mardi 30 octobre 2018

Sidhrath Zah Séphar Tôladhôth `odhom – Les « esprits » engendrés à `odhom


בס״ד

La Sidhroh avec Rabbénou
Sidhrath Zah Séphar Tôladhôth `odhom – Les « esprits » engendrés à `odhom

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Au début de la Sidhroh de cette semaine, la Tôroh rapporte ceci : וַיְחִ֣י אָדָ֗ם שְׁלֹשִׁ֤ים וּמְאַת֙ שָׁנָ֔ה וַיּ֥וֹלֶד בִּדְמוּת֖וֹ כְּצַלְמ֑וֹ וַיִּקְרָ֥א אֶת־שְׁמ֖וֹ שֵֽׁת׃ « Et `odhom vécut trente et cent ans, et engendra dans sa ressemblance, selon son image, et il appela son nom Shéth » (5:3). La Tôroh met ici en avant le fait que Shéth fut engendré dans la « ressemblance » et selon l' « image » de `odhom, une description qui n'apparaît pas dans les récits des naissances des autres enfants que `odhom avait précédemment eus, à savoir Qayin et Haval ע״ה.

Cette anomalie est relevée dans le Talmoudh à la Masakhath ´érouvin (18b), qui tire une conclusion assez troublante du sens de ce Posouq :

אמר ר' ירמיה בן אלעזר כל אותן השנים שהיה אדם הראשון בנידוי הוליד רוחין ושידין ולילין שנאמר ויחי אדם שלשים ומאת שנה ויולד בדמותו כצלמו מכלל דעד האידנא לאו כצלמו אוליד
Ribbi Yirmayoh ban `al´ozor a dit : Toutes ces années où `odhom Hori`shôn était en excommunication il engendra des esprits, des Shédhin1 et des Lilin2, ainsi qu'il est dit : « Et `odhom vécut trente et cent ans, et engendra dans sa ressemblance, selon son image » ; de là il s'en suit que jusqu'à ce moment il n'avait pas engendré selon son image.

D'après la Gamaro`, la Tôroh précise que Shéth ע״ה naquit dans la ressemblance de `odhom ע״ה et selon son image pour nous indiquer que durant les précédentes cent trente années, depuis le péché de l'arbre défendu, `odhom avait engendré des enfants de différentes formes. C'est-à-dire qu'il avait mis au monde diverses sortes d'esprits malfaisants (identifiés dans la Gamaro` comme étant des « Rouhin », « Shédhin » et « Lilin ») qui n'étaient pas sous la même forme et image humaine que `odhom.

Mais étant donné que nous savons, d'après les dires même de nos Sages, que les enseignements `aggadiques ne doivent pas être compris littéralement, les Ri`shônim appartenant à l'école rationaliste proposèrent des approches différentes pour expliquer cette référence talmudique aux démons et esprits engendrés par `odhom. Le RaDa''Q ז״ל (Rabbénou Dowidh Qimhi de Provence), citant Horov Shériro` Go`ôn ז״ל, explique qu'en résultat de la malédiction Divine sur `odhom, les enfants qui lui naquirent durant ces années-là étaient déformés. Les « esprits » mentionnés dans la Gamaro` étaient des êtres humains, mais ayant certaines malformations physiques, raison pour laquelle ils furent appelés « esprits » et « démons ». Ce ne fut qu'après cent trente ans, lorsqu'HaShem allégea finalement la malédiction prononcée contre `odhom, que ce dernier engendra un enfant בִּדְמוּת֖וֹ כְּצַלְמ֑וֹ « dans sa ressemblance, selon son image », c'est-à-dire un enfant qui ressemblait enfin à un être humain en bonne santé et ordinaire.

Rabbénou ז״ל, vers le début de son Môréh Navoukhim (Volume 1, Chapitre 7), propose une compréhension différente du commentaire `aggadique de la Gamaro`. Il traite de ce Posouq au cours de sa discussion sur les différents sens de la racine verbale ילד, qui est généralement utilisée pour signifier « enfanter » ou « engendrer », mais peut également avoir des connotations figurées. Ainsi, par exemple, pour reprendre les mots de Rabbénou : « Un homme qui en a instruit un autre dans quelque sujet que ce soit, et a augmenté sa connaissance, pourrait en quelque sorte être considéré comme le parent de la personne enseignée, parce qu'il est l'auteur de cette connaissance ». Le verbe ילד, par conséquent, peut de temps en temps être utilisé en référence au fait d'enseigner, ou d'éduquer, et pas nécessairement dans le sens de donner naissance. Rabbénou affirme que c'est là le sens du verbe וַיּ֥וֹלֶד « Wayyôladh » (« et il engendra ») utilisé dans notre Posouq. En d'autres mots, la Tôroh ne veut pas dire que `odhom mit au monde un enfant dans sa ressemblance et selon son image, mais plutôt que `odhom parvint, contrairement à ses précédents enfants, à éduquer cet enfant, Shéth, d'après sa ressemblance et son image. `odhom avait engendré de nombreux autres enfants au cours des précédentes cent trente années, mais seul Shéth avait grandi pour finalement ressembler à son père, et avait pris la « ressemblance » et l' « image » (c'est-à-dire, « la forme ») de `odhom.

Cette « ressemblance » et « image », comme l'explique Rabbénou, se réfère aux réalisations intellectuelles : « En référence à Shéth, qui a été instruit, éclairé et amené à la perfection humaine, on pourrait dire, à juste titre : ''et il [`odhom] engendra [un fils] dans sa ressemblance, selon son image'' ». Plus tôt, dans le premier chapitre du Môréh Navoukhim, Rabbénou avait détaillé la notion selon laquelle l'humain avait été créé « avec l'image de l'Autorité », ce qu'il comprenait comme une référence aux facultés intellectuelles de l'être humain. `odhom était doté de telles capacités, mais après le péché de l'arbre interdit, il n'est pas parvenu à « engendrer » des enfants selon son « image », c'est-à-dire à donner une éducation à ses enfants qui pourrait les mener vers ce que Rabbénou appelle « la perfection humaine ». Rabbénou poursuit en expliquant pourquoi le verbe ילד, qui se réfère généralement au fait de donner naissance, est une description appropriée de la réussite de `odhom à cultiver les capacités intellectuelles de Shéth :

Il est admis qu'un homme qui ne possède pas cette « image » (dont la nature vient juste d'être expliquée) n'est pas humain, mais un simple animal à la ressemblance et forme humaine. Cependant, une telle créature a le pouvoir de causer du mal et des dégâts : un pouvoir qui n'appartient à aucune des autres créatures. Car ces dons de l'intelligence et du jugement dont il a été doté dans le but d'acquérir la perfection, mais qu'il a échoué à utiliser pour leur fin appropriée, sont utilisés par lui à des fins mauvaises et malicieuses ; il engendre [donc] des choses mauvaises, comme s'il ressemblait seulement à un humain, ou simulait son apparence extérieure. Telle était la condition de ces fils de `odhom qui précédèrent Shéth. C'est en rapport à ce sujet que le Midhrosh dit : « Durant les 130 ans où `odhom fut en excommunication, il engendra des esprits, c'est-à-dire des démons ; mais, lorsqu'il regagna la faveur Divine, il engendra dans sa ressemblance, selon son image ».

Ainsi, d'après Rabbénou, la Gamaro` ne se réfère pas du tout à des « esprits » ou ni même à des créatures physiquement inférieures, comme l'a expliqué le Rada''q. Plutôt, elle se réfère à des gens qui ont échoué à utiliser les facultés intellectuelles accordées par HaShem dans le but du perfectionnement de soi-même et de ses enfants. Ces personnes sont donc décrites comme étant des esprits nuisibles parce que les êtres humains qui font un mauvais usage des pouvoirs uniques de la raison et de la créativité posent une menace particulièrement grave au monde.

C'est une leçon fondamentale que vous devez avoir à l'esprit pour votre propre vie, et pour le but à vous fixer dans l'éducation de vos enfants. Voulez-vous en faire des êtres humains ou des démons ? Ou, si vos enfants ont déjà grandi, en avez-vous fait des êtres humains ou des démons ?
1Des démons mâles
2Des démons femelles

Sidhrath Zah Séphar Tôladhôth `odhom – Yésh Mé`ayin


בס״ד

La Sidhroh avec Rabbénou
Sidhrath Zah Séphar Tôladhôth `odhom – Yésh Mé`ayin

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Lors du Davar Tôroh sur la Sidhrath Baré`shith, nous avions longuement parlé du principe fondamental du יֵשׁ מֵאַיִן « Yésh Mé`ayin » (existence à partir d'une non-existence ; c'est-à-dire la croyance en la création à partir de rien), tel que Rabbénou ז״ל l'explique dans les Chapitres 13 à 31 du 2ème volume de son Môréh Navoukhim. Il retourne à cette théorie du Yésh Mé`ayin beaucoup plus tard dans son Môréh Navoukhim (Volume 3, Chapitre 50), dans un contexte totalement différent, en plein milieu de son explication sur la raison cachée de l'inclusion dans le TaNa''Kh de quelques récits qui, à première vue, ne semblent pas du tout importants. Après avoir affirmé que « chaque récit dans la Tôroh sert un certain but en relation avec l'instruction religieuse », Rabbénou tente d'expliquer le but servi par les Chapitres 5 et 10 du Séphar Baré`shith qui présentent les anales généalogiques des premières générations humaines. Ces deux chapitres ne contiennent pratiquement aucune information autre que les noms et durées de vie des descendants de `odhom jusqu'à Nôah, et de Nôah jusqu'à `avrohom. Rabbénou offre pourtant l'explication suivante quant à l'importance religieuse de ces anales généalogiques :

C'est l'un des principes fondamentaux de la Tôroh que l'univers fut créé Yésh Mé`ayin, et que la race humaine a été créée à partir d'un seul individu, `odhom. Étant donné que le temps qui s'est écoulé depuis `odhom jusqu'à Môshah n'était pas plus de deux mille cinq cent ans, les gens auraient nourri des doutes sur cette affirmation si d'autres informations n'avaient pas été ajoutées ; en effet, voyant que la race humaine s'était répandue sur toutes les parties de la terre en différentes familles et différentes langues, toutes plus éloignées les unes des autres, il aurait semblé impossible de croire en une origine commune de la race humaine. Afin de retirer ce doute la Tôroh donne la généalogie des nations et la façon dont elles découlent toutes d'une seule racine commune. Elle nomme ceux d'entre elles qui étaient bien connus, et nous dit qui étaient leurs pères, combien d'années et où ont-ils vécu.

L'existence de tant de peuples différents, de tant d'apparences, de cultures et d'habitudes différentes, qui vivent sur des terres si éloignées les unes des autres, pourrait sembler incohérente avec le principe du Yésh Mé`ayin, la notion selon laquelle toute existence tire ses origines d'une source unique., C'est pourquoi la Tôroh estime nécessaire de ramener tous les peuples à leur racine, `odhom, et c'est la raison pour laquelle nous retrouvons des listes détaillées et autrement pas intéressantes de noms et ages dans les premiers chapitres du Séphar Baré`shith.

Cette explication de Rabbénou nous permet de mieux comprendre un passage quelque peu mystérieux que l'on retrouve dans le Tôrath Kôhanim (Paroshath Qadhôshim) et le Talmoudh Yaroushlami (Nadhorim 9:4), où un débat est rapporté concernant le Posouq de la Tôroh qui constitue le כְּלָל גָּדוֹל בַּתּוֹרָה « Kalol Godhôl Battôroh » (plus grand principe de la Tôroh). L'opinion la plus connue est celle de Ribbi ´aqivoh ז״ל, qui accorde ce statut au fameux adage : וְאָֽהַבְתָּ֥ לְרֵֽעֲךָ֖ כָּמ֑וֹךָ « et tu aimeras ton semblable comme toi-même » (Wayyiqro` 19:18). Par contre, ban ´azza`y ז״ל répond qu'un autre Posouq représente un « principe » encore plus grand, à savoir le tout premier Posouq de notre Sidhroh de la semaine, par lequel la Tôroh introduit les anales généalogiques de l'humanité : זֶ֣ה סֵ֔פֶר תּֽוֹלְדֹ֖ת אָדָ֑ם « Ceci est le Livre des Engendrements de `odhom » (Baré`shith 5:1). De nombreux commentateurs ont bataillé pour identifier « le grand principe » qui se retrouverait énoncé dans ce Posouq somme toute ordinaire, et ont eu de grandes difficultés à comprendre en quoi cela serait plus important et plus exigeant que l'obligation d'aimer son semblable comme soi-même. Le Ra`ava''d ז״ל, qui rédigea l'un des premiers commentaires sur le Tôrath Kôhanim, explique que ban ´azza`y se réfère à la phrase de conclusion du Posouq, à savoir : בְּי֗וֹם בְּרֹ֤א אֱלֹהִים֙ אָדָ֔ם בִּדְמ֥וּת אֱלֹהִ֖ים עָשָׂ֥ה אֹתֽוֹ « au jour où l'Autorité créa `odhom, c'est dans la ressemblance de l'Autorités qu'Il le fit ». En d'autres mots, « le grand principe » transmit à travers ce Posouq est la notion selon laquelle tous les humains furent créés dans la ressemblance Divine, une qualité qui oblige à les respecter et à les traiter correctement. Ce message surpasse de loin celui de וְאָֽהַבְתָּ֥ לְרֵֽעֲךָ֖ כָּמ֑וֹךָ « et tu aimeras ton semblable comme toi-même » parce qu'il nous oblige à traiter les autres avec dignité même si nous ne demandons à être traités correctement par les autres. (Cette interprétation se retrouve également dans Rabbôthénou Ba´alé Hattôsophôth ´al Hattôroh, un rassemblement de commentaires rédigés par les Tôsophôth sur la Tôroh.)

Mais à la lumière de ce passage tiré du Môréh Navoukhim, nous pouvons parvenir à une explication totalement différente de la position de ban ´azza`y. « Le Livre des Engendrements de `odhom » constitue en effet un Kalol Godhôl Battôroh, parce qu'il sert à soutenir et confirmer la croyance fondamentale qu'HaShem ית׳ est le Créateur. Puisque, comme l'explique Rabbénou, la reproduction rapide et la dispersion de la race humaine menaçaient de compromettre ce fondement, les anales généalogiques du Séphar Baré`shith jouent un rôle indispensable dans le soutien de la doctrine du Yésh Mé`ayin, que Rabbénou décrit comme « l'un des principes fondamentaux de la Tôroh ».

Dans les milieux académiques, il y a une discussion considérable concernant l'attitude de Rabbénou vis-à-vis de la notion du Yésh Mé`ayin et la doctrine aristotélicienne de l'éternité de l'univers. De nombreux chercheurs croient que Rabbénou ne s'opposait pas forcément à la théorie d'Aristote, et ils affirment détecter diverses nuances dans les propos de Rabbénou pouvant sous-entendre une acceptation de la position aristotélicienne. Mais les passages du Mishnéh Tôroh et Môréh Navoukhim cités dans ce Davar Tôroh et celui sur la Sidhrath Baré`shith ne laissent place à aucun doute sur la ferme conviction de Rabbénou que la terre fut créée à partir d'une non-existence. Ses nombreuses références à l'importance et centralité de cette croyance, ainsi que le vaste espace qu'il consacre dans son Môréh Navoukhim à parler de ce concept, suffisent à nous convaincre de sa position sans équivoque en faveur du Yésh Mé`ayin. En outre, comme nous l'avons vu ici, Rabbénou considérait cette croyance si vitale qu'elle méritait que la Tôroh inclut deux grands chapitres de généalogies qui, autrement, n'auraient aucun sens.

Comme nous l'avions dit dans le Davar Tôroh sur la Sidhrath Baré`shith, après avoir présenté la théorie du Yésh Mé`ayin, Rabbénou nous lance explicitement l'avertissement suivant : « Ne suis aucune autre théorie ! ». Il est certain qu'il a suivi sa propre exhortation, et a résolument souscrit au principe fondamental de la création à partir de rien et rejeté la théorie aristotélicienne de l'éternité de l'univers.

Sidhrath Hén Ho`odhom - Les Chérubins


בס״ד

Sidhrath Hén Ho`odhom
Les Chérubins

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Nous lisons dans notre Sidhroh de la semaine, d'après le cycle triennal, le Posouq suivant1 :

וַיְגָ֖רֶשׁ אֶת־הָֽאָדָ֑ם וַיַּשְׁכֵּן֩ מִקֶּ֨דֶם לְגַן־עֵ֜דֶן אֶת־הַכְּרֻבִ֗ים וְאֵ֨ת לַ֤הַט הַחֶ֨רֶב֙ הַמִּתְהַפֶּ֔כֶת לִשְׁמֹ֕ר אֶת־דֶּ֖רֶךְ עֵ֥ץ הַֽחַיִּֽים׃
Et Il chassa l'humain, et fit stationner à l'avant du jardin de ´édhan les chérubins et la lame de l'épée tranchante pour garder le chemin de l'Arbre des Vies.

HaShem ית׳ avait placé `odhom et sa femme Hawwoh ע״ה dans le Gan ´édhan. Puis, ils péchèrent et furent chassés de ce même jardin. HaShem décida alors de placer des Mal`okhim Karouvim à l'entrée du jardin. La Tôroh nous indique que ces Mal`okhim étaient accompagnés d'une lame d'épée tournante. Ensembles, ils gardent le chemin menant au Gan et au ´és Hahayyim.

Les premiers explorateurs comprenaient littéralement la description torahique de la vie humaine dans le Gan ´édhan et l'exclusion qui s'en suivie. C'est pourquoi, d'anciennes cartes proposèrent de nombreuses localisations probables du Gan. Ces explorateurs croyaient qu'une exploration complète du globe permettrait de localiser le Gan. Cependant, cette interprétation littérale n'offre pas une compréhension complète de ces événements. Ces derniers nous transmettent un message beaucoup plus profond qui ne pourra être perçu que si on s'élève au-dessus du sens littéral de ces passages.

Une exploration du sens complet de l'expérience du Gan ´édhan requiert une longue analyse. Mais nous nous limiterons au sens des Karouvim et de la lame d'épée tranchante qui gardent le Gan. Nous devons commencer notre analyse par comprendre la signification du Gan et du ´és Hahayyim.

`odhom et Hawwoh menaient une vie de loisirs dans le Gan ´édhan. Cette vie était vraiment différente de notre existence dans le monde actuel. La plupart des gens doivent travailler dur pour assurer leur pain quotidien. Même ceux qui sont économiquement plus stables sont confrontés aux aggravations de la vie quotidienne. La vie est incertaine et la réussite économique n'est pas capable de nous protéger des frustrations et tragédies qui se produisent dans la vie quotidienne. Le Gan ´édhan représentait, ainsi, une existence idyllique immunisée contre les problèmes que nous expérimentons dans le monde d'aujourd'hui. C'est le bannissement des humains hors du Gan qui a introduit dans nos vies ces difficultés. Le ´és Hahayyim est la représentation d'une existence parfaite. La nature exacte de cet arbre fait l'objet de débats parmi les commentateurs. Toutefois, il semble représenter le potentiel pour atteindre la longévité et le bonheur.

D'après cette interprétation, le bannissement hors du Gan est bien plus qu'un exil géographique. Il représente plutôt un changement dans l'environnement de l'humanité. De par ce bannissement, l'humanité est confrontée à une réalité nouvelle plus difficile.

Nous tentons constamment de retourner au Gan ´édhan. Nous avons abandonné notre recherche de sa localisation géographique. Mais à la place, nous tentons de transformer notre monde en ce Gan. Nous essayons, au moyen de l'application de la science et des nouvelles technologies, d'améliorer nos vies. Nous aspirons à rendre notre monde plus parfait. Nous semblons croire qu'il nous serait possible d'éliminer la souffrance et nos frustrations personnelles. Mais la vérité est que nous n'y parvenons jamais réellement ! Nous avons créé des véhicules pour nous transporter, mais nous sommes assaillis par la pollution qu'ils génèrent. Nous avons libéré la puissance de l'atome, et nous sommes à présent confrontés à la question de savoir comment se débarrasser des déchets nucléaires qu'elle produit. Nous avons inventé des vaccins et des antibiotiques, mais sommes confrontés à des maladies nouvelles qui n'avaient jamais existé et à des infections qui résistent aux antibiotiques. Nous pourrions multiplier les exemples, mais il semble que chaque avancée majeure soit associée à un problème ou défi nouveau. Comment réagissons-nous face à ce phénomène ?

Nous, les humains, supposons que ces nouveaux problèmes peuvent être résolus. Plus de sciences et de meilleures technologies résoudront les problèmes causés par nos précédents échecs technologiques. Nous avons une foi entière dans le triomphe ultime de l'intelligence humaine. Pourtant, une question devrait être posée : pouvons-nous véritablement réussir dans notre quête ? Pouvons-nous recréer le Gan ´édhan ? C'est là le message des Karouvim et de la lame d'épée tranchante qui gardent l'entrée du Gan. La Tôroh nous enseigne qu'HaShem a bloqué la route du succès. Il a banni l'humanité du Gan, et a décidé que l'humanité est mieux nourrie dans un monde moins parfait. Il ne désire pas que nous retournions vers le Gan !

Les échecs et frustrations que nous rencontrons dans nos efforts et aspirations pour recréer le Gan ne sont pas le résultat d'une connaissance inadéquate. Il n'y a pas de problème à œuvrer à l'amélioration de nos vies. Cependant, un certain niveau de travail acharné et de frustration a déjà été fixé dans la nature, et chaque fois que nous tenterons de le dépasser, les échecs et les frustrations s'en suivront pour nous rappeler cela. Comprenez donc que nous ne pourrons jamais aller au-delà des limites inhérentes qu'HaShem a fixées à notre existence physique. Et c'est un message qui est répété à d'innombrables reprises tout au long des pages de la Tôroh, car c'est un message essentiel et vital pour notre bonheur sur terre.

Ne vous lancez donc pas dans des entreprises vouées à l'échec dès le départ, et ne vous bercez d'aucune illusion concernant notre monde : tant que Moshiah ne sera pas venu, recréer un Gan ´édhan ou un semblant de Gan ´édhan sera tout bonnement impossible. Ne soyez pas idéaliste, car vous souffrirez énormément de l'état du monde, et vous mettrez à vous poser des questions qui n'ont pas lieu d'être. Comprenez que ce monde restera dans cet état jusqu'à la venue du Moshiah, et apprenez seulement à rester dans les limites fixées par HaShem. Le bonheur suivra alors par lui-même, en dépit de ce que vous verrez autour de vous.

1Baré`shith 3:24

Sidhrath Baré`shith – Les deux grands luminaires


בס״ד

La Sidhroh avec Rabbénou
Sidhrath Baré`shith – Les deux grands luminaires

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La Tôroh nous parle dans la Sidhrath Baré`shith de la création par HaShem des אֶת־שְׁנֵ֥י הַמְּאֹרֹ֖ת הַגְּדֹלִ֑ים אֶת־הַמָּא֤וֹר הַגָּדֹל֙ לְמֶמְשֶׁ֣לֶת הַיּ֔וֹם וְאֶת־הַמָּא֤וֹר הַקָּטֹן֙ לְמֶמְשֶׁ֣לֶת הַלַּ֔יְלָה « deux grandes luminaires : la grande luminaire pour la domination du jour, et la petite luminaire pour la domination de la nuit » (1:16). HaZa''l étaient troublés par la référence au soleil et à la lune dans ce Posouq comme אֶת־שְׁנֵ֥י הַמְּאֹרֹ֖ת הַגְּדֹלִ֑ים « les deux grandes luminaires ». Dans son commentaire sur ce Posouq, Rash''i ז״ל rapporte l'enseignement suivant de HaZa''l1 :

שוים נבראו, ונתמעטה הלבנה, על שקטרגה ואמרה אי אפשר לשני מלכים שישתמשו בכתר אחד
Ils furent créés égaux, mais la lune fut diminuée à cause qu'elle s'est plainte et a dit : « Il est impossible pour deux rois de faire usage d'une même couronne ! »

En d'autres mots, HaZa''l enseignent que le soleil et la lune furent à l'origine créés égaux en taille, comme cela est indiqué par la phrase אֶת־שְׁנֵ֥י הַמְּאֹרֹ֖ת הַגְּדֹלִ֑ים « les deux grandes luminaires ». Toutefois, la lune s'est plainte du fait de devoir partager son « autorité » avec un autre être, et en réponse à cette complainte HaShem décida de réduire la taille de la lune. C'est ainsi que אֶת־שְׁנֵ֥י הַמְּאֹרֹ֖ת הַגְּדֹלִ֑ים « les deux grandes luminaires » ont fini par devenir אֶת־הַמָּא֤וֹר הַגָּדֹל֙... וְאֶת־הַמָּא֤וֹר הַקָּטֹן֙ « la grande luminaire... et la petite luminaire ».

Le commentaire appelé « Da´ath Zaqénim Mibba´alé Hattôsophôth » associe cette remarque à un passage que l'on retrouve dans le Talmoudh2, et qui déclare :

ת"ר עלובין ואינן עולבין שומעין חרפתן ואינן משיבין עושין מאהבה ושמחין ביסורין עליהן הכתוב אומר ואוהביו כצאת השמש בגבורתו
Nos Maîtres ont enseigné : Ceux qui sont insultés mais n'insultent pas, qui entendent le mépris à leur égard mais ne répondent pas, qui agissent par amour et se réjouissent dans les souffrances, c'est les concernant que l’Écriture dit3 : « Mais ceux qui M'aiment sont comme la sortie du soleil dans sa puissance ».

Le Talmoudh renvoie au soleil comme paradigme de la qualité de עלובין ואינן עולבין « ceux qui sont insultés mais n'insultent pas » ; savoir ignorer les insultes. À l'inverse de la lune, le soleil a accepté son statut d' « autorité » partielle. Il n'a ressenti aucun besoin d'honneur et de distinction, et a humblement consenti au rôle qui lui était assigné, peu importe de quoi il s'agissait. Par conséquent, ceux qui ne montrent aucun intérêt pour la popularité et le prestige, et ne se préoccupent pas de leur rang social, des « qu'en dira-t-on ? », ceux-là sont comparés à צאת השמש בגבורתו « la sortie du soleil dans sa puissance ». Comme le soleil, ils acceptent joyeusement leur statut sans rechercher davantage de popularité, notoriété ou pouvoir.

Tout cela nous rappelle les remarques faites par Rabbénou ז״ל dans son commentaire sur la Mishnoh de `ovôth 4:4 concernant la vertu de l'humilité. Il réitère dans ce contexte l'opinion qu'il avait déjà exprimée dans son introduction sur le Chapitre 4 de la Masakhath `ovôth au sujet de l'importance d'avoir une extrême humilité. Alors que pour toutes les autres qualités il est conseillé de se comporter avec modération, quand il s'agit de l'humilité Rabbénou préconise une approche extrême, de façon à s'éloigner le plus loin possible de l'arrogance. Pour illustrer cet idéal, Rabbénou rapporte un incident impliquant un vieux Talmidh Hokhom qui voyageait avec un groupe de marchands prospères. Il avait été placé dans la partie la plus basse et la plus minable du bateau, et à un moment du voyage l'un des riches passagers avait déféqué sur ce Talmidh Hokhom. Ce dernier atteste n'avoir ressenti aucune colère ou ressentiment envers ce marchand ; l'estime et le contrôle qu'il avait de lui-même ne furent en aucun cas affectés par le traitement offensant dont il avait été la victime. Rabbénou commente cet épisode en disant : « Il ne fait aucun doute que c'est le plus haut niveau d'humilité de l'esprit, celle qui éloigne quelqu'un de l'arrogance ».

L'idéal torahïque de l'humilité signifie suivre l'exemple établi par le soleil, celui de ne pas se sentir menacé par les statures rivales des autres. Cela demande d'avoir confiance en soi-même peu importe la reconnaissance que l'on aurait gagnée, et peu importe la manière dont les autres nous perçoivent. La lune ne produit aucune lumière d'elle-même, et ne peut que réfléchir la lumière du soleil. Similairement, beaucoup de gens sont incapables de sentir de la satisfaction de façon indépendante ; ce sont des esclaves, car ils dépendent de l'approbation et du respect des autres pour « briller » et expérimenter de la joie. Mais la personne humble, comme le soleil, est capable de briller par sa propre lumière, de ressentir de l'assurance et du bonheur peu importe comment les autres la voient. Seule une telle personne sera capable d'avoir un état constant de joie et de satisfaction, et réfléchira autour de lui de la confiance et de la vitalité כצאת השמש בגבורתו « comme la sortie du soleil dans sa puissance ».
1Talmoudh, Houllin 60b
2Shabboth 88b
3Shôphatim 5:31

dimanche 7 octobre 2018

Sidhrath Baré`shith – La Création


בס״ד

La Sidhroh avec Rabbénou
Sidhrath Baré`shith – La Création

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Dans notre communauté « Masôrath Môshah » nous avons fait le choix de dorénavant suivre le cycle triennal de lecture de la Tôroh, plutôt que le cycle annuel.

Le cycle triennal possède de très nombreux avantages sur le cycle annuel. Dans les prochains numéros de « Tôrath Rabbénou », nous aurons l'occasion de publier de nombreux articles détaillés sur ce cycle. Mais pour l'heure, nous mentionnerons brièvement quelques-uns des avantages majeurs de ce cycle :
·         Chaque Sidhroh (section) est plus courte que dans le cycle annuel, approximativement un chapitre par Shabboth ;
·         Avoir des Sidhrôth plus courtes permet d'accomplir l'exigence requise par la Halokhoh de lire le Targoum de chaque verset. En effet, les Poroshiyôth du cycle annuel étant assez longues, les communautés n'ont pas le temps de lire après chaque verset le Targoum, c'est-à-dire la traduction et interprétation traditionnelle de la Tôroh rédigée par `ouqalôs ;
·         Un autre avantage certain de lire le Targoum de chaque verset est que cela ajoute à la compréhension du texte hébreu. En effet, la majorité des gens qui assistent aux offices du Shabboth et à la lecture publique de la Tôroh ne comprennent pas l'hébreu, et de ce fait ne comprennent pas non plus ce qui est lue. Le Targoum étant non seulement une traduction mais également une interprétation, cela rend compréhensible et accessible le texte biblique. Les communautés « Masôrath Môshah » ont fait le choix de procéder à la lecture du Targoum dans la langue vernaculaire du pays, à savoir le malgache, exactement comme les communautés juives antiques, qui faisaient la lecture de la Tôroh en hébreu suivie d'une traduction dans la langue vernaculaire de la communauté (par exemple en grec, pour la communauté juive d'Alexandrie, ou en arabe, pour la communauté juive du Yémen, etc.) ;
·         Le cycle triennal nous reconnecte aux traditions ancestrales oubliées qui étaient pourtant normatives en `aras Yisro`él et approuvées par le Sanhédhrin, qui est la seule autorité devant être suivie par le peuple juif ;
·         Le cycle interrompu lorsqu'un Yôm Tôv ou Rô`sh Hôdhash tombe un Shabboth. Il n'y a donc pas deux lectures ces jours-là, contrairement à ce qui est fait dans la majorité des communautés, ce qui permet de ne pas alourdir l'office et retire un fardeau sur les épaules de la communauté.

Dorénavant, je publierai ici quelques-unes des Daroshôth sur la Sidhroh que j’enseigne chaque Shabboth après la lecture de la Tôroh, d’après les enseignements de Rabbénou (et d’autres sages et rabbins de l’école rationaliste du judaïsme). Voici donc une de mes Daroshôth du Shabboth dernier.

Les premiers Pasouqim et Paroqim de la Tôroh racontent l'histoire de la Création, établissant très clairement HaShem ית׳ comme Créateur de l'univers. Le sujet de la création, et plus particulièrement le rôle exclusif d'HaShem dans la genèse de la terre et de l'humanité, constitue un thème majeur dans les écrits de Rabbénou ז״ל, principalement dans son Môréh Navoukhim, qui consacre de très nombreux chapitres à ce sujet (voir plus spécifiquement le Volume 2, Chapitres 13-31). Notre discussion pour cette semaine présentera un bref aperçu de certains des points majeurs de Rabbénou concernant la création et le concept d'HaShem en tant que Créateur.

Ø  Les Trois Théories

Rabbénou commence sa discussion sur la création dans son Môréh Navoukhim (2:13) en détaillant trois positions philosophiques de base au sujet de l'origine de l'univers. Il présente en premier l'opinion soutenue par « ceux qui suivent la Tôroh de Môshah Rabbénou », qui stipule que « l'univers entier, c'est-à-dire toute chose excepté HaShem, a été amené par Lui à l'existence à partir d'une non existence. Au commencement HaShem seul existait, et rien d'autre... » Rabbénou décrit plus tard cette position, que l'on appelle communément la doctrine de la creatio ex nihilo, ou יֵשׁ מֵאַיִן « Yésh Mé`ayin » en hébreu, comme étant « sans le moindre doute un principe fondamental de la Tôroh de Môshah Rabbénou », ajoutant que « il est deuxième en importance après le principe de l'unité d'HaShem ». En effet, dans son commentaire sur la Masakhath Sanhédhrin, où il énonce ses célèbres « Treize Principes de Foi », Rabbénou cite comme quatrième principe la croyance que « cet Être Singulier [HaShem] est absolument le premier, et toute autre chose que Lui qui existe n'est pas premier ». Ainsi, après les trois premiers principes, qui affirment l'existence d'HaShem, Son unicité et Son incorporalité, Rabbénou établit le principe de la précédence d'HaShem par rapport à l'univers, ce qui signifie que l'univers est venu à l'existence à partir d'une non existence. De même, dans son Mishnéh Tôroh (Hilkôth Tashouvôth 3:15), Rabbénou inclut parmi ceux qui n'auront aucune part dans le ´ôlom Habbo` : הָאוֹמֵר שְׁאֵינוּ לְבַדּוֹ רִאשׁוֹן וְצוּר לַכֹּל « celui qui dit que Lui seul n'est pas le premier et rocher de tout ». La croyance dans le fait qu'HaShem a précédé et créé toute existence constitue donc un précepte fondamental de la foi juive.

La deuxième théorie présentée par Rabbénou est celle de Platon, qui soutenait, pour reprendre les mots de Rabbénou, que « il est impossible qu'un objet constitué d'une matière et d'une forme puisse être produit lorsque cette matière est absolument absente, ou qu'il puisse être détruit d'une manière où cette matière n'existe absolument plus ». D'après cette théorie, il serait scientifiquement et philosophiquement impossible pour une matière d'émerger à partir d'une non existence ou de devenir non existante. Bien qu'ils conservent le rôle d'HaShem en tant que Créateur, ceux qui souscrivaient à cette deuxième théorie croyaient « qu'une certaine substance a coexisté avec HaShem depuis l'éternité de telle sorte que ni HaShem n'a existé sans cette substance ni cette dernière sans HaShem ». HaShem a donc bien créé le monde, mais Il ne l'aurait pas créé, d'après cette position, ex nihilo, à partir de rien. Plutôt, Il aurait façonné la terre telle que nous la connaissons à partir d'une substance originelle, qui, comme HaShem, aurait toujours existé et ne fut pas créée.

Enfin, Rabbénou présente la célèbre théorie d'Aristote appelée « l'éternité de l'univers », c'est-à-dire que l'univers sous sa forme actuelle aurait toujours existé. Comme l'explique Rabbénou, Aristote soutenait que l'Univers dans sa totalité n'a jamais été différent, et qu'il ne changera également jamais ; les cieux, qui forment l'élément permanent dans l'univers, et ne sont pas sujet à la genèse et à la destruction, ont toujours été ainsi ; le temps et le mouvement sont éternels, permanents, et n'ont ni début ni fin ; le monde sublunaire, qui inclut les éléments transitoires, a toujours été le même, etc. Par conséquent, toute cette organisation, aussi bien en haut qu'ici bas, n'est jamais perturbée ou interrompue. Aristote croyait non seulement que l'existence ne pouvait pas émerger de la non existence, mais également que les propriétés essentielles de l'univers sont intrinsèquement inaltérables. Ainsi, il se sentit contraint d'affirmer l'éternité de l'univers et nier le rôle d'HaShem en tant que créateur ; l'univers, d'après Aristote, avait toujours coexisté avec HaShem.

Plus loin dans son Môréh Navoukhim, Rabbénou fait clairement la différence entre l'approche du judaïsme et la théorie de Platon et son attitude à l'égard de l'approche aristotélicienne. Bien que Rabbénou ne souscrit pas au concept platonicien d'une espèce de matière originelle et amorphe à partir de laquelle HaShem aurait créé l'univers, il ne considère pas une telle notion comme allant à l'encontre de la foi juive. À l'inverse, l'univers éternel d'Aristote va nécessairement à l'encontre des principes fondamentaux de la foi juive, puisqu'il annule complètement la possibilité des miracles. En effet, la doctrine d'un ordre naturel inaltérable ne laisse aucune place aux événements surnaturels, dont la Tôroh parle pourtant abondamment. De nombreux récits bibliques devraient donc être rejetés si on souscrit à la théorie d'Aristote, tout comme de nombreuses Halokhôth et Miswôth ayant été instituées justement pour commémorer les miracles décrits dans le TaNa''Kh comme ayant été accomplis par HaShem. La foi juive ne peut donc pas coexister avec la notion aristotélicienne de l'éternité de l'univers.

En outre, Rabbénou soulève un certain nombre de questions concernant le judaïsme auxquelles on serait incapable de répondre si on embrassait l'approche aristotélicienne :
·          Pourquoi HaShem inspira-t-il une certaine personne et non une autre ?
·          Pourquoi a-t-Il révélé la Tôroh à une nation en particulier, et à un moment spécifique ?
·          Pourquoi a-t-Il ordonné ceci et interdit cela ?
·          Pourquoi a-t-Il montré à travers un prophète certains miracles spécifiques ?
·          Quel est l'objet de ces lois ?
·          Et pourquoi n'a-t-Il pas fait des commandements et des interdictions une partie de notre nature, s'Il désirait que nous vivions en accord avec eux ?

Rabbénou affirme qu'il n'y a qu'une seule réponse à ces questions : Il l'a voulu ainsi ; ou, Sa sagesse en a décidé ainsi. Tout comme Il créa le monde selon Sa volonté, à un moment particulier, sous une forme particulière, et que nous ne savons pas pourquoi Sa volonté ou sagesse décida de cette forme particulière, et de ce moment particulier, de même, nous ne savons pas pourquoi Sa volonté ou sagesse détermina les choses mentionnées dans les questions précédentes.

Le fait qu'HaShem créa le monde nous absout de la nécessité de sonder Son esprit, pour ainsi dire, de déterminer les raisons derrière Ses choix et politiques en matière de gouvernance de l'humanité. Il créa le monde avec un certain but inconnu de nous, et de ce fait toutes les décisions qu'Il prend par rapport au monde et ses habitants servent cet objectif mystérieux. Étant donné que nous n'étions pas dans le secret de ce but ultime, nous ne pourrons pas pleinement comprendre les raisons derrière Ses décisions dans Sa gouvernance de la terre. La réponse à ces questions est donc qu'HaShem prit de telles décisions dans le but d'atteindre cet objectif inconnu pour lequel Il créa l'univers.

Cela présume évidemment qu'HaShem ait créé le monde. D'après l'opinion aristotélicienne, le monde a toujours existé indépendamment d'HaShem, et de ce fait le but de son existence n'a rien à voir avec la volonté divine. De ce fait, les questions soulevées sur la domination d'HaShem sur la terre restent sans réponse. Étant donné qu'Il n'a pas créé la terre et ses habitants, il doit y avoir une raison expliquant pourquoi est-ce qu'alors Il intervient comme Il le fait dans leur existence.

Ø  « Baré`shith » : Au commencement ?

Parmi les sujets qui dérivent tout droit de ce débat, on retrouve celui de la définition et classification du temps. Au cours de sa présentation du concept de creatio ex nihilo (2:13), Rabbénou affirme que le temps est quelque chose de créé ; le temps en tant qu'entité n'existait pas avant la création du monde par HaShem. Il décrit le temps comme étant « un accident du mouvement », c'est-à-dire un résultat du mouvement des sphères célestes, et il ne peut donc pas exister indépendamment de ces sphères. Ainsi, une croyance en la creatio ex nihilo inclut nécessairement la croyance qu'aucun concept de temps n'existait avant la création de l'univers.

Cette théorie poussa Rabbénou à réinterpréter le fameux tout premier Posouq de la Tôroh : בְּרֵאשִׁ֖ית בָּרָ֣א אֱלֹהִ֑ים אֵ֥ת הַשָּׁמַ֖יִם וְאֵ֥ת הָאָֽרֶץ׃ « Baré`shith Boro` `alôhim `éth Hashshomayim Wa`éth Ho`oras ». La traduction la plus répandue de ce Posouq est « Au commencement, D.ieu créa les cieux et la terre ». D'après cette lecture, la Tôroh parle de la création comme s'étant produite « au commencement », ou avant le reste de l'histoire du monde. S'il en est ainsi, c'est que l'acte de la création est vu comme existant à l'intérieur du même temps continu que tout ce qui fut créé parla suite, ce qui démontrerait que le temps existait avant la création. Mais si nous souscrivons à la position de Rabbénou, selon quoi le temps ne vint à l'existence qu'avec la création des sphères célestes, alors la création ne peut pas être décrite comme ayant eu lieu « avant » un quelconque autre événement, puisque la notion de « avant » et « après » dépend clairement du concept de temps, qui n'existait pas au moment de la création.

Rabbénou (2:30) avance donc une lecture nouvelle du verset d'introduction de la Tôroh, en suggérant une distinction basique entre les mots bibliques רֵאשִׁית « Réshith » et תְּחִילָה « Tahiloh », qui sont tous deux généralement traduits par « commencement ». Rabbénou explique que « Tahiloh » est employé pour désigner une précédence dans le sens du temps, en référence à ce qui s'est produit avant d'autres événements. Par contre, « Ré`shith », qui tire sa racine étymologique dans le mot hébreu רֹאשׁ « Rô`sh », se réfère au rôle d'un objet en tant que source ou origine. Rabbénou apporte comme exemple la notion selon laquelle le cœur constitue « le commencement de l'être humain », dans le sens où c'est la force vitale de l'organisme humain. Ainsi, Rabbénou argue que בְּרֵאשִׁ֖ית בָּרָ֣א אֱלֹהִ֑ים ne doit pas être lu comme voulant dire qu'HaShem a créé la terre « au commencement » dans le sens du temps.

Après avoir expliqué la distinction entre « Ré`shith » et « Tahiloh », Rabbénou déclare ceci : « C'est la raison pour laquelle l’Écriture emploie le terme ''Baré`shith'' (dans une origine), dans lequel le Béth est une préposition qui a la connotation de ''dans''. La vraie explication du premier Posouq de Baré`shith est la suivante : ''Dans une origine l'Autorité créa les êtres au dessus des choses en bas'' ». Que veut dire le fait qu'HaShem aurait créé les cieux et la terre « dans une origine » ?

Nous pourrons comprendre cela en examinant d'abord les commentaires de Rabbénou, un paragraphe plus loin, lorsqu'il se penche sur les derniers mots du Posouq : אֵ֥ת הַשָּׁמַ֖יִם וְאֵ֥ת הָאָֽרֶץ « `éth Hashshomayim Wa`éth Ho`oras ». Sur base d'une ancienne tradition, Rabbénou affirme que le mot hébreu אֵ֥ת, qui généralement ne se traduit pas, signifie « ensemble avec », et se réfère donc à ce qui accompagne ou à ce qui est secondaire à la chose mentionnée par la suite. Par conséquent, אֵ֥ת הַשָּׁמַ֖יִם וְאֵ֥ת הָאָֽרֶץ signifie, comme l'écrit Rabbénou, « qu'HaShem créa  avec les cieux tout ce que les cieux contiennent, et avec la terre tout ce que la terre contient ». La Tôroh commence donc par nous informer que la création a commencé avec la genèse de tous les créatures et êtres, chacun étant contenu dans les cieux et la terre. Pour reprendre les mots de Rabbénou, cela signifie que « toutes les choses furent créées ensembles, mais furent successivement séparées l'une de l'autre ». Rabbénou rapporte en guise d'analogie le cas d'un agriculteur qui sème divers types de semences simultanément, mais elles germent à des moments différents. De même, HaShem fit exister l'univers entier en un seul instant, mais les objets spécifiques prirent forme durant les six jours de la création dans la séquence décrite dans le premier chapitre de Baré`shith. Cette théorie est davantage développée par le Rambo''n (Rabbénou Môshah ban Nahmon, dit Nahmanide), dans son commentaire sur le Posouq d'ouverture de la Tôroh, où il écrit que la création commença par la formation instantanée d'une substance abstraite à partir de laquelle toutes les choses émergèrent. Cette compréhension de la création ressemble à la théorie platonicienne, à la seule différence majeure que Platon croyait que la substance abstraite coexistait avec HaShem même avant la création, alors que le Rambo''n affirme qu'HaShem Lui-même créa cette substance et façonna ensuite le reste de l'univers à partir d'elle. Ainsi, d'après nos Sages, HaShem créa toute chose ensemble, simultanément, et le processus de création en six jours n'était en réalité que la séparation et désignation des éléments spécifiques de la terre, plutôt que leur genèse, qui, elle, avait déjà eu lieu le premier jour.

Rabbénou utilise cette théorie pour contrer une possible réfutation de sa compréhension du temps. Si, en effet, le temps résulte uniquement du mouvement des sphères et ne peut pas exister sans elles, comment la Tôroh pourrait donc parler de trois « jours » de création avant la création même des sphères célestes le quatrième jour ? Quel est donc le sens du terme « jour » avant l'émergence du système solaire ? Existait-il donc un concept de temps indépendant de ce système ? Rabbénou répond que les sphères, tout comme le reste de l'univers, sont en fait venues à l'existence au début même de la création. Il cite un passage explicite du Midhrosh Baré`shith Rabboh qui stipule : « Ces luminaires [mentionnées le quatrième jour] sont les mêmes que celles qui furent créées le premier jour, mais elles ne furent fixées à leurs places que le quatrième jour ». Ainsi, le temps également existait depuis même le moment initial de la création, moment où les sphères célestes vinrent à l'existence.

Avec tout cela à l'esprit, retournons à la discussion de Rabbénou sur le mot « Baré`shith ». Comme nous l'avions vu, Rabbénou interprète « Ré`shith » comme voulant dire « origine » et le préfixe Béth comme voulant dire « dans ». Il comprend donc le mot « Baré`shith » comme signifiant « dans la forme d'une origine ». Le premier Posouq de la Tôroh nous informe en fait qu'HaShem créa toutes les choses dans les cieux et sur la terre sous la forme d'une « Ré`shith », comme une substance contenant l'univers entier, à partir de laquelle Il sépara par la suite chaque élément individuel. Le mot « Baré`shith » ne décrit donc pas le temps de la création, mais plutôt la manière de la création. Les divers éléments de l'univers ne furent pas créés successivement, mais plutôt « Baré`shith », comme une substance à partir de laquelle ils furent par la suite séparés et organisés.

Après avoir présenté la théorie de la creatio ex nihilo, Rabbénou nous lance explicitement l'avertissement suivant : « Ne suis aucune autre théorie ! ».

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