vendredi 21 novembre 2014

Shénayim Miqro` Wé`èhod Targoum

בס״ד

Shénayim Miqro` Wé`èhod Targoum


Il est rapporté dans le Talmoud :

Bérokhôth 8a-b
Rov Houno` bar Yéhoudoh1 a dit au nom de Rabbî `Ammî2 : « Un homme doit toujours compléter3 ses Parashîyôth avec la communauté4, [en lisant] deux fois l’Écriture5 et une fois le Targoum6, y compris [des versets tels que] 'Atorôth et Dîvôn7, car quiconque complète ses Parashîyôth avec la communauté voit ses jours et ses années être prolongés ! »
אמר רב הונא בר יהודה אמר רבי אמי לעולם ישלים אדם פרשיותיו עם הצבור שנים מקרא ואחד תרגום ואפילו עטרות ודיבון שכל המשלים פרשיותיו עם הצבור מאריכין לו ימיו ושנותיו

Lorsque le Talmoud dit que cela permet de prolonger ses jours et ses années, cela signifie que lire également de soi-même toute la Tôroh en Hébreu, morceau par morceau, de façon à la terminer en même temps que la communauté aura achevé son cycle de lecture de la Tôroh, ainsi que la traduction araméenne du texte Hébreu, augmente la qualité de vie de celui qui prend sur lui cette habitude, car en lisant chaque jour une partie du texte en Hébreu il apprend à mémoriser la Tôroh dans sa langue d'origine et à la chanter, tandis qu'en lisant la traduction araméenne il comprend plus profondément le sens du texte Hébreu, car le Targoum n'est pas seulement une traduction araméenne, mais est également une interprétation. Le Targoum élucide de nombreux passages obscurs de l’Écriture, et commente l’Écriture à la lumière de la Tradition. Ainsi, en même temps qu'il lit et mémorise le texte Hébreu, il l'étudie également. Voilà pourquoi cette personne qui prend sur elle cette pratique prolonge ses jours et ses années, car sa vision des choses sera positivement impactée et il comprendra la profondeur et les messages pertinents en toutes époques contenus dans la sainte Tôroh.8 En outre, lire la Tôroh en parallèle avec le Targoum nous permet de retourner plus de 2000 ans en arrière et voir comment la Tôroh était comprise par nos Sages du Sanhédrîn et le peuple Juif durant les temps talmudiques.

Chaque fois que ce sujet est abordé, trois questions reviennent toujours :

  1. Est-ce une Halokhoh ?
  2. Doit-on néanmoins lire le Targoum bien que l'on ne comprenne pas l'Araméen ?
  3. Est-il possible de s'acquitter par un autre texte que le Targoum ?

Tout d'abord, la suite du passage talmudique susmentionné indique clairement que cette pratique était connue et suivie par (pratiquement) tous. Deuxièmement, ce que peu savent, c'est que cette pratique de שנים מקרא ואחד תרגום « Shénayim Miqro` Wé`èhod Targoum – [Lire] deux [fois] l’Écriture et une fois le Targoum » est bel et bien codifiée comme étant une Halokhoh :

Mishnéh Tôroh, Hilkhôth Téfilloh Ouvirkhath Kôhanîm 13:25
Bien qu'un homme entende l'intégralité de la Tôroh [lorsqu'elle est lue] durant toute l'année en public, il a l'obligation de lire par lui-même, chaque semaine, le Sédèr9 de ce Shabboth-là, [en lisant] deux [fois] l’Écriture et une [fois] le Targoum. Quant au verset qui n'a pas de Targoum, il le lit trois fois, jusqu'à ce qu'il ait complété ses Parashîyôth avec la communauté.
אַף עַל פִּי שֶׁאָדָם שׁוֹמֵעַ כָּל הַתּוֹרָה כֻּלָּהּ, בְּכָל שְׁנָתוֹ בַּצִּבּוּר, חַיָּב לִקְרוֹת לְעַצְמוֹ בְּכָל שָׁבוּעַ וְשָׁבוּעַ, סֵדֶר שֶׁלְּאוֹתָהּ שַׁבָּת--שְׁנַיִם מִקְרָא, וְאֶחָד תַּרְגּוּם; וּפָסוּק שְׁאֵין לוֹ תַּרְגּוּם, קוֹרְאֵהוּ שְׁלוֹשָׁה פְּעָמִים: עַד שֶׁיַּשְׁלִים פָּרָשִׁיּוֹתָיו, עִם הַצִּבּוּר

Shoulhon 'Oroukh, `Ôrah Hayyîm 285:1
Bien qu'un homme entende l'intégralité de la Tôroh chaque Shabboth dans la communauté, il a l'obligation de lire par lui-même, chaque semaine, la Poroshoh de cette semaine-là, [en lisant] deux [fois] l’Écriture et une [fois] le Targoum, même [des versets comme] « 'Atorôth et Dîvôn »
אף על פי שאדם שומע כל התורה כולה כל שבת בציבור, חייב לקרות לעצמו בכל שבוע פרשת אותו שבוע שנים מקרא ואחד תרגום, אפילו עטרות ודיבון

Le terme תרגום « Targoum » désigne, dans son sens le plus restreint, l'interprétation araméenne de l’Écriture (généralement, le Targoum `Ônqélôs), tandis que dans son sens le plus large il signifie tout simplement « interprétation », et peut ainsi désigner n'importe quelle langue. D'où la question : peut-on respecter cette pratique dans n'importe quelle langue, ou fait-il se tenir à l'araméen ?

Les Tôsofôth זצ״ל rapportent l'opinion de certains décisionnaires qui soutiennent que le Targoum peut se faire dans n'importe quelle langue. Après tout, le but même de cette pratique est d'aider les 'Améi Ho`orès, qui ne comprennent pas la Langue Sainte, à savoir ce que dit la Tôroh. Or, de nos jours, la plupart des Juifs ne parlent pas et ne comprennent pas l'Araméen. De ce fait, avoir recourt à une traduction en Français semblerait plus logique. Néanmoins, les Tôsofôth rejettent cette possibilité parce que le Targoum `Ônqélôs n'est pas seulement une traduction ; c'est une interprétation. Le Talmoud dit clairement dans le traité Mégîlloh que sans le Targoum `Ônqélôs, nous serions incapables même de lire les mots de la Tôroh. Une traduction n'aidera pas, et pourra même s'avérer trompeuse.10 Il y a des mots dans la Tôroh, parfois même des versets entiers, qu'il nous est tout simplement impossible de comprendre sans le Targoum `Ônqélôs. Les Tôsofôth concluent, de ce fait, que l'obligation halakhique du Targoum doit se remplir plus précisément à travers l'étude du Targoum `Ônqélôs, que l'on devra préférer à toute autre explication sur la Tôroh.

Mais une explication n'aide pas non plus si on ne la comprend pas ! Étant donné que nous ne sommes plus familiers avec l'Araméen, étudier le Targoum `Ônqélôs pourrait s'avérer être une perte de temps ! En fait, c'est l'une des raisons principales pour lesquelles cette Halokhoh de « Shénayim Miqro` Wé`èhod Targoum » n'est plus tant respectée.

Le Rô`sh11 זצ״ל avance, par conséquent, l'idée selon laquelle étudier le Houmash avec l'explication de Rashî permet de respecter cette Halokhoh comme si l'on avait étudié le Houmash avec le Targoum `Ônqélôs, étant donné que, tout comme le Targoum `Ônqélôs, Rashî explique pratiquement chaque mot et chaque verset de la Tôroh. Comme les Tôsofôth, le Rô`sh estime que le but du Targoum n'est pas de servir de traduction, mais d'explication, et le commentaire de Rashî זצ״ל sur la Tôroh remplit tout autant cette fonction que le Targoum `Ônqélôs, voire même mieux encore !

Ailleurs12, le Rô`sh démontre que même à un moment donné dans les temps talmudiques, il y avait des communautés qui ne faisaient plus appel à un interprète (Métourgéman) pour traduire instantanément la Tôroh en Araméen. Cela étant le cas, et puisque nous ne comprenons plus le Targoum de toute façon, il n'est plus nécessaire d'utiliser particulièrement le Targoum `Ônqélôs pour respecter cette Halokhoh.

Mais Rashî lui-même considère clairement l'obligation du Targoum comme se rapportant à la traduction et non à l'explication. C'est pour cela qu'il insiste sur le fait de lire chaque semaine le Houmash avec le Targoum `Ônqélôs. Et même les mots qui ne seraient pas traduits dans le Targoum `Ônqélôs doivent être lus trois fois (deux fois en Hébreu et une fois en Araméen), démontrant par-là que pour lui, l'essentiel est la traduction et non l'explication. Ainsi, d'après Rashî, même si l'on ne comprend pas l'Araméen, mais qu'on est capable de le lire, on doit néanmoins lire chaque verset de la Tôroh dans sa traduction donnée dans le Targoum `Ônqélôs. D'après Rashî, lire son commentaire sur la Tôroh a la place du Targoum `Ônqélôs ne permet donc pas de respecter cette Halokhoh !

On pourrait s'interroger sur la position de Rashî. Que réalise-t-on en lisant un texte rédigé dans une langue que l'on ne comprend même pas ? Le Pérî Mégadîm זצ״ל explique la raison de l'obligation de « Shénayim Miqro` Wé`èhod Targoum » : elle ressemble au moment où HaShem se révéla à Môshèh Rabbénou ע״ה, au Don de la Tôroh sur le Har Sinaï, ainsi qu'au Séfèr Dévorîm, qui est une répétition de la Tôroh. HaShem parla une première fois, Môshèh Rabbénou répéta mot pour mot ce qu'il avait entendu d'HaShem du Séfèr Béré`shîth au Séfèr Bémidbor. Puis, dans le Séfèr Dévorîm, il répéta toute la Tôroh mais avec une explication. Ainsi, lorsqu'HaShem se révéla à Môshèh Rabbénou, cela correspond à l'étude personnelle de la Tôroh que nous devons faire chaque semaine. Lorsque Môshèh Rabbénou répéta devant le peuple mot pour mot, sans rien ajouter, les paroles qu'il avait reçues d'HaShem, cela correspond à la lecture publique de la Tôroh chaque Shabboth à la synagogue. Et lorsqu'il répéta la Tôroh, mais en accompagnant cette répétition d'une explication, cela correspond au Targoum ! À travers l'obligation de « Shénayim Miqro` Wé`èhod Targoum », nous reproduisons ce schéma. Cela ne change rien que l'on comprenne ou pas l'Araméen, tout comme cela ne change rien que l'on comprenne ou pas le Loshôn Haqqôdèsh lorsque la Tôroh est lue en public chaque Shabboth. (En fait, beaucoup même ne comprennent rien du tout à la lecture, car bon nombre de Juifs ne maîtrisent pas du tout le Loshôn Haqôdèsh.) La langue a une importance intrinsèque, parce que c'est ainsi que la Tôroh fut donnée. Ainsi, le Targoum `Ônqélôs, en Araméen, a une énorme importance, même si vous n'avez aucune idée de ce que vous lisez. Comme l'a dit le Rov Shémou`él Yéhoudoh Katzenellenbogen13 זצ״ל, l'Araméen est du Loshôn Haqqôdèsh qui s'est corrompu. Effectivement, la grammaire des deux langues est exactement la même ! Par conséquent, c'est une langue qui doit être traitée avec respect. C'est une langue sainte, au point que plusieurs parties du TaNaKh ont été rédigées en Araméen !

Tout cela nous permet de comprendre l'approche de Rashî, selon qui, même si l'on ne comprend pas l'Araméen, on doit lire chaque semaine la Paroshoh en Loshôn Haqqôdèsh dans un Houmash et en araméen dans le Targoum `Ônqélôs, tout comme, que l'on comprenne ou pas le Loshôn Haqqôdèsh, la Tôroh est toujours lue en Loshôn Haqqôdèsh à la synagogue ! Ces langues sont celles de la révélation aux hommes de la Volonté Divine. Nous devons lire la Tôroh en Araméen de la même façon qu'elle fut donnée à l'origine dans cette langue (qui est du Loshôn Haqqôdèsh qui s'est corrompu).

Pour revenir et conclure sur la préférence entre Rashî et le Targoum `Ônqélôs, le Séma''g זצ״ל suggère ceci : logiquement parlant, le commentaire de Rashî est préférable au Targoum `Ônqélôs, mais il fait remarquer que de nombreux Ri`shônîm insistent pour dire que l'on doit préférer le Targoum `Ônqélôs à toute autre alternative. Il souligne le fait que le Targoum est tant chéri par le peuple Juif parce qu'il fut donné au Har Sinaï et que la pratique de « Shénayim Miqro` Wé`èhod Targoum » est une reproduction de cette expérience. Rabbî Yôséf Karo זצ״ל adopte une position de compromis, et tranche ceci :

Shoulhon 'Oroukh, `Ôrah Hayyîm 285:2
Si on étudie la Poroshoh avec le commentaire de Rashî, cela a une importance comparable au Targoum. Mais celui qui craint les Cieux lira le Targoum, ainsi que le commentaire de Rashî.
אם למד הפרשה בפירוש רש"י - חשוב כמו תרגום. וירא שמים יקרא תרגום וגם פירוש רש"י

Du point de vue du Méhabbér, il semble donc que si quelqu'un n'a le temps dans sa semaine que pour lire soit la Paroshoh avec le Targoum, soit la Paroshoh avec le commentaire de Rashî, il peut choisir l'un ou l'autre, car ils ont la même importance. Mais celui qui est en capacité de faire les deux fera les deux !

Qu'est-ce que devrait faire quelqu'un qui ne comprend pas même le commentaire de Rashî ? Comment peut-il respecter la Halokhoh de « Shénayim Miqro` Wé`èhod Targoum » ? La réponse dépend de la Mahalôqéth entre Rashî et les autres Ri`shônîm. D'après Rashî, le Targoum doit se faire, que l'on comprenne ou pas ce qu'on lit. D'après les autres, l'objectif du Targoum est d'amener à la compréhension du texte. Le Tour14 זצ״ל rapporte lui aussi la Halokhoh de « Shénayim Miqro` Wé`èhod Targoum », et cite aussi bien les opinions de Rashî que celles des Tôsofôth, mais conclut que le Minhog des Mahmîrîm (ceux qui sont stricts et minutieux dans l'accomplissement des Miswôth) suit l'approche de Rashî, et ils accomplissent donc leur devoir de Targoum, qu'ils comprennent ou pas le texte qu'ils lisent. Ainsi, si quelqu'un comprend le commentaire de quelqu'un d'autre (par exemple, celui du Ramban זצ״ל, du `Avravan`él זצ״ל, du Séfath `Èmèth זצ״ל, du Mé'am Lô'éz, etc.) mieux que celui de Rashî, d'après la deuxième opinion il ferait mieux d'utiliser ce commentaire plutôt que celui de Rashî. Le Taz זצ״ל écrit lui aussi que l'on peut s'appuyer sur d'autres commentaires que ceux de Rashî. Mais d'après l'opinion de Rashî, puisque le but n'est pas la compréhension, mais le fait de simplement lire, la compréhension n'a pas d'importance.

En conclusion, peu importe le choix que chacun fera, il y a des Ri`shônîm sur lesquels s'appuyer. Néanmoins, celui qui craint les Cieux accomplit les deux options, et lit donc aussi bien le Targoum `Ônqélôs que le commentaire de Rashî, chaque semaine. Pourquoi ? Parce que s'il se présente devant le Tribunal Céleste et qu'on lui demande comment est-ce qu'il respectait la Halokhoh de « Shénayim Miqro` Wé`èhod Targoum », s'il répond qu'il lisait le Houmash avec le commentaire de Rashî, on lui répondra que même Rashî est d'avis qu'on n'accomplit pas son obligation en lisant son commentaire ! Et s'il répond qu'il ne lisait que le Houmash avec le Targoum `Ônqélôs, on lui dira que s'il aimait tant la Tôroh et qu'il voulait la comprendre et pas seulement la lire, il aurait également étudié le commentaire de Rashî !

Nous devons allier la tradition (lire les textes dans les deux langues saintes) à la compréhension (lire le commentaire de Rashî ou d'autres commentateurs) !

Les Juifs Yéménites, une grande partie du Judaïsme séfarade et certains milieux Hassidiques suivent encore la pratique de « Shénayim Miqro` Wé`èhod Targoum » comme cela se faisait avant, à savoir, ils lisent la Paroshoh chaque semaine en Loshôn Haqqôdèsh, accompagné du Targoum `Ônqélôs (et d'autres ajoutent en plus le commentaire de Rashî, pour satisfaire aux deux opinions). Hereux celui qui s'y adonne !
1Un `Amôro` Babylonien de la deuxième génération après la rédaction de la Mishnoh, qui fut le Rô`sh Yéshîvoh de l'académie de Souro`. Il est né aux environs de l'an 216 et est décédé entre 296 et 297 de l’Ère Courante.
2Un `Amôro` de la troisième génération après la rédaction de la Mishnoh. Nous ne savons pas où est-ce qu'il est né. Mais l'emploie du terme « Rabbî » pour le désigner indique qu'il était originaire de Palestine, car dans le Talmoud, les maîtres de Babylone étaient désignés par le titre de « Rov » et non « Rabbî ». D'ailleurs, dans sa jeunesse, il étudia dans l'académie de Césarée, dirigée par Rabbî Hôsha'yo`, puis plus tard à Tibèriade, où il devint un disciple de Rabbî Yôhonon.
3C'est-à-dire, lire intégralement.
4C'est-à-dire, lire aussi intégralement la Tôroh à la maison, et pas seulement à la Synagogue. La lecture privée devra se faire de façon à achever toute la Tôroh en même temps que la communauté l'achèvera aussi. À Babylone, cela signifiait terminer de lire toute la Tôroh avant Simhath Tôroh de chaque année, tandis qu'en Palestine, cela signifiait terminer de la lire en trois ans et demi, avant le commencement du nouveau cycle triennal.
5Le texte Hébreu. Une fois à la maison, et une fois à la synagogue.
6C'est-à-dire, l'interprétation araméenne de l’Écriture.
7Bémidbor 32:3. C'est-à-dire, même les passages qui ne sont pas traduits dans le Targoum doivent être lus en Hébreu et dans la version araméenne.
8Par la même occasion, il se familiarise à l'Araméen, qui est également la langue du Talmoud.
9La portion hebdomadaire.
10Il existe de nombreux versets de la Tôroh qui ont été traduits n'importe comment et dont le sens traduit n'a rien à voir avec ce que dit le texte dans la langue d'origine.
11Bérokhôth 1:8
12gîlloh 3:6
13Un rabbin Italien (1521-1597)

14`Ôrah Hayyîm 285
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