dimanche 24 mars 2019

Les « rebelles » de Yisro`él


בס״ד

Les « rebelles » de Yisro`él

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Lorsque Ya´aqôv `ovinou ע״ה se présente devant son père déguisé en ´ésow son frère, dans le but de s'emparer de la Barokhoh (bénédiction) qui était destinée à ´ésow, Yishoq `ovinou ע״ה respire אֶת־רֵ֥יחַ בְּגָדָ֖יו « l'odeur de ses vêtements », et s'exclame1 : רְאֵה֙ רֵ֣יחַ בְּנִ֔י כְּרֵ֣יחַ שָׂדֶ֔ה אֲשֶׁ֥ר בֵּֽרְכ֖וֹ יְהוָֽה « Vois ! L'odeur de mon fils est comme l'odeur d'un champ que HaShem a béni ».

Le Talmoudh2 cite une lecture midhrashique de ce Possouq (verset), où le mot ְגָדָיו « Baghodhow – ses vêtements » est plutôt lu ֹגֵדָיו « Bôghédhow – ses rebelles ». D'après cette lecture, Yishoq fait prophétiquement l'éloge même des « rebelles », les impies parmi les descendants de Ya´aqôv. Même ces membres déloyaux du peuple Juif, s'exclame Yishoq, sont « odorants » aux yeux de HaShem ית׳. Ce commentaire dans le Talmoudh est précédé par le très célèbre adage talmudique suivant : « Même ceux qui sont vides parmi toi [Yisro`él] sont remplis de Miswôth comme une grenade ». Il semble que les Sages cherchent ici à souligner que même les pécheurs de Yisro`él accomplissent de nombreuses Miswôth et sont dignes d'admiration pour leurs bonnes œuvres. C'est ainsi que la plupart des rabbins comprennent ce passage talmudique.

Mais Ribbénou comprend ce passage différemment. Il rapporte le commentaire talmudique dans son fameux `iggarath Hashshamodh, un épître qu'il a rédigé à l'âge de 24 ans à l'adresse des communautés persécutées par les Almohades Musulmans, qui forçaient leurs sujets Juifs soit à extérieurement embrasser l'Islam ou à subir une expulsion. Alors que la famille de Ribbénou prit la décision de fuir (abandonnant toutes leurs possessions), de nombreux autres Juifs décidèrent de se comporter comme des Musulmans pour pouvoir rester. Ribbénou rédigea ce traité en réponse à une décision halakhique prise par une figure rabbinique majeure de cette époque (qui ne vivait pas dans les régions dominées par les Almohades), qui condamnait les Juifs qui s'étaient soumis aux persécuteurs et avaient fait serment d’allégeance à l'Islam, et les considéra comme des hérétiques et des pécheurs. Dans sa réponse, Ribbénou défend une approche plus sensible et compréhensive, en insistant sur le fait que ces victimes Juives de la persécution Musulmane restaient des enfants bien-aimés du Tout-Puissant, en dépit du fait d'avoir courbé le dos sous la pression Almohade.

Il écrit ceci dans le deuxième chapitre de ce traité :

Ils ne se sont pas rebellés contre le Tout-Puissant à la recherche du confort et du plaisir ; ils n'ont pas abandonné la foi ni ne se sont distancés d'elle pour atteindre la grandeur et accomplir les plaisirs du temps... Cet homme [qui a condamné les communautés qui ont embrassé l'Islam] ne s'est pas rendu compte que ceux qui ne pèchent pas de plein gré le Tout-Puissant ne les laissera ni ne les abandonnera jamais...comme ils [les Sages], de mémoire bénie, l'ont dit : « Il respira l'odeur de ses vêtements – ne lis pas ''Baghodhow'' mais plutôt ''Bôghédhow'' ».

De là, nous voyons que Ribbénou comprend le passage talmudique se référant aux « rebelles » comme se rapportant à ceux qui se sont « rebellés » en réponse aux pressions d'une persécution religieuse, mais qui dans le fond de leurs esprits restent loyaux à HaShem et à Ses Miswôth. C'est juste qu'ils ont succombé aux menaces de tyrans anti-Juifs.

D'après la lecture de Ribbénou de ce passage, il semblerait que le Talmoudh interprétait ce passage à la lumière de l'image symbolique de Ya´aqôv se tenant devant son père déguisé en ´ésow. Cette image anticipe l'époque où les descendants de Ya´aqôv se retrouveront sous pression de revêtir les vêtements de ´ésow, embrassant extérieurement des croyances étrangères tout en restant intérieurement fidèles et dévoués aux traditions de `avrohom `ovinou ע״ה et Yishoq (הַקֹּל֙ ק֣וֹל יַֽעֲקֹ֔ב וְהַיָּדַ֖יִם יְדֵ֥י עֵשָֽׂו « La voix est la voix de Ya´aqôv, mais les mains sont les mains de ´ésow »3). Même sous de telles circonstances, HaShem « respire l'odeur » de ces « vêtements » portés par les « rebelles » de Yisro`él ; c'est-à-dire qu'extérieurement ils semblent s'être rebellés et avoir changé d'identité, mais intérieurement ils sont restés fidèles et Israélites. C'est pourquoi ils restent bénis de HaShem, comme l'a dit Yishoq.

L'histoire du déguisement de Ya´aqôv a donc pour but d'offrir de l’espoir et des encouragements à tous ceux qui se sont retrouvés contraints de revêtir les vêtements de ´ésow à cause des pressions de la persécution, et leur rappelle l'amour de HaShem à leur égard en dépit de leur « déguisement », et les enjoint à retourner vers le sentier de la pratique de la Tôroh et à se débarrasser une bonne fois pour toute des « vêtements » de ´ésow dès la première opportunité, car sinon ce sera le signe qu'ils sont devenus comme ´ésow même intérieurement. Tout comme Ya´aqôv a mis les vêtements de ´ésow juste temporairement et afin de jouir de la bénédiction qui lui était en réalité destinée, et qui lui revenait de droit, mais est resté Ya´aqôv à l'intérieur de lui, nous aussi devons faire attention à ne pas rester déguisés en ´ésow trop longtemps, et à veiller à ne pas intérieurement accepter les doctrines et attitudes de ´ésow. De cette façon, dès qu'il sera possible de retirer ce vêtement et de retourner dans le camp de Ya´aqôv, nous n'aurons aucune séquelle intérieure et sauront évoluer correctement dans les sentiers de la Tôroh et des Miswôth.
1Baré`shith 27:27
2Sanhédhrin 37a ; voir aussi Midhrosh Baré`shith Rabboh 65
3Baré`shith 27:22

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