lundi 7 novembre 2016

Le « premier Shama´ »

ב״ה

Le « premier Shama´ »

Quelle est son origine et doit-on encore le réciter ?


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L'un des plus gros problèmes que posent l’industrialisation et la standardisation des Siddourim est que la plupart des gens qui les utilisent n'ont en réalité aucune idée de ce qu'ils disent et font, car ils partent de la supposition que si tel ou tel texte est imprimé dans un Siddour c'est qu'il faut forcément le réciter. Mais ils oublient que certaines des prières imprimées dans les Siddourim ne furent jamais composées pour être imposées à tout le monde et que bon nombre d'entre elles sont en réalité liées à des époques spécifiques et n'ont plus lieu d'être récitées. Et contrairement à ce que disent les pseudos « conservateurs », il n’existe aucune interdiction de retirer les prières se trouvant dans les Siddourim, surtout lorsqu'elles ne proviennent pas de HaZa''l ou encore qu'elles se rapportent à des époques obsolètes. D'ailleurs, certaines communautés ne disent plus certaines prières ayant été composées pour des époques particulières, et cela est clairement indiqué dans les Siddourim qu'ils utilisent.

Nous allons illustrer ici l'ignorance qui existe autour des textes qui composent les livres de prières modernes.

Si vous jetez un coup d’œil dans l'écrasante majorité des Siddourim, vous verrez que dans les bénédictions du matin, après le récit de la ´aqédhath Yishoq (qu'il n'y a d'ailleurs aucune obligation de lire), a été inclus une longue prière qui commence par לְעוֹלָם יְהֶא אָדָם יָרֵא שָׁמַיִם בַּסֵּתֶר « Qu'un homme ait toujours la crainte des Cieux dans le secret. » Cette prière est appelée « le premier Shama´ », car il contient dans l'un de ses paragraphes la déclaration du Shama´. Il est « premier » puisque ce sera la première récitation du Shama´ de la journée.

De nos jours, le Shama´ est récité à quatre reprises au total : une première fois après la ´aqédhath Yishoq, une deuxième fois dans l'office de Shahrith avant les Shamônah ´asréh, une troisième fois lors de l'office de ´arbith (ou « Ma´ariv ») et une quatrième fois lorsque l'on est couché dans son lit avant de dormir.

Le Shama´ est la proclamation du principe le plus fondamental de la foi israélite, à savoir la croyance en l'unicité d'HaShem ית׳ (le monothéisme pur). À l'origine, l'obligation de réciter le Shama´ en communauté consistait à le faire deux fois par jour, une fois le matin et une fois le soir, c'est-à-dire une fois lors de la prière de Shahrith et une seconde fois lors de la prière de ´arbith. Telle était la pratique dans les temps bibliques et mishnaïques, et c'est ce que nous demande la Tôroh. Mais dans les temps talmudiques, les Israélites furent soumis à d'intenses persécutions religieuses et furent défendus de réciter le Shama´ durant les offices publics à la synagogue. Sous le règne du roi perse Jezdegerd II (438-457), les Israélites furent défendus de proclamer en public l'unicité d'HaShem. Le dit roi perse était un croyant fanatique de la religion zoroastrienne qui enseignait le dualisme, c'est-à-dire la croyance en deux dieux, un bon et un mauvais. Par conséquent, il ne pouvait tolérer une proclamation publique de la croyance en l’unicité d'HaShem. Il fit placer des gardes devant les synagogues afin de s'assurer du respect de cette interdiction de récitation du Shama´ en public. Les Sages de cette époque-là instituèrent alors la pratique de réciter le Shama´ à la maison, dans le secret, après l'étude de la Tôroh mais avant la prière ordinaire du matin, et composèrent une prière dans laquelle ils inclurent la récitation du premier paragraphe du Shama´. Puisque cette récitation était désormais faite en cachette et non plus en public, ils firent mention dans cette prière du souhait qu'un homme craigne HaShem même en secret (mais pas seulement en public). Et cette déclaration rendait quitte de l'obligation du Shama´ le matin. C'est là l'origine du « premier Shama´ » que l'on retrouve imprimé dans les Siddourim après la ´aqédhath Yishoq. Puisque telle était la raison d'origine, il n'y a plus lieu de réciter ce Shama´ et cette prière dans laquelle le Shama´ est inclus, étant donné que nous ne sommes plus à une époque où il nous est défendu de nous rassembler dans les synagogues et y réciter le Shama´. Nous sommes pleinement libres de servir HaShem de la façon prescrite, sans encombre, ni persécution religieuse.

Plus tard, même lorsque cette interdiction fut levée et que l'impression en masse de Siddourim se répandit, on conserva néanmoins la pratique de réciter une première fois le Shama´ à la maison avant l'office communautaire du matin. Et en voici la raison : Un temps limite pour la récitation du Shama´ fut fixé par la Halokhoh. Nos Sages, de mémoire bénie, décrétèrent que le Shama´ du matin devait avoir été fait dans le premier quart de la journée (c'est-à-dire au plus tard à la troisième heure saisonnière du jour). Par exemple, si le soleil se levait à 6h et se couchait à 18h, faisant ainsi de cette journée une journée de 12 heures, le Shama´ ne pourrait pas être récité plus tard que 9h du matin ; si le soleil se levait à 7h et se coucher à 17h, faisant de cette journée une journée de 10 heures, un quart de la journée correspondrait à 2h30, et 9h30 serait alors la limite pour la récitation du Shama´ du matin. Cependant, il arrive très fréquemment que l'office du matin ne commence pas avant 9h ou 9h30 (plus particulièrement à Shabboth et Yôm Tôv), et puisque de nombreuses prières furent ajoutées au fur et à mesure du temps et que certaines parties considérées comme « optionnelles » finirent par être vues comme étant « obligatoires » lorsqu'elles furent imprimées dans les Siddourim, le temps d'arriver au Shama´ communautaire (qui, dans les Siddourim actuels, a été placé après toutes les bénédictions du matin, la ´aqédhath Yishoq, les Qôrbonôth, des passages talmudiques se rapportant aux Qôrbonôth, la récitation de quelques Mishnoyôth, un Qaddish, les Pasouqé Dazimro` et enfin un autre Qaddish) l'heure limite serait probablement dépassée. (Dans un tel cas, on n'aurait pas accompli la Miswoh de réciter le Shama´ à temps, mais plutôt celle de l'étude de la Tôroh, ce qui est une Miswoh complètement différente.) D'où la pratique qui se développa parmi de nombreux Israélites de réciter les bénédictions du matin et le « premier Shama´ » tôt matin à la maison, avec l'intention que si le second Shama´ communautaire se faisait trop tard, le « premier Shama´ » fait individuellement serait considéré comme l'accomplissement de la Miswoh de la récitation du Shama´ en son temps.


Mais si les gens comprenaient que tout ce qui est imprimé dans le Siddour n'est pas obligatoire à réciter, et qu'ils se contentaient de l'essentiel, à savoir le Shama´ et les Shamônah ´asréh, ils n'auraient ni besoin de courir après le temps ni de réciter deux fois le Shama´ le matin, et ils retireraient de leurs épaules un lourd fardeau, car ne nous voilons pas la face : plus les offices durent moins l'écrasante majorité des gens restent concentrés du début à la fin. Au contraire, la prière est devenue une activité mécanique, faite sans cœur pour la plupart des gens, tout cela parce qu'on leur fait croire qu'ils doivent lire toutes les centaines de page de l'office !
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