vendredi 10 février 2017

La fête de Tou Bishavot

ב״ה

La fête de Tou Bishavot


Beaucoup de Juifs célébreront une fête appelée ט"ו בִּשְׁבָט « Tou Bishavot », qui signifie tout simplement « 15 du mois de Shavot. » Ce jour-là, ils consomment de nombreux fruits et tiennent une espèce de « Sédhar » comme à Pasah. Cela pourrait surprendre beaucoup de gens, mais ce n'est même pas une fête officielle du Judaïsme, mais une innovation des Kabbalistes. C'est au seizième siècle, à Safath (Safed), que Rabbi Yishoq Louria`, plus connu sous l'acronyme du `ari, institua un cérémoniel à respecter pour ses disciples à Tou Bishavot. Très rapidement, cela se répandit à d'autres communautés, pour être adopté par une grande partie des Juifs (mais pas tous).

Il n'existe que deux références talmudiques à Tou Bishavot. La première se trouve dans la toute première Mishnoh du traité Rô`sh Hashonoh1 :

Les quatre nouveaux ans sont : Le premier Nison, le nouvel an pour les rois et les fêtes de pèlerinage ; le premier `aloul, le nouvel an pour la dîme des animaux domestiques. Rébbi `al´ozor et Rébbi Shim´ôn disent : « Le premier Tishri » ; le premier Tishri, le nouvel an pour les années, pour les Shamittin, pour les Yôvélôth, pour la plantation et pour les légumes ; le premier Shavot, le nouvel an des arbres selon les paroles de Béth Shamma`y. Mais Béth Hillél disent : « Le quinzième jour de ce mois. »
אַרְבָּעָה רָאשֵׁי שָׁנִים הֵן: בְּאֶחָד בְּנִיסָן, רֹאשׁ הַשָּׁנָה לַמְּלָכִים וְלָרְגָלִים; בְּאֶחָד בֶּאֱלוּל, רֹאשׁ הַשָּׁנָה לְמַעְשַׂר בְּהֵמָה; רֵבִּי אֶלְעָזָר וּרֵבִּי שִׁמְעוֹן אוֹמְרִים: בְּאֶחָד בְּתִשְׁרִי; בְּאֶחָד בְּתִשְׁרִי, רֹאשׁ הַשָּׁנָה לַשָּׁנִים וְלַשְּׁמִטִּין וְלַיּוֹבֵלוֹת לִנְטִיעָה וְלִירָקוֹת; בְּאֶחָד בִּשְׁבָט, רֹאשׁ הַשָּׁנָה לָאִילָן, כְּדִבְרֵי בֵית שַׁמַּי; וּבֵית הֶלֵּל אוֹמְרִין: בַּחֲמִשָּׁה עָשָׂר בּוֹ

Dans ce passage, nous voyons qu'il y a quatre nouveaux ans dans le calendrier hébraïque, et une divergence d'opinion concernant deux de ces quatre dates. En outre, AUCUN de ces quatre nouveaux ans n'était une fête en elle-même, mais simplement des dates à partir desquelles on devait compter certains événements ou calculer les dîmes. Par exemple, le premier Nison n'était pas un jour de fête, mais simplement la date à partir de laquelle on comptait le règne des rois et calculait les dates des fêtes de pèlerinage, dont la première est Pasah, qui tombe le quatorzième jour de Nison. De même, c'est à partir du premier Tishri que l'on calculait les années du calendrier (c'est la raison pour laquelle c'est le premier de l'année), les années sabbatiques, les années de jubilé, les plantations et les légumes (car il fallait attendre un certain nombre d'années avant de pouvoir en faire la dîme et les consommer), et ainsi de suite. En fait, si Yôm Tarou´oh ne tombait pas non plus le premier Tishri, il n'y aurait jamais eu de fête à cette date.

Il est donc important de comprendre que ce n'est pas parce que ces dates sont appelées « Nouvel An » qu'il s'agit automatiquement de jours de fête. Même dans le calendrier grégorien de bon nombre de pays occidentaux, il existe de nombreux nouveaux ans. Il y a, par exemple, le 1er Septembre, qui est le nouvel an scolaire ; plusieurs pays ont également un nouvel an fiscal, à partir duquel commencer à calculer ses impôts, etc., et ces dates ne sont pas du tout des jours de fête.

La deuxième référence talmudique sur Tou Bishavot se retrouve dans la Gamoro` de Rô`sh Hashonoh 14b, où il est rapporté qu'à cause du doute qu'avait Rébbi ´aqivoh ז״ל concernant la date réelle du nouvel an des arbres (puisqu'il y a divergence entre Béth Hillél et Béth Shamma`y, comme mentionné plus haut), il a cueilli les citrons de son citronnier le premier Shavot et en a fait deux fois la dîme au lieu d'une, car peut-être que Béth Hillél étaient également d'accord que la vraie date du nouvel an des arbres était le premier Shavot. (Il convient de préciser que cette même Gamoro` stipule que Rébbi ´aqivoh a agi ainsi, car bien que la Halokhoh suive Béth Hillél, elle a également permis à celui qui le désirait de suivre Béth Shamma`y sur ce point, car leur opinion est également tout à fait valable.) Nous voyons clairement de ce passage que cette date n'était en rien un jour de fête, mais simplement le jour à partir duquel on calculait la dîme de ses fruits lorsqu'on s'apprêtait à les cueillir. Aucun des Ga`ônim, ni des Ri`shônim, n'a jamais parlé de cette date comme d'une fête.


1Mishnoh, Rô`sh Hashonoh 1:1

jeudi 9 février 2017

Le « Judaïsme Orthodoxe » n'est pas plus crédible que les mouvements qu'il condamne


ב״ה



Le « Judaïsme Orthodoxe » n'est pas plus crédible que les mouvements qu'il condamne



Cet article peut être téléchargé ici.



Ce mercredi 8 février 2017, un article a été publié sur le site sioniste religieux « Arutz Sheva » par un certain rabbin « orthodoxe moderne » nommé Dov Fischer. Le sujet de son article (à lire dans son intégralité, en anglais, ici) concerne la décision prise par de nombreuses organisations juives orthodoxes américaines (l'OU, la RCA, Young Israel et l'Aguda) de déclarer « non orthodoxe » l'ordination de femmes comme rabbins ou la nomination de femmes à des hauts postes communautaires.



Ce n'est pas de ce sujet-là que je veux traiter, mais des attaques lancées par ce rabbins contre les mouvements non orthodoxes au sein du judaïsme et des arguments qu'il avance afin de « démontrer » que la seule voie traditionnelle et authentique du judaïsme est le judaïsme dit orthodoxe.



Pour faire court, il prétend que le judaïsme orthodoxe est éternel, qu'il ne change pas pour s’accommoder des tendances passagères, que c'est le seul mouvement n'ayant pas abandonné la Tôroh et la Halokhoh, et que tous les mouvements, exceptés l'orthodoxie, ont adopté des pratiques empruntées au christianisme, tandis que l'orthodoxie serait restée imperméable à toute influence étrangère.



Tout cela n'est que de la propagande et un tissu de mensonges éhontés et d'ignorance à peine voilée ! Quand quelqu'un emploie certains arguments pour délégitimer l'adversaire, ces arguments se doivent d'être basés sur la vérité, et non sur l'arrogance ou un aveuglement spirituel, car autrement cela discrédite intégralement l'argumentation.



Nous avons démontré à d'innombrables reprises sur ce blog que le judaïsme orthodoxe n'était non seulement pas traditionnel, mais qu'il était le produit d'innovations et changements s'étant produits sur de longues périodes, et qui continuent encore à se produire. Mais plus grave encore, le judaïsme orthodoxe n'a absolument rien à voir avec les prescriptions de la Tôroh, du Talmoudh, et des écrits des Ga`ônim et des Ri`shônim. Le judaïsme orthodoxe n'est pas plus « juif », authentique et crédible que tous les autres mouvements non orthodoxes qu'il condamne. C'est même une religion différente de celle prescrite dans la Tôroh et le Talmoudh !



Le judaïsme orthodoxe est-il aussi « pur de toute influence étrangère », « éternel » et « immuable » qu'il prétend l'être ?



  • Pratiquement tous les rabbins des temps passés ont rejeté le sionisme et ont affirmé que les Trois Serments rapportés dans le Talmoudh1 et de nombreux Midhroshim étaient non seulement halakhiques mais plus encore qu'ils étaient encore pleinement en vigueur. Or, de nos jours, la quasi-totalité des rabbins orthodoxes sont sionistes et affirment soit que les Trois Serments ne sont pas halakhiques (mais aggadiques) soit qu'ils étaient limités dans le temps et ne s'appliquent plus aujourd'hui. Donc, jusqu'à quel point être sioniste peut-il être appelé « traditionnel » ?
  • La pratique ridicule des Kapporôth est une innovation qui fut combattue dès ses origines par de nombreux rabbins. Or, de nos jours, faire les Kapporôth est une norme au sein du judaïsme orthodoxe.
  • Il n'y a aucune trace d'un Qaddish des endeuillés dans tout le Talmoudh, les écrits des Ga`ônim et la majorité des Ri`shônim. Et pourtant, de nos jours, tous les orthodoxes en récitent un.
  • L'office de la Qabbalath Shabboth est né au 16ème siècle et fut inventé par les kabbalistes de Safed. Il s'agit donc d'une innovation n'ayant pas toujours fait partie du judaïsme authentique. Or, tous les orthodoxes tiennent aujourd'hui un office de Qabbalath Shabboth.
  • Les orthodoxes prétendent qu'il est défendu de changer le Siddour et qu'il faut garder tout le rituel de prière tel qu'il aurait été institué. Sauf que la plupart des textes incorporés dans les Siddourim d'aujourd'hui ne s'y sont pas toujours trouvés, et la plupart étaient des prières ou Piyoutim personnels qui n'avaient pas pour vocation d'être récités par tous.
  • Il n'existe aucune trace de cérémonie de Bar Miswoh dans le Talmoudh et les écrits des Ga`ônim et des Ri`shônim. Pourtant, tous les orthodoxes tiennent des cérémonies de Bar Miswoh, et y récitent même une bénédiction non mentionnée dans le Talmoudh.
  • Toutes les fêtes sionistes, comme Yom HaAtsmaout, Yom Yeroushalayim, Yom HaShoah, etc., sont acceptés et célébrés par la plupart des orthodoxes. Étranges pour des gens qui prétendent rejeter toute innovation et changement, et se tenir à la « tradition. »
  • Aujourd'hui, une grande partie des femmes orthodoxes couvrent leurs têtes avec des perruques, alors que traditionnellement les femmes juives portaient/portent des foulards et des voiles.
  • Aujourd'hui, tous les garçons orthodoxes sont encouragés (voire, implicitement forcés) d'aller étudier dans une Yashivoh. Les orthodoxes prétendent qu'il en fut toujours ainsi, alors que c'est relativement récemment que cette tendance s'est développée. Jusque là, seule une minorité de garçons allaient étudier à la Yashivoh, tandis que la majorité apprenait un métier. Il n'a jamais été traditionnel que tout le monde aille étudier en Yashivoh. En fait, bon nombre d'illustres rabbins reçurent leur éducation religieuse à la maison, sans fréquenter de Yashivôth.
  • Traditionnellement, les filles juives ne sont pas censées aller à l'école, mais être éduquées à la maison par leurs mères. Il en fut toujours ainsi, jusqu'à ce que le Hofés Hayim ne donne, au vingtième siècle, son approbation pour la création d'écoles religieuses pour filles, qui furent appelées « Beth Yaakov. » N'est-ce pas là un changement de la tradition et un accommodement avec les tendances étrangères ?
  • Un grand nombre de Minhoghim des `ashkanazim ont clairement des influences chrétiennes que les rabbins orthodoxes tentent de gommer ou de faire oublier.
  • Même la façon dont les Miqwôth sont construites de nos jours dans le monde orthodoxe n'est pas traditionnelle, mais a été rendue possible par le développement des techniques modernes de construction. Les Miqwôth orthodoxes n'ont plus rien à voir avec celles des temps anciens. Quant au type de Miqwah appelé « Bor Al Gabbai Bor » utilisé parmi les Hasidhim Loubavitch, c'est une innovation datant du premier Rabbi de Loubavitch (19ème siècle)
  • Les jeunes filles non mariées se rendaient traditionnellement au Miqwah. En fait, jusqu'à très récemment, la pratique dans les communautés séfarades était que les jeunes filles s'y rendaient avant chaque fête, ou du moins avant Yôm Hakkippourim. De nos jours, les orthodoxes prétendent que seules les femmes mariées devraient se rendre au Miqwah.
  • La pratique consistant à prendre le deuil durant les trois semaines entre le 17 Tammouz et le 9 `ov n'a aucune source dans le Talmoudh et les écrits des Ga`ônim, et elle était inconnue ou opposée dans les communautés séfarades jusqu'à récemment. Même la plupart des Ri`shônim ne font jamais mention de cette pratique consistant à restreindre sa joie durant ces trois semaines. Or, de nos jours, cette pratique est considérée comme allant de soi, obligatoire et « traditionnelle » dans les milieux orthodoxes.
  • Prendre le deuil durant la période de la Saphirath Ho´ômar (entre Pasah et Shovou´ôth) n'est nulle part mentionné dans le Talmoudh et les écrits des Ga`ônim et de la plupart des Ri`shônim.
  • Imposer aux hommes d'avoir constamment la tête couverte, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, est une innovation orthodoxe. Cela n'est jamais prescrit dans la Tôroh, le Talmoudh et les écrits des Ga`ônim et des Ri`shônim. Même le Hofés Hayim l'admet dans son Mishnoh Barouroh, où il écrit qu'étant donné que de nos jours la pratique des Gôyim consisterait à retirer leurs couvre-chefs lorsqu'ils entrent dans leurs lieux de culte, les juifs devraient s'accoutumer à garder leurs têtes couvertes constamment. En réalité, avant le 20ème siècle il n'était pas rare de voir des rabbins la tête découverte.
  • Les orthodoxes prétendent qu'il serait défendu de changer la manière « traditionnelle » de s'habiller, et c'est pourquoi ils continuent à s'habiller tout en noir, de la tête au pied, avec un chapeau, un costume et un pantalon noir, ainsi qu'une chemise blanche. Mais ce qu'ils oublient de dire c'est que cette façon de s'habiller n'est pas traditionnelle, mais est le produit de décrets successifs imposés aux `ashkanazim par les Gôyim, qui voulaient justement abolir leurs tenues vestimentaires juifs. Par conséquent, le déguisement des orthodoxes d'aujourd'hui n'a rien d'un habillement juif originel.
  • Bon nombre des pratiques qu'ils attribuent à la « Qabboloh » sont de la pure hérésie, idolâtrie et superstition, qui ne tirent pas leurs origines dans la Tôroh, le Talmoudh, et ni même dans le Zôhar et d'autres livres « kabbalistiques » qu'ils adulent, mais sont des pratiques s'étant développées au fur et à mesure du temps, souvent suite à des influences non juives.
  • La façon de procéder aux conversions orthodoxes est totalement en contradiction avec le procédé traditionnel expliqué dans le Talmoudh et comme cela se faisait encore à l'époque des Ri`shônim.
  • Les orthodoxes ont introduit au fur et à mesure du temps de nombreuses innovations dans le domaine de la Kashrouth, en faisant un business bien lucratif. Si nos ancêtres avaient vécu à cette époque-ci, les orthodoxes les auraient déclaré « hérétiques », car ils n'auraient sans aucun doute pas suivi les innovations orthodoxes.
  • Les orthodoxes prétendent qu'il faudrait suivre le Shoulhon ´oroukh, alors qu'il y a d'innombrables pratiques et règles mentionnées dans le Shoulhon ´oroukh qu'ils ne suivent pas.
  • De même, ils prétendent qu'il faudrait obéir à tout ce que disent les « Gadhôlim » (les Grands de la Génération), et pourtant ils sont très sélectifs sur les décisions qu'ils suivent et sur celles qu'ils ignorent.



Nous pourrions multiplier indéfiniment les exemples !



Le but ici n'est pas de légitimer les mouvements non orthodoxes, comme l'Open Orthodoxy, le mouvement libéral, le mouvement conservative ou encore le mouvement reconstructionniste. Mais les orthodoxes devraient se regarder dans un miroir avant de prétendre être un mouvement traditionnel fidèle à la Tôroh et à la Halokhoh, ce qu'ils sont loin d'être. Il n'y a rien qui fasse du judaïsme orthodoxe un mouvement plus « propre », plus « pur », plus « authentique » que ceux qu'il combat. Bien au contraire, à certains égards le judaïsme orthodoxe est même plus éloigné de la Tôroh et de la Halokhoh que ces mouvements alternatifs (qui sont tout autant dans l'erreur, mais pour d'autres raisons). Les orthodoxes ne sont pas bien placés pour faire la leçon aux autres et imposer leur version falsifiée du judaïsme à tout le peuple juif.



Personne n'a le monopole sur le judaïsme. Mais lorsqu'on s'oppose à une pratique, voire carrément à un mouvement entier, il faut alors le faire sur base d'arguments concrets, solides et objectifs, et non, comme le font les orthodoxes, pour le simple objectif de détruire l'autre, se grandir soi-même et imposer sa vision des choses à tous. Ce n'est pas la voie de la Tôroh, ni celle du Talmoudh, d'agir de la sorte !



Au contraire, nos Sages nous ont appris à dialoguer, à raisonner, à apporter des arguments concrets. Même lorsqu'ils répondaient aux hérésies des Sadducéens et d'autres Minim, ainsi qu'aux arguments des grecs ou des romains, nos Sages le faisaient d'une façon rationnelle, posée et respectueuse, jamais dans l'agression ou l'humiliation de l'autre. Et c'est ainsi qu'ils ont ramené vers le judaïsme authentique les égarés et autres hérétiques. Mais par leur arrogance et agressivité, les orthodoxes éloignent davantage les égarés, alors qu'eux-mêmes sont des guides aveugles empêtrés dans les mêmes contradictions et erreurs qu'ils dénoncent !



Le judaïsme orthodoxe ne remonte pas au Sinaï, mais est le produit de diverses évolutions (qui se poursuivent encore, d'ailleurs), et s'est principalement façonné en réponse au développement des Lumières et du mouvement libéral, lorsqu'ils ressentirent un besoin urgent de standardiser la pratique juive et interdire toute innovation (sauf celles qui proviennent d'eux, évidemment), se déclarant ainsi être la seule voie valable, ce qui a pour conséquence de rendre hérétique toute personne ou mouvement qui ferait les choses différemment d'eux, alors que le judaïsme authentique permet une multiplicité d'opinions valides sur diverses questions. Le judaïsme orthodoxe est une machine à fabriquer des robots et à tuer toute diversité. Et lorsqu'ils condamnent les autres en se prétendant être la voie authentique, c'est un peu l'hôpital qui se fout de la charité !

1Kathoubbôth 119b

jeudi 2 février 2017

Les « Shava´ Barokhôth » doivent-elles se faire durant les sept jours du mariage ?

ב״ה

Exposer les fausses notions

Les « Shava´ Barokhôth » doivent-elles se faire durant les sept jours du mariage ?


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Dans la foi israélite, le mariage est suivi de sept jours de célébration, qui sont en réalité une période de Yôm Tôv privé pour le Hothon et la Kalloh. Durant ces sept jours, les autres ont une obligation de réjouir les mariés. Afin d'accomplir cette obligation, la famille et les amis ont généralement la pratique d'organiser durant une semaine des repas quotidiens de ֶבַע בְּרָכוֹת « Shava´ Barokhôth », c'est-à-dire des repas au cours desquels les sept bénédictions du mariage seront à nouveau récitées (dans la Birakhath Hammozôn). La pratique des « Shava´ Barokhôth » est si répandue de nos jours que la majorité des gens supposent qu'il s'agit d'une obligation halakhique. Mais il n'en est absolument pas ainsi !

Nous avons déjà exprimé à de nombreuses reprises que tout sujet doit d'abord s'analyser à partir des instructions données par HaZa''l dans le Talmoudh. Ce sont eux qui constituent l'autorité halakhique finale sur toute question et pratique. On ne doit pas se demander ce que disent tel ou tel rabbin d'antan ou d'aujourd'hui, mais plutôt « Qu'ont déterminé et tranché HaZa''l ? » Peu importe ce que le Ramba''m ז״ל dit, ce que le Ramba''n dit ז״ל, ce que le Shoulhon ´oroukh tranche, ce que le Ri''ph ז״ל dit, ce que Rash''i ז״ל dit, etc., cela n'a pas d'importance. Ce qui détermine la Halokhoh, c'est le Talmoudh, qui s'achève avec Rov `ashi ז״ל, qui est סוֹף הוֹרָאָה « Sôph Hôro`oh – la fin de l'instruction. » De nombreux Savôro`im, Ga`ônim, Ri`shônim et `aharônim pourraient dire et écrire ce qu'ils veulent, mais au bout du compte un Pôséq doit regarder dans le Talmoudh, faire ce qui est tranché dedans et déterminer si la lecture des Pôsqim post-talmudiques est correcte ou incorrecte par rapport à ce que dit le Talmoudh et, sur base de cette réflexion, choisir celle qui est correcte. Tout cela est d'ailleurs magistralement bien résumé par le Ramba''m dans l'introduction qu'il rédigea sur son Mishnéh Tôroh. Depuis que le Talmoudh fut scellé, AUCUN rabbin ou autorité n'a le pouvoir d'imposer quoique ce soit à l'ensemble d'Israël ou de changer ce qui a été tranché dans le Talmoudh (sauf lorsqu'un décret talmudique était clairement pour un temps ou une raison bien spécifique qui n'en fait donc pas un décret pour toujours).

Que dit donc le Talmoudh à ce sujet ?

On est tenu de réciter les Shava´ Barokhôth lors d'un repas que lorsque les conditions suivantes sont respectées1 :
  1. le Hothon et la Kalloh doivent y prendre part ;
  2. au moins dix hommes doivent être présents et manger ensemble ;
  3. il doit y avoir au moins deux פָּנִים חֲדָשׁוֹת « Ponim Hadhoshôth – visages nouveaux », c'est-à-dire au moins deux personnes qui n'avaient pas pu assister au mariage et n'avaient donc pas encore entendu les Shava´ Barokhôth ;
  4. sur base d'un autre passage talmudique2 qui déclare, dans le contexte du mariage, que אין שמחה אלא בחופה « Il n'y a de réjouissance que dans la Houppoh », les Tôsophôth, de nombreux autres Ri`shônim et le Shoulhon ´oroukh3 tranchent tous que les Shava´ Barokhôth ne peuvent être récitées que ַבֵית חָתָן « Bavéth Hothon – dans la maison du Hothon. » (Voir, d'ailleurs, l'article intitulé Exposer les fausses notions : Qu'est-ce qu'une « Houppoh », où nous avions expliqué que le terme « Houppoh », dans le contexte biblique et talmudique, se rapportait à la maison du marié dans laquelle il s'isolait notamment avec sa femme.) C'est contraire à la pratique de la majorité des `ashkanazim et de certains Sapharadhim, plus particulièrement les marocains, qui organisent des Shava´ Barokhôth n'importe où : dans des salles de fête, chez les mariés, chez les parents, chez les beaux-parents, chez des amis, chez des particuliers, etc. Néanmoins, de nombreux autres Sapharadhim, les Témonim, ainsi que les Talmidhé HaRamba''m, continuent jusqu'à ce jour à n'organiser des Shava´ Barokhôth que Bavéth Hothon ;
  5. enfin, le Talmoudh4 déclare explicitement qu'il n'y a aucune obligation d’organiser des repas quotidiens de Shava´ Barokhôth pendant les sept jours qui suivent le mariage. Le premier jour de la célébration, toutes les Shava´ Barokhôth sont récitées ; les autres jours, si les quatre conditions précédemment énumérées sont respectées, elles sont à nouveaux récitées, et si elles ne sont pas respectées, seule la dernière des sept Barokhôth est récitée.

Le Ramba''m résume parfaitement toutes ces décisions talmudiques dans son Mishnéh Tôroh.5

Cela peut parfois être très fatiguant, voire embarrassant, pour un nouveau couple de devoir aller à gauche et à droite pour manger chaque jour chez différentes personnes durant sept jours. Mais qu'ils se rassurent : il n'y a aucune obligation halakhique de le faire tous les jours, d'après le Talmoudh, et encore moins de se déplacer, car les Shava´ Barokhôth sont censées se faire Bavéth Hothon !

Contrairement à la croyance populaire selon quoi il serait une obligation d'organiser des Shava´ Barokhôth tous les jours, coûte que coûte, nous voyons clairement dans les témoignages des Ri`shônim que c'est une innovation de notre époque, mais qu'avant notre époque cela ne se faisait pas tous les jours, mais seulement certains jours pendant les sept jours de réjouissance. Ainsi, Rash''i6 déclare que, dans son expérience, soit un Minyon, soit des Ponim Hadhoshôth, ou les deux manquaient, et par conséquent un repas de Shava´ Barokhôth n'était pas organisé chaque jour. Le Mahari''l ז״ל (Ya´aqôv Môlin, 1365-1427)7 rapporte qu'en Rhénanie le Minhogh consistait à ne réciter les Shava´ Barokhôth qu'à Shabboth, mais pas les autres jours en raison d'un manque de Ponim Hadhoshôth. Et nous pourrions multiplier les témoignages allant dans le même sens, à savoir que les Shava´ Barokhôth ne doivent être récitées que si toutes les conditions rapportées dans le Talmoudh sont respectées. Si ne serait-ce qu'une seule d'entre elles n'était pas respectée, les Shava´ Barokhôth ne doivent alors pas du tout être faites (excepté la dernière Barokhoh que l'on ajoutera après la Birakhath Hammozôn si le couple a mangé avec des gens qui avaient assisté au mariage). C'est cela la Halokhoh authentique telle que tranchée dans le Talmoudh !

Certains `aharônim attestent également que les Shava´ Barokhôth n'étaient pas organisées tous les jours. Le Lévoush ז״ל (Mordokhay ban `avrohom Yophah, 1530-1612)8 témoigne qu'à son époque, à part le jour même du mariage, les Shava´ Barokhôth n'étaient récitées qu'à Shabboth, et les autres jours seulement s'il y avait des Ponim Hadhoshôth. Le Hatho''m Sôphér ז״ל (Môshah Schreiber, 1762-1839)9 rapporte la pratique remontant à très longtemps à Cracovie (en Pologne) qui consistait à minimiser les célébrations en raison d'un manque de joie et relève qu'à Francfort-sur-le-Main il ne fut jamais témoin de repas de Shava´ Barokhôth organisés après la deuxième nuit suivant le mariage. Il poursuit en rapportant qu'une fois quelqu'un à Francfort-sur-le-Main récita les Shava´ Barokhôth à Shabboth, et cela causa une énorme controverse dans la communauté parce que ce n'était pas la pratique locale ! Le Go`ôn de Wilno` ז״ל (`éliyohou ban Shalômôh Zalman, 1720-1797)10 explique que l'une des raisons principales pour lesquelles les mariages se tenaient communément les vendredis dans sa localité, c'était afin d'accorder davantage de temps à la communauté pour se réjouir avec le couple à la lumière du fait que le Minhogh consistant à se réjouir durant sept jours n'était généralement pas suivi. Quant au ´oroukh Hashoulhon ז״ל (Yahi`él Mikhél Halléwi Epstein, 1829-1908)11, il relève qu'à son époque (dans la Lituanie du 19ème siècle) des repas n'étaient pas organisés durant tous les sept jours !

À la lumière de tout cela, il est plus qu'évident que la pratique moderne consistant à obligatoirement organiser des repas festifs durant l'intégralité des sept jours qui suivent le mariage, et y réciter chaque fois toutes les Shava´ Barokhôth, n'est rien d'autre qu'une innovation sans source valide !

Notez d'ailleurs le Ban `ish Hay ז״ל (Yôséph Hayim de Bagdad, 1833-1909)12, qui écrit que si le Hothon n'a pas les moyens de financer quotidiennement des Shava´ Barokhôth, il n'a aucune obligation de le faire. Or, de nos jours, de nombreux couples qui n'ont pas beaucoup de moyens s'endettent dès le début de leur vie de couple afin de pouvoir organiser des Shava´ Barokhôth gigantesques tous les jours durant une semaine. C'est insensé, et ce n'est clairement pas ce qu'exige la Halokhoh ! Puisque ces repas ne sont pas une obligation, il n'y a pas non plus lieu de faire l'effort de remplir à tout prix les conditions énumérées plus haut.

1Talmoudh, Kathoubbôth 8a
2Soukkoh 25b
3`évan Ho´azar 62:10
4Kathoubbôth 7b-8a
5Hilkôth Barokhôth 2:9-10
6Sur Kathoubbôth 8a
7Hilkôth Nisou´in
8`ôrah Hayim, Minhoghim, Section 30
9Shou''th `évan Ho´azar 1:122
10`évan Ho´azar 55:11
11`ôrah Hayim 640:14

12Shou'''th Rov Pa´olim 4:`évan Ho´azar 6

L'interdiction de se rendre abominable

ב״ה

L'interdiction de se rendre abominable


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Après avoir exposé les lois alimentaires (Kashrouth), la Tôroh conclut par l'exhortation suivante : אַל-תְּשַׁקְּצוּ, אֶת-נַפְשֹׁתֵיכֶם « Ne vous rendez point abominables. »1 Le contexte immédiat est l'interdiction de consommer des insectes, et la Tôroh conclut ici sa discussion de cette Miswoh en avertissant que consommer ces créatures équivaut à une forme d'auto-contamination, à se rendre soi-même abominable.

Mais le Ramba''m ז״ל cite ce verset comme introduisant l'interdiction plus générale de s'adonner à un comportement répugnant de quelque nature que ce soit. Dans les dernières Halokhôth des Hilkôth Ma`akholôth `assourôth2, le Ramba''m codifie les interdictions de manger ou boire des choses que les gens considèrent généralement comme étant répugnantes, de manger avec des Kélim sales, de manger avec des mains sales, ou de se retenir de faire ses besoins corporels naturels. Il écrit que toutes ces sortes de comportement sont inclues dans l'interdiction de אַל-תְּשַׁקְּצוּ, אֶת-נַפְשֹׁתֵיכֶם « Ne vous rendez point abominables » en se comportant d'une manière indigne et peu raffinée. (L'interprétation et les décisions du Ramba''m sont basées sur un certain nombre de sources talmudiques.3)

Le Ramba''m conclut sa codification de ces Halokhôth par le commentaire suivant4 :

וְכָל הַנִּזְהָר בִּדְבָרִים אֵלּוּ--מֵבִיא קְדֻשָּׁה וְטַהְרָה יְתֵרָה לְנַפְשׁוֹ, וּמְמָרֵק נַפְשׁוֹ לְשֵׁם הַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא: שֶׁנֶּאֱמָר: וְהִתְקַדִּשְׁתֶּם וִהְיִיתֶם קְדֹשִׁים, כִּי קָדוֹשׁ אָנִי
Et quiconque fait attention à ces choses amène de la sainteté et une pureté supplémentaire à son âme et nettoie son âme pour l'amour du Saint, béni soit-Il, ainsi qu'il est dit5 : « Et vous vous sanctifierez et deviendrez saints, car Je suis saint. »

Le verset qu'il cite ici suit immédiatement l'exhortation de אַל-תְּשַׁקְּצוּ, אֶת-נַפְשֹׁתֵיכֶם « Ne vous rendez point abominables. » Le Ramba''m déduit de cette juxtaposition que prendre à cœur cet avertissement mène tout droit quelqu’un à la sainteté. En s'abstenant d'adopter des comportements considérés répugnants par la société, on se met soi-même sur le chemin qui conduit vers l'idéal de וְהִתְקַדִּשְׁתֶּם וִהְיִיתֶם קְדֹשִׁים « Et vous vous sanctifierez et deviendrez saints. »

Dans le fond, ce que le Ramba''m établit ici est que la première étape menant à une existence « sacrée » est le respect de soi-même et la dignité humaine. Quelqu'un qui s'adonne à un comportement que sa société considère répugnant affiche avant tout un manque de considération pour lui-même ; il démontre qu'il n'a pas suffisamment d'estime envers lui-même que pour que l'on attende de lui qu'il respecte les normes générales d'un comportement digne. Une telle personne ne pourra jamais aspirer à une vie de sainteté, une vie de sens et d'accomplissement spirituel. Il s'est, en effet, désespéré de lui-même, de son potentiel, et d'une vie de réalisations significatives. La route vers la sainteté commence par אַל-תְּשַׁקְּצוּ, אֶת-נַפְשֹׁתֵיכֶם « Ne vous rendez point abominables » vis-à-vis de soi-même. Ce sentiment d'estime de soi est indispensable pour que quelqu'un se rende compte de l'immense potentiel pour la grandeur qu'il possède, une prise de conscience qui, avec l'aide d'HaShem, l'entraînera à mener sa vie à la poursuite de réalisations spirituelles : וְהִתְקַדִּשְׁתֶּם וִהְיִיתֶם קְדֹשִׁים « Et vous vous sanctifierez et deviendrez saints. »

1Wayyiqro` 11:43
217:26-27
3Voir, par exemple, dans Shabboth 90b et Makkôth 16b
4Hilkôth Ma`akholôth `assourôth 17:27

5Wayyiqro` 11:44

dimanche 29 janvier 2017

Jeûner lorsqu'on fait tomber les Taphillin

ב״ה

Exposer les fausses notions

Jeûner lorsqu'on fait tomber les Taphillin


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Nous lisons ceci dans le Mishnoh Barouroh du Hofés Hayim ז״ל1 :

נוהגים העולם להתענות כשנופל תפילין מידו על הארץ בלא נרתיקן וה"ה כשנופל ס"ת אפילו בנרתיקן. ועיין בא"ר שכתב דאפילו תפילין בנרתיקן יתן פרוטה לצדקה
Le monde s'est accoutumé à jeûner lorsque les Taphillin tombent des mains de quelqu'un sur le sol sans leur couverture, et il en est de même lorsqu'un Séphar Tôroh tombe même dans sa couverture. Et voir dans le `éliyohou Rabboh qui a écrit que même si les Taphillin tombent dans leur couverture, on donnera une Paroutoh à la Sadhoqoh.

Premièrement, remarquez la phrase נוהגים העולם « le monde s'est accoutumé. » Cela indique clairement qu'il ne s'agit pas d'un Din, et encore moins d'une Halokhoh, mais d'un Minhogh s'étant développé bien des siècles après l'ère talmudique. Deuxièmement, comment le Mishnoh Barouroh peut-il affirmer que cette pratique est suivie par « le monde » ? S'est-il rendu en personne dans toutes les communautés juives de son époque ? A-t-il organisé un sondage ?

La plupart des « Orthodoxes » vous diront qu'il est défendu d'innover ainsi que d'abolir des pratiques remontant aux temps talmudiques, et pourtant non seulement ils ne suivent pas bon nombre de pratiques prescrites dans le Talmoudh mais en plus une grande quantité de Minhoghim suivis de nos jours n'ont pas de base talmudique. Vous ne trouverez pas un seul passage talmudique préconisant de jeûner lorsqu'on fait tomber ses Taphillin, ou encore un Séphar Tôroh !

En outre, les « Orthodoxes » disent fréquemment qu'il y aurait une obligation de suivre le Shoulhon ´oroukh de Rabbi Yôséph Qa`rô ז״ל, dont le contenu constituerait la Halokhoh définitive pour tout le monde (chose même que Rabbi Yôséph Qa`rô n'a jamais demandée). Or, il n'existe aucun passage du Shoulhon ´oroukh faisant allusion au fait de jeûner lorsqu'on fait tomber des Taphillin ou un Séphar Tôroh. Nous n'en trouvons pas non plus dans les commentaires du Ramo''` ז״ל sur le Shoulhon ´oroukh ! Que veulent donc dire les « Orthodoxes » lorsqu'ils parlent de suivre le Shoulhon ´oroukh, chose qu'eux-mêmes ne font pas ? Mieux encore, vous ne trouverez aucun passage dans le Tour parlant de jeûner dans de telles situations ! Ce qui est ironique, c'est qu'afin de donner davantage de poids à cette pratique, certains rabbins n'hésitent pas à citer le passage du Mishnoh Barouroh susmentionné en l'attribuant au Shoulhon ´oroukh !

D'autres justifient cette pratique de la manière suivante : nous lisons ceci dans le Talmoudh2 : לא יאחז אדם תפילין בידו וספר תורה בחיקו ויתפלל « Un homme ne tiendra pas les Taphillin dans sa main ni un Séphar Tôroh sur ses girons pendant qu'il prie. » Rash''i ז״ל commente ce passage en expliquant que la raison pour laquelle on ne devrait pas le faire, c'est afin que le Séphar Tôroh et les Taphillin ne tombent pas, car ce serait alors une disgrâce. Mais comme vous pouvez le voir, ni le Talmoudh, ni Rash''i, n'affirment que s'ils tombaient il faudrait jeûner ! La seule chose que l'on puisse déduire de Rash''i est qu'il y a une part d'humiliation envers les Taphillin lorsqu'on les fait tomber.

La source la plus ancienne qui mentionne le fait de jeûner lorsqu'on fait tomber des Taphillin est le Moghén `avrohom (1633-1683), qui cite un ouvrage appelé « Mishpaté Shamou`él » composé par le Rov Shamou`él Qali´ à la fin du 16ème siècle. Personne n'en avait jamais fait mention avant lui !

Il n'y a clairement aucune Halokhoh selon quoi on devrait jeûner dans de telles situations. Il faudrait veiller à ne pas confondre « pratiques populaires » avec « Halokhoh » ou « obligations », surtout lorsqu'elles n'ont aucune base dans la littérature traditionnelle authentique. Et sachez, en outre, que la plupart des pratiques que l'on attribut au Shoulhon ´oroukh n'y sont même pas mentionnées !

Les « Orthodoxes » devraient une bonne fois pour toute définir ce qu'ils entendent par « tradition. » Il pourrait convenir de (re)lire les articles intitulés « L'orthodoxie est traditionaliste, pas traditionnelle » et « Renverser la hiérarchie. »

1Mishnoh Barouroh 40:3

2Soukkoh 41b

dimanche 15 janvier 2017

De l'interdiction de s'adonner aux augures

ב״ה

De l'interdiction de s'adonner aux augures


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La Tôroh nous raconte l'histoire de `ali´azar, le principal serviteur de `avrohom `ovinou ע״ה, qui fut notamment envoyé pour trouver une épouse à Yishoq `ovinou ע״ה dans la famille du frère de `avrohom, à Horon. `ali´azar élève une prière à HaShem ית׳ lorsqu'il approche de la ville, dans laquelle il demande la Siya´to` Dishamayo` (assistance céleste) et établit les termes par lesquels il choisira l'épouse la plus appropriée pour le fils de son maître : il s'approchera d'un puits et demandera à l'une des femmes de la ville un peu d'eau à boire. La fille qui répondra favorablement et lui offrira de l'eau ainsi qu'à ses chameaux sera l'élue destinée à épouser Yishoq.

Le Ramba''m ז״ל fait mention de cet incident dans son Mishnéh Tôroh, dans sa discussion sur l'interdiction de נִחוּשׁ « Nihoush – augurer. » Il écrit ceci1 :

On ne doit pas se livrer aux augures, comme les Gôyim, ainsi qu'il est dit2 : « vous ne vous livrerez pas aux augures. » Qu’est-ce qu'augurer ? Par exemple, ceux qui disent : « Puisque mon morceau de pain est tombé de ma bouche » ou « [Puisque] mon bâton m’a échappé de la main, je n’irai pas à tel endroit aujourd’hui, car si je m’y rends, je ne réussirai pas dans mon entreprise. » [Ou encore :] « Puisqu’un renard est passé à ma droite, je ne franchirai pas le seuil de ma maison aujourd’hui, car si je sors, je serai abordé par un escroc. » De même en est-il de ceux qui écoutent les gazouillements des oiseaux et disent : « Ceci aura lieu » ou « cela n’aura pas lieu », « Il convient de faire ceci » ou « Il ne convient pas de faire cela. » De même, [sont inclus] ceux qui disent : « Égorge ce coq, car il a chanté comme un corbeau », « Égorge cette poule car elle a chanté comme un coq. » De même, celui qui établit des signes pour lui-même, [disant :] « S’il m’arrive ceci, je ferais cela. Et si cela ne m’arrive pas, je ne ferai pas », comme `ali´azar, l’esclave de `avrohom, et de même toutes [les pratiques] semblables, tout ceci est défendu. Quiconque accomplit un acte en fonction d’une de ces augures se voit infliger la flagellation.
אֵין מְנַחֲשִׁין כַּגּוֹיִים, שֶׁנֶּאֱמָר "לֹא תְנַחֲשׁוּ". כֵּיצַד הוּא הַנִּחוּשׁ: כְּגוֹן אֵלּוּ שֶׁאוֹמְרִין הוֹאִיל וְנָפְלָה פִּתִּי מִפִּי, אוֹ נָפַל מַקְלִי מִיָּדִי, אֵינִי הוֹלֵךְ לְמָקוֹם פְּלוֹנִי הַיּוֹם, שְׁאִם אֵלֵךְ אֵין חֲפָצַי נַעֲשִׂין; הוֹאִיל וְעָבַר שׁוּעָל מִיְּמִינִי, אֵינִי יוֹצֶא מִפֶּתַח בֵּיתִי הַיּוֹם, שְׁאִם יָצָאתִי, יִפְגָּעֵנִי אָדָם רַמָּאי. וְכֵן אֵלּוּ שֶׁשּׁוֹמְעִין צִפְצוּף הָעוֹפוֹת וְאוֹמְרִין יִהְיֶה כָּךְ וְלֹא יִהְיֶה כָּךְ, טוֹב לַעֲשׂוֹת דָּבָר פְּלוֹנִי וְרָע לַעֲשׂוֹת דָּבָר פְּלוֹנִי. וְכֵן אֵלּוּ שֶׁאוֹמְרִין שְׁחֹט תֻּרְנְגוֹל זֶה שֶׁקָּרָא עַרְבִּית, שְׁחֹט תֻּרְנְגֹלֶת זוֹ שֶׁקָּרָאת כְּמוֹ תֻּרְנְגוֹל. וְכֵן הַמֵּשִׂים לְעַצְמוֹ סִימָנִים, אִם יֵארַע לִי כָּךְ וְכָּךְ אֶעֱשֶׂה דָּבָר פְּלוֹנִי, וְאִם לֹא יֵארַע לֹא אֶעֱשֶׂה, כֶּאֱלִיעֶזֶר עֶבֶד אַבְרָהָם. וְכָל כַּיּוֹצֶא בַּדְּבָרִים הָאֵלּוּ, הַכֹּל אָסוּר; וְכָל הָעוֹשֶׂה מַעֲשֶׂה מִפְּנֵי דָּבָר מִדְּבָרִים אֵלּוּ, לוֹקֶה

Établir des « signes » pour soi-même, en disant « Si telle ou telle chose m'arrive, je ferai ceci ou cela, et si cela n'arrive pas, alors je ne le ferai pas », est, du point de vue du Ramba''m, défendu à titre de Nihoush, et il mentionne explicitement l'exemple du « signe » de `ali´azar.

Le Ra´ava''dh ז״ל et d'autres ne sont pas d'accord avec l'approche du Ramba''m d'inclure le « signe » de `ali´azar dans le Nihoush défendu par la Tôroh, faisant remarquer la fameuse tradition rabbinique qui vante la piété de `ali´azar. Est-il possible, se demandent les opposants du Ramba''m, qu'un Saddiq tel que `ali´azar, que le Midhrosh décrit comme étant un homme qui « puisait de l'enseignement de son maître et le versait pour d'autres personnes », ait pu transgresser cette grave interdiction biblique de Nihoush ?

Mais plusieurs autres autorités défendent l'approche du Ramba''m et offrent de nombreuses explications pour la justifier. La plus connue est certainement celle du Ra''n ז״ל. Dans sa collection de Daroshôth3, il explique qu'en vérité le Ramba''m ne désapprouve pas le signe de `ali´azar. Il défend plutôt uniquement des signes qui n'ont aucune relation logique avec la décision à prendre. Par exemple, le Ramba''m mentionne dans le passage susmentionné la croyance superstitieuse selon laquelle on ne doit pas sortir de chez soi si un renard est passé à sa droite. Quel lien y a-t-il entre le fait qu'un renard soit passé à notre droite et le fait de s'interdire alors de sortir de chez soi ? Aucun ! De même, il mentionne la croyance superstitieuse selon quoi, puisque notre pain a glissé de notre bouche lorsqu'on mangeait, on doit s'interdire ce jour-là de s'adonner à une activité professionnelle ou financière, car on échouera dans tout ce que l'on entreprendra. Là encore, il n'y aucun lien entre l'événement et la décision que l'on a prise. Mais `ali´azar a pris sa décision sur la base d'un indicateur intrinsèquement logique, à savoir, la Middoh de Hasadh (bonté, générosité) de la jeune femme. Il recherchait une femme bonne et généreuse, et par conséquent il a décidé qu'il choisirait une femme qui lui proposerait généreusement plus d'eau que ce dont il avait réellement besoin. Le Ramba''m ne renvoyait au « signe » de `ali´azar, non pas pour nous dire qu'il a transgressé l'interdiction de Nihoush, mais pour nous expliquer que la définition même de Nihoush implique de prendre des décisions sur la base d'une certaine occurrence. En règle générale, une telle tactique est défendue, car dans la plupart des cas il n'y a pas de lien entre l'événement et la décision prise. Mais dans ce cas-ci, elle était permise à cause du lien logique qui existait entre l'événement en question et la décision qui en a résulté. En incluant le signe de `ali´azar, le Ramba''m veut attirer notre attention sur le fait que la frontière entre ce qui est permis ou défendu en matière de Nihoush est très mince, et beaucoup, en se basant sur l'exemple de `ali´azar, pourraient en arriver à tomber dans un Nihoush prohibé, étant incapables de comprendre la limite de l'usage de telles tactiques pour prendre des décisions.

Cette distinction entre ces deux sortes de Nihoush nous aide à clarifier l'idée sous-jacente de cette interdiction. Les gens doivent prendre des décisions sur la base de raisonnements solides et minutieux. Lorsque quelqu'un prend une décision sur la base d'événements arbitraires, il se dédouane en fait de toute responsabilité personnelle pour les choix qu'il a faits. De même en est-il de celui qui se lance à l'aventure, sans penser à l'avenir, ni prendre le temps de se préparer comme il faudrait, en se disant tout simplement « HaShem s'occupera de tout ! » Si un agriculteur n'a pas pris le temps de travailler son champ, prier HaShem pour la pluie est une folie, car à quoi lui servira la bénédiction de la pluie alors qu'il n'a pas travaillé son champ ? Au lieu d'être une bénédiction, ce sera pour lui une malédiction ! La bénédiction ne peut tomber que dans un Kali (réceptacle) bien préparé !

Plutôt que de penser en fonction de la situation afin de décider de la suite des événements et des mesures à prendre, l'individu recourt à des tactiques hasardeuses, à du « pile ou face », à du « Tant pis, ça marche ou ça casse », qui ne donnent pas nécessairement le résultat le plus désirable. Et même se lancer à l'aventure sans prendre la peine de réfléchir à toutes les conséquences et problèmes pratiques, mais en se disant qu'HaShem s'occupera de tout, est une forme de superstition. C'est pourquoi HaZa''l nous ont dit : « Qui est sage ? C'est celui qui voit les conséquences de ses actes avant de les accomplir », c'est-à-dire, celui qui prend le temps de peser tous les pour et les contre, les bienfaits et les éventuelles conséquences, et qui se prépare du mieux possible avant de finalement passer à l'acte. En réalité, il est même défendu de prendre une décision irrationnelle ou dangereuse en comptant sur un miracle du Ciel, car c'est ce qui s'appelle mettre HaShem à l'épreuve, ce qui est strictement défendu.4

La superstition dépouille l'être humain de sa faculté la plus vitale, à savoir son intellect, et cela devient alors pour lui une excuse pour ne pas assumer sa part de responsabilité dans ses échecs. Il se rassure en se disant que s'il a échoué c'est parce qu'il y a eu ceci ou cela, ou simplement parce qu'HaShem voulait qu'il échoue. Mais il ne se dira pas « J'ai échoué, car je n'ai pas analysé la situation comme il fallait » ou « parce que je me suis basé sur quelque chose de complètement irrationnel ou inapproprié », ou « parce que je n'ai pas pris la peine de bien préparer ce que je voulais faire », ou « parce que je n'ai pas voulu regarder la réalité des conséquences possibles en face. » D'autres se rassurent en disant que c'est le hasard ou le destin !

C'est pourquoi le Ramba''m permet de déterminer la suite à donner à des événements uniquement sur la base de décisions bien réfléchies et de raisonnements solides et minutieux, comme dans le cas de `ali´azar, et non sur la base de « signes » aléatoires, hasardeux et superstitieux.

1Hilkôth ´avôdhoh Zoroh Wahouqqôth Haggôyim 11:4
2Wayyiqro` 19:26
3Daroshoh n°12

4Davorim 6:16
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