vendredi 30 octobre 2020

Emission de semence en vain - Sommes-nous véritablement coupable de meurtre ?

 

בס״ד

 

Emission de semence en vain : Une approche rationaliste

 



Sommes-nous véritablement coupable de meurtre ?

 

Cet article peut être téléchargé ici.

 

Pour (re)lire :

·        La première partie

·        La deuxième partie

·        La troisième partie

·        La quatrième partie

 

Maintenant que nous avons analysé la Soughyoh de Niddoh 13a-b, il serait approprié de passer en revue les autres endroits où ḤaZa’’l discutent des questions liées à l'interdiction de « répandre la semence ». Plus précisément, je vais essayer de redéfinir pour vous ce que ḤaZa’’l ont réellement interdit, et quelle est la signification et les définitions des termes utilisés par ḤaZa’’l pour décrire ce qu'ils estimaient que l'on ne pouvait pas faire.

 

Il est parfaitement clair d'après ḤaZa’’l, que l'interdiction n'est absolument pas de ne pas « répandre la semence » d'une manière qui ne peut pas conduire à une grossesse. Quelle que soit la nature de l'interdiction, elle doit être définie plus précisément et différemment, et nous œuvrerons dans les prochains articles à définir ce que l'on entend par « Hôṣo`ath Zara´ Labbattoloh » (émission de semence en vain). Dans ce court article-ci, j'apporterai de nombreux exemples à travers la littérature rabbinique qui démontrent clairement que « gaspiller la semence », c'est-à-dire éjaculer d'une manière qui ne peut pas potentiellement conduire à une grossesse, n'est PAS la vraie nature de l'interdiction telle que définie par ḤaZa’’l, contrairement à ce qu’on entend régulièrement dans la bouche des rabbins contemporains.

 

À partir de maintenant, j'utiliserai uniquement l’expression « Hôṣo`ath Zara´ Labbattoloh » pour désigner le péché que ḤaZa’’l ont interdit, sans la traduire. La raison pour laquelle je vais faire cela, c'est parce que je crois que la traduire par « gaspiller la semence » ou « répandre la semence » est précisément ce qui provoque un énorme malentendu et n'est pas du tout une traduction exacte.

 

Permettez-moi d'expliquer pourquoi c'est si important. Il existe une énorme quantité de livres orthodoxes qui décrivent le « péché » de la masturbation comme celui de gaspiller une vie potentielle. Nous avons déjà vu comment le Zôhar et ḤaZa’’l ont comparé ce péché au meurtre, et l'explication que de nombreuses sources ont donnée est que le sperme contient la « semence / graine » à partir de laquelle la vie est née. Ainsi, en le gaspillant, on « tue » la progéniture potentielle. Comme vous pouvez l'imaginer, cela peut être une source d'immense consternation pour un jeune Boḥour Yashivoh qui se masturbe parfois en raison de l'excitation sexuelle normale qui arrive à un jeune homme en bonne santé de temps en temps. Des gens comme le Rov Yosef Mizrachi utilisent cette idée pour promouvoir la culpabilité, la honte et les idées fausses dangereuses dans des vidéos comme celle-ci sur YouTube :

 


En fait, ḤaZa’’l n'auraient pas pu croire que la « Hôṣo`ath Zara´ Labbattoloh »  est interdite parce qu'on tuerait des vies potentielles. La comparaison avec le meurtre signifie tout autre chose. En effet, il existe de nombreux endroits dans le Ṭalmoudh où ḤaZa’’l autorisent ou même recommandent l'éjaculation qui ne peut pas conduire à une grossesse pour des raisons diverses.

 

Pour ne citer que quelques exemples :

 

·        ḤaZa’’l autorisent « Bi`oh Shallô` Kadharkoh – Une relation sexuelle qui n’est pas selon sa voie », que l'écrasante majorité des commentaires comprennent comme se référant aux relations sexuelles anales dans un couple, bien qu’il soit évident que ce type de relation ne peut pas mener à une grossesse. Voir Nadhorim 20a-b où cela est expressément autorisé, quelque chose que l’orthodoxie, en raison de l’influence que les mouvements piétistes chrétiens et musulmans ont eue sur les Juifs à partir du Moyen-âge, n’osera pas enseigner (en effet, pour les chrétiens, seule la position dite du « missionnaire » était considérée acceptable, tandis que dans l’islam seules les relations vaginales sont autorisées. L’orthodoxie ne souhaitant pas paraître moins « pieuse » que ces deux religions, a fini par adopter des positions piétistes sur ces sujets, au mépris de la Ṭôroh des Sages que nous avons reçue) ;

·        ḤaZa’’l ont autorisé une éjaculation « Laṣôrékh Badhiqoh – pour le besoin d’une vérification », ce qui se réfère à la provocation intentionnelle de l'éjaculation masculine afin d'examiner si un homme entre dans la catégorie halakhique d'un « Karouth Shophakhoh » (un homme qui a l’urètre endommagé, et pourrait donc être stérile à cause de cela). Voir Yavomôth 76a où cela est expressément autorisé.

·        ḤaZa’’l ont considéré comme une chose positive une émission séminale non intentionnelle (par exemple, si quelqu’un a eu un rêve érotique qui lui a causé une éjaculation pendant qu’il dormait). Voir Yômo` 88a où il est dit que c’est un signe positif si quelqu'un a une émission séminale non intentionnelle à Yôm Hakkippourim. Bien qu'ils se réfèrent clairement à un acte involontaire, il est inconcevable que ḤaZa’’l décriraient un « meurtre » d'une manière aussi positive si en effet « répandre la semence » s'apparentait à un meurtre au sens où il est souvent (mal) compris par l’orthodoxie.

 

Il existe d'autres exemples tirés de la littérature `aggadique qui démontrent également clairement que ḤaZa’’l ne considéraient pas toute éjaculation qui ne peut entraîner une grossesse comme un meurtre au sens dont beaucoup le comprennent. Je choisirai de ne pas les mentionner par souci de brièveté, mais sachez qu’ils existent, et que vos Rabbonim malhonnêtes (ou ignorants) ne seront pas enclins à vous les enseigner, préférant l’approche radicale et extrémiste de la condamnation et damnation à la chrétienne.

 

Si la raison pour laquelle la « Hôṣo`ath Zara´ Labbattoloh » a été interdite est que l'on « tue » des êtres humains potentiels, je ne crois pas que les Rabbonim contemporains puissent raisonnablement expliquer pourquoi les exemples ci-dessus ont été expressément autorisés par ḤaZa’’l. De toute évidence, quelque chose d'autre est impliqué ici.

 

(Maintenant, je suis pleinement conscient que de nombreux Pôsaqim et commentateurs au cours des siècles ont adopté l'approche selon laquelle la « Hôṣo`ath Zara´ Labbattoloh » est interdite et est comparée au meurtre parce qu'une vie potentielle est gaspillée. Je prévois d’aborder cette question en détail dans un prochain article. À l’heure actuelle, je voudrais tout d’abord être autorisé à faire valoir que ce n’est manifestement pas exactement ce que ḤaZa’’l avaient à l’esprit lorsqu’ils ont employé cette comparaison, et je reviendrai sur les objections évidentes à cette affirmation plus tard, Bali Nédhar.)

 

Jusqu'à présent, j'ai donné suffisamment de preuves pour prouver que lorsque ḤaZa’’l déclarent que la « Hôṣo`ath Zara´ Labbattoloh » s'apparente à un meurtre, et qu'ils comparent ceux qui commettent « Ni`ouph Bayodh Ouvraghal – adultère par la main et par le pied », cela ne veut pas littéralement dire que c'est un meurtre parce qu’on aurait gaspillé une vie potentielle. Alors qu'est-ce qu'ils voulaient dire ? Pourquoi l'ont-ils comparé au meurtre ? Nous étudierons cela dans le prochain article.

jeudi 29 octobre 2020

Nishmath Kôl Ḥay

 

בס״ד

 

L’histoire des Barokhôth & Ṭaphillôth

 

Nishmath Kôl Ḥay

 


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J’ai reçu le message suivant :

 

Pendant la prière de chabbat il y a Nichmat kol 'Haï qu'on lit avant Yichtabba'h. Quelle est l'origine de cette prière ? Est-elle obligatoire ? (Je suppose que non,  puisqu’elle ne se trouve pas dans votre Siddour.) Est-elle tirée du Talmud ou de la Qabbalah ? Et pourquoi l'avoir insérée dans les Siddourim ?

 

Voici d’excellentes questions qui vont nous permettre de poursuivre notre série d’articles sur l’histoire des Barokhôth et Ṭaphillôth que l’on retrouve dans les Siddourim modernes ou que personne ne fait bien qu’elles soient mentionnées dans les sources traditionnelles.

 

La Ṭaphilloh de « Nishmath Kôl Ḥay » existe sous deux formes dans la liturgie contemporaine ; à la fin des Pasouqé Dhazimro` du Shabboth et Yôm Tôv, et à la fin de la Haggodhoh de Pasaḥ. Le placement de « Nishmath Kôl Ḥay » dans la Haggodhoh de Pasaḥ a une source dans le Ṭalmoudh :[1]

 

MISHNOH – Ils mélangent pour lui une troisième coupe. Il bénit concernant son repas. [Ils mélangent pour lui] une quatrième [coupe]. Il achève sur elle le Hallél, et dit sur elle la Birkhath Hashshir. Entre ces coupes s’il veut boire, qu’il boive. Entre la troisième et la quatrième il ne boira pas.

 

GAMORO` - Qu’est-ce que la Birkhath Hashshir ? Rov Yahoudhoh a dit : « Yahalaloukho Hashshém `alôhénou », tandis que Ribbi Yôḥonon a dit : « Nishmath Kôl Ḥay ».

משנה  מזגו לו כוס שלישי מברך על מזונו רביעי גומר עליו את הלל ואומר עליו ברכת השיר בין הכוסות הללו אם רוצה לשתות ישתה בין שלישי לרביעי לא ישתה

 

גמרא  מאי ברכת השיר רב יהודה אמר יהללוך ה׳ אלהינו ורבי יוחנן אמר נשמת כל חי

 

C’est le seul passage de tout le Ṭalmoudh Bavli qui fait mention de la Ṭaphilloh de « Nishmath Kôl Ḥay », et nous voyons qu’à l’origine il s’agissait d’une des deux bénédictions pouvant être appelées « Birkhath Hashshir » (la bénédiction du Chant ; en référence au Chant du Hallél) devant être récitée chaque fois après le Hallél. Il n’y a aucune mention talmudique préconisant la récitation du « Nishmath Kôl Ḥay » à Shabboth ou Yôm Tôv pendant les Pasouqé Dhazimro`. Et jusqu’à présent, si vous analysez vos Siddourim, vous verrez effectivement une bénédiction commençant par les mots « Yahalaloukho Hashshém `alôhénou » après le Hallél complet (comme préconisé par le Ṭalmoudh), alors que « Nishmath Kôl Ḥay » a été placé après les Pasouqé Dhazimro` (sans que cela soit préconisé par le Ṭalmoudh). Et une question évidente se pose : Lorsque nous voyons la longueur qu’ont les deux Ṭaphillôth de « Yahalaloukho » (très courte) et « Nishmath Kôl Ḥay » (excessivement longue) dans les Siddourim contemporains, récitons-nous actuellement la même version du « Nishmath Kôl Ḥay »  que le Ṭalmoudh Bavli surnomme « Birkhath Hashshir » ? La réponse est clairement NON ! A l’époque du Ṭalmoudh, la Ṭaphilloh de « Nishmath Kôl Ḥay » était aussi courte que celle de « Yahalaloukho » :

 


Comparez cette formulation avec celle de « Yahalaloukho » se trouvant dans vos Siddourim après le Hallél, et vous remarquerez que les deux bénédictions contiennent exactement les mêmes phrases à la fin et ont la même formule de conclusion ! Cela nous permet de mieux comprendre la divergence talmudique entre Rov Yahoudhoh ז״ל et Ribbi Yôḥonon ז״ל. Ils ne divergeaient pas sur l’identité de la bénédiction à faire après le Hallél, mais sur les mots d’introduction de cette bénédiction. En d’autres mots, doit-elle commencer par les mots « Yahalaloukho Hashshém `alôhénou » ou par les mots « Nishmath Kôl Ḥay Ṭavorékh `ath Shimkho » ? Telle est la divergence. Il s’agissait donc exactement de la même bénédiction, mais avec un début différent. Et ainsi, d’après le Ṭalmoudh, commencer cette bénédiction par les mots « Nishmath Kôl Ḥay Ṭavorékh `ath Shimkho » ou « Yahalaloukho Hashshém `alôhénou », équivaut à la même chose, car la fin et la conclusion sont identiques !

 

Cela nous permet de comprendre également comment « Nishmath Kôl Ḥay » s’est retrouvé à la fin des Pasouqé Dhazimro` dans les Siddourim contemporains, et spécialement lors des prières du Shabboth et Yôm Tôv, et non en semaine. Lorsqu’à un moment donné, après l’ère talmudique, les Pasouqé Dhazimro` gagnèrent un statut de quasi obligation, il fut considéré un devoir de les faire précéder et suivre par une bénédiction, à savoir « Boroukh Sha`omar » et « Yishṭabbaḥ » (dont nous avions traitées dans l’article intitulé « L’origine de la bénédiction de Boroukh Sha`omar »), les élevant ainsi au rang de « Miṣwoh ». Les Pasouqé Dhazimro` devinrent donc comme un « Shir », exactement comme le Hallél ; d’ailleurs, ce n’est pas un hasard si, comme pour le Hallél, les Ṭahillim qui furent choisis pour composer les Pasouqé Dhazimro` (145 à 150) ont pour point commun de se terminer par le mot « Halalouyoh ». Raison pour laquelle les Ga`ônim composèrent la bénédiction de « Boroukh Sha`omar » en la faisant conclure par exactement la même formule que le « Nishmath Kôl Ḥay » / « Yahalaloukho » originel, à savoir : בָּרוּךְ אַתָּה יְיָ, מֶלֶךְ מְהֻלָּל בַּתִּשְׁבָּחוֹת. De même, dans les premiers Siddourim, nous voyons que la Barokhoh de « Yishṭabbaḥ », à la fin des Pasouqé Dhazimro`, se concluait originellement par cette même formulation. Par la suite, « Yishṭabbaḥ » et « Nishmath Kôl Ḥay » furent combinés, et on les allongea davantage en y ajoutant différents Piyoutim. De plus, on décida de changer la formule de conclusion du « Nishmath Kôl Ḥay », de façon à ce qu’on ne prononce pas deux bénédictions avec la même conclusion au cours de l’office. C’est ce qui a donné la forme longue du « Nishmath Kôl Ḥay » telle qu’on la connait aujourd’hui. Quant à la raison pour laquelle « Nishmath Kôl Ḥay » n’est combinée à « Yishṭabbaḥ » uniquement le Shabboth et Yôm Tôv, c’est tout simplement parce que, comme nous le voyons dans le Siddour du Rov Sa´adhyoh Go`ôn, qui fut l’un des tous premiers Siddourim, « Boroukh Sha`omar » et « Yishṭabbaḥ » furent originellement composées pour n’être récitées qu’à Shabboth et Yôm Tôv. D’où la récitation du « Nishmath Kôl Ḥay » qu’à Shabboth et Yôm Tôv. C’est plus tard, en France tout d’abord, qu’on commença à réciter « Boroukh Sha`omar » et « Yishṭabbaḥ »  tous les jours de la semaine, tout en réservant « Nishmath Kôl Ḥay » qu’à Shabboth et Yôm Tôv en souvenir de la pratique originelle de ne le réciter que ces jours-là, et pour marquer une différence entre les prières du Shabboth et les prières de la semaine ordinaire.

 

Enfin, comme cela a été indiqué plus haut, la longue version du « Nishmath Kôl Ḥay » existante de nos jours n’est pas la version d’origine, mais fut rallongée par différents Piyoutim de diverses époques. Plus précisément, cette prière est constituée de trois sections indépendantes :

1.     La première section se termine par les mots וּלְךָ לְבַדְּךָ אֲנַחְנוּ מוֹדִים ;

2.     La deuxième section se termine par les mots שֶׁעָשִׂיתָ עִמָּנוּ וְעִם אֲבוֹתֵינוּ ;

3.     La troisième section se poursuit après ces mots jusqu’à la fin de la Ṭaphilloh.

 

La première section fut composée à l’époque de la Mishnoh. La deuxième fut composée durant la période du Ṭalmoudh Bavli. Et la troisième fut composée du temps des premiers Ga`ônim. En effet, la deuxième section, qui commence par les mots וְאִלּוּ פִינוּ, est déjà mentionnée dans le Ṭalmoudh Bavli (Barokhôth 59b), qui nous apprend qu’il s’agit des paroles d’une prière à réciter pour remercier Hashshém ית׳ d’avoir fait tomber la pluie ! Cette prière se terminait par les mots אֵל הַהוֹדָאוֹת, qui est la formulation habituelle par laquelle on concluait les prières de reconnaissances / remerciements (comme, par exemple, dans le « Môdhim Darabbonon »). En outre, on retrouve dans cette prière de nombreux paragraphes appartenant à diverses demandes que l’on faisait à diverses occasions ou dans des situations particulières. Tout cela montre et confirme que la forme actuelle de la prière de « Nishmath Kôl Ḥay » n’est pas celle d’origine, mais qu’il s’agit d’une espèce de bricolage combinant ensemble des prières et Piyoutim indépendants d’époques et de thèmes différents.

 

Ainsi, pour répondre à vos questions :

 

·        Quelle est l'origine de cette prière ? : Elle remonte aux temps des Ga`ônim ;

·        Est-elle obligatoire ? : Oui et non !

·        Est-elle tirée du Talmud ou de la Qabbalah ? : A l’origine, « Nishmath Kôl Ḥay » n’a rien à voir avec les Pasouqé Dhazimro`, mais étant l’une des deux formulations possibles de la Birkhath Hashshir mentionnée dans le Ṭalmoudh, qui servait à conclure la récitation du Hallél. Dans ce sens, elle est talmudique et obligatoire, la récitation du Hallél étant une Miṣwoh des Ḥakhomim. Par contre, la récitation du « Nishmath Kôl Ḥay » après les Pasouqé Dhazimro` n’a pas de source talmudique sur laquelle s’appuyer.

·        Et pourquoi l'avoir insérée dans les Siddourim ? : Une fois que les Pasouqé Dhazimro` eurent atteint un statut quasi obligatoire (alors qu’à l’époque talmudique ils étaient optionnels), « Nishmath Kôl Ḥay » fut ajouté afin qu’elle serve de conclusion au Chant du Shabboth, de la même manière qu’à l’origine « Nishmath Kôl Ḥay » concluait le Chant des jours de fête, à savoir le Hallél. Le texte fut alors modifié et allongé pour y inclure des prières et Piyoutim d’époques et de thèmes différents, qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre (peut-être que le responsable de cette modification et allongement du « Nishmath Kôl Ḥay » était en manque d’inspiration et préféra simplement copier-coller des textes déjà existants).

 

À présent, vous comprenez pourquoi, ainsi que vous l’avez signalé, cette prière est absente de notre Siddour ; tout simplement parce qu’elle n’a pas sa place à cet endroit, mais est simplement une des deux possibilités de conclusion du Hallél. Par conséquent, celui qui désire réciter « Nishmath Kôl Ḥay » peut le faire à la conclusion du Hallél les jours de fête dans sa formulation courte originelle.



[1] Pasoḥim 117b-118a

Emission de semence en vain - Les bases talmudiques sur le gaspillage de semence et le processus halakhique

 

בס״ד

 

Emission de semence en vain : Une approche rationaliste

 


Les bases talmudiques sur le gaspillage de semence et le processus halakhique

 

Cet article peut être téléchargé ici.

 

Pour (re)lire :

·        Première Partie

·        Deuxième Partie

·        Troisième Partie

 

Maintenant que le décor a été planté, nous pouvons enfin entrer dans le vif du sujet. Inutile de dire qu'il y a tellement de sources connexes qu’il est nécessaire de faire une sélection sérieuse sur la façon d'aborder chaque étape de cette analyse. Le plus important, bien sûr, est de tout centrer autour du Ṭalmoudh, et de reprendre un à un tout ce qu’il rapporte sur le sujet de Hôṣo`ath Zara´ Labbattoloh. Cela va former la base de notre analyse halakhique, car le Ṭalmoudh est évidemment la base de la Halokhoh. Tout ce que nous dirons à partir de ce moment devra en quelque sorte se rapporter aux discussions talmudiques que nous allons analyser ici.

 

Il convient également, en guise de préambule, de lancer l’avertissement suivant. Il a été réitéré de nombreuses fois auparavant sur ce blog. L’avertissement est le suivant : Je suis pleinement conscient que souvent mon analyse ne reflètera pas l'analyse et la compréhension qui ont été faites par la majorité des commentateurs et des décisionnaires halakhiques au cours des siècles. Je déclare donc ouvertement que si un lecteur de ce blog critiquera mon analyse sur la base de « la plupart des Posaqim tranchent que, etc », alors gardez votre critique pour vous, et rendez-vous sur un autre blog. Je ne fais pas partie de ceux qui font la promotion des soi-disant « Grands de la Génération » et qui les écoutent même quand ce qu’ils préconisent va à l’encontre du Ṭalmoudh et la pratique et compréhension de nos ancêtres. Comme le Rambo’’m ז״ל l’explique magistralement bien en introduction de son Mishnéh Ṭôroh, tout rabbin, aussi illustre qu’il soit, venu après l’ère talmudique n’a pas autorité sur tout Israël en matière halakhique, car toute la Halokhoh est exclusivement contenue dans le Ṭalmoudh. Par conséquent, dit le Rambo’’m, peu importe ce que dirait un Go`ôn (sage venu après le Ṭalmoudh) ou tout autre grand rabbin, d’ès lors qu’il est démontrable par le Ṭalmoudh qu’il a tort, nous ne sommes pas tenus de l’écouter. Et telle a toujours été l’approche de ce blog. Cela ne sert donc à rien de me signaler que Rov Kanievsky, que Rov Belsky, etc., disent différemment que moi ; passez simplement votre route !

 

D'un autre côté, si vous êtes intéressé par une lecture d'une Soughyoh talmudique particulière qui est à la fois valable halakhiquement ET conforme aux principes rationalistes, alors continuez et lisez cet article et les suivants sur cette série ici. C'est mon objectif. J'essaie de me pencher sur cette Soughyoh et de la comprendre d'une manière rationaliste ET halakhiquement valable. Seront donc rapportées des opinions halakhiquement valables mais qui seraient parfois minoritaires dans le judaïsme contemporain, qui nous aideront à comprendre la Soughyoh parfaitement bien. Car une opinion, même minoritaire, si elle n’a pas été explicitement rejetée par le Ṭalmoudh, reste valable ! Et souvent, une opinion minoritaire AUJOURD’HUI était en réalité majoritaire et la Halokhoh d’après le Ṭalmoudh. (Par exemple : le judaïsme contemporain, là encore en raison de l’influence de la Qabboloh, interdit toute une série d’actes sexuels entre un homme et sa femme, alors que le Ṭalmoudh et le Mishnéh Ṭôroh sont sans équivoque qu’un couple fait ce qu’il veut en matière sexuelle, dès lors qu’ils sont consentants. Il n’y a pas de tabou talmudique, et même biblique, à ce sujet.)

 

Maintenant, commençons ! La référence la plus importante sur la question de la masturbation dans le Ṭalmoudh se trouve dans la Masakhath Niddoh 13a-13b.

 

Le texte est évidemment trop long pour être cité ici, et je vous recommande donc très fortement d'aller vous procurer une Gamoro` de NIddoh et d’étudier vous-même la Soughyoh.

 

Voici mon résumé de la Soughyoh.

 

Premièrement, la Mishnoh déclare qu'un homme qui « se vérifie » trop souvent devrait « se faire couper la main » (évidemment pas littéralement. Mais cela signifie que c'est une mauvaise habitude à abandonner). La Gamoro` explique alors que puisque l'homme est « sensible », il ne devrait pas se vérifier car cela peut conduire à l'excitation. La Gamoro` explique alors que dans certaines circonstances, cela ne poserait aucun problème, comme par exemple si l’homme utilise un chiffon ou un autre objet pour se vérifier ou se nettoyer.

 

La deuxième partie de la Soughyoh rapporte une discussion entre Ribbi `ali´azar ז״ל et les Ḥakhomim ז״ל. Ribbi `ali´azar déclare que quiconque tient en main son organe sexuel cause un « Mabboul » dans le monde. L'hypothèse est que cela conduira à répandre en vain de la semence et que c'était l'un des péchés de la génération du déluge. Les Ḥakhomim étaient préoccupés par le fait que quelqu'un ne tienne pas en main son pénis en urinant parce que s'il ne le faisait pas, son urine se répandrait partout sur lui et les gens penseraient qu'il est un כְּרוּת שָׁפְכָה « Karouth Shophakhoh », c’est-à-dire que son urètre était endommagé et par conséquent que ses enfants n'étaient pas vraiment les siens, car un Karouth Shophakhoh ne peut pas engendrer d'enfants. Ribbi `ali´azar a estimé qu'il serait préférable de douter de la légitimité de ses enfants que de commettre un péché si terrible en se provoquant lui-même une érection qui pourrait conduire à commettre le péché de répandre la semence.

 

La Gamoro` poursuit en clarifiant cette interdiction de Ribbi `ali´azar par quelques exemples où se tenir soi-même serait autorisé. Ces exemples seraient des cas où l'on est près de son maître, debout dans un endroit élevé où on a besoin de maintenir son équilibre, ou une personne qui a suffisamment de Yir`ath Shomayim pour ne pas avoir à s'inquiéter de se stimuler s’il tenait son membre en main. La Gamoro` déclare également que cette interdiction de Ribbi `ali´azar ne fait pas référence à un homme marié, car même s'il a été stimulé, il a des moyens autorisés pour soulager ses pulsions sexuelles (sa femme), et qu’elle se réfère uniquement au fait de tenir au bout du pénis mais pas à la tige.

 

La Gamoro` rapporte plusieurs déclarations sur l'extrême gravité de ce péché, le comparant aux « grands péchés de l'idolâtrie et du meurtre » et déclare que celui qui commet ce péché mérite la peine de mort.

 

La dernière partie de la Gamoro` (principalement sur la page 13b) continue d'apporter davantage d'avertissements connexes, critiquant celui qui se stimule intentionnellement au point d'avoir une érection, et elle décrit comment fonctionne le Yéṣar Hora´ : d'abord il vous fait vous stimuler, et puis finalement il vous fait commettre des péchés plus graves. La Gamoro` se termine en critiquant les personnes qui « commettent l'adultère avec les mains et les pieds » et celles qui « jouent avec les enfants ».

 

Cette Gamoro` est la source la plus explicite et la plus importante de l'idée que répandre de la semence en vain est un péché et même un grave péché. Analysez-la donc attentivement par vous-même.

 

Sans citer tous les longs passages de l'opinion du Rambo’’m et de la manière dont il interprète cette Gamoro`, je vais me contenter de résumer son approche le plus clairement possible. Le Rambo’’m inclut les lois relatives au fait de « répandre la semence » dans les Hilkôth `issouré Bi`oh, c’est-à-dire les lois relatives aux interdictions sexuelles, comme l’adultère, l’inceste et d’autres types de relations sexuelles interdites. Selon le Rambo’’m, il y a deux problèmes avec le fait de « répandre de la semence ». Un problème est que cela peut être une méthode pour empêcher une personne d'accomplir la Miṣwoh de la procréation. C'était le péché de ´ér et `ônon, qui ont délibérément répandu de la semence afin d'empêcher leur femme de concevoir un enfant, comme cela a été expliqué dans la deuxième partie. Le second problème est qu'en se stimulant au point de se masturber, on se rapproche de l'acte des relations réellement interdites, car l’excitation fréquente pourrait amener à avoir des relations sexuelles avec des ´aroyôth. Quand on est marié et que cela n'interfère pas avec la Miṣwoh de procréation, il n'y aurait alors aucune interdiction des types d'activités sexuelles qui ne conduisent pas à la conception.

 

Les déclarations talmudiques effrayantes concernant le péché de répandre de la semence sont donc, selon le Rambo’’m, destinées à nous éloigner des activités interdites qui pourraient conduire à des transgressions bien pires. Elles sont destinées à nous garder saints et impliqués dans des activités plus saintes. Quand on regarde la Gamoro` de cette façon, tout cela a beaucoup de sens et devient plus clair :

 

1.     Ne pas se tenir le membre d'une manière qui pourrait vous exciter, sauf si les circonstances sont telles qu'il est peu probable que cela mène à l'excitation ;

2.     Ne pas s’exciter intentionnellement sexuellement ;

3.     Ne pas penser intentionnellement à des pensées excitantes sexuellement ;

4.     Ne pas commettre d'adultère « avec la main » ;

5.     Ne pas « jouer » avec les enfants d'une manière excitante sexuellement.

 

Celui qui fait l’une de ces cinq choses se rapproche de la frontière de ce qui le sépare des actes sexuels interdits et crée un environnement qui peut conduire au péché. Cela explique pourquoi cela était pertinent pour la génération du Mabboul. Ce n'était pas la « semence répandue » en soi qui était le problème, mais l'environnement impie qui a été créé par leur attitude qui a conduit à une génération pleine de comportements immoraux.

 

Le plus intéressant est l'interprétation du Rambo’’m sur l’expression talmudique de « commettre l'adultère avec la main et le pied ». L’orthodoxie a émis une hypothèse de base que cela se réfère à la masturbation. Cela semble être la façon dont la plupart des Posaqim comprennent cette partie de la Gamoro`. Par masturbation, j'entends une personne qui se stimule avec ses propres mains pour atteindre l'orgasme et l'éjaculation. Ce n'était cependant pas du tout ce que le Rambo’’m avait compris.

 

Voici les paroles du Rambo’’m dans son commentaire sur la Mishnoh de Sanhédhrin 7: 4 :

 

Celui qui a des relations sexuelles avec l'une des ´aroyôth ..... ou s'il caresse ou touche l'un des organes d’une femme ´arwoh afin d'en tirer du plaisir, quelle que soit la partie de son corps qu'il touche, par exemple il se frotte contre son bras ou sa jambe, ce type d'abomination est ce que les Ḥakhomim appellent « l'adultère de la main ou du pied ».

 

Ceci est tout à fait différent de la compréhension « conventionnelle » de « l'adultère de la main ou du pied » qui a été si fortement condamnée par ḤaZa’’l. C'est très différent de ce que le Qiṣour Shoulḥon ´oroukh a condamné dans la citation que nous avons rapportée dans le dernier article. Mais c'est aussi l’explication la plus précise et fidèle de l’expression נִאוּף בְּיָד « Ni`ouph Bayodh – adultère par la main ». La façon dont le Rambo’’m a compris la Gamoro` a tellement de sens ! Le Gamoro` commence par des avertissements de ne pas se toucher d'une manière qui pourrait provoquer l'excitation (même dans des circonstances où on n'a pas l'intention de s’exciter car on se tient le membre seulement pour uriner), puis continue avec des avertissements de ne pas penser à des pensées excitantes, puis continue avec des avertissements de ne pas provoquer intentionnellement une érection, puis continue d'avertir que toucher une femme (évidemment sans faire référence à son épouse !) d'une manière qui provoque l'excitation ou même l'éjaculation est un péché terrible qui conduira souvent à des rapports sexuels interdits réels, puis continue de mettre en garde contre le fait de toucher les enfants d'une manière qui mène à l'excitation (Ḥos Washolôm).

 

Lorsque nous mettons tout cela bout à bout et dans son contexte, nous avons donc maintenant une compréhension complètement différente de la Soughyoh. L'interdiction de « répandre de la semence » n'est pas un problème en soi. C'est plutôt une barrière de protection érigée par les Ḥakhomim contre l'implication dans des péchés de conséquences bien pires. Les déclarations sévères sur la gravité du péché sont destinées à nous faire fuir les activités qui peuvent nous conduire sur une mauvaise voie. Elles ne sont pas destinées à dire littéralement que celui qui se masturbe s'apparente en fait à un meurtrier. Il existe des myriades d'exemples talmudiques où ḤaZa’’l ont utilisé des termes similaires pour désigner les péchés comme étant beaucoup plus horribles qu'ils ne le sont en réalité, et inversement, des Miṣwôth relativement mineures dont l’importance a été volontairement exagérée par ḤaZa’’l afin de nous faire comprendre à quel point elles sont spéciales bien que mineures.

 

Comment le Rambo’’m conseillerait-il un jeune homme qui a été stimulé sexuellement par quelque chose qu'il a vu, quelque chose qu'il a lu, quelque chose dont il rêvait, etc., puis a eu une érection et s'est masturbé ? De toute évidence, je n'ai aucun droit de parler au nom du Rambo’’m. Cependant, je suppose qu'il lui conseillerait de faire ce que le Rambo’’m lui-même déclare dans son Mishnéh Ṭôroh :[1]

 

Et de même, il s’habituera à s’éloigner de la plaisanterie, de l'ivresse et des choses excitantes, car ce sont de grands influenceurs et des étapes [menant] aux ´aroyôth. Et un homme ne demeurera pas sans femme, car cette pratique conduit à une grande pureté.[2] Et ils ont dit quelque chose de plus grand encore que cela :[3] « Il se tournera et sa pensée sera pour des sujets de Ṭôroh, et il élargira sa connaissance en sagesse, car la pensée des ´aroyôth ne se renforce que dans un cœur vide de sagesse ». Et concernant la sagesse il dit :[4] « C'est une biche bien-aimée, suscitant la faveur. Ses seins te satisferont à tout moment. Tu seras constamment obsédé par son amour ».

וְכֵן יִנְהֹג לְהִתְרַחַק מִן הַשְּׂחוֹק, וּמִן הַשִּׁכְרוּת, וּמִדִּבְרֵי עֲגָבִים--שֶׁאֵלּוּ גּוֹרְמִין גְּדוֹלִים הֶם, וְהֶם מַעֲלוֹת שֶׁלָּעֲרָיוֹת; וְלֹא יֵשֵׁב בְּלֹא אִשָּׁה, שֶׁמִּנְהָג זֶה גּוֹרֵם לְטַהְרָה גְּדוּלָה.  יְתֵרָה מִכָּל זֹאת אָמְרוּ, יַפְנֶה עַצְמוֹ וּמַחְשַׁבְתּוֹ לְדִבְרֵי תּוֹרָה, וְיַרְחִיב דַּעְתּוֹ בַּחָכְמָה--שְׁאֵין מַחְשֶׁבֶת עֲרָיוֹת מִתְגַּבֶּרֶת, אֵלָא בְּלֵב פָּנוּי מִן הַחָכְמָה, וּבַחָכְמָה הוּא אוֹמֵר "אַיֶּלֶת אֲהָבִים, וְיַעֲלַת-חֵן:  דַּדֶּיהָ, יְרַוֻּךָ בְכָל-עֵת; בְּאַהֲבָתָהּ, תִּשְׁגֶּה תָמִיד" (משלי ה,יט(.

 

Suivant les propos du Rambo’’m, nous pouvons déduire que le Rambo’’m conseillerait ceci à ce jeune homme : Essaye de concentrer tes pensées sur des sujets plus sacrés. Ne t’excite jamais intentionnellement. Il lui dirait alors de trouver une épouse pour qu'il puisse satisfaire ses pulsions sexuelles d'une manière autorisée. Il ne lui dirait certainement pas qu'il est passible de mort et comparable à un meurtrier pour avoir répandu sa semence.

 

Il y a bien plus à dire, bien sûr. Cependant, je ne vais pas prétendre avoir expliqué la Soughyoh selon l’approche de chaque Ri`shôn et `aḥarôn. Je vous dis seulement comment le Rambo’’m a compris la Soughyoh et la manière la plus lisible, claire, précise et rationaliste de comprendre la Gamoro`.

 

Dans mon prochain article, je prévois d'analyser plusieurs autres Soughyôth dans le Ṭalmoudh qui démontrent que « répandre la semence » en soi n'est pas un péché, tant que cela n'est pas fait intentionnellement pour s’exciter sexuellement d'une manière qui pourrait conduire à un péché avec des ´aroyôth. En d'autres termes, cela peut se faire d'une manière que le Ṭalmoudh ne considérerait pas être un péché d’après la compréhension du Rambo’’m et l’école rationaliste du judaïsme.



[1] Hilkôth `issouré Bi`oh 22 :19

[2] En étant marié, il aura l'opportunité d'avoir des relations homme-femme ordinaires et licite, et ne développera pas de sentiments refoulés qui cherchent à s'exprimer dans des relations interdites.

[3] Qiddoushin 30b

[4] Mishlé 5 :19

mercredi 28 octobre 2020

Emission de semence en vain - Toum`oh Watohoroh et l’émission de semence

 

בס״ד

 

Emission de semence en vain : Une approche rationaliste

 


Toum`oh Watohoroh et l’émission de semence

 

Cet article peut être téléchargé ici.

 

Pour (re)lire la 1ère partie, voir ici ; pour (re)lire la 2ème partie, voir ici.

 

Avant de commencer le sujet de l'article d'aujourd'hui, j'aimerais ajouter une source pour illustrer le point que j'essayais de faire valoir dans le dernier article. Si vous vous souvenez, j'ai développé l'idée que le Zôhar, et son interprétation de la Poroshoh de `ônon, sont devenus très influents dans la façon dont nous considérons le péché de `ônon. Ceci a influencé notre interprétation de la Halokhoh dans la mesure où le péché de la masturbation s'est identifié au péché de `ônon, alors qu’il est tout à fait évident que le péché de `ônon n'était clairement pas qu'il se masturbait et répandait sa semence, mais plutôt qu'il refusait de maintenir le nom de son frère.

 

Le meilleur exemple de cette influence qabbalistique dans la Halokhoh est le Qiṣour Shoulḥon ´oroukh. Le Qiṣour, comme il est communément appelé, était l'une des œuvres les plus influentes de Halokhoh des 19ème et 20ème siècles, et a agi (et continue de le faire) comme un guide halakhique pratique pour des générations de Juifs fidèles à la Halokhoh pendant des générations. Voici ses paroles :[1]

 

Il est interdit d’émettre de la semence en vain. Ce péché est plus grave que tout autre péché dans la Ṭôroh. Ceux qui se masturbent et répandent de la semence en vain, non seulement c'est une interdiction sévère, mais celui qui fait cela est excommunié, et concernant ces personnes il est dit « Vos mains sont remplies de sangs » et c'est comme s'il était coupable de meurtre. Voir ce que Rash’’i écrit à ce sujet à la Poroshath Wayyéshév concernant l'histoire de ´ér et `ônon qui sont morts à cause de ce péché. Parfois, celui qui commet ce péché perd ses enfants en bas âge, ou ils seront malades, ou une personne souffrira de la pauvreté.

 

Il y a tellement de choses à dire sur cette citation, mais les points que je voudrais faire valoir sont les suivants. Un ouvrage pratique halakhique d'une incroyable influence vient de reprendre le thème de notre dernier article pour boucler la boucle. Le péché de ´ér et `ônon était, d’après lui, d’avoir répandu leurs semences (spécifiquement par la masturbation). Cela s'apparente à un meurtre. On en souffre horriblement. Il interprète même Rash’’i ז״ל de cette façon, bien que ce soit loin d'être le cas comme nous l'avons vu dans notre dernier article. La source ultime de tout cela dans le Qiṣour Shoulḥon ´oroukh et l'interprétation de la Poroshoh est complètement et totalement tirée du Zôhar. Rien ne provient du ṬoNo’’Kh, de la Mishnoh, du Midhrosh ou de la Gamoro`, mais exclusivement du Zôhar ! Cela démontre clairement et indéniablement ce que j'essayais de faire valoir.

 

Je voudrais maintenant passer à un domaine d'influence dont nous n'avons pas l'habitude de parler lorsque nous discutons de la Halokhoh pratique à l'époque moderne. Les lois de Toum`oh Watohoroh, ou pureté et impureté rituelles. L’impureté rituelle est un concept qui devint à un moment de notre histoire très influent dans la pratique quotidienne des Juifs traditionnels. Surtout à l'époque du Bayith Shéni, c'était la raison pour laquelle nos ancêtres, les ancêtres de ce qui devint finalement le judaïsme halakhique, furent appelés « Péroushim » ou pharisiens dans la littérature profane. Cependant, nous n'adhérons plus à ces règles, pour des raisons qui sortent du cadre de ce blog. Cependant, il y a quelques domaines où l'influence des lois de Toum`oh Watohoroh se fait encore sentir de nos jours (bien qu’elles ne s’appliquent plus), et notre sujet actuel est l'un d'entre eux.

 

Dans Wayyiqro` 15, nous avons les trois versets suivants :

 

16. Et un homme, lorsque sortira de lui une couche de semence, il lavera alors avec les eaux toute sa chair, et sera impur jusqu’au soir. 17. Et tout vêtement, et tout cuir, sur lequel se serait trouvée une couche de semence, sera nettoyé avec les eaux et sera impur jusqu’au soir. 18. Quant à une femme avec laquelle un homme aurait couchée avec une couche de semence, ils se laveront avec les eaux et seront impurs jusqu’au soir. {P}

טז וְאִישׁ, כִּי-תֵצֵא מִמֶּנּוּ שִׁכְבַת-זָרַע--וְרָחַץ בַּמַּיִם אֶת-כָּל-בְּשָׂרוֹ, וְטָמֵא עַד-הָעָרֶב. יז וְכָל-בֶּגֶד וְכָל-עוֹר, אֲשֶׁר-יִהְיֶה עָלָיו שִׁכְבַת-זָרַע--וְכֻבַּס בַּמַּיִם, וְטָמֵא עַד-הָעָרֶב. יח וְאִשָּׁה, אֲשֶׁר יִשְׁכַּב אִישׁ אֹתָהּ שִׁכְבַת-זָרַע--וְרָחֲצוּ בַמַּיִם, וְטָמְאוּ עַד-הָעָרֶב.  {פ{

 

La signification de l’impureté est un sujet qui dépasse le cadre de cet article, mais il y a plusieurs observations qui sont très pertinentes pour notre discussion ici, puisque ces versets sont régulièrement utilisés pour condamner la masturbation. Tout d'abord, ces versets font clairement référence à une « semence » qui a été éjaculée de quelque manière que ce soit, à la fois par des relations conjugales normales et par la masturbation. En effet, cette « impureté » s'étend même à la femme qui a des semences à l'intérieur de son vagin en raison de rapports sexuels normaux. Il est donc clair que cette semence rend une personne « impure » même après avoir fait ce qui est traditionnellement considéré comme une grande Miṣwoh, une obligation pour chaque homme de procréer et de se livrer à une activité sexuelle normale pour améliorer sa relation et satisfaire ses besoins sexuels normaux et ceux de sa femme. . Ceci est similaire à bien des égards à « l’impureté » qui survient sur une personne après s'être engagée dans l'une des actions les plus grandes et les plus saintes que l'on puisse faire, celle de prendre soin d'un corps humain après la mort.

 

La raison pour laquelle une grande Miṣwoh peut amener quelqu'un à « l’impureté » dépasse le cadre de cet article, mais elle a fait l'objet de nombreux sermons au fil des ans. Pour nos besoins ici, en tant que blog dédié au rationalisme halakhique, je veux juste souligner que « l’impureté » rituelle n’a aucune corrélation avec un acte qui serait halakhiquement interdit. En d’autres mots, le fait qu’un certain acte puisse rendre impur n’indique pas du tout que l’acte serait interdit par la Halokhoh (avoir des relations sexuelles avec sa femme rend impur ; et pourtant c’est une Miṣwoh d’en avoir. Laver, habiller et inhumer un mort rendent impur ; et pourtant ce sont des Miṣwôth). Néanmoins, quelle qu'en soit la raison, dans le domaine de l’émission de semence, le thème de l’impureté a eu une influence significativement négative en rendant l’acte tout à fait « tabou ».

 

L’impureté à laquelle la Ṭôroh se réfère interdit à un Kôhén d'accomplir la ´avôdoh, et en fait à quiconque de gravir le Har Habbayith. Elle interdit à une personne d'entrer en contact avec des objets sacrés liés au service dans le Béth Hammiqdosh. Rien de tout cela n'a de pertinence à notre époque et ne concerne pas ce qu'une personne est autorisée à faire ou interdite de faire. Cette impureté n’avait aucun rapport avec le fait que l’acte accompli serait mauvais, mais uniquement vis-à-vis des objets sacrés, du Béth Hammiqdosh et du Har Habbayith. Cependant, me direz-vous, il est bien connu que ´azro` Hassôphér ע״ה a décrété que celui qui est impur après avoir répandu de la semence ne peut pas lire la Ṭôroh.[2] Sauf qu’il est également bien connu que cette Ṭaqqonoh de ´azro` Hassôphér fut abolie, car irréaliste et impraticable pour la majorité des Juifs, et n'est donc plus d'actualité aujourd'hui, ainsi que cela est rapporté dans le Ṭalmoudh[3] et le Mishnéh Ṭôroh[4] du Rambo’’m ז״ל.

 

Malgré cela, c'est devenu la pratique de nombreux Juifs, pour la plupart des Ḥassidim, d'aller à la Miqwoh chaque jour afin d'accomplir la Ṭaqqonoh ´azro` Hassôphér (qui ne s’applique même plus). Il serait difficile de surestimer l'impact de cette coutume d'aller à la Miqwoh sur l'idée globale de l'interdiction et de « l’impureté » associée à « l'émission de semence ». Dans l'esprit de la plupart des gens, on nettoie non seulement l'impureté rituelle, mais on efface le péché. Tout cela en dépit du fait que « l’impureté » est parfois le résultat de l'une des plus grandes Miṣwôth, et n'est donc pas du tout liée au péché et à la prohibition.

 

Les livres de Ḥasidhouth et les œuvres des Maqoubbolim de Ṣaphoth (Safed) mêlent souvent les questions de Toum`oh avec le péché de gaspiller la semence. En même temps, dans ces mêmes livres, la sainteté spéciale de l'acte conjugal est considérée comme quelque chose qui apporte la pureté et la sainteté au monde. On aurait l'impression à la lecture de ces ouvrages, que la Toum`oh ne vient que du « gaspillage » de la semence, et non des relations conjugales normales. La source extrêmement influente de cette conception est la « `iggarath Haqqôdhash » qui a servi de base à presque toutes les discussions qabbalistiques sur l’intimité sexuelle qui ont succédé à ce texte (son origine remonte au 13ème ou 14ème siècle et fut diversement attribuée à plusieurs kabbalistes différents).

 

Le point que je voudrais faire valoir à travers tout cela est le suivant. L'accent mis aujourd'hui par les Ḥasidhim sur la Ṭaqqonoh de ´azro` Hassôphér est l'un des rares vestiges modernes de la pratique de Toum`oh Watohoroh. (Ironiquement, les Ḥasidhim n’accordent pas autant d’importance aux neuf autres Ṭaqqonôth émises par ´azro` Hassôphér.) Si vous combinez cela avec la croyance que la Toum`oh proviendrait du péché tel que cela a été souligné par les kabbalistes, on obtient un péché qui porte une énorme quantité de « poids métaphysique » négatif. Dans le monde non rationaliste de l'orthodoxie aujourd'hui, cela en fait un péché assez effrayant !

 

Rien de tout cela, bien sûr, n'a un véritable poids halakhique. La Toum`oh, nous l'avons montré très clairement, n'est pas le résultat d'actes interdits. La pratique de la Miqwoh dans les temps modernes sur base de la soi-disant Ṭaqqonoh de ´azro` n'est pas halakhiquement requise, et même si elle est recommandée pour une raison spirituelle, n'a certainement rien à voir avec le péché de répandre sa semence (comme cela s'appliquerait aussi à celui qui a eu des rapports sexuels normaux).

 

Dans le prochain article, j'espère commencer la discussion halakhique sur l'origine de ce péché tel qu'interprété par les sources halakhiques. Cela prendra évidemment du temps, alors j'espère que vous êtes prêt pour une belle balade.



[1] Qiṣour Shoulḥon ´oroukh 151 :1

[2] Barokhôth Chapitre 3

[3] Barokhôth 22a

[4] Hilkôth Qiryath Shama´ 4 :8

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