dimanche 28 février 2021

Jouer de la musique à Shabboth & Yôm Tôv – Première Partie

 

בס״ד

 

Jouer de la musique à Shabboth & Yôm Tôv – Première Partie

 


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Nous allons commencer une nouvelle série d’articles sur un sujet qui revient souvent dans les différents messages reçus et discussions que j’ai pu avoir, à savoir le fait de jouer d’instruments de musique à Shabboth et Yôm Tôv. A cet égard, je vous invite à (re)lire l’article intitulé « Est-il réellement interdit de jouer de la musique à Shabboth ? », que je vais davantage détailler avec des preuves supplémentaires.

 

La musique a joué un rôle central dans les rites traditionnels du judaÏsme à travers les époques. Et pourtant, la pratique orthodoxe dominante est de catégoriquement interdire l'utilisation d'instruments de musique le Shabboth et Yôm Tôv, des jours uniquement axés sur la spiritualité et sur la transcendance du physique. Pourquoi ? Quelle est la base de cette interdiction ? La retrouve-t-on dans les textes fondamentaux du judaïsme ? Comment penser cette interdiction aujourd'hui ? Nous passerons en revue les sources et proposerons quelques modèles différents pour réfléchir à cette question ; d’un point de vue strictement traditionnel et rationaliste.

 

       I.            Le ṬoNo’’Kh

 

Commençons par les maigres, mais significatives, preuves bibliques de l’utilisation d’instruments de musique les jours sacrés. Le passage le plus explicite est le suivant :[1]

 

Et au jour de votre réjouissance, durant vos rendez-vous et à vos Roˋshé Ḥôdhoshim, vous sonnerez des trompettes sur vos ´ôlôth et vos Zivḥé Shalomim ; et elles vous serviront de souvenir devant votre ˋalôhim. Je suis ˋadhônoy votre ˋalôhim !

וּבְיוֹם שִׂמְחַתְכֶם וּבְמוֹעֲדֵיכֶם, וּבְרָאשֵׁי חָדְשֵׁיכֶם--וּתְקַעְתֶּם בַּחֲצֹצְרֹת עַל עֹלֹתֵיכֶם, וְעַל זִבְחֵי שַׁלְמֵיכֶם; וְהָיוּ לָכֶם לְזִכָּרוֹן לִפְנֵי אֱלֹהֵיכֶם, אֲנִי יְהוָה אֱלֹהֵיכֶם.

 

Ce Posouq est explicite sur le fait que des trompettes étaient jouées durant la ´avôdhoh du Béth Hammiqdosh, au moins à Yôm Tôv et Rôˋsh Ḥôdhash, et apparemment le Shabboth aussi.[2]

 

Wayyiqroˋ 23:24 et Bamidhbor 29: 1 décrivent la sonnerie d’une Ṭarou´oh à Rôˋsh Hashshonoh. Wayyiqroˋ 25: 9 ordonne la sonnerie d'un Shôphor dans l'année du Yôvél à Yôm Hakkippourim. Ces deux fêtes sont explicitement décrites comme des saintes convocations, et Yôm Hakkippourim un Shabboth Shabbothôn dans tout le pays, pas seulement dans l'enceinte du Béth Hammiqdosh. ahillim 92:4 décrit plus explicitement une pratique impliquant des instruments de musique en ce qui concerne le Shabboth. Ce Ṭahillim est intitulé מִזְמוֹר שִׁיר, לְיוֹם הַשַּׁבָּת « Un cantique pour le jour du Shabboth » et faisait partie de la liturgie du jour, au moins dans le Béth Hammiqdosh. La phrase עֲלֵי-עָשׂוֹר, וַעֲלֵי-נָבֶל;    עֲלֵי הִגָּיוֹן בְּכִנּוֹר « Sur un dix cordes, sur un luth, sur la lyre mélodieuse » est donc une instruction pour jouer de ces divers instruments à cordes le Shabboth. Tout cela pour dire que jouer d’instruments le Shabboth et Yôm Tôv est traité dans la Bible et n’était pas une pratique inconnue.

 

     II.            Le Ṭalmoudh

 

Les sources talmudiques donnent l’impression de l’existence d’une interdiction partielle d’instruments de musique à Shabboth. Or, une telle interdiction n’est jamais explicitement rapportée à travers le Ṭalmoudh ; elle est juste déduite par ceux qui lisent ces textes. Nous allons donc rapporter ces sources pour voir de quoi il s’agit réellement.

 

a.     Le Béth Hammiqdosh et la flute interdite

 

La Mishnoh ´arokhin 2: 3 déclare clairement que des instruments de toutes sortes étaient utilisés dans le Béth Hammiqdosh à Yôm Tôv, et la Ṭôsaphṭoˋ ´érouvin 8:12 sous-entend qu'une harpe était jouée dans le Béth Hammiqdosh le Shabboth. Sur la base de ces seules sources, nous pourrions nous demander : Ces pratiques reflètent-elles une hypothèse largement répandue selon laquelle les instruments de musique peuvent généralement être joués le Shabboth ou Yôm Tôv ? Ou étaient-elles, comme d'autres activités dans le Béth Hammiqdosh, considérées comme exceptionnelles et spécifiques à leur contexte sacré ?

 

Nous obtenons une image plus complète à partir d'un ensemble de sources qui présentent l'utilisation d'instruments dans le contexte du culte sacrificiel et de diverses célébrations dans le Béth Hammiqdosh organisés à Soukkôth. Ces sources problématisent l'utilisation d'au moins certains instruments le Shabboth et Yôm Tôv :[3]

 

La flûte ne l’emporte pas sur le Shabboth. Ribbi Yôsé bar Yahoudhoh dit : « Elle l’emporte ! »

החליל אין דוחה את השבת ר' יוסי בר' יהודה אומר דוחה

 

Ce texte présente un débat entre un Ṭannoˋ anonyme selon qui « la flûte » ne l’emporte pas sur le Shabboth, et Ribbi Yôsé bar Ribbi Yahoudhoh ז״ל, qui décide qu’elle l’emporte sur le Shabboth. « La flûte » ici fait très probablement référence à l’instrument à vent dont il est question dans la longue description de la Mishnoh ´arokhin 2: 3 des divers instruments qui accompagnaient les rites sacrificiels de Yôm Tôv. Alors que tous conviennent que la flûte sacrificielle est jouée à Yôm Tôv, conformément à la Mishnoh, le point de vue anonyme ici stipule qu'au moins la flûte - et peut-être tous les instruments de musique accompagnant les Qôrbonôth des fêtes – n’était pas jouée le Shabboth, même lorsqu'il coïncidé avec un Yôm Tôv.

 

Alternativement, peut-être que « la flûte » dont il est question ici est celle utilisée dans le cadre de la Simḥath Béth Hashshôˋévoh (le rituel de la libation d’eau), qui avait lieu dans le Béth Hammiqdosh à Soukkôth. Cette flûte est discutée dans un autre texte :[4]

 

« La flûte l’emporte sur le Shabboth à son début ». Ce sont les paroles de Ribbi Yôsé, le fils de Ribbi Yahoudhoh. Mais les Ḥakhomim disent : « Elle ne l’emporte pas même sur Yôm Tôv ».

החליל דוחה את השבת [בתחלתו] דברי רבי יוסי ברבי יהודה וחכ"א אינו דוחה [אפילו את יו"ט].

 

Ici, Ribbi Yôsé bar Ribbi Yahoudhoh permet de jouer de « la flûte » - et par ricochet de s'engager dans toutes les festivités associées décrites dans la Mishnoh de Soukkoh 5: 2 - le premier jour de Soukkôth, même quand il tombe le Shabboth (mais pas un autre jour de Soukkôth s’il tombe le Shabboth). Les Ḥakhomim ici sont en désaccord et interdisent cette flûte (et toutes ses activités associées) le Shabboth et Yôm Tôv, ne lui permettant d'être utilisée que durant les jours de Ḥôl Hammô´édh de la fête qui ont moins de sainteté.

 

Si nous lisons ces deux textes synthétiquement, Ribbi Yôsé bar Ribbi Yahoudhoh permet toujours l'utilisation de la flûte dans le contexte des Qôrbonôth, permet l'utilisation joyeuse de la flûte à Yôm Tôv de Soukkôth, et interdit uniquement la flûte dans le Béth Hammiqdosh pour un usage joyeux un Shabboth qui coïncide avec l'un des six derniers jours de Soukkôth. Ses adversaires (en supposant que nous les considérions comme les mêmes dans les deux passages de la Ṭôsaphṭoˋ) déclarent que la flûte n'est jamais jouée le Shabboth ou Yôm Tôv à des fins simplement joyeuses, et n'est jamais jouée le Shabboth dans le cadre du culte sacrificiel. Ce n'est qu’à Yôm Tôv que la flûte peut être jouée à des fins explicitement cultuelles. Notez que les deux positions considèrent ici qu'il y a un plus grand problème avec la flûte le Shabboth qu’à Yôm Tôv, 7 et les deux conviennent également que son utilisation dans les célébrations joyeuses est plus problématique que dans le contexte du culte sacrificiel.

 

La Mishnoh de Soukkoh 5: 1 prend une position définitive sur la question de la flûte de célébration :

 

La flûte [[est jouée pendant] cinq ou six [jours à Soukkôth]. C’est la flûte du Béth Hashshôˋévoh, qui ne l’emporte pas sur le Shabboth et ni sur Yôm Tôv.

החליל, חמישה ושישה:  זה חליל של בית השאובה, שאינו דוחה לא את השבת ולא את יום טוב

 

Ce texte déclare que la flûte de célébration ne l’emporte ni sur le Shabboth ni sur Yôm Tôv, bien qu'il sous-entende qu'une autre flûte - qui ne peut être que plausiblement la flûte sacrificielle – l’emporterait en effet au moins sur Yôm Tôv, une référence claire à la Mishnoh vue dans ´arokhin, et peut-être même à l’opinion indulgente de Ribbi Yôsé bar Ribbi Yahoudhoh rapportée dans la Ṭôsaphṭoˋ de ce même traité de ´arokhin.

 

Mais le plus important dans tous ces textes est leur utilisation du mot דוחה pour décrire l’utilisation potentielle de la flûte (dans des contextes sacrificiels et joyeux) le Shabboth. Quand nous disons qu’A דוחה B, cela signifie que A est normalement une activité interdite et problématique. La notion de פיקוח נפש דוחה שבת « le Piqqouaḥ Naphash l’emporte sur le Shabboth » est que l'on est autorisé, afin de sauver une vie, à effectuer des activités autrement considérées comme des transgressions fondamentales du Shabboth. Ces activités ne sont normalement pas autorisées ; seul leur contexte les rend autorisées. Par conséquent, lorsque ces sources tannaïtiques parlent de la flûte l’emportant potentiellement sur le Shabboth et Yôm Tôv, l'implication est claire : il est normalement interdit de jouer de la flûte le Shabboth ou Yôm Tôv. Cette interdiction peut toutefois être annulée par d'autres facteurs (tels que le culte sacrificiel, ou potentiellement même son utilisation dans une joyeuse cérémonie au Béth Hammiqdosh). Mais la décision par défaut en ce qui concerne une flûte est que l'on ne peut pas la jouer le Shabboth ou Yôm Tôv. C’est un point essentiel à comprendre : chaque fois que les Ḥakhomim ont émis une Gazéroh (décret), ils n’en ont jamais fait une interdiction absolue, mais y ont toujours inclus des exceptions, car autrement ils transgresseraient eux-mêmes l’interdiction d’ajouter à la Ṭôroh. Nous nous devons donc toujours de comprendre la Gazéroh et ses conditions d’application.

 

Cela nous amène à une question plus fondamentale : pourquoi est-il normalement interdit de jouer de la flûte ? Quelle est la substance de l'interdiction ici qui peut être annulée dans certains contextes ? À partir de là, les choses se compliquent un peu et des courants de pensée et de pratique concurrents émergent progressivement. Ce sera l’objet du prochain article !



[1] Bamidhbor 10 :10

[2] Pour la Maḥlôqath quant à savoir si ce Posouq inclut le Shabboth, voir le Siphré Bamidhbor 77 et le Siphré Zoutoˋ 10 :10.

[3] Ṭôsaphṭoˋ ´arokhin 1 :6

[4] Ṭôsaphṭoˋ Soukkoh 4 :8

mercredi 24 février 2021

Se laver le Shabboth

 

בס״ד

 

Se laver le Shabboth

 


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La question suivante m’a été envoyée :

 

Shalom Rav

 

Est-il vraiment assour de prendre une douche chaude le chabbat ?

 

Bien que la plupart des gens supposent que l'on ne peut pas se doucher le Shabboth, il y a en fait des situations où cela est possible.

 

Le Gamoroˋ[1] rapporte une Malôqath (divergence) entre les premiers ˋammôroˋim, Rov ז״ל et Shamouˋél ז״ל, concernant le fait de prendre un bain le Shabboth. Bien que les deux conviennent que l'on ne peut pas se baigner de la manière régulière à Shabboth, Rov permet de se baigner à Shabboth, tant que l'on ne submerge pas tout son corps à la fois, mais seulement une partie à la fois. Shamouˋél n'est pas d'accord, soutenant que l'on ne peut pas laver plus de la moitié de son corps. Dans les deux cas, il s’agit d’un Shinouy (changement par rapport à la façon habituelle de se laver).

 

Une question naturelle se pose à la lecture de cette Malôqath talmudique : Puisque se baigner ne fait pas partie des 39 Maloˋkhôth interdites par la ôroh le Shabboth, pourquoi ne peut-on pas prendre un bain relaxant de Shabboth ?

 

Bien que Mé´iqqar Haddin (d’après la lettre de la loi de la ôroh) se baigner soit autorisé, aZa’’l ont interdit de se baigner dans de l'eau chaude à Shabboth, car cela pourrait conduire à la profanation du Shabboth. La Gamoroˋ[2] raconte le récit historique suivant de l'interdiction :

 

Au départ, on était autorisé à se baigner dans de l'eau qui était chauffée avant Shabboth. Ensuite, les propriétaires des établissements de bains ont commencé à chauffer de l'eau à Shabboth, affirmant que l'eau avait été chauffée avant Shabboth. Afin d'arrêter cette pratique, les Sages ont interdit de se baigner dans l'eau chaude à Shabboth, mais ont permis d'entrer dans un bain de vapeur à Shabboth. Cependant, les gens qui n'écoutaient pas les Sages ont commencé à prendre des bains chauds à Shabboth, affirmant faussement qu'ils n'avaient utilisé que le bain de vapeur. (À cette époque, les deux activités étaient effectuées dans des bains publics.) Pour faire appliquer leur décision, les Sages interdirent également d'entrer dans un bain de vapeur, mais permirent de se baigner dans des sources chaudes naturelles (comme par exemple celles de Tibèriade). Lorsque certaines personnes ont continué à transgresser les instructions des Sages en se baignant dans de l'eau chaude tout en affirmant avoir utilisé de l'eau de sources chaudes naturelles, les Sages ont alors interdit de se baigner dans toute eau chaude, même les sources chaudes naturelles, mais ont permis de se baigner dans de l'eau froide. Après un certain temps, les Sages ont réalisé que c'était une épreuve insupportable et ont annulé l'interdiction de se baigner dans les sources chaudes naturelles, tout en maintenant l'interdiction des bains de vapeur et de la baignade dans de l'eau chaude.

 

En conclusion, nous voyons que les Sages ont interdit la baignade à Shabboth, même dans l'eau chauffée avant Shabboth, de peur que les propriétaires et les gestionnaires de bains publics n'encouragent les affaires en chauffant l'eau à Shabboth. Afin de maintenir cette injonction initiale, aZa’’l ont dans un premier temps interdit de se rendre au bain de vapeur et de se baigner dans les sources chaudes naturelles, mais ont finalement annulé cette dernière interdiction. Ainsi, on ne pourrait pas se baigner ou se laver à la vapeur le Shabboth, même avec de l'eau chauffée avant Shabboth.

 

Rov et Shamouˋél, que nous avons cités ci-dessus, ont interprété la aqqonoh (décret) susmentionnée contre le bain de différentes manières, Rov limitant l'interdiction au lavage de tout le corps en une seule fois, car c'est la manière habituelle de se baigner. Cependant, il permet de se baigner d'une manière inhabituelle, par exemple en ne se plongeant pas complètement dans l'eau et en ne lavant qu'une partie du corps à la fois. Shamouˋél estime que, comme il baigne encore tout son corps, cela est inclus dans l'interdiction, bien qu'il admette que laver moins de la moitié du corps est autorisé. La pratique majoritaire suit Shamouˋél, et par conséquent, on ne peut baigner le jour du Shabboth qu’une partie de son corps dans de l’eau chaude préchauffée.

 

Tout ce que nous avons dit jusqu’à présent ne concerne que le fait de se baigner. Mais qu'en est-il du fait de verser de l'eau sur soi-même ? Est-ce inclus dans la catégorie de la baignade interdite ou est-ce permis ?

 

La Gamoroˋ[3] rapporte une Malôqath à trois entre les annoˋim concernant cette question. Ribbi Méˋir ז״ל a interdit de verser de l'eau chaude ou froide sur soi-même ; Ribbi Shim´on ז״ל a permis de le faire aussi bien avec de l’eau froide que de l’eau chaude ; tandis que Ribbi Yahoudhoh, l'opinion de compromis, autorisait l'eau froide mais interdisait la chaude.

 

De cette Malôqath il ressort que, selon Ribbi Shim´ôn, on peut prendre une douche chaude le jour du Shabboth, parce que l'interdiction de se baigner était limitée à quelqu'un assis dans un bain ; selon Ribbi Méˋir, même le rinçage à froid est inclus dans l'interdiction et certainement celui également à chaud ; et selon Ribbi Yahoudhoh, on peut prendre une douche froide, mais pas une douche chaude.

 

Pouvons-nous suivre l’opinion de Ribbi Shim´ôn et prendre une douche chaude à Shabboth ? (Dès lors que l’eau a été préchauffée avant Shabboth.) Bien que le Shoulon ´oroukh[4] tranche suivant l’opinion de Ribbi Yahoudhoh, interdisant de se doucher à l’eau chaude mais permettant de le faire à l’eau froide, le almoudh lui-même n’a jamais tranché la question ! En outre, comme nous allons le voir à l’instant, même si on choisit la position de Ribbi Yahoudhoh, les interdictions des Sages n’étaient jamais absolues et contenaient toujours des exceptions et moyens de contournements. Pour la bonne et simple raison qu’il ne s’agit pas d’interdictions d’ordre biblique. Par conséquent, les Sages n’ont jamais été stricts dans leurs interdictions.

 

Sur la base d'une analyse perspicace, plusieurs Pôsaqim de premier plan démontrent que quelqu'un qui souffre peut se baigner le Shabboth même dans l'eau chaude, à condition que l'eau ait été chauffée avant Shabboth.[5] Ceci est basé sur la Halokhoh qui stipule que, bien que l'on ne puisse généralement pas demander à un Gôy d'effectuer un travail interdit le Shabboth, on peut le faire dans certaines cas de force majeur. Par exemple, on peut demander à un Gôy de faire quelque chose pour une personne suffisamment malade pour être clouée au lit.[6]

 

Lorsque le Rambo’’m lui-même ז״ל énumère les activités que l'on peut demander à un Gôy d'accomplir le Shabboth, il inclut le fait de lui faire transporter de l'eau chaude pour qu'une personne qui souffre puisse prendre un bain.[7] De tout cela il ressort de manière évidente que, bien que aZa’’l aient interdit de se baigner dans de l’eau chaude le Shabboth, ils n’ont uniquement interdit que le bain de plaisir et hygiénique, mais ont permis de se baigner dans de l’eau chaude pour soulager la souffrance. Ainsi, une personne qui souffre de ne pas pouvoir prendre un bain ou a une condition médicale qui peut être soulagée par le fait de prendre un bain peut soulager son inconfort le Shabboth avec un bain chaud !

 

Nous pouvons à présent terminer notre réponse en faisant mention des douches modernes. De nos jours, la plupart des systèmes de chauffage de l'eau domestique fonctionnent avec une chaudière qui remplace automatiquement l'eau chaude par l'eau froide lorsque vous l'utilisez. Cela signifie que lorsque l'on prend un bain, que l’on se douche ou que l’on actionne simplement l'eau chaude à Shabboth, on chauffe de l'eau nouvelle. C’est pour cela que la majorité des Pôsaqim contemporains interdisent d’ouvrir le robinet d’eau chaude à Shabboth, tout en précisant que quelqu'un qui souffre et aimerait prendre des bains chauds à Shabboth peut envisager d'installer un système de chauffage qui ne chauffe pas l'eau neuve lorsqu'il est en marche. Malgré que cette position soit majoritaire à notre époque, elle n’est pas unanime. En effet, certains autres Pôsaqim contemporains autorisent l'utilisation normale du robinet d’eau chaude et des chaudières modernes à Shabboth parce qu’ils considèrent qu’il s’agit d’un chauffage indirect de l'eau (Garomoˋ) et qui est réalisé sans cette intention particulière (ˋénô Mithkawwén).[8] Et il en serait de même avec une chaudière qui fonctionne à l’énergie solaire.

 

Comme vous le voyez, l’interdiction de prendre une douche chaude à Shabboth n’est pas si absolue qu’on le prétend !

 

 



[1] Shabboth 40a

[2] Ibid.

[3] Ibid., 39b

[4] ˋôraḥ Ḥayyim 326 :1, 4

[5] Shou’’th Divré Yôséph n°64 ; Rov ´aqivoh Eiger dans ses commentaires sur le Shoulḥon ´oroukh, ˋôraḥ Ḥayyim 307 :5 et 326 :1.

[6] Shoulḥon ´oroukh, ˋôraḥ Ḥayyim 328 :17

[7] Mishnéh Ṭôroh, Hilkôth Shabboth 6 :9-10

[8] Ces Pôsaqim sont mentionnés dans Divré Dowidh, Chapitre 87.

lundi 22 février 2021

Emission de semence en vain - L’influence du christianisme

 

בס״ד

 

Emission de semence en vain : Une approche rationaliste

 


L’influence du christianisme

 

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Pour (re)lire :

·        La première partie

·        La deuxième partie

·        La troisième partie

·        La quatrième partie

·        La cinquième partie

·        La sixième partie

·        La septième partie

·        La huitième partie

·        La neuvième partie

·        La dixième partie

·        La onzième partie

·        La douzième partie

·        La treizième partie

·        La quatorzième partie

·        La quinzième partie

·        La seizième partie

 

J'ai évoqué à quelques reprises l'idée qu'au moins une partie de l'attitude négative halakhique envers la masturbation était le résultat d'une influence culturelle chrétienne et générale. J'ai plaidé dans le dernier article en faveur de l'adoption de l'approche du PMO (Paradigme Maïmonidien Orignal) sur la masturbation au lieu de l'approche du PSA (Paradigme du Shoulḥon ´oroukh). C’est quelque peu facile et gratifiant de mettre la faute sur les autres (les chrétiens) et d’exonérer les Juifs.

 

Mais je suis désolé de dire que dans ce cas, nous ne pouvons pas blâmer les chrétiens. Du moins pas le développement du PSA que j'ai décrit en détail auparavant. Le PSA a été fortement influencé par le Zôhar. Le Zôhar s'impose comme la condamnation la plus sévère de la pratique de la masturbation dans toute l'histoire religieuse humaine. C'était l'œuvre religieuse la plus complète, la plus zélée et la plus énergique dans le traitement du sujet, et le premier texte religieux à en discuter avec autant de détails.

 

Bien qu'il y ait des références et des condamnations de la masturbation éparpillées ici et là dans les écrits chrétiens à partir du deuxième siècle, cela ne semble pas avoir été particulièrement important pour les chrétiens jusqu'au milieu du 1 8ème siècle. Il existe des exceptions, comme le pape Léon II (né en 1002, décédé en 1054) qui a écrit durement à ce sujet, mais cela n'est jamais devenu une référence. Le monde antique se souciait peu du sujet. La grande obsession du sujet a vraiment commencé avec la publication d'un tract anonyme appelé « Onania » en Angleterre vers 1722.

 

C’est justement à ce moment-là que l'influence du monde chrétien et du monde universitaire a commencé à se faire sentir sur le monde juif. Il me semble que l'acceptation généralisée du PSA et les opinions strictes concernant la masturbation ont été aidées par la forte rhétorique anti-masturbation qui a envahi le monde chrétien, philosophique et scientifique à partir du début des années 1700. À partir de cette période, tant dans le monde protestant que catholique, l'onanisme est devenu synonyme de masturbation (alors que bibliquement parlant, cela n’a rien à voir comme nous l’avions démontré) et il est devenu accepté comme un péché terrible. Dans le monde philosophique, personnalité aussi influente qu'Emmanuel Kant a condamné fermement la pratique. Dans le monde scientifique, il est devenu admis à cette époque-là que la masturbation était à la fois le signe d'un trouble mental et la cause de toutes sortes de maladies physiques. Ce n'est qu'au milieu du 20ème siècle que ces idées ont commencé à changer, et la masturbation a commencé à être comprise comme une partie normale du développement sexuel.

 

La plus forte influence halakhique sur le judaïsme orthodoxe contemporain d'après la Seconde Guerre mondiale vient des traditions ḥassidiques de l'Europe de l'Est et du monde non ḥassidique de la Yashivoh de Lituanie. Ces deux traditions ont commencé et ont été nourries dans une culture environnante qui pensait que la masturbation était un signe de maladie mentale, qu'elle était médicalement malsaine et que c'était une abomination et une perversion pour lesquelles Hashshém a condamné à mort ´ér et ˋônon. Il n'est pas surprenant que les Pôsaqim et les maîtres du Mousor de l'époque n'aient pas prêté grande attention aux opinions du R’’i Hazzoqén et d'autres et aient accepté le paradigme du Shoulḥon ´oroukh. C’est en ce sens que l’on parle d’influences chrétiennes et générales.

 

Un indicateur que tel est le cas, est que les opinions exprimées par les partisans du PMO n'ont pas disparu immédiatement lorsque le Shoulḥon ´oroukh les a supprimées. Le PSA a mis un certain temps à s'implanter. Comme nous le verrons, immédiatement après la publication du Shoulḥon ´oroukh, de nombreuses autorités rabbiniques se sont opposées à la négation des opinions du R’’i Hazzoqén, du Ṭôsophôth Ri’’d et du Rambo’’m.

 

Il est logique qu'il n'ait pas été facile pour le Shoulḥon ´oroukh de supprimer l'opposition en omettant le R’’i Hazzoqén. Cette opinion représentait la position traditionnelle conforme au Ṭalmoudh, et non une opinion isolée. De nombreuses autorités halakhiques parmi les Riˋshônim (autorités halakhiques qui se sont succédées à partir de +/- l’an 1100 jusqu’à 1550) et les premiers ˋaḥarônim (autorités halakhiques qui se sont succédées à partir de +/- 1550 jusqu’à 1800) ont soutenu l'opinion du R’’i Hazzoqén. En voici quelques-uns : Ribbénou Môrdokhay ban Hillél Hakkôhén (Allemagne, 1250-1298, connu sous le nom du « Môrdokhay »)[1] ; Ribbénou Baṣalˋél ban ˋavrohom ˋashkanazi (Israël, 1520-1592)[2] ; Ribbénou ˋoshér ban Yaḥiˋél (« Le Roˋ’’sh » Allemagne puis Espagne, 1250-1327)[3] ; Ribbénou Méˋir Hakkôhén de Rothenburg (Allemagne, fin du 13ème siècle)[4] ; Ribbénou Yasha´yohou DiTrani « le plus jeune » (Italie fin 13ème - début du 14ème siècle)[5] ; Ribbénou Shalômôh Louriyoˋ (Pologne 1510-1573, « Le Maharsha’’l)[6] ; Rov ˋavrohom Ḥayyim Shour (Belz, Pologne fin 16ème, début du 17ème siècle)[7]. Tout ce qui précède et bien d’autres au moins soutiennent l’opinion du R’’i Hazzoqén comme une alternative viable à l’interdiction stricte de « répandre de la semence ».

 

C'est pour cette raison que le commentaire important sur le Shoulḥon ´oroukh, le Béth Shamouˋél (fin du 17ème siècle) nuance immédiatement la déclaration du Shoulḥon ´oroukh selon laquelle la masturbation serait le péché « le plus grave de la Ṭôroh » en disant que le Shoulḥon ´oroukh ne pensait pas vraiment ce qu’il a dit. (À mon humble avis, le Shoulḥon ´oroukh le pensait clairement, puisqu’il a trouvé dans le Zôhar à quel point ce « péché » était grave.)

 

Malgré cette opposition solide et robuste au PSA, dans les siècles qui ont suivi la publication du Shoulḥon ´oroukh, le PSA est finalement devenu le paradigme prédominant. Le PMO est retourné dans le passé presque comme s’il n'avait jamais existé. Au fur et à mesure que la communauté juive européenne (au moins d'Europe de l'Est) se développa en branches ḥassidiques et « lituaniennes » avant la Seconde Guerre mondiale, le PSA devint fermement ancré. Je crois que c'était en grande partie parce que la même chose se passait dans le monde extérieur. Pourquoi le monde juif ignorerait-il presque complètement une tradition majeure de la société générale et l'échangerait contre une autre ? De toute évidence, la pensée chrétienne, philosophique et médicale de l'époque concernant les « horreurs » de la masturbation dominaient la communauté juive de la même manière qu'elle dominait la pensée occidentale en général.

 

Donc, en conclusion, je ne crois pas que nous puissions blâmer « les autres » d'avoir imposé cette rigueur au judaïsme. Nous l’avions fait nous-mêmes en premier. Cependant, le fait que ce soit devenu le paradigme halakhique prédominant a été presque certainement fortement influencé par des facteurs extérieurs.

 

Le seul aspect positif auquel je puisse penser, c'est que peut-être l'inverse pourrait être vrai. Si l'aversion de la société générale pour la masturbation a contribué à nous pousser vers une attitude halakhique stricte, peut-être que la reconnaissance par la science moderne que la masturbation occasionnelle est normale peut nous ramener au paradigme halakhique original qui acceptait aussi en effet que cela est vrai. Peut-être. Peut-être. Avec l'aide de Hashshém et avec le bon sens et la force des sources de la Ṭôroh que j'ai citées dans cette série d’articles, cela peut peut-être fonctionner.

 

Merci d'avoir lu mes dix-sept articles sur ce sujet, je pense que je peux maintenant passer à d'autres tout aussi importants.



[1] Masakhath Niddoh, Haggohôth Môrdokhay 247 :744

[2] Shittoh Maqoubbaṣath Nadhorim 20b

[3] Ṭôsophôth Horoˋ’’sh, Yavomôth 34b

[4] Haggohôth Maymôniyôth, Hilkôth ˋissouré Biˋoh 21 :9

[5] Pisqé Ria’’z, Kathoubbôth 5

[6] Yam Shal Shalômôh, Yavomôth 34b

[7] Ṭôrath Ḥayyim, Sanhédhrin 54a

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