ce que nous faisons était connu d'avance par Hashshém et donc non sujet au changement. Sa deuxième preuve est conforme à l'argument de nombreux scientifiques contemporains - que les êtres humains ne sont finalement que des machines et que les lois de cause à effet fonctionnent également dans notre cerveau. Exprimée en termes de neuropsychologie moderne, chaque décision que nous prenons a une cause neurologique. La cause peut être génétique, basée sur la structure de notre cerveau, ou le résultat de certains stimuli que nous avons expérimentés dans nos vies. Entre nature et culture, si vous additionnez notre constitution génétique, toutes les expériences que nous avons eues dans nos vies, et tous les différents facteurs qui ont agi sur nous, tout ce que nous faisons est le résultat de diverses causes qui déterminent nos pensées et nos actes.

R. Hasda`y Qarésqas, convaincu par ces arguments, conclut que nous avons le libre arbitre, mais seulement dans un sens limité. Personne ne nous oblige à rien faire; Hashshém ne bouge pas nos mains comme un marionnettiste déplace une marionnette. Nous ne faisons que ce que nous voulons faire. Mais ce que nous voulons faire est programmé neurobiologiquement et psychologiquement par le type de cerveau avec lequel nous sommes nés, ainsi que par les expériences que nous avons eues dans nos vies. Dans un certain sens, nous sommes libres, parce que nous faisons ce que nous voulons; personne ne nous fait faire quelque chose que nous ne voulons pas faire. C'est simplement que ce que nous voulons est déterminé par des forces indépendantes de notre volonté.

Pour certains, cela ressemble à un manque de libre arbitre. Après tout, si tout ce que nous faisons est déterminé par des forces indépendantes de notre volonté, il semble qu'il n'y ait aucun endroit où nous pouvons briser la chaîne de cause à effet et décider par nous-mêmes de ce que nous voulons faire. R. Hasda`y, cependant, voit cela comme un type de libre arbitre, car nous seuls décidons de ce que nous allons faire. Le fait que nos cerveaux ne soient que de simples ordinateurs programmés à notre naissance et qui contiennent des réponses déterminées n'enlève pas le fait que nous sommes libres de choisir de faire ce que nous voulons, même si nous ne sommes pas libres de choisir ce que nous voulons.2

R. Hasda`y affirme que toutes les preuves apportées par les philosophes Juifs traditionnels pour l'existence du libre arbitre peuvent être adéquatement traitées par sa théorie. Voyons quelques-unes de ces preuves.

    1. R. Hasda`y sur la preuve tirée de l'expérience

L'expérience est une preuve de l'existence du libre arbitre. Nous sentons que nous pouvons faire ce que nous voulons et que personne ne nous oblige à faire autrement. R. Hasda`y Qarésqas convient que nous pouvons faire ce que nous voulons. Je peux décider de prendre un morceau de papier ou de poser un morceau de papier, de parler ou de garder le silence. Mais cela prouve simplement que nous sommes libres de faire ce que nous voulons; cela n'explique pas pourquoi nous voulons faire quelque chose. Cela, affirme R. Hasda`y, est déterminé par des forces indépendantes de notre volonté.

    1. R. Hasda`y sur la preuve tirée des Miswôth

Une deuxième preuve dont nous avons discuté est basée sur le langage de la Tôroh et des Navi`im, qui nous disent : « Choisissez les Miswôth ; ne choisissez pas les ´avérôth. Le choix vous appartient. Choisissez la vie ! ». Pourquoi Hashshém enverrait-Il les prophètes pour nous encourager à faire le bon choix si ce choix est déterminé par la nature, par les stimuli qui agissent sur nous ? R. Hasda`y répond que cela cadre parfaitement avec sa théorie. Après tout, si nos choix sont déterminés par notre environnement et par les forces qui agissent sur nous, alors l'une des forces qui agissent sur nous est les messages que Hashshém nous envoie à travers sa Tôroh et Ses prophètes.

Si l'on devait soutenir (comme de nombreux penseurs libéraux contemporains) que les gens ne choisissent pas pour eux-mêmes mais sont plutôt des produits de leur environnement, alors la meilleure façon d'améliorer la vie des gens est d'améliorer leur environnement; si vous améliorez leur environnement, cela les fera agir mieux. Hashshém a choisi d'améliorer notre environnement de diverses manières. L'une d'elles était en nous envoyant des messages dans la Tôroh nous encourageant à choisir le bon chemin. Hashshém a ajouté ce message d'inspiration pour accomplir des Miswôth dans notre environnement en sachant que dans de nombreux cas, les messages positifs d'inspiration et d'encouragement amèneront de manière déterministe nos cerveaux à vouloir faire la bonne chose.

    1. R. Hasda`y sur la preuve tirée de HaZa''l

Une troisième preuve que de nombreux philosophes Juifs ont apporté pour soutenir la notion du libre arbitre était la déclaration de HaZa''l que tout est entre les mains des Cieux, sauf la crainte des Cieux.3 R. Hasda`y explique cette affirmation en accord avec sa théorie. Hashshém ne nous oblige pas directement à faire le bien ou le mal. C'est à nous de faire ce que nous voulons, et nous ne sommes pas directement contrôlés par Hashshém comme s'Il était un marionnettiste nous forçant à faire des choses. Au contraire, ce que nous voulons faire est contrôlé par les diverses forces physiques et psychologiques qui agissent sur nous, et donc ce n'est pas entre les mains du contrôle direct de Hashshém. HaZa''l n'ont jamais dit que nos choix nous appartenaient librement, mais simplement qu'ils n'étaient pas directement contrôlés par Hashshém. Ils sont cependant contrôlés par ces forces créées par Hashshém à l'intérieur de notre cerveau qui déterminent ce que nous voulons.

    1. R. Hasda`y sur la preuve tirée de la justice Divine

L'argument de la justice Divine est pris très au sérieux par R. Hasda`y Qarésqas. Nous sommes certains que Hashshém récompense les justes et punit les méchants, et nous pouvons nous attendre à être récompensés pour avoir accompli une Miswoh et punis pour avoir commis une ´avéroh. Nous savons que Hashshém est juste et équitable. Si nous choisissons ce que nous faisons par nous-mêmes, alors il est parfaitement juste et équitable de la part de Hashshém de nous récompenser et de nous punir. Mais si ce que nous voulons faire est déterminé par notre nature et notre éducation, comment est-il juste de la part de Hashshém de nous récompenser et de nous punir ? Après tout, nos décisions étaient préprogrammées, comme si nous étions des robots, par notre constitution génétique et par les forces de notre environnement.

Pour répondre à cette objection, R. Hasda`y dit que nous devons différencier les deux conceptions différentes de la récompense et de la punition. Quand nous disons que les Miswôth sont récompensées et les ´avérôth punies, que voulons-nous dire ? Pour illustrer les deux possibilités, prenez l'exemple suivant. Un moniteur de conduite automobile peut dire : « Si vous ne portez pas de ceinture de sécurité, vous obtiendrez une amende de 750 € et quatre points en moins sur votre permis ». Ou il pourrait dire : « Si vous ne portez pas de ceinture de sécurité, et que vous êtes impliqué dans un accident, votre tête heurtera le pare-brise, ce qui ouvrira votre crâne ». Il existe une différence fondamentale entre ces deux peines. Obtenir une amende n'est pas un effet naturel de ne pas porter de ceinture de sécurité; c'est une punition imposée de l'extérieur. En revanche, perdre la vie dans un accident de voiture est une conséquence naturelle de ne pas porter de ceinture de sécurité. Elle est intégrée aux lois de la nature.

Lorsque nous affirmons le principe de la récompense et de la punition, voulons-nous dire que Hashshém impose artificiellement une récompense ou une punition, comme un juge prononçant une peine dans une salle d'audience ? Ou voulons-nous dire qu'Il a établi dans le monde que la conséquence naturelle d'une Miswoh ou d'une ´avéroh est une récompense ou une punition ? Hashshém condamne-t-Il les pécheurs au Géhinnom comme une sanction imposée de l'extérieur, ou est-ce la nature des choses que si vous souillez votre âme de transgressions tout au long de votre vie, votre âme ne pourra pas recevoir la pureté et la félicité éternelle du monde-à-venir, et sera donc consignée à la souffrance ? Selon cette dernière hypothèse, le résultat naturel de la ´avéroh est un éloignement de la bonté, et le résultat naturel de l'accomplissement d'une Miswoh est une amélioration de notre âme, qui nous sera bénéfique à long terme.

Si nous acceptons la première version de la récompense et de la punition et croyons que Hashshém siège en tant que juge et nous condamne à la récompense ou à la punition, il serait en effet injuste de le faire si ce que nous voulions faire était déterminé par notre constitution génétique et par notre environnement. R. Hasda`y, cependant, accepte la deuxième compréhension de la récompense et de la punition. Naturellement, lorsque nous faisons une Miswoh, nous nous portons mieux, et la conséquence naturelle d'une ´avéroh est pire et, en fin de compte, la souffrance. En ce qui concerne les conséquences naturelles, il n'est pas valable d'objecter que le résultat est injuste. Si je tombe dans un feu, je me brûlerai et si c'est un feu assez grand, je mourrai probablement. Si je saute dans un feu avec une négligence téméraire, je mérite de me brûler; si j'ai fait attention mais qu'une personne maléfique est venue me chercher et m'a jetée dans une maison en flammes, je ne mérite pas de me brûler, mais je souffrirai quand même, car la conséquence naturelle du contact avec le feu est la souffrance d'être brûlé. Puisqu'il s'agit d'une conséquence naturelle, peu importe qu'elle soit équitable. C'est simplement l'ordre naturel des choses.

R. Hasda`y soutient que la récompense pour avoir fait des Miswôth ou la punition pour des ´avérôth est le résultat naturel de nos actions. Elles ne sont pas justes, mais peu importe qu'elles soient justes ou pas. Hashshém n'interviendrait pas dans le monde et ne ferait rien d'injuste. Mais nous croyons que Hashshém a créé ce monde avec les lois de la nature qui le contrôlent, et dans ce monde, parfois les gens tombent dans des incendies ou meurent dans des accidents. Même s'ils conduisaient en toute sécurité et portaient leur ceinture de sécurité et qu'ils disaient la prière du voyageur, ils seront toujours blessés ou tués s'ils sont heurtés par un conducteur ivre, car c'est une conséquence naturelle d'un accident. De même, dit R. Hasda`y, dans le domaine de la récompense et de la punition, ce n'est peut-être pas finalement juste. Mais puisque la conséquence naturelle, par exemple, de transgresser le Shabboth ou d'adorer des idoles est finalement la souffrance, qu'elle soit juste ou non, c'est ce qui arrive à quelqu'un qui commet ces transgressions.

C'est peut-être le point le plus faible de la présentation de R. Hasda`y. Il est difficile d'accepter que Hashshém créerait un monde dans lequel il y aurait des conséquences spirituelles naturelles à toutes les choses mentionnées dans la Tôroh, sans aucun système d'équité derrière ces conséquences. Mais R. Hasda`y est prêt à payer ce prix philosophique pour défendre sa théorie du libre arbitre. Il accepte que Hashshém dans Sa sagesse Divine ait décidé que c'était le genre de monde qu'Il voulait créer.

  • Résumé de la position de Ribbénou Hasda`y Qarésqas

Pour résumer, R. Hasda`y Qarésqas dit que nous avons le libre arbitre complet de faire ce que nous voulons, mais ce que nous voulons faire est complètement déterminé. Ce n'est pas déterminé par notre libre arbitre, mais plutôt par la nature et l'éducation. HaZa''l voulaient seulement dire que Hashshém ne nous force pas la main; Il laisse les règles de la physique et la nature de l'univers déterminer notre comportement. Le TaNa''Kh nous encourage à faire les bons choix afin d'affecter notre environnement. Bien que nous sentions que nous avons le libre arbitre, c'est seulement dans la mesure où nous sommes libres de faire ce que nous voulons, mais ce que nous voulons faire est déterminé. R. Hasda`y croit que la récompense et la punition sont des conséquences naturelles et non imposées artificiellement, et les conséquences naturelles n'ont pas à être équitables.
1`ôr Hashshém, Livre 2, Section 5
2Dans la littérature philosophique générale, cette position est connue sous le nom de compatibilisme ou « déterminisme mou »
3Barokhôth 33b

mardi 4 février 2020

Le Concept du libre-arbitre – 1ère Partie


בס״ד

Le Concept du libre-arbitre – 1ère Partie


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Dans le cinquième chapitre des Hilkôth Tashouvoh (lois sur la repentance) de son Mishnéh Tôroh, le Rambo''m ז״ל discute du débat sur la question de savoir si les êtres humains ont le libre arbitre de choisir entre le bien et le mal. Il sous-entend que la majorité des Juifs philosophiquement peu sophistiqués de son temps pensaient que l'homme n'a pas le libre arbitre et que toutes nos actions sont décrétées par Hashshém ית׳. Le Rambo''m, cependant, était d'un avis différent1 :

Un droit a été donné à tout humain : s'il a désiré se tourner vers une bonne voie et devenir un Saddiq, ce droit est en sa main ; et s'il a désiré se tourner vers une mauvaise voie et devenir un Rosho´, ce droit est en sa main ! C'est ce qui est écrit dans la Tôroh2 : « Voici, l'humain est devenu comme l'un de nous, connaissant le bien et le mal ». C'est-à-dire : Voici, cette espèce humaine est devenue unique dans le monde, et il n'y en a point une deuxième pour se comparer à elle dans ce domaine, en ce que de lui-même, par sa connaissance, et par sa pensée, il connaît le bien et le mal et fait tout ce qu'il désire. Et il ne possède pas quelqu'un qui aurait en son pouvoir de l'empêcher de faire le bien ou le mal. Et étant donné qu'il en est ainsi, « il pourrait envoyer sa main, etc. ».
רְשׁוּת כָּל אָדָם נְתוּנָה לוֹ: אִם רָצָה לְהַטּוֹת עַצְמוֹ לְדֶרֶךְ טוֹבָה וְלִהְיוֹת צַדִּיק, הָרְשׁוּת בְּיָדוֹ; וְאִם רָצָה לְהַטּוֹת עַצְמוֹ לְדֶרֶךְ רָעָה וְלִהְיוֹת רָשָׁע, הָרְשׁוּת בְּיָדוֹ. הוּא שֶׁכָּתוּב בַּתּוֹרָה "הֵן הָאָדָם הָיָה כְּאֶחָד מִמֶּנּוּ, לָדַעַת, טוֹב וָרָע"--כְּלוֹמַר הֵן מִין זֶה שֶׁלָּאָדָם הָיָה אֶחָד בָּעוֹלָם, וְאֵין לוֹ מִין שֵׁנִי דּוֹמֶה לוֹ בְּזֶה הָעִנְיָן, שֶׁיְּהֶא הוּא מֵעַצְמוֹ בְּדַעְתּוֹ וּבְמַחְשַׁבְתּוֹ יוֹדֵעַ הַטּוֹב וְהָרָע וְעוֹשֶׂה כָּל מַה שְׁהוּא חָפֵץ, וְאֵין לוֹ מִי שֶׁיְּעַכַּב עַל יָדוֹ מִלַּעֲשׂוֹת הַטּוֹב אוֹ הָרָע. וְכֵיוָן שֶׁכֵּן הוּא, פֶּן-יִשְׁלַח יָדוֹ.

C'est l'opinion n'est pas propre au Rambo''m. En réalité, c'est celle de l'écrasante majorité des philosophes Juifs toutes époques confondues. Dans cet article, nous examinerons cette opinion majoritaire, qui soutient que chacun de nous peut choisir entre le bien et le mal; dans le prochain article, nous passerons à l'opinion minoritaire, qui diverge de celle-ci.

  • Les raisons de croire en un libre arbitre

Pourquoi la majorité des philosophes croient-ils que nous avons le libre arbitre ? Le Rambo''m dans les Hilkôth Tashouvoh et, plus longuement, le Rov Sa´adhyoh Go`ôn ז״ל3 énumèrent quatre raisons de croire au libre arbitre.

  1. L'expérience

Une raison, pas nécessairement liée à la religion, est que nous « sentons » que nous sommes libres. Par exemple, si je tiens un stylo, je sens que je peux choisir de laisser tomber le stylo sur le sol ou continuer à le saisir. Mon expérience m'apprend que j'ai le libre arbitre.

  1. La justice, la récompense et la punition Divines

Le deuxième argument, qui est un argument spécifiquement religieux pour soutenir le libre arbitre, est la croyance en la récompense et la punition. En tant que Juifs, nous croyons que Hashshém nous récompense pour avoir fait des Miswôth et nous punit pour avoir commis des transgressions. Nous croyons également que Hashshém est juste, comme l'a expliqué `avrohom `ovinou ע״ה dans son argument pour sauver Sadhôm4 : חָלִלָה לְּךָ מֵעֲשֹׂת כַּדָּבָר הַזֶּה, לְהָמִית צַדִּיק עִם-רָשָׁע, וְהָיָה כַצַּדִּיק, כָּרָשָׁע; חָלִלָה לָּךְ--הֲשֹׁפֵט כָּל-הָאָרֶץ, לֹא יַעֲשֶׂה מִשְׁפָּט « Qu'il soit profane pour Toi de faire une telle chose, de faire mourir un Saddiq avec un Rosho´, de sorte qu'il en soit pour le Saddiq comme pour le Rosho´. Que cela soit profane pour Toi ! Le Juge de toute la terre ne ferait-t-Il pas le droit ? ». Si Hashshém est juste et nous récompense et nous punit pour nos actions, alors c'est que nous devons avoir le libre arbitre. Après tout, si quelqu'un était contraint de commettre un péché, il serait injuste de la part de Hashshém de le punir !

  1. Les commandements et exhortations bibliques

Le troisième argument avancé par le Rov Sa´adhyoh Go`ôn et d'autres est basé sur le langage de la Tôroh. La Tôroh comprend de nombreux commandements, et cela n'aurait de sens de commander quelque chose que si les gens ont la libre volonté de suivre le commandement ou de s'abstenir de le suivre. Plus particulièrement, la Tôroh nous exhorte avec ce que nous appelons le Mousor : « Choisis le bon chemin », « Fais la bonne chose ». Le fait que Hashshém nous encourage à faire le bon choix implique clairement que le choix est le nôtre, et qu'Il ne nous l'impose pas.

  1. Les déclarations talmudiques

Le quatrième argument, le plus direct et le plus spécifique, pour soutenir le libre arbitre est énoncé dans le Talmoudh5 : « R. Haninoh dit : ''Tout est entre les mains des Cieux, sauf la crainte des Cieux'' ». Hashshém contrôle tout, sauf une chose - si nous L'écoutons ou non. La seule chose que Hashshém nous laisse est de savoir si nous voulons accomplir des Miswôth ou commettre des ´avérôth, ce qui indique que nous avons le libre arbitre.

  • Objections philosophiques au libre arbitre

Pour ces quatre raisons susmentionnées, pratiquement tous les philosophes Juifs croient que nous choisissons librement de faire des Miswôth ou de transgresser. Cependant, plusieurs objections philosophiques ont été soulevées vis-à-vis de cette position.

  1. Argument scientifique

De nombreux scientifiques de l'époque actuelle s'opposent à la notion de libre arbitre pour des raisons scientifiques. Après tout, si la physique newtonienne et ses développements ultérieurs prouvent que chaque action physique est causée par quelque chose, puisque nos cerveaux sont des machines physiques, qui décident de faire quelque chose basé sur l'enclenchement physique des synapses, c'est qu'il doit y avoir une cause. Si tout a une cause, alors quelque chose au sujet de la structure de notre cerveau ou des expériences que nous avons dans le monde nous amène à faire des choses, et donc nous ne pouvons pas choisir librement.6

  1. Argument basé sur l'omnipotence Divine

Une objection philosophique que le Rambo''m lui-même mentionne7 est l'argument de la toute-puissance Divine. Si Hashshém est en fait tout-puissant et contrôle le monde entier, alors tout dépend de Lui. Comment puis-je décider de faire quelque chose qui est contre la volonté de Hashshém ? Si Hashshém veut que je pèche, je finirai par pécher, que je le veuille ou pas. Et s'Il ne veut pas que je pèche, alors je n'aurai pas la capacité de pécher même si je le voulais. Donc, comment y a-t-il place pour le libre arbitre si Hashshém est tout-puissant et contrôle tout dans le monde ?

Cette objection est relativement facile à parer. Le Rambo''m, le Rov Sa´adhyoh Go`ôn et bien d'autres8 soulignent que bien que Hashshém soit tout-puissant, l'une des façons d'exercer le pouvoir est de donner ce pouvoir à quelqu'un d'autre. Un roi pourrait être un souverain tout-puissant sur un empire; l'une des façons dont il exerce son pouvoir sur cet empire est de nommer des ministres et de les faire prendre des décisions en son nom. Le roi humain fait cela parce qu'il n'a pas assez d'heures dans sa journée pour contrôler chaque détail de son royaume. Hashshém, bien sûr, est tout-puissant et Il pourrait choisir de tout contrôler, mais Il peut également choisir de déléguer ce pouvoir à d'autres. Hashshém a choisi de déléguer le pouvoir du choix aux êtres humains parce qu'il voulait que nous ayons le libre arbitre. Son plan Divin pour le monde n'était pas simplement de créer des minéraux, des végétaux, des animaux et des anges. Il voulait créer des êtres humains, et Il voulait qu'ils décident eux-mêmes de faire la bonne chose ou la mauvaise chose, alors Il leur a délégué ce pouvoir. Par conséquent, le libre arbitre ne contredit pas la toute-puissance Divine. Hashshém a utilisé Son pouvoir infini pour nous déléguer le pouvoir de choisir de faire la bonne chose.

  1. Argument basé sur l'omniscience Divine

Une objection philosophique plus épineuse, que soulève également le Rambo''m9, est le fameux argument de l'omniscience Divine. Non seulement Hashshém est tout-puissant, mais Hashshém est également omniscient. Après tout, Hashshém est parfait, et une partie de la perfection consiste à être omniscient. Si Hashshém sait tout, y compris l'avenir, alors Il sait ce que nous allons faire avant qu'on ne l'ait fait, et s'Il sait ce que nous allons faire avant qu'on ne l'ait fait, alors c'est que nous ne pouvons pas choisir librement !

Par exemple, si Hashshém sait que je vais assassiner quelqu'un mardi prochain, alors je commettrai nécessairement un meurtre mardi prochain. Hashshém ne peut pas se tromper, donc je n'ai pas le libre arbitre de choisir de ne pas assassiner quelqu'un. Et si Hashshém sait que je ne vais pas commettre de meurtre, alors je n'ai pas la capacité de tuer, parce que la connaissance de Hashshém ne peut pas être fausse. Ainsi, puisque Hashshém savait au moment de la création du monde ce que chaque personne ferait à chaque minute de sa vie, il n'y a pas de place pour le libre arbitre; nous n'avons pas d'autre choix que de faire ce que Hashshém savait à l'avance que nous ferions, car Hashshém ne peut pas se tromper.

  • Réponses au problème de l'omniscience Divine

  1. Il n'existe pas d'omniscience Divine

Il existe plusieurs réponses différentes dans la littérature philosophique pour défendre la doctrine du libre arbitre contre l'objection fondée sur l'omniscience Divine. Une réponse radicale est que Hashshém ne sait pas, en fait, ce que nous ferons. Cela résout le problème assez facilement; si Hashshém ne sait pas ce que je ferai demain, alors j'ai certainement la possibilité de choisir si je ferai la bonne ou la mauvaise chose. Cependant, c'est une idée plutôt radicale, car si Hashshém est parfait, alors Sa connaissance est parfaite et Il devrait tout savoir.

Il y a deux façons différentes de réconcilier la perfection de Hashshém avec le fait qu'il ne sait peut-être pas ce que je vais faire demain.

    1. La position de Rash''i

Certains philosophes affirment que le manque de connaissance des événements indéterminés dans le futur n'est pas un manque de perfection. Si quelque chose ne s'est pas encore produit, ne pas le savoir n'est pas un manque de perfection. Être « omniscient » signifie savoir tout ce qu'il y a à savoir, et ce qui ne s'est pas encore produit n'existe pas et ne fait pas partie de tout ce qu'il y a à savoir. Rash''i ז״ל10 semble sous-entendre cette approche, mais il y a beaucoup de débats parmi les `aharônim quant à la bonne compréhension de ce que voulait dire Rash''i. La compréhension la plus simple de ses propos est que Hashshém sait ce que nous avons fait, et c'est sur cette base qu'Il nous récompense et nous punit, mais Il ne sait pas ce que nous allons faire. Hashshém sait tout ce qu'il y a à savoir, y compris le passé, le présent et les choses qui sont déterminées par les lois physiques qui se produiront à l'avenir. Mais Il ne connaît pas les choix que nous n'avons pas encore faits, car ils ne sont pas là pour être connus.

    1. La position du Ralba''g

Le Ralba''g (Ribbénou Léwi ban Gérshôn) ז״ל, un halakhiste français du 14ème siècle, exégète biblique et philosophe, va plus loin et suggère la réponse assez radicale que Hashshém ne connaît pas du tout les actions individuelles des êtres humains.11 Le Ralba''g soutient que Hashshém sait tout en termes de connaissances générales. Il sait comment fonctionne le corps humain; Il connaît toutes les lois de la physique, de la psychologie, de la chimie et de toute autre branche de la connaissance que nous pouvons ou ne pouvons pas imaginer. Hashshém connaît toutes les lois générales - mais Il ne connaît pas de cas spécifiques. Hashshém sait tout sur les vaches, mais pas sur une vache en particulier. De même, Hashshém sait tout sur les êtres humains, y compris les rouages naturels de la psychologie humaine, mais Il ne sait pas si un être humain particulier a utilisé son libre arbitre pour vaincre sa nature et faire une Miswoh ou une ´avéroh aujourd'hui. Selon le Ralba''g, la connaissance de Hashshém se limite aux choses déterminées par les lois de la nature - ces événements qui sont déterministes.

Mais la connaissance de Hashshém n'est-elle pas parfaite ? Le Ralba''g nous dit que la parfaite connaissance de Hashshém est qu'Il connaît parfaitement toutes les lois de l'univers et toutes ces choses qui sont déterminées par les lois normales, mais Il ne descend pas pour connaître tous les détails à un moment et en un lieu donnés. Ces détails sont en-dehors du champ de Hashshém. En fait, le Ralba''g soutient que ce serait une imperfection de la part de Hashshém s'Il devait Se distraire, pour ainsi dire, avec la connaissance des choses particulières que vous et moi faisons à chaque instant. La perfection de Hashshém est qu'Il connaît la vérité ultime et éternelle de l'univers, et non les actions éphémères et transitoires qui se produisent à un moment et à un endroit particuliers.

Il s'agit d'une doctrine radicale qui ne correspond pas à ce que nous ou la plupart des Juifs au cours des millénaires considérons comme une opinion religieuse recevable. En posant que Hashshém connaît les généralités mais pas les détails, le Ralba''g résout néanmoins le problème du libre arbitre contre l'omniscience Divine, mais le coût de cette solution est plus élevé que ce que la plupart d'entre nous seraient prêts à payer. La philosophie du Ralba''g enlève l'élément d'une relation personnelle entre Hashshém et l'homme que la plupart d'entre nous considèrent comme essentielle à une vision religieuse du monde. Déjà à son époque, la plupart des philosophes Juifs rejetaient le Ralba''g, qu'ils considéraient être trop aristotélicien. La philosophie juive dominante a totalement rejeté le point de vue du Ralba''g et suppose, comme l'indique le sens simple de bon nombre de versets du TaNa''Kh et des enseignements de HaZa''l, que Hashshém a en fait une relation avec chacun d’entre nous. Peut-être que nous ne comprenons pas pourquoi Hashshém, si transcendant et parfait, Se soucierait ou Se préoccuper de moi ou de vous, mais nous croyons néanmoins qu'Il le fait, et c'est exactement ce qui le rend grand. Comme HaZa''l l'enseignent12, à l'endroit exact où nous trouvons la grandeur de Hashshém, nous trouvons également Son humilité. Cette humilité s'exprime dans la relation personnelle que chacun de nous, les êtres humains, entretenons avec Hashshém lui-même. Par conséquent, nous croyons que Hashshém sait certainement et Se soucie beaucoup que nous fassions les bons choix ou les mauvais choix.

  • L'omniscience de Hashshém n'empiète pas sur le libre arbitre

    1. La position du Rambo''m

Le Rambo''m lui-même fournit une réponse afin de résoudre la contradiction apparente entre le libre arbitre et l'omniscience de Hashshém, mais cette réponse est quelque peu difficile à comprendre13 :

11. Sache que la réponse à cette question est14 : « Sa mesure est plus longue que la terre et plus large que la mer ». Et de nombreux principes importants et concepts élevés dépendent d'elle. Toutefois, il t'est nécessaire de connaître et discerner cette chose-ci que je vais énoncer :
יא  דַּע שֶׁתְּשׁוּבַת שְׁאֵלָה זוֹ "אֲרֻכָּה מֵאֶרֶץ, מִדָּהּ; וּרְחָבָה, מִנִּי-יָם", וְכַמָּה עִיקָרִים גְּדוֹלִים וַהֲרָרִים רָמִים תְּלוּיִים בָּהּ; אֲבָל צָרִיךְ אַתָּה לֵידַע וּלְהָבִין בְּדָבָר זֶה שֶׁאֲנִי אוֹמֵר.
12. Nous avions déjà expliqué au Chapitre Deuxième des Hilkôth Yasôdhé Hattôroh, que le Saint, béni soit-Il, ne connaît pas par une connaissance qui est extérieure à Lui comme les êtres humains, qui eux et leur connaissance font deux. Plutôt, Lui, que Son nom soit béni, et Sa connaissance sont un ! Et la connaissance de l'humain n'est pas capable de concevoir cette chose dans toute sa clarté. Et tout comme il n'y a pas en l'humain la force de concevoir et d'élucider la vérité du Créateur, ainsi qu'il est dit15 : « car l'humain ne peut pas Me voir et vivre », de même, il n'y a pas en l'humain la force de concevoir et d'élucider la connaissance du Créateur. C'est ce que dit le Prophète16 : « Car Mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos voies ne sont pas Mes voies ». Étant donné qu'il en est ainsi, il n'y a pas en nous la force de savoir comment le Saint, béni soit-Il, connaît toutes les créations et leurs œuvres !
יב  כְּבָר בֵּאַרְנוּ בְּפֵרֶק שֵׁנִי מֵהִלְכּוֹת יְסוֹדֵי הַתּוֹרָה שֶׁהַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא אֵינוּ יוֹדֵעַ בְּדֵעָה שְׁהִיא חוּץ מִמֶּנּוּ כִּבְנֵי אָדָם שְׁהֶן וְדַעְתָּם שְׁנַיִם, אֵלָא הוּא יִתְבָּרַךְ שְׁמוֹ וְדַעְתּוֹ אֶחָד; וְאֵין דַּעְתּוֹ שֶׁלָּאָדָם יְכוּלָה לְהַשִּׂיג דָּבָר זֶה עַל בָּרְיוֹ. וּכְשֵׁם שְׁאֵין כּוֹחַ בָּאָדָם לְהַשִּׂיג וְלִמְצֹא אֲמִתַּת הַבּוֹרֵא, שֶׁנֶּאֱמָר "כִּי לֹא-יִרְאַנִי הָאָדָם, וָחָי"--כָּךְ אֵין כּוֹחַ בָּאָדָם לְהַשִּׂיג וְלִמְצֹא דַּעְתּוֹ שֶׁלַּבּוֹרֵא: הוּא שֶׁהַנָּבִיא אוֹמֵר "כִּי לֹא מַחְשְׁבוֹתַי מַחְשְׁבוֹתֵיכֶם, וְלֹא דַרְכֵיכֶם דְּרָכָי". וְכֵיוָן שֶׁכֵּן הוּא, אֵין בָּנוּ כּוֹחַ לֵידַע הֵיאַךְ יָדַע הַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא כָּל הַבְּרוּאִים וּמַעֲשֵׂיהֶם.
13. Par contre, il est connu sans le moindre doute que les œuvres de l'humain sont en la main de l'humain, et que le Saint, béni soit-Il, ne le conduit pas, ni ne décrète sur lui de ne pas faire ceci, ni de faire ceci ! Et ce n'est pas seulement en raison de la transmission de la foi que ce cette chose est connue, mais plutôt par des preuves claires tirées des paroles de la sagesse. Et en raison de cela, il a été dit dans la prophétie qu'ils jugent l'humain sur toutes ses œuvres selon ses œuvres, qu'il s'agisse d'une bonne [œuvre] ou d'une mauvaise. Et ceci est le principe fondamental sur lequel dépendent toutes les paroles de la prophétie !
יג  אֲבָל נֵדַע בְּלֹא סָפֵק, שֶׁמַּעֲשֵׂה הָאָדָם בְּיַד הָאָדָם; וְאֵין הַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא מוֹשְׁכוֹ, וְלֹא גוֹזֵר עָלָיו לֹא לַעֲשׂוֹת כָּךְ וְלֹא שֶׁלֹּא לַעֲשׂוֹת כָּךְ. וְלֹא מִפְּנֵי קַבָּלַת הַדָּת בִּלְבָד נֵדַע דָּבָר זֶה, אֵלָא בִּרְאָיוֹת בְּרוּרוֹת מִדִּבְרֵי הַחָכְמָה. וּמִפְּנֵי זֶה נֶאֱמָר בַּנְּבוּאָה שֶׁדָּנִין אֶת הָאָדָם עַל כָּל מַעֲשָׂיו כְּפִי מַעֲשָׂיו, אִם טוֹב וְאִם רָע. וְזֶה הָעִיקָר, שֶׁכָּל דִּבְרֵי הַנְּבוּאָה תְּלוּיִין בּוֹ.

Au Chapitre 2 des Hilkôth Yasôdhé Hattôroh, le Rambo''m explique que Hashshém n'a pas de connaissance qui est « en dehors » de Lui; Hashshém et Sa connaissance sont une seule et même chose. Ma connaissance des mathématiques est quelque chose de différent de moi. Je n'ai pas toujours connu les mathématiques et je n'aurais pas pu connaître les mathématiques, mais il se trouve que j'ai des connaissances en mathématiques parce qu'on me les a enseignées. C'est l'un de mes attributs. Hashshém, cependant, est Un. Le Rambo''m a poussé l'idée du monothéisme à l'extrême, arguant que Hashshém est Un dans la mesure où Il « n'a » rien. Non seulement Il n'a pas de parties de corps, Il n'a même pas d'émotions, ni de miséricorde, ni de sagesse. Il est juste. Il est un. Par conséquent, dit le Rambo''m, tout ce que Hashshém « a » n'est pas le même verbe « avoir » que la version humaine que nous connaissons. Quand Hashshém a pitié, cela ne ressemble pas à moi ou à vous qui avez pitié, car notre miséricorde est quelque chose que nous nous sommes ajoutés avec le temps et l'expérience. Nous décrivons Hashshém comme miséricordieux parce que c'est ainsi que cela nous apparaît, mais Il est juste le Dieu tout-parfait. De même, si Hashshém est omniscient, ce n'est pas parce que Hashshém « a » la connaissance; cela fait simplement partie de la définition d'être Dieu. Selon le Rambo''m, quiconque croit qu'un mot humain de description s'applique à Hashshém est un polythéiste !

Une partie d'être Dieu est qu'Il a l'omniscience. En conséquence, tout comme nous ne pouvons pas comprendre la nature de Hashshém, nous ne pouvons pas comprendre ce que cela signifie que Hashshém « sait ». Puisque nous ne pouvons pas comprendre ce que cela signifie que Hashshém sait, nous ne pouvons pas comprendre ce que cela signifie que Hashshém sait ce que je ferai. Et si nous ne savons pas ce que signifie que Hashshém sait ce que je vais faire, alors nous ne pouvons pas comprendre la nature de cette énigme; nous devons juste croire que même si Hashshém sait ce que je vais faire, j'ai toujours le libre arbitre. Telle est la position du Rambo''m.

Le Ra`ava''d (Ribbénou `avrohom ban Dowidh, rabbin provençal du 12ème siècle) ז״ל critique le Rambo''m pour avoir soulevé des problèmes philosophiques sans les résoudre, arguant qu'il aurait mieux valu ne pas les soulever du tout. Cependant, le Rambo''m a en fait donné une réponse techniquement suffisante à sa question. Le Rambo''m est d'avis qu'il est impossible de décrire vraiment Hashshém, car tous les mots humains que nous avons pour décrire les choses sont basés sur notre monde humain, physique, dans lequel il y a des qualités supplémentaires que les gens et les choses ont. Aucun mot humain ne peut décrire correctement Hashshém parce que cela impliquerait d'ajouter une autre partie à Hashshém, et alors il y aurait deux dieux.17 Selon le Rambo''m, la connaissance ultime de Hashshém consiste à se rendre compte qu'Il transcende toutes nos descriptions. Si nous disons que Hashshém est miséricordieux, cela signifie qu'Il fait des choses qui pour nous ressemblent à ce que font les gens miséricordieux; cela ne signifie pas que Hashshém est littéralement miséricordieux. Si nous disons que Hashshém est omniscient, cela signifie qu'Il agit d'une manière qui pour nous ressemble à la façon dont une personne omnisciente agirait. Mais tout mot que nous utilisons pour décrire Hashshém n'a vraiment aucun sens.

Philosophiquement, c'est un moyen idéal pour résoudre une contradiction. Si un côté de la contradiction n'a pas de sens, il ne peut pas y avoir de contradiction ! Selon le Rambo''m, lorsque nous appelons Hashshém omniscient, cela ne signifie rien que nous puissions comprendre. Il n'y a pas de contradiction entre le libre arbitre et quelque chose qui ne veut rien dire. Ainsi, bien que cette réponse ne soit pas satisfaisante au niveau du bon sens, elle résout le problème philosophique.

    1. La position du Rov Sa´adhyoh Go`ôn

Une réponse simple et satisfaisante à notre question est offerte par le Rov Sa´adhyoh Go`ôn.18 Il note que la question même - « Comment puis-je avoir le libre arbitre si Hashshém sait ce que je vais choisir ? » - est basée sur une erreur. Dans notre monde humain, la causalité ne fonctionne que dans une seule direction : les choses qui se produisent plus tôt font que les choses se produisent plus tard. Les choses qui se produisent plus tard ne reviennent jamais en arrière pour affecter les choses qui se produisent plus tôt. Ce serait contraire à toutes les règles de la physique et c'est de la science-fiction. Mais Hashshém transcende les limites du fonctionnement du temps. Nous ne pouvons jamais imaginer faire quelque chose demain qui affectera ce qui se passe hier, mais Hashshém le peut, car Hashshém est au-delà du temps.

Imaginons que Hashshém savait hier que je donnerais la Sadhoqoh demain. La connaissance de Hashshém hier ne m'a pas fait donner la Sadhoqoh demain; plutôt, le fait que j'ai donné la Sadhoqoh demain a fait que Hashshém l'ait su hier - ou, plus précisément, au début des temps. Hashshém a toujours su que je donnerais la Sadhoqoh demain, mais cela n'enlève pas mon libre arbitre; c'est plutôt le résultat de mon libre arbitre. Parce que je donnerai la Sadhoqoh demain, Hashshém a toujours su que je le ferais. Si je change d'avis et décide de ne pas faire de Sadhoqoh demain, alors Hashshém aurait toujours su que je ne le ferais pas. La connaissance de Hashshém ne m'a pas fait donner de la Sadhoqoh; ma décision de donner la Sadhoqoh a abouti à la connaissance de Hashshém. Par conséquent, l'omniscience de Hashshém n'est pas en contradiction avec le libre arbitre. Il s'agit de la résolution la plus simple et la plus satisfaisante de notre énigme.19

  • En résumé

Nous avons commencé par noter le débat de longue date sur le libre arbitre des humains. La grande majorité des penseurs Juifs croient que nous l'avons, pour quatre raisons : notre expérience, notre récompense et notre punition et la justice Divine, les commandements et les exhortations de la Tôroh de faire la bonne chose, et l'enseignement que tout est entre les mains des Cieux, sauf notre décision d'obéir aux commandements des Cieux.

Nous avons mentionné trois problèmes potentiels avec la doctrine du libre arbitre : premièrement, les lois scientifiques de causalité (que je n'ai pas abordées en détail); deuxièmement, la question de la toute-puissance Divine, à laquelle nous avons répondu facilement; et troisièmement, la question de l'omniscience Divine.

Nous avons présenté quatre réponses possibles à ce dernier problème. Rash''i a peut-être nié que Hashshém connaisse nos décisions à l'avance. Le Ralba''g a nié la connaissance de Hashshém de nos actions particulières, une réponse qui ne résonne pas bien avec la vision religieuse dominante. Le Rambo''m a dit que la connaissance de Hashshém ne veut pas dire ce que nous entendons par le terme humain de « connaissance ». La connaissance de Hashshém est quelque chose d'insondable; nous ne savons pas ce que nous voulons dire lorsque nous utilisons ces mots, et nous ne pouvons donc pas poser de questions ou présenter des contradictions basées sur la connaissance de Hashshém. C'est une réponse philosophiquement satisfaisante, mais peut-être pas intuitivement satisfaisante. Enfin, comme le répondent le Rov Sa´adhyoh Go`ôn et bien d'autres, la connaissance de Hashshém hier ne me fait pas faire quelque chose demain; plutôt, le faire demain a fait connaître la chose à Hashshém hier. Même si ce n'est pas la direction dans laquelle nous avons l'habitude de penser lorsque nous pensons à la cause et à l'effet, pour Hashshém, Qui transcende le temps, ce n'est pas un problème. Ainsi, la connaissance de Hashshém que nous allons faire un choix ne force pas notre choix, mais plutôt notre choix amène rétroactivement Hashshém à connaître ce choix.

Dans le prochain article, nous passerons de l'autre côté du débat et discuterons des philosophes Juifs qui ont soutenu que nous n'avons pas, en fait, le libre arbitre de choisir entre le bien et le mal. Nous examinerons certaines des implications de cette opinion minoritaire et comment ces penseurs traitent exactement les preuves philosophiques et textuelles de la Tôroh écrite et orale qui semblent prouver que nous avons le libre arbitre.
1Mishnéh Tôroh, Hilkôth Tashouvoh 5:1
2Baré`shith 3:22
3`amounôth Wadhé´ôth, Ma`amor 4
4Baré`shith 18:25
5Barokhôth 33b
6C'est un sujet de débat scientifique, car la physique quantique nous enseigne que si la plupart des phénomènes physiques peuvent être expliqués par des causes et des effets scientifiques, il y a des phénomènes qui ne peuvent fondamentalement être attribués à aucune causalité scientifique. Nous laisserons l'application de la physique quantique à la psychologie humaine en cours d'exploitation et nous cantonnerons à des objections purement philosophiques.
7Mishnéh Tôroh, Hilkôth Tashouvoh 5:7-9
8Voir plus particulièrement le Kouzori 5:20.
9Mishnéh Tôroh, Hilkôth Tashouvoh 5:10-13
10Commentaire sur Sôtoh 2a.
11Milhomôth Hashshém, Livre 3, Chapitre 4
12Maghilloh 31a
13Mishnéh Tôroh, Hilkôth Tashouvoh 5:11-13
14`iyôv 11:9
15Shamôth 33:20
16Yasha´yohou 55:8
17Môréh Navoukhim, Volume 1, Chapitre 35
18`amounôth Wadhé´ôth, Ma`amor 4
19Le Rambo''m ne pouvait pas accepter cette solution, car si la connaissance de Hashshém n'est pas un attribut supplémentaire mais est plutôt synonyme de la nature de Hashshém Lui-même, une action humaine ne peut évidemment pas amener Hashshém à savoir, car alors une décision humaine changerait l'essence de Hashshém, ce qui est clairement impossible.

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