jeudi 5 mars 2015

Parashath Ki Thisso` : L'origine de l'interdiction de cuire un chevreau dans le lait de sa mère

בס״ד

Parashath Ki Thisso`

L'origine de l'interdiction de cuire un chevreau dans le lait de sa mère


Dans la Parashath Ki Thisso`, la Tôroh réitère l'interdiction de cuire et consommer de la viande dans le lait de sa mère1 : לא־תבשל גדי בחלב אמו « Lo-thavashél Gadi Bahalév `Immô – Tu ne feras pas cuire le chevreau dans le lait de sa mère ». La toute première fois que la Tôroh nous a donné cette interdiction, c'était dans la Parashath Mishpotim2, et elle sera répétée une troisième fois dans la Parashath Ra`éh3.

Rashi זצ״ל démontre, dans son commentaire sur Shamôth 23:19, que le terme גדי « Gad» ne désigne pas qu'un chevreau, mais également un veau ou un agneau4, et nous explique qu'il y a trois interdictions :

  • interdiction de procéder à la cuisson d'un tel mélange,
  • interdiction de consommer la cuisson d'un tel mélange, et
  • interdiction de tirer profit de la cuisson d'un tel mélange.

Ces trois interdictions suivent une chaîne parfaitement logique : si la Tôroh interdit de cuire un chevreau, un veau ou un agneau dans le lait de sa mère, il est clair que consommer un chevreau, un veau ou un agneau cuit dans le lait de sa mère est interdit. Et puisque c'est une cuisson interdite, en tirer profit est également interdit.

Cette interdiction de cuire un chevreau, un veau ou un agneau dans le lait de sa mère nous rappelle inévitablement les autres interdictions relatives à des mélanges interdits :

  • interdiction de croiser des graines d'espèces différentes,
  • interdiction de croiser des animaux d'espèces différentes,
  • interdiction de planter dans la même parcelle des semences d'espèces différentes,
  • interdiction de porter un vêtement dans lequel du lin et de la laine ont été mélangés, ou encore
  • interdiction de se marier à quelqu'un du dehors.

Ce sont des interdictions relatives à des mélanges incompatibles. Là aussi, la Tôroh estime qu'il n'est pas compatible de cuire un chevreau, un agneau ou un veau dans le lait de sa mère. Au niveau biblique, cela vient donc interdire de cuire de la viande de chevreau avec du lait de chèvre, de la viande de veau avec du lait de vache, ou encore de la viande d'agneau avec du lait de brebis. Et comme nous l'avons dit plus haut, consommer et tirer profit de tels mélanges sont également interdits.

Quelle est l'origine de cette interdiction ?

Le Rambam זצ״ל traite de cette question dans son Môréh Navoukhim (Guide des Égarés) 3:48. Il donne d'abord une première explication selon laquelle ce pourrait être pour des considérations de santé que la Tôroh nous a interdit un tel mélange. Mais si tel était le cas, la Tôroh nous aurait simplement interdit de consommer un tel mélange, sans nous en interdire également la cuisson. C'est qu'il doit y avoir une autre raison, qui va au-delà de considérations de santé. Par conséquent, le Rambam avance l'hypothèse qu'il est possible que cette interdiction soit associée à un rite païen :

Mais je pense qu'il est plus probable que cette interdiction [fut donnée] parce que cet acte est quelque peu lié à l’idolâtrie. Il faisait peut-être partie du culte, ou était utilisé lors d'une certaine fête des païens... Je considère que c'est la meilleure raison pour [expliquer] l'interdiction ; mais pour autant que j'ai jeté un coup d’œil dans les livres des sabéens, il n'y a aucune mention de cette coutume.

Le Rambam concède qu'il n'a trouvé aucune preuve historique pour soutenir sa supposition sur l'association de cette interdiction à l’idolâtrie. Mais toutefois, il fait remarquer que nos Sages ont fait cette association grâce au fait qu'aussi bien dans la Parashath Mishpotim que dans la Parashath Ki Thisso`, l'interdiction de cuire un chevreau, un veau ou un agneau dans le lait de sa mère apparaît dans le contexte des règles relatives aux fêtes.

Dans la Parashath Mishpotim, l'interdiction est rapportée de la façon suivante :

Shamôth 23:17-19
Trois fois par an, tous tes mâles paraîtront par-devant le Maître, HaShem. Tu ne verseras point, en présence du pain levé, le sang de Mon sacrifice; et la graisse de Mes victimes ne séjournera pas jusqu'au matin sans être offerte. Le commencement des prémices de ton sol, tu les apporteras dans la maison d'HaShem ton D.ieu. Tu ne feras point cuire un chevreau dans le lait de sa mère.
שלש פעמים בשנה--יראה כל-זכורך אל-פני האדן ה׳. לא-תזבח על-חמץ דם-זבחי; ולא-ילין חלב-חגי עד-בקר. ראשית, בכורי אדמתך, תביא, בית ה׳ אלהיך; לא-תבשל גדי בחלב אמו

Tandis que dans la Parashath Ki Thisso`, elle est rapportée de la manière suivante :

Ibid., 34:23-26
Trois fois l'année, tous tes mâles paraîtront en présence du Maître HaShem, D.ieu d'Israël. Car Je déposséderai des peuples à cause de toi et Je reculerai ta frontière: et cependant nul ne convoitera ton territoire, quand tu t'achemineras pour comparaître devant HaShem ton D.ieu, trois fois l'année. Tu ne feras point couler; en présence du pain levé, le sang de Ma victime, ni ne différeras jusqu'au matin le sacrifice de cette victime pascale. Le commencement des prémices de ta terre, tu les apporteras dans la maison d'HaShem ton D.ieu. Tu ne feras point cuire un chevreau dans le lait de sa mère.
שלש פעמים בשנה--יראה כל-זכורך, את-פני האדן ה׳, אלהי ישראל. כי-אוריש גוים מפניך והרחבתי את-גבלך; ולא-יחמד איש את-ארצך בעלתך לראות את-פני ה׳ אלהיך שלש פעמים בשנה. לא-תשחט על-חמץ דם-זבחי; ולא-ילין לבקר זבח חג הפסח. ראשית, בכורי אדמתך תביא בית ה׳ אלהיך; לא-תבשל גדי בחלב אמו

Dans les deux cas, nous retrouvons les mêmes éléments :

  • l'interdiction de cuire un chevreau, un veau ou un agneau dans le lait de sa mère est rattachée à l'obligation de se présenter devant HaShem pour les fêtes de pèlerinage,
  • elle apparaît dans le contexte des lois relatives aux sacrifices apportés à HaShem, notamment à Pésah,
  • et dans les deux cas l'interdiction se retrouve dans le même verset que la Miswoh des Bikkourim (prémices des produits de la terre).

Nous voyons que cette interdiction est étroitement liée au culte rendu à HaShem par opposition aux cultes des idolâtres. En réalité, bien que le Rambam n'avait aucune preuve historique pour étayer son hypothèse, un certain nombre d'historiens et d'écrivains font remarquer que des découvertes archéologiques récentes ont démontré la théorie du Rambam quant à l'origine de cette interdiction de faire cuire un chevreau, un veau ou un agneau dans le lait de sa mère. Les tablettes de Ras Shamra, exhumées dans le nord de la Syrie en 1928, contiennent une inscription ougaritique qui décrit, entre autres choses, des rituels païens, parmi lesquels le fait de cuire un veau dans le lait de sa mère. Ces tablettes expliquent que ce rituel avait pour but d'amener les dieux à accorder une abondance dans la production agricole.

L'aspect agricole de ce rituel nous aide à présent à parfaitement comprendre pourquoi est-ce que la Tôroh, dans la Parashath Mishpotim et dans la Parashath Ki Thisso`, place l'interdiction de cuire le chevreau, le veau ou l'agneau dans le lait de sa mère dans le même verset que l'obligation d'apporter à HaShem les Bikkourim : nous devons rechercher auprès de D.ieu la prospérité agricole en Lui apportant les prémices de tous nos produits de la terre en guise de sacrifice devant revenir aux Kôhanim, les représentants d'HaShem, démontrant par-là notre reconnaissance et acceptation du fait que c'est Lui qui détient le contrôle illimité sur la terre et ses produits. Plutôt que d'avoir recourt à des rituels futiles et superstitieux pratiqués par les païens, nous devons accomplir les Miswôth d'HaShem telles qu'elles ont été déterminées et délimitées dans la Tôroh, méritant par-là Ses bénédictions de prospérité et de réussite dans tous les domaines de nos vies.

Cuire un veau, un chevreau ou un agneau dans le lait de sa mère est une pratique païenne, idolâtre et superstitieuse. HaShem nous l'a donc interdite !

Vous pouvez télécharger cet article ici.
1Shamôth 34:26
2Ibid., 23:19
3Davorim 14:21

4Talmoud, Houllin 113b
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