jeudi 28 mai 2015

Qu'est-ce qui ne va pas avec le Zôhar ? - Introduction

בס״ד

Qu'est-ce qui ne va pas avec le Zôhar ?


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Introduction

  1. Motivations

La première chose dont nous devons être conscients lorsqu'on aborde des sujets aussi sensibles que celui-ci est le but que nous visons. Pourquoi faisons-nous cela ? Il est dit que ראשית חכמה יראת ה׳ « Le commencement de la sagesse est la crainte d'HaShem ».1 Non seulement ce doit être la première chose qu'on enseigne à un enfant, mais également à toute personne qui poursuit la sagesse : sa recherche doit toujours avoir pour objectif la crainte d'HaShem, quelque chose qui s'exprimera dans le contexte de la crainte d'HaShem, que ce soit directement, indirectement, ou en fin de compte. Ce doit être quelque chose qui améliorera la qualité de son ´Avôdath HaShem et sa relation avec HaShem. Et cette série d'études sur le Zôhar a pour objectif de purifier votre ´Avôdath HaShem et la nettoyer de toute influence extérieure.

Nous allons examiner l'une des influences majeures de la culture juive contemporaine, à savoir la prétendue « Qabboloh » du Zôhar, qui est si centrale pour beaucoup qu'émettre la moindre critique peut amener à être classé dans la catégorie des hérétiques, et tenter de comprendre les problèmes que pose le Zôhar et en quoi il n'est pas authentique.

  1. Masôroh

La מסורה « Masôroh » (tradition) est le cœur de la foi israélite et ce qui la soutient. Elle la défend des doctrines où la logique n'existe pas et où l'irrationalité domine. C'est la base de la perpétuation de notre foi, que ce soit vis-à-vis de notre relation avec HaShem ou notre foi dans le Mathan Tôroh (don de la Tôroh), en ce que la Tôroh que nous avons aujourd'hui fut exactement celle qui fut donnée au peuple d'Israël, par l'intermédiaire de Môshah Rabbénou ע״ה, sur le Mont Sinaï.

Le mot « Masôroh », comme nous le savons, signifie « tradition », « transmission ». C'est une chaîne de témoignages. Elle fournit le tampon d'approbation que doit mériter toute innovation pour pouvoir faire partie de la foi israélite.

Or, tous les premiers grands rabbins ayant affirmé que le Zôhar était authentique (Rabbi Yishoq ban Shamou`él d'Acre, le `AriZa''l, ou encore le Hydd`o), tous jusqu'à ce que le Rada''l (Rabbi Dowidh Louria) n'invente, au dix-neuvième siècle, sa théorie révisioniste sur le Zôhar (il publia le livre « Qadhmouth HaZôhar », dans lequel il tente de démontrer que le Zôhar est bien un livre remontant à l'époque de Rébbi Shim ôn ban Yôho`y ז״ל, et non au Moyen-âge), soutenaient que la découverte du Zôhar fut une surprise totale au treizième siècle. Par conséquent, le Zôhar n'a en fait aucune Masôroh pour le soutenir ! Le Zôhar n'a aucune chaîne de transmission ou de témoignages militant pour son authenticité !

Le Zôhar fut présenté comme un livre unique contenant les secrets les plus profonds qu'un homme ait jamais connus. Il semblerait que certains Safaradhim le traitent comme le livre le plus sacré de toute la littérature juive, même plus sacré que la Tôroh ! Les Juifs marocains organisent même une fête spéciale le jour où ils acquièrent un exemplaire du Zôhar et l'apportent dans leur maison. Le Ramha''l était d'avis que le simple fait de le lire, même sans en comprendre le moindre mot, est une activité d'une grande valeur spirituelle et pourrait amener le lecteur à atteindre de hauts niveaux spirituels, la sainteté, et de grandes indulgences célestes.

À tous les événements de leur vie, à chaque Yôm Tôv et célébration, lors d'un deuil ou cérémonie de souvenir, les Safaradhim ont le Minhogh de lire une partie pertinente du Zôhar pour marquer le sérieux de l'occasion. La cérémonie-même de la Barith Yishoq est intégralement basée sur le Zôhar.

Les Maqqoubbolim (mystiques) qui étudient jour et nuit le Zôhar furent longtemps considérés comme des hommes dotés d'une sainteté et de capacités hors du commun des mortels. Ces gens furent toujours traités comme les plus pieux des hommes, une croyance qui permit d'installer Shabbataï Tsvi ימש״ו dans son fauteuil de Messie. Le petit peuple croyait également, comme cela fut enseigné dans le Shou''th Tashouvoh Mé`ahavoh 26, que toute personne faisant un faux serment sur le Zôhar mourra dans un court laps de temps ! (Le fait de pouvoir même jurer sur le Zôhar, plutôt que sur la Tôroh, montre à quel point le Zôhar supplanta la Tôroh dans les cœurs des adeptes du Zôhar.)

Chez les `Ashkanazim, bien que la plupart d'entre eux attribuaient au Zôhar une grande sainteté, les gens se sentaient trop indignes et éloignés du texte mystérieux que pour l'étudier. Cela eut pour conséquence que de nombreux points d'objection importants vis-à-vis du Zôhar leur échappa, et le livre resta revêtu de mystère au milieu des `Ashkanazim (qui sont normalement plus critiques) et aveuglément accepté par les Safaradhim jusqu'à ce qu'avec l'époque du `AriZa''l il devint trop tard pour défier le Zôhar.

Et bien que de nombreux livres, dont les auteurs furent d'éminents kabbalistes, furent rédigés au sujet du Zôhar, dont certains avaient pour but de le défendre et le commenter, aucun d'eux ne rend réellement compréhensibles certains termes et concepts obscurs (voir idolâtre et superstitieux) contenus dans le Zôhar.

Le livre en lui-même est cité par des Talmidhé Hakhomim de premier plan tout au long des générations (Rabbénou Bahayyé, le Tashbé''s, le Radba''z, le Maharsha''l, le Gr`a, ou encore le Ba`al HaTanya), jusqu'à pratiquement tous les Pôsqim célèbres de notre époque.

Comment un livre qui est soudainement apparu sur scène fut canonisé et incorporé dans la « tradition » de la foi israélite ? Par quelle processus est-il passé pour être « universellement » accepté ?

La vérité est qu'il n'y a jamais eu de canonisation officielle ! Le livre a surgi de nulle part, rencontra de nombreuses oppositions ici et là, mais su gravir les échelons pour atteindre un statut inimaginable, en grande partie en raison de son charisme et la soif désespérée de nombreux Juifs à connaître des expériences sublimes, mystérieuses et messianiques.

Son acceptation s'est produit suite à un effet boule de neige : de petits rabbins ont accepté le Zôhar et l'ont apporté à des rabbins plus éminents, qui l'ont à leur tour apporté à des rabbins encore plus éminents, et il finit par être approuvé par les dirigeants les plus influents et éminents des générations. Ayant atteint le sommet de la hiérarchie depuis si longtemps, il semblerait donc que son autorité n'a aucune chance de pouvoir être remise en question.

C'est pourtant ce que nous allons faire à travers cette série d'articles consacrés au Zôhar.


1Tahillim 111:10

mercredi 27 mai 2015

Mishnéh Tôroh VS Shoulhon ´Oroukh : La récitation du Shama´ V

בס״ד

Mishnéh Tôroh VS Shoulhon ´Oroukh


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La récitation du Shama´ V

Rabbi Yôséf Qa`rô זצ״ל écrit ceci dans son Shoulhon ´Oroukh :

`Ôrah Hayyim 63:2
Celui qui désire être strict en se levant alors qu'il était assis afin de le réciter debout est appelé « pécheur ».
מי שרוצה להחמיר לעמוד כשהוא יושב ולקרותה מעומד נקרא עבריין

En d'autres mots, le Shama´ peut être récité dans n'importe quelle position. En fait, lorsque vient l'heure de la récitation du Shama´, il doit se réciter dans la position dans laquelle on se trouvait lorsque l'heure de le réciter est arrivée. En outre, ce Pasaq du Méhabbér1 invalide la pratique de beaucoup de Juifs de notre temps qui se lèvent automatiquement lorsqu'ils récitent le Shama´ à la Synagogue. S'ils étaient assis au moment de la récitation du Shama´, ils doivent rester assis. S'ils étaient debout, ils ne doivent pas s'asseoir pour réciter le Shama´.

Par contre, réciter le Shama´ le visage à plat contre le sol ou sur son dos n'est pas approprié. C'est pourquoi, il écrit ceci :

`Ôrah Hayyim 63:1
On peut le réciter en marchant, ou debout, ou couché, ou en montant le dos d'un animal, ou assis, mais pas dans une position paraqdon, c'est-à-dire, avec son visage à plat contre le sol ou couché sur son dos le visage tourné vers le haut. Mais on peut réciter en se couchant sur le côté.
קורא אותה מהלך או עומד או שוכב או רוכב על גבי בהמה או יושב אבל לא פרקדן דהיינו שפניו טוחות בקרקע או מושלך על גבו ופניו למעלה אבל קורא והוא שוכב על צדו

Et bien que l'on doive réciter le Shama´ dans la position dans laquelle on se trouvait au moment de l'heure de la récitation, si on marchait on doit s'immobiliser ne serait-ce que pour le premier verset du Shama´, et on pourra ensuite réciter le reste du Shama´ tout en marchant :

`Ôrah Hayyim 63:3
Celui qui marchait sur le chemin et désire procéder à la récitation du Shama´ doit s'immobiliser pour le premier verset.
היה מהלך בדרך ורצה לקרות קריאת שמע צריך לעמוד בפסוק ראשון

Quant à celui qui dort au moment où arrive l'heure de la récitation du Shama´, on doit le réveiller pour qu'il récite au moins le premier verset. Après, s'il se rendort, on le laisse dormir, car le reste du Shama´ ne nécessite pas le même degré de concentration que le premier verset :

`Ôrah Hayyim 63:5
S'il dormait, nous le dérangeons et le réveillons jusqu'à ce qu'il récite le premier verset en étant pleinement éveillé. Par la suite, nous ne le dérangeons plus et ne lui imposons pas de rester pleinement éveillé, car même s'il récite [la suite] tout en somnolant, il est quitte.
אם היה ישן מצערים אותו ומעירים אותו עד שיקרא פסוק ראשון והוא ער ממש מכאן ואילך אין מצערים אותו כדי שיקרא והוא ער ממש שאף על פי שהוא קורא מתנמנם יצא

Concernant ceux qui travaillaient au moment où est arrivée l'heure de la récitation du Shama´, ils doivent s'interrompre au moins pour la première section du Shama´ (Shama´ + Wa`ahavto) :

`Ôrah Hayyim 63:7-9
S'il était occupé par un travail et désire procéder à la récitation du Shama´, il se détournera de son travail jusqu'à ce qu'il ait récité la première section, afin de ne pas donner l'impression que sa récitation est désinvolte.
היה עוסק במלאכה ורצה לקרות קריאת שמע יתבטל ממלאכתו עד שיקרא פרשה ראשונה כדי שלא יהא כקורא עראי
Les artisans, ainsi que le Ba´al Habbayith qui faisaient un travail au sommet d'un arbre ou au sommet d'une aile d'un bâtiment procèdent à la récitation du Shama´ là où ils se trouvent et n'ont pas besoin de descendre.
האומנין וכן בעל הבית שהיו עושים מלאכה בראש האילן או בראש שורות הבנין קורין קריאת שמע במקומם ואינם צריכים לירד
Le porteur, bien qu'il porte une charge sur son épaule, doit procéder à la récitation du Shama´. Par contre, il ne doit pas commencer [la récitation] s'il charge ou décharge en même temps sa charge, étant donné qu'à ce moment-là son esprit n'est pas apaisé2.
הכתף אף על פי שמשאו על כתיפו קורא קריאת שמע אבל לא יתחיל בשעה שטוען ולא בשעה שפורק מפני שאין לבו מיושב

Toutes ces règles du Shoulhon ´Oroukh sont également mentionnées dans le Mishnéh Tôroh du Rambam זצ״ל, qui écrit :

Hilkhôth Qiryath Shama´ 2:2-4
2. Tous les fils de l'Homme récitent comme ils sont, qu'ils soient debout, qu'ils soient en train de marcher, qu'ils soient couchés3, [ou] qu'ils soient montés sur le dos d'un animal4. Mais il est interdit de procéder à la récitation du Shama´ tout en ayant son visage à plat contre le sol, ou en étant étendu sur son dos, le visage vers le haut5. Néanmoins, on peut réciter tout en étant couché sur son côté.6 Et s'il est quelqu'un de très corpulent, et qu'il ne peut pas se retourner sur son côté, ou qu'il est malade, il s'incline légèrement vers son côté et récite.7
ב  כל בני אדם, קוראין כדרכן--בין עומדין, בין מהלכין, בין שוכבין, בין רוכבין על גבי בהמה. ואסור לקרות קרית שמע, והוא מוטל ופניו טוחות בקרקע, או מושלך על גבו ופניו למעלה. אבל קורא הוא, והוא שוכב על צידו; ואם היה בעל בשר הרבה, ואינו יכול להתהפך על צידו, או שהיה חולה--נוטה מעט לצידו, וקורא
3. Celui qui voyage à pied doit s'immobiliser pour le premier verset.8 Quant au reste, il le récitera tout en marchant.9 S'il dormait, nous le dérangeons et le réveillons jusqu'à ce qu'il ait récité le premier verset. Par la suite, s'il est pris de sommeil, nous ne le dérangeons plus.10
ג  מי שהיה מהלך על רגליו--עומד בפסוק ראשון, והשאר קורא והוא מהלך. היה ישן--מצערין אותו ומעירין אותו, עד שיקרא פסוק ראשון; מכאן ואילך, אם אנסתהו שינה, אין מצערין אותו
4. S'il était occupé par un travail, il s'interrompt jusqu'à ce qu'il ait récité la première section dans son intégralité.11 De même, les artisans12 se détournent de leur travail pour la première section, afin que ce ne soit pas une récitation désinvolte.13 Quant au reste, ils le réciteront tout en s'occupant de leur travail.14 Même si on se tenait au sommet d'un arbre ou au sommet d'un mur, on récite là où on se trouve, en bénissant avant et après.15
ד  מי שהיה עוסק במלאכה--מפסיק עד שיקרא פרשה ראשונה, כולה; וכן האומנין בטילין ממלאכתן בפרשה ראשונה, כדי שלא תהא קריאת עראי. והשאר, קורא והוא עוסק במלאכתו. אפילו היה עומד בראש האילן או בראש הכותל, קורא במקומו. ומברך לפניה, ולאחריה

Le Rambam mentionne ensuite certaines situations dans lesquelles il conviendrait de s'interrompre ou pas pour la récitation du Shama´ :

Hilkhôth Qiryath Shama´ 2:5-7
5. Si, alors que l'on est occupé à l'étude de la Tôroh, arrive l'heure de la récitation du Shama´, on interrompt [son étude] et on récite [le Shama´]16 et l'on bénit avant et après.17 Si l'on est occupé aux besoins communautaires, on ne s'interrompt pas. On récite [le Shama´] après avoir achevé son travail18, s'il reste le temps.19
ה  היה עוסק בתלמוד תורה, והגיע זמן קרית שמע--פוסק וקורא; ומברך לפניה, ולאחריה. היה עוסק בצורכי רבים--לא יפסיק, אלא יגמור עסקיהן; ויקרא, אם נשאר עת לקרות
6. Celui qui est occupé de manger, se trouve aux bains, se fait couper les cheveux, retourne des peaux20, ou est impliqué dans un procès21, termine [ce qu'il est en train de faire] et procède ensuite à la récitation du Shama´. Et s'il craint que passe l'heure de sa récitation22, et qu'il s'interrompt et récite [le Shama´], il est digne de louanges.23
ו  היה עוסק באכילה, או שהיה במרחץ, או שהיה עוסק בתספורת, או שהיה מהפך בעורות, או שהיו עוסקין בדין--גומר, ואחר כך קורא קרית שמע. ואם היה מתיירא שמא יעבור זמן הקריאה, ופסק וקרא--הרי זה משובח
7. Celui qui est descendu s'immerger24, s'il peut remonter et se couvrir avant le lever du soleil, il remonte, se couvre, et récite [le Shama´].25 Et s'il craint que le soleil ne se lève avant qu'il ne récite [le Shama´]26, il se couvre avec l'eau dans laquelle il se trouve, et récite [le Shama´].27 Il ne doit pas se couvrir dans de l'eau sale qui dégage une mauvaise odeur28, ni dans de l'eau utilisée pour laisser tremper du lin29, ni dans de l'eau limpide, parce que sa nudité est visible à travers elle30. Il se couvre d'une eau trouble, qui ne dégage pas de mauvaise odeur, et récite [le Shama´] où il se trouve31.
ז  מי שירד לטבול--אם יכול לעלות ולהתכסות ולקרות קודם שתנץ החמה, יעלה ויתכסה ויקרא. ואם היה מתיירא שמא תנץ החמה קודם שיקרא, יתכסה במים שהוא עומד בהן ויקרא. ולא יתכסה לא במים שריחן רע, ולא במי המשרה; ולא במים צלולין, מפני שערוותו נראית מהן. אבל מתכסה הוא במים עכורים שאין ריחן רע, וקורא במקומו

Le Méhabbér mentionne dans son Shoulhon ´Oroukh32 la permission pour ceux qui sont impliqués dans des affaires communautaires de terminer ce qu'ils font et d'attendre d'avoir terminé pour réciter le Shama´ s'il reste suffisamment de temps que pour le faire, ainsi que l'opinion du Rambam qui permet de terminer de manger, se couper les cheveux, travailler les peaux d'animaux, etc., une fois que l'on a commencé ces activités avant que n'arrive l'heure de la récitation du Shama´ s'il y aura suffisamment de temps que pour réciter le Shama´ après. Il mentionne également l'opinion du Ra`avadh qui n'est pas d'accord avec le Rambam.33 Puisqu'il mentionne l'opinion du Rambam en premier, cela indique qu'il est d'accord avec lui.

Le Rambam rapporte également les Halokhôth suivantes :

Hilkhôth Qiryath Shama´ 4:1-2
1. Celui qui a dans son cœur une préoccupation et une anxiété pour quelque chose qui concerne n'importe laquelle des Miswôth34 est exempt de la récitation du Shama´.35 C'est pourquoi, un Hothon qui épouse une vierge est exempt de la récitation du Shama´ jusqu'à ce qu'il soit allé sur elle36, parce que son esprit n'est pas tranquille, de crainte qu'il ne trouve pas [en elle les signes de] virginité.37 Et s'il attend jusqu'à Môso`é Shabboth38 et ne l'a pas dominée, il a l'obligation de réciter [le Shama´] à partir de Môso`é Shabboth, car il a déjà calmé son esprit et son cœur s'est déjà épris d'elle, bien qu'il ne l'ait pas dominée.39
א  נשים ועבדים וקטנים, פטורין מקרית שמע; ומלמדין את הקטנים לקרות אותה בעונתה, ומברכין לפניה ולאחריה, כדי לחנכן במצוות. מי שהיה ליבו טרוד ונחפז בדבר מצוה מכל המצוות, פטור מקרית שמע. לפיכך חתן שנשא בתולה--פטור מקרית שמע, עד שיבוא עליה, לפי שאין דעתו פנויה, שמא לא ימצא בתולים; ואם שהה עד מוצאי שבת ולא בעל, חייב לקרות ממוצאי שבת ואילך, שהרי נתקררה דעתו, וליבו גס בה אף על פי שלא בעל
2. En revanche, celui qui épouse une [femme] qui n'est pas vierge, bien qu'il soit occupé à une Miswoh40, a l'obligation de réciter [le Shama´]41, étant donné qu'il n'y a rien qui trouble son esprit42. Et de même pour tout cas semblable.
ב  אבל הנושא את הבעולה--אף על פי שהוא עוסק במצוה, חייב לקרות, הואיל ואין לו דבר שמשבש את דעתו. וכן כל כיוצא בו

Cette Halokhoh est également rapportée par le Méhabbér, mais celui-ci estime qu'elle ne s'applique plus de nos jours. Voici ce qu'il écrit :

`Ôrah Hayyim 70:3
Celui qui a épousé une vierge est exempt de la récitation du Shama´ pour trois jours s'il n'a pas fait l'acte, étant donné qu'il est préoccupé par ce qui a trait à une Miswoh. Et cela ne s'appliquait que du temps des Ri`shônim. Mais à présent, où même le reste des fils de l'Homme ne se concentre pas très bien, même celui qui a épousé une vierge doit réciter [le Shama´ la nuit de noce].
הכונס את הבתולה פטור מקריאת שמע ג' ימים אם לא עשה מעשה מפני שהוא טרוד טרדת מצוה והני מילי בזמן הראשונים אבל עכשיו שגם שאר בני אדם אינם מכוונים כראוי גם הכונס את הבתולה קורא

En d'autres mots, pour le Méhabbér, étant donné qu'à notre époque le niveau de concentration requis pour la récitation du Shama´ n'est plus comparable à la concentration optimale des Israélites des temps passés, une grande concentration ne serait plus requise de nos jours, et on pourrait donc permettre au Hothon de réciter le Shama´ lors de la nuit de noce. Pour notre part, nous suivons ce qui est dit dans le Talmoudh et le Mishnéh Tôroh, car peu importe les époques, se concentrer pour la récitation du Shama´ est d'une grande importance.

1Surnom donné à Rabbi Yôséf qa`rô, et qui signifie « l'auteur » ou « le rédacteur », en référence au fait qu'il est l'auteur du Shoulhon ´Oroukh
2Pusiqu'il s'inquiète de ce qu'il doit charger ou décharger, ce qui fait qu'il n'a pas la concentration appropriée pour la récitation du Shama´
3Barokhôth 11a
4Qîddoushîn 33b tranche que monter un animal est semblable au fait de marcher
5Rashi זצ״ל, dans son commentaire sur Barokhôth 13b (la source de cette Halokhoh), explique que ces deux positions ne sont pas appropriées, parce qu'elles sous-entendent une certaine arrogance, qui est inaproprié au moment où l'on doit accepter sur soi le Joug du Royaume des Cieux
6Mais c'est à la condition d'être complètement couché sur son côté et non légèrement, car le Talmoudh (Barokhôth, Ibid.) interdit également de réciter le Shama´ en étant légèrement couché sur son côté, sauf dans des cas d'exception, comme ceux mentionnés par le Rambam dans la suite de cette Halokhoh
7Rabbénou Manôah זצ״ל insiste sur le fait que pour toute autre personne, il sera interdit de réciter le Shama´ dans une telle position, c'est-à-dire, tout en étant légèrement couché sur son côté
8Afin de pleinement se concentrer. La Gamoro` (Barokhôth, Ibid.) rapporte une divergence d'opinion à ce sujet : d'après Rov Yahoudhoh ז״ל, il faut s'immobiliser pour les deux premières phrases du Shama´ (Shama´ + Boroukh Shém), tandis que pour Rébbi Yôhonon ז״ל, il faut s'immobiliser pour l'intégralité des trois paragraphes du Shama´ avant de pouvoir continuer son chemin. Le Rif זצ״ל explique que la Halokhoh Lama´aséh ne suit ni l'opinion de l'un, ni celle de l'autre, mais suit celle exprimée par Rébbi Mé`ir ז״ל dans la Mishnoh, c'est-à-dire, que seul le premier verset du Shama´ nécessite de s'immobiliser. Et le Rambam et le Méhabbér suivent aussi cette opinion
9Puisque, comme cela été dit plus haut, une pleine concentration n'est requise que pour le premier verset du Shama´
10Barokhôth (Ibid.) tranche que celui qui a été dominé par le sommeil après avoir récité le premier verset du Shama´ est quitte de son obligation. La majorité des Ri`shônim soutiennent que cela ne signifie pas qu'il faille s'arrêter au premier verset, mais simplement que si en poursuivant la récitation on tombe endormi, on est quitte de son obligation grâce au premier verset que l'on avait récité en étant pleinement éveillé. C'est ainsi que beaucoup, lorsqu'ils sont dans leurs lits, récitent le reste du Shama´ jusqu'au point de s'endormir, c'est-à-dire, jusqu'au moment où la fatigue les prend, même en plein milieu d'une phrase. En lisant la Halokhoh 12 du Chapitre 2 des Hilkhôth Qiryath Shama´, il ressort que ce soit également l'opinion du Rambam, et les mots employés par le Méhabbér, dans `Ô.H. 65:5, indiquent que c'est aussi son opinion
11Quant aux deux autres paragraphes, il n'aura pas l'obligation de les réciter
12Ceux qui sont employés par d'autres. De ce fait, le temps ne leur appartient pas. Même eux devront s'interrompre pour réciter le premier paragraphe dans son intégralité, car bien qu'ils travaillent pour d'autres, leur Maître reste HaShem. Ils se doivent donc d'accepter sur eux le Joug du Royaume des Cieux
13De façon à ce que la Miswoh de récitation du Shama´ ne soit pas prise à la légère, comme quelque chose de peu d'importance. À noter que l'obligation de réciter le Shama´ avec la concentration appropriée et celle de ne pas la réciter de façon désinvolte sont deux obligations différentes
14C'est le cas aussi bien pour celui qui travaille pour quelqu'un d'autre ou pour son propre compte
15Car la Miswoh de récitation du Shama´ inclut également les bénédictions qui précèdent et suivent le Shama´, d'après le Rambam. Mais tous les Ri`shônim ne sont pas de cet avis. Voir ici, où nous avions expliqué qu'en fait, les bénédictions qui précèdent et suivent le Shama´ ne sont pas liées au Shama´ en lui-même
16Shabboth 9b et 11a déclarent qu'il faut interrompre son étude de la Tôroh pour la récitation du Shama´, mais pas pour la `Amidhoh. Cela s'applique même à des Sages comme Rébbi Shim´ôn ban Yôho`y ז״ל, qui n'interrompaient jamais leurs études, sauf pour l'accomplissement de Miswôth qui ne pouvaient être accomplies par d'autres. L'acceptation du Joug du Royaume des Cieux dans le Shama´ est une nécessité fondamentale, même pour quelqu'un doté d'un tel attachement à l'étude de la Tôroh. De même, Barokhôth 10b déclare que la récitation du Shama´ en son temps approprié est préférable à l'étude de la Tôroh
17Voir la note de bas de page 15
18La Tôséfto` (Barokhôth 1:4) rapporte : אמר רבי יהודה פעם אחת הייתי מהלך אחר ר"ע ואחר ר"א בן עזריה הגיע זמן קריאת שמע כמדומה אני שנתייאשו מלקרות אלא שעוסקין בצרכי צבור קריתי ושניתי ואח"כ התחילו הן וכבר נראתה חמה על ראשי ההרים « Rébbi Yahoudhoh a dit : Une fois, je marchais derrière Rébbi ´Aqivoh et Rébbi `Ali´ozor ban ´Azaryoh, et le moment de la récitation du Shama´ arriva. J'ai supposé qu'ils ont renoncé à réciter [le Shama´ tout de suite] parce qu'ils étaient occupés par les nécessités de la communauté. J'ai récité [le Shama´] et j'ai [ensuite] étudié [un peu de Tôroh], et après cela ils ont commencé [à réciter le Shama´], et le soleil pouvait déjà se voir au-dessus des sommets de la montagne ». Le Talmoudh (Barokhôth 11a) déduit cette Halokhoh des mots ובלכתך בדרך « Ouvalakhtakho Vaddarakh – Quand tu marches dans ton chemin » (Davorim 6:7). C'est-à-dire, lorsque tu es occupé par tes activités (ton chemin), tu dois réciter le Shama´. Par contre, si tu es occupé par des affaires communautaires (ce n'est donc pas « ton chemin »), il n'y a pas d'obligation de s'interrompre pour réciter le Shama´
19Le Kasaf Mishnéh comprend de ces mots qu'ils impliquent que même si l'heure de la récitation du Shama´ devait passer sans qu'on l'ait récité, quand on est impliqué dans des affaires communautaires on ne s'interrompt quand même pas
20La Mishnoh (Shabboth 9b) interdit de commencer à manger, de se faire coiffer, de travailler des peaux d'animaux, etc., à l'approche de l'heure de la prière de Minhoh Gadhôloh. Mais elle ajoute que si l'on a néanmoins commencé ces activités, on ne doit pas s'interrompre, s'il restera suffisamment de temps que pour prier Minhoh après avoir terminé. Le Rambam applique également ces principes à la récitation du Shama´, même si cela n'est pas du tout mentionné dans la Mishnoh ou la Gamoro`. Le Ra`avadh זצ״ל diffère du Rambam, et s'appuyant sur le passage de Soukkoh 38a, il soutient que parmi toutes ces activités, il n'y a que dans le cas d'un repas où l'on doit s'interrompre afin de réciter le Shama´
21C'est-à-dire, il est l'un des juges de l'affaires
22Il y a un doute quant à savoir si le Rambam parle ici de la fin de la période idéale durant laquelle le Shama´ devrait être récité d'après lui, c'est-à-dire, durant les six minutes avant que le soleil ne commence à se lever (voir ici), ou s'il parle de la fin de la période maximale durant laquelle le Shama´ peut être récité, c'est-à-dire, jusqu'à la fin de la troisième heure halakhique du jour
23C'est-à-dire, tant qu'il est capable de finir à la fois ce qu'il fait et réciter le Shama´ avant la fin du temps approprié pour réciter le Shama´, il peut terminer ce qu'il avait entamé. Il y a une difficulté apparente dans ces propos du Rambam. À la Halokhoh 5, il tranche que l'on doit interrompre son étude de la Tôroh afin de réciter le Shama´. Et pourtant, ici, dans le cas de telles activités mondaines comme manger ou se faire couper les cheveux, le Rambam n'estime pas approprié de s'interrompre pour la récitation du Shama´. Le Kasaf Mishnéh tente de résoudre cette difficulté en expliquant que l'étude de la Tôroh doit être interrompue étant donné que la récitation du Shama´ ne doit pas être comprise comme une interruption de son étude, puisque sa récitation est précisément liée à l'étude de la Tôroh (comme cela est indiqué dans la deuxième bénédiction récitée avant le Shama´). Par contre, dans le cas des activités mondaines mentionnées dans cette Halokhoh 6, la récitation du Shama´ équivaudrait à une interruption totale (et le fait de s'interrompre alors que l'on a commencé à se faire couper les cheveux pourrait ne pas nous rendre présentable ; le fait de nous interrompre après avoir commencé à manger, pourrait ne plus rendre consommable la nourriture après la récitation du Shama´ ; le fait d'interrompre le travail de la peau de l'animal pourrait abimer la peau et ne plus la rendre travaillable, etc.). Par conséquent, il n'est pas nécessaire de s'interrompre
24Dans le Miqwah
25Cette Halokhoh est basée sur la Mishnoh de Barokhôth 22b.
26Comme cela a été dit, pour le Rambam l'heure optimale pour réciter le Shama´ le matin est très peu de temps avant le lever du soleil
27Cela indique clairement que la récitation du Shama´ après le lever du soleil n'est qu'un Badi´avodh, mais pas un Lakhatahiloh. C'est pourquoi, le Rambam déclare ici qu'il est même préférable de réciter le Shama´ en étant nu dans l'eau, plutôt que de sortir du Miqwah, s'habiller, et le réciter après que le soleil se soit déjà levé
28Le Talmoudh (Barokhôth 24b) déclare que celui qui récite le Shama´ dans un endroit où il y a une mauvaise odeur est comparable à quelqu'un qui a profané la Parole d'HaShem. Et de ce fait, celui qui s'abstient de réciter le Shama´ ou quelque verset de la Tôroh dans une telle situation est digne de louange
29Rashi, sur Barokhôth 25b, explique que c'est parce que cette eau-là dégage une mauvaise odeur
30Au Chapitre 3, le Rambam explique qu'il est interdit de réciter le Shama´ en présence d'une nudité, même la sienne
31Comme cela est indiqué dans Barokhôth 25a. Il convient ainsi de faire remarquer que dans les temps passés, l'eau des Miqwo`ôth n'était pas aussi claire et transparente que de nos jours, ce qui fait qu'il était tout à fait possible de s'immerger sans que la nudité ne soit clairement visible
32`Ô.H. 70:4
33Ibid., 5
34Le Talmoudh (Barokhôth 16b) fait la différence entre un Hothon, qui est exempt parce qu'il est impliqué dans une Miswoh, et celui dont le bateau est en train de couler dans la mer. Bien que ce dernier soit également anxieux, il a l'obligation de réciter le Shama´, parce que sa préoccupation ne concerne pas une Miswoh
35C'est basé sur le principe selon quoi העוסק במצוה פטור מן המצוה « Celui qui est occupé par une Miswoh est exempt d'une [autre] Miswoh » (Soukkoh 25a et Sôtoh 44b). Le Talmoudh (Barokhôth 11a et 16a) déduit de la phrase בשבתך בביתך « Bashivtakho Bavéthakho – Quand tu es assis dans ta maison » (Davorim 6:7) que l'obligation de réciter le Shama´ à l'heure précise du Shama´ ne s'applique que lorsqu'on est « assis dans sa maison », c'est-à-dire, que l'on n'est pas occupé à quelque chose d'important, ou que l'on est occupé à des choses qui touchent nos intérêts personnels. Mais lorsqu'il s'agit des choses qui touchent aux Miswôth, on est exempt de s'interrompre pour réciter le Shama´
36La source de cette Halokhoh est la Mishnoh de Barokhôth 16a. Et dans ce cas précis, la Miswoh par laquelle le Hothon est préoccupé est celle de croître et multiplier
37Le Ra`avadh et Rabbénou Manôah précisent que cette exemption n'est d'application que s'il est permis au Hothon d'avoir un rapport sexuel avec cette femme qu'il vient d'épouser. Mais si elle est Niddoh le jour du mariage, ou malade, il a l'obligation de réciter le Shama´. Rabbénou Manôah mentionne également les différentes opinions quant à l'obligation pour le Hothon de réciter le Shama´ le matin s'il n'a pas de relations sexuelles avec sa femme durant la première nuit. Il conclut que le Hothon en a l'obligation, parce que « Les Israélites sont un peuple saint et le Hothon saura certainement détourner ses pensées de sa femme et se concentrer sur la récitation du Shama´ »
38C'est-à-dire, la quatrième nuit, conformément à la coutume des temps talmudiques, où les mariages des femmes vierges avaient lieu le mercredi soir (Kathoubbôth 2a)
39C'est-à-dire, il n'est plus nerveux et distrait et on peut s'attendre de sa part à ce qu'il soit capable de réciter le Shama´ avec la concentration appropriée. Dans son Commentaire sur la Mishnoh, le Rambam écrit qu'après quatre nuits, son désir intense de s'accoupler avec elle sera déjà passé
40Celle de la procréation
41Lors de la nuit de noce

42Puisqu'il n'y a aucun doute sur l'état virginal de son épouse, étant donné qu'il sait déjà qu'elle n'est pas vierge

mardi 26 mai 2015

Est-il réellement interdit de jouer de la musique à Shabboth ?

בס״ד

Est-il réellement interdit de jouer de la musique à Shabboth ?


Cet article peut être téléchargé ici.

De nos jours, les Juifs « Orthodoxes » interdissent et s'interdissent de nombreuses choses, qui n'ont pas toujours une base halakhique, mais auxquelles ils s'accrochent parce qu'elles sont devenues מעשה אבותינו בידינו « Ma´aséh `Avôthénou Bayodhénou – les pratiques de nos ancêtres qui nous sont parvenues ». En d'autres mots, ils s'interdisent telle ou telle chose, car c'est ainsi que faisaient leur père, leur grand-père, leur arrière-grand-père, etc.

Cet article traite d'idées fausses populaires concernant les sources halakhiques classiques relatives au fait de faire usage d'instruments de musique le Shabboth. Le but de cet article n'est pas du tout de prendre et défendre une position halakhique particulière (le but n'est donc pas d'indiquer ce qu'il faudrait faire ou ne pas faire), ni d'adopter et défendre une position métahalakhique (comment déterminer ce qui devrait être fait ou ne pas être fait). Je ne suggère pas non plus qu'il ne faudrait pas écouter et suivre la position halakhique qui prévaut aujourd'hui depuis très longtemps. Je ne fais que reprendre les arguments souvent avancés pour soutenir la position qui domine aujourd'hui et voir s'ils sont réellement conformes aux sources sur lesquelles ces arguments disent s'appuyer. Chacun jugera ainsi par lui-même de la pertinence de ces arguments.

Les gens peuvent évidemment justifier leurs pratiques par de nombreuses raisons, comme par exemple sur la base de considérations esthétiques, sur la base de traditions mimétiques, sur la base d'arguments logiques, sur la base de la préservation d'une certaine identité culturelle, confessionnelle ou communautaire. Mon but n'est pas d'invalider ces raisons (après tout, les gens font ce qu'ils veulent et sont libres de croire ce qu'ils veulent) mais d'exposer la supercherie « halakhique » sur lesquelles ces raisons reposent. En d'autres mots, si quelqu'un affirme qu'il s'interdit telle ou telle chose parce que c'est la coutume de sa famille de l'interdire, très bien ! Il fait ce qu'il veut, même si on pourrait ne pas être d'accord avec cette coutume familiale. Mais s'il prétend qu'il se l'interdit parce que la Halokhoh l'interdit, et qu'il s'avère que ce n'est pas le cas, alors là cela pose un problème ! Et puisque la Halokhoh ne l'interdit pas, il n'est pas en droit d'imposer aux autres ce que lui s'est interdit soi-disant au nom de la Halokhoh ! Et il y a beaucoup d'interdictions qui ne reposent sur aucune base halakhique sérieuse, mais qu'on a imposées à tout le monde comme si cela venait du Sinaï et que faire différemment équivalait à de l'hérésie. On ne peut pas tout mettre sur le dos de la Halokhoh lorsqu'elle n'a rien à voir avec certaines de nos pratiques. À cause de cette mentalité, dans toutes les communautés juives, lorsque certaines personnes sincères se démarquent et font différemment de la majorité, car elles ont découvert que ce qui était interdit par coutume ne l'était pas au niveau halakhique (bien au contraire, beaucoup de choses interdites sont même approuvées dans les sources halakhiques), on les accuse de ne pas suivre la Halokhoh ou de faire partie d'une « secte ». Par exemple, lorsque les communautés appartenant à la mouvance « Carlebach » font usage d'instruments de musique lors de leurs offices en semaine, agissent-ils contre la Halokhoh parce que la majorité des communautés dites « orthodoxes » n'ont pas cette pratique ? Peut-on mettre l'étiquette de « Libéraux » à ces communautés sous prétexte que les pseudos « Juifs Libéraux » font eux aussi usage d'instruments de musique lors de leurs offices, aussi bien en semaine qu'à Shabboth ? Ce n'est pas une question d'être pour ou contre la mouvance Carlebach (je suis personnellement opposé à cette mouvance, pour d'autres raisons), mais de savoir si cette pratique en question est contraire à la Halokhoh, indépendamment du fait qu'elle soit ou pas populaire dans la majorité des communautés.

Nous allons plus particulièrement traiter de l'interdiction de jouer d'instruments de musique à Shabboth en parcourant une à une les raisons communément avancées pour l'interdire.

  • Mythe n°1 : La raison pour laquelle les Sages ont interdit de jouer d'instruments de musique à Shabboth est à cause du deuil sur la destruction du Temple.

Cet argument ne tient pas la route. Le deuil public est interdit à Shabboth. C'est pour cela que les pratiques de deuil personnelles et communautaires sont suspendues à Shabboth. Ainsi, interdire les instruments de musique la semaine pour prendre le deuil sur la destruction du Temple et le permettre à Shabboth pour mettre le deuil entre parenthèses serait plus logique que l'inverse !

D'où provient ce mythe ? De la compréhension erronée de certains passages du Talmoudh qui donnent l'impression qu'à la suite de la destruction du Temple, toutes les formes de musiques (vocales ou instrumentales) sont à présent interdites ! C'est ainsi que tranchent le Rambam1 זצ״ל et Rabbi Yôséf Qa`rô2 זצ״ל. Mais il y a trois problèmes évidents :

  1. nous avions déjà vu en long et en large que ce n'était pas ce que ces passages talmudiques enseignent. (Voir ici et .) Ce que nos Sages ont interdit, c'était le fait de chanter et jouer de la musique dans les lieux de beuverie. Mais cela n'incluait pas le fait de chanter ou faire usage d'instruments de musique à la maison et dans un contexte religieux ou pour une Miswoh (mariage, Barith Miloh, etc.), ou encore pour se donner du cœur à l'ouvrage (de la musique qui a un effet constructif sur l'esprit) ;
  2. cette interdiction ne fut pas décrété à la suite de la destruction du Temple. Cela n'a donc rien à voir avec le fait de prendre le deuil pour le Temple ! L'interdiction fut décrétée au premier siècle avant l'E.C., lorsque l'autorité fut retirée au Sanhédhrin et que les Sages ne pouvaient donc plus exercer un contrôle sur le contenu des paroles des chants ;
  3. il est curieux de voir que la prétendue interdiction de jouer de la musique ou de chanter depuis la destruction du Temple n'est suivie par quasiment personne ! En effet, les Juifs font usage d'instruments de musique et chantent tout au long de l'année ! Où est donc passée cette prétendue interdiction de faire usage d'instruments de musique depuis que le Temple fut détruit ? Étant donné que cette prétendue interdiction n'est pas suivie par la majorité des Juifs, des rabbins ont inventé une règle selon quoi cette interdiction de la musique ne s'appliquait en réalité qu'à Shabboth, mais pas au reste de la semaine (mais là encore, ils n'ont aucune source sur laquelle s'appuyer).

Rappelons donc au passage que la Halokhoh n'interdit pas du tout de jouer d'instruments de musique durant les offices de prière, que ce soit du temps du Béth Hammiqdhosh ou depuis sa destruction. Il est bien connu que certains Hazzonim conduisaient les prières de certaines occasions de l'année avec de la musique qui était jouée par les musiciens de la communauté. En outre, même jusqu'à aujourd'hui, certains Juifs ont la coutume de diriger des offices de semaine particuliers durant l'année avec des instruments de musique :


D'où vient donc cette interdiction de jouer d'instruments de musique à la Synagogue en semaine ? Clairement pas de la Halokhoh !

Ce ne sont que deux exemples, mais il y a beaucoup plus de communautés Orthodoxes qu'on le pense qui jouent des instruments durant les offices de prière durant la semaine ou à des occasions particulières, chose qui n'a jamais été interdite. Et nous verrons que même pour Shabboth, rien ne l'interdit au niveau du Din.

  • Mythe n°2 : La Mishnoh a explicitement interdit de jouer d'instruments de musique à Shabboth et Yôm Tôv, dans Soukkoh 5:1.

Voici ce que dit la Mishnoh de Soukkoh 5:1 en question :

La flûte se jouait parfois cinq [jours] et parfois six. Cela fait référence à la flûte jouée à l'occasion de la Béth Hasha`ôvoh, qui n'a priorité ni sur le Shabboth, ni sur Yôm Tôv. Ils ont dit : « Quiconque n'a pas vu la joie de la Béth Hasha`ôvoh n'a jamais vu de la joie dans sa vie ! »
החליל, חמישה ושישה: זה חליל של בית השאובה, שאינו דוחה לא את השבת ולא את יום טוב. אמרו, כל מי שלא ראה שמחת בית השאובה, לא ראה שמחה מימיו

Pour comprendre cette Mishnoh, il faut commencer à partir de la première du Chapitre 4. À partir du Chapitre 4, la Mishnoh rapporte toute une série d'activités qui avaient lieu durant les huit jours de Soukkôth et les changements que l'on réalisait dans ces activités au Shabboth de la fête pour ne pas profaner Shabboth. Durant Hôl Hammô´édh Soukkôth se tenait chaque jour la cérémonie de la libation d'eau (Béth Hasha`ôvoh). On dansait et chantait chaque nuit jusqu'à l'aube. Toute personne qui savait jouer d'un instrument de musique l'apportait et jouait dans les rues de Jérusalem, tandis que toute personne qui savait chanter venait et chantait. Pusique Soukkôth dure huit jours (sept jours de Soukkôth et un jour de Shamini ´Asarath), il pouvait y avoir cinq ou six jours de Hôl Hammô´édh. Par exemple, si Soukkôth commençait un Dimanche soir, il y avait alors cinq jours de Hôl Hammô´édh (de Lundi soir à Vendredi soir, et du Samedi soir à Dimanche soir), tandis que si la fête commençait un Vendredi soir, il y avait six jours de Hôl Hammô´édh (du Samedi soir au Vendredi soir). La Mishnoh stipule que les célébrations de Béth Hasha`ôvoh n'avaient priorité ni sur Shabboth, ni sur Yôm Tôv. Ce qui signifie que l'on ne pouvait pas jouer de la flûte (et des autres instruments de musique, comme on le comprend du contexte) ni Yôm Tôv (le premier et le huitième jours de Soukkôth), ni à Shabboth de la fête (ou Shabboth Hôl Hammô´édh Soukkôth). (La fête durant huit, l'un des huit serait nécessairement un Shabboth.)

Mais cette interdiction de jouer de la musique à Yôm Tôv Soukkôth et à Shabboth Hôl Hammô´édh Soukkôth n'a rien à voir avec la musique en elle-même, mais avec le fait que les gens allaient porter leurs instruments de musique dans le domaine public, ce qui aurait été une transgression de l'interdiction de porter un jour de Shabboth ou Yôm Tôv, puisque durant le Béth Hasha`ôvoh toute personne pouvait apporter avec lui ses instruments pour ajouter à la joie de la cérémonie. Cela est clairement expliqué par le Rambam, dans son Mishnéh Tôroh :

Hilkhôth Shôfor Wasoukkoh Waloulov 8:13
Comment se passait cette réjouissance ? On jouait de la flûte, on chantait avec une harpe, une luth et des cymbales, et chacun avec l'instrument dont il sait jouer. Celui qui savait chanter chantait. On dansait, on tapait des mains, on sautait et on sifflait, chacun à la manière qu'il connaissait, et on récitait des chants et des louanges. Cette joie ne prévaut ni sur le Shabboth, ni sur Yôm Tôv.
והיאך הייתה שמחה זו: החליל מכה, ומנגנין בכינור ובנבלים ובמצלתיים, וכל אחד ואחד, בכלי שיר שהוא יודע לנגן בו; ומי שיודע בפה, בפה. ורוקדין ומספקין ומטפחין ומפזזין ומכרכרין כל אחד ואחד כמו שיודע, ואומרים דברי שיר ותושבחות. ושמחה זו אינה דוחה לא את השבת, ולא את יום טוב

Cette interdiction de jouer de la musique à Shabboth Hôl Hammô´édh Soukkôth et Yôm Tôv Soukkôth ne concernait donc pas les instruments de musique en eux-mêmes, mais le fait qu'on en jouait dans le domaine public, ce qui fait que les gens auraient transporté leurs instruments dans le domaine public, transgressant ainsi Shabboth et Yôm Tôv ! Cette Mishnoh ne peut donc pas du tout être utilisée pour interdire de jouer des instruments de musique dans une Synagogue (à partir du moment où les instruments y auront été déposés avant Shabboth et qu'on ne les fera pas sortir de la Synagogue avant la fin de Shabboth) ou à la maison le Shabboth.

  • Mythes n°3 : La Gamoro`, dans Bésoh 36b, a explicitement interdit de jouer d'instruments de musique à Shabboth et Yôm Tôv, par crainte qu'on en arrive à réparer un instrument à Shabboth s'il se cassait.

Ce n'est pas tout à fait ce que dit la Gamoro` ! Cette Gamoro` est un commentaire de la Mishnoh de soh 5:2, qui énumère toute une série d'activités qui sont interdites le Shabboth et Yôm Tôv au niveau rabbinique, mais pas au niveau biblique. Et parmi ces activités, la Mishnoh mentionne les interdictions de taper des mains, de taper contre sa cuisse et danser. Sur ces trois interdictions rabbiniques, la Gamoro` commente ceci : גזרה שמא יתקן כלי שיר « C'est un décret qui fut émis par crainte qu'il n'en arrive à réparer des instruments de musique ».

Comment est-on passé d'une interdiction de taper des mains, de taper contre ses cuisses et danser par crainte d'en arriver à réparer un instrument de musique, à une interdiction de jouer d'un instrument de musique le Shabboth ? Que vient donc interdire cette Mishnoh ?

Dans les temps talmudiques, les gens étaient très doués de leurs mains (la plupart des métiers étaient manuels) et fabriquaient aisément des instruments de musique par eux-mêmes. Nos Sages interdirent donc de taper des mains en rythme, taper contre sa cuisse en rythme et danser à Shabboth et Yôm Tôv, parce qu'avec le rythme et la joie créée, les gens auraient pu être tentés de fabriquer pendant Shabboth-même des instruments ou d'en réparer afin que le rythme des mains, les tapements contre la cuisse et les danses puissent être accompagnés de musique. Par conséquent, de nombreux Pôsqim sont d'avis que cette interdiction mentionnée dans la Mishnoh ne s'applique plus à notre époque, car très peu de gens de nos jours sont capables d'assembler un instrument de musique par eux-mêmes. Par conséquent, il n'y a plus lieu d'interdire de taper des mains en rythme le Shabboth, et c'est pourquoi c'est une chose courante chez les Hasidhim notamment de frapper des mains en rythme à Shabboth (tandis que les Litvaqim continuent de l'interdire), car chaque fois que nos Sages ont interdit une chose et ont donné la raison de l'interdiction, si la raison ne s'applique plus, l'interdiction ne s'applique plus également ! C'est pourquoi, même danser à Shabboth est permis à notre époque, tout comme le fait de frapper en rythme contre sa cuisse. Il est ridicule de citer cette Gamoro` pour justifier l'interdiction de la musique à Shabboth !

  • Mythe n°4 : La raison de l'interdiction de jouer de la musique le Shabboth est qu'on pourrait en arriver à accorder l'instrument, ou remplacer une corde cassée

Cet argument est basé sur la Gamoro` mentionnée dans le point précédent, et il a été montré qu'elle ne parle pas d'une interdiction de jouer d'un instrument le Shabboth par crainte d'en arriver à le réparer s'il se cassait. Mais supposons une seconde que cette compréhension de la Gamoro` soit exacte, il faudrait encore savoir de quelle réparation parle-t-on.

Accorder un instrument n'est mentionné dans aucune source. En outre, accorder un instrument ne peut pas être défini comme une « réparation ». Quant au fait de remplacer à Shabboth une corde cassée, cela est explicitement autorisé par la Tôséfto`3 sous certaines conditions (qui ne sont pas très claires dans le texte-même).

Les Tôsofôth4 (qui sont les disciples, gendres et petits-enfants de Rashi זצ״ל) font la distinction entre l'époque du Talmoudh, où la majorité des gens étaient experts dans la fabrication d'instruments de musique, et « notre époque », où la majorité des gens ne le sont pas. Par conséquent, les Tôsofôth écrivent que ce décret du Talmoudh ne s'applique pas du tout à notre époque, et par conséquent, faire des rythmes avec ses mains ou en tapant contre sa cuisse, ainsi que le fait de danser, sont des activités permises à Shabboth et Yôm Tôv. En outre, concernant la crainte d'en arriver à réparer un instrument, les Tôsofôth sont clairement d'avis que la « réparation » interdire doit être suffisamment significative que pour nécessiter l'aide d'un luthier ou tout autre professionnel habile, à l'inverse du réglage d'un instrument ou du remplacement d'une corde de guitare, que tout musicien amateur est capable de réaliser. En d'autres mots, toute réparation qui ne nécessiterait pas de connaissances ou compétences professionnelles est permise d'après eux.

  • Mythe n°5 : Il y a une distinction entre le fait de jouer d'instruments de percussion et les autres sortes d'instruments (à vent, à cordes, etc.)

Les sources ne mentionnent nulle part une telle distinction. En outre, si le problème avec les instruments de musique à Shabboth est la crainte qu'on en arrive à les réparer, en quoi est-ce que les instruments de percussion ne seraient pas un problème (puisqu'ils peuvent aussi se réparer s'ils se cassent, et puisque ce sont des instruments qui peuvent accompagner les battements des mains et des cuisses, ainsi que des danses) ?

Et si le problème avec les instruments de musique à Shabboth est l'interdiction d'émettre un son durant Shabboth (comme l'avancent certains. Oui, certains interdisent de faire du bruit le Shabboth !!!), les instruments à percussion sont eux aussi fabriqués pour émettre des sons, et il faudrait aussi inclure toutes les choses qui créent des sont percutants (même s'ils ne sont pas mélodieux), comme par exemple laisser un moulin tourner pendant Shabboth, frapper à une porte, etc.

  • Mythe n°6 : Il y a une distinction entre jouer des instruments de musique durant la Qabbalath Shabboth et jouer des instruments durant Ma´ariv et d'autres offices de Shabboth.

Certaines communautés ont effectivement la coutume de jouer d'instruments de musique durant la Qabbalath Shabboth, avant le coucher du soleil, mais s'en abstienne pour le Ma´ariv de Shabboth (que le soleil se soit couché ou pas).

Pour commencer, une telle distinction n'existe dans aucune source.

Deuxièmement, « Qabbalath Shabboth » est un office qui n'est venu à l'existence qu'au 16ème siècle !

Troisièmement, à quoi bon faire une telle distinction, puisque de toute façon, jouer de la musique en semaine est permis ? (En effet, tant que le soleil ne s'est pas couché le Vendredi soir, nous sommes encore la semaine, et certains disent qu'un homme n'accepte sur lui le Shabboth qu'au moment où il a récité le Tahillim 92 (qui est le Psaume du Shabboth, et qui est récité au tout début de l'office de Ma´ariv, donc après la « Qabbalath Shabboth »).

Ce sont là tous les arguments « halakhiques » qui sont donnés pour interdire la musique le Shabboth. Ceux qui veulent l'interdire pour des raisons personnelles, rien ne le leur empêche, car on peut s'imposer toutes les mesures de rigueur que l'on souhaite. Comme l'ont dit nos Sages : « Ce qu'un homme s'est interdit lui est interdit ! » Par contre, personne ne peut utiliser la Halokhoh pour dire qu'une chose est interdite alors qu'elle ne l'est pas !

1Mishnéh Tôroh, Hilkhôth Ta´niyôth 5:14
2Shoulhon ´Oroukh, `Ôrah Hayyim 560:3
3`Érouvin 8:19

4soh 30a
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