vendredi 24 juin 2016

La Paroshoh avec le Ramba''m : Baha´alôthakho

ב״ה

La Paroshoh avec le Ramba''m

Baha´alôthakho


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Nous lisons dans notre Paroshoh de la semaine le verset suivant1 :

Miryom et `aharôn parlèrent de Môshah concernant la belle femme qu'il avait prise, car il avait prise une belle femme.
וַתְּדַבֵּר מִרְיָם וְאַהֲרֹן בְּמֹשֶׁה, עַל-אֹדוֹת הָאִשָּׁה הַכֻּשִׁית אֲשֶׁר לָקָח: כִּי-אִשָּׁה כֻשִׁית, לָקָח

La Tôroh ne nous donne pas davantage de détails sur le contenu des propos tenus par Miryom ע״ה et `aharôn ע״ה lorsqu'ils parlèrent en cachette contre Môshah Rabbénou ע״ה, mais nos Sages, de mémoire bénie, nous en fournissent. Ils expliquent que c'est Miryom qui initia la discussion et que `aharôn y participa en l'écoutant. (C'est pour cela que le verset ne dit pas littéralement « ils parlèrent » mais תְּדַבֵּר « Tadhabbér – elle parla ».) Miryom dit à `aharôn qu'elle pensait avoir compris de l'épouse de Môshah Rabbénou, Sippôroh ע״ה, que Môshah Rabbénou n'avait plus d'intimité avec elle.2 Miryom et `aharôn trouvèrent cela très étonnant. Eux aussi étaient des prophètes. Et pourtant, ils n'avaient pas pour autant cessé d'être intimes avec leurs conjoints respectifs.3 En s'engageant dans cette discussion, Miryom et `aharôn transgressèrent l'interdiction du לְשׁוֹן הָרַע « Lashôn Hora´ », parler d'une façon dénigrante sur quelqu'un d'autre.

La Tôroh explique qu'en raison de ce péché, Miryom fut frappée de Sora´ath, qui est une affliction de la peau décrite dans le Séfar Wayyiqro`. De ce que nous avions lu dans le Séfar Wayyiqro` il était évident que la Sora´ath est une punition. Par contre, il ne nous avait pas été dit pour prix de quel péché pouvions-nous être sujet à cette punition. Sur la base de l'incident rapporté dans notre Paroshoh, il ressort clairement que le Lashôn Hora´ est l'un des péchés qui entraîne la Sora´ath.

Le lien entre la Sora´ath et le Lashôn Hora´ est également indiqué par d'autres passages. Par exemple, dans le Séfar Davorim la Tôroh nous demande de soigneusement suivre les instructions du Kôhén dans le diagnostique et traitement de la Sora´ath. Puis, la Tôroh nous exhorte à nous rappeler de l'incident ayant impliqué Miryom.4 D'après HaZa''l, le message est que pour éviter la Sora´ath nous devons nous abstenir d'adopter le comportement de Miryom. En d'autres mots, on doit s'abstenir de faire du Lashôn Hora´.5

Tous les comportements qui sont interdits ou exigés par la Tôroh sont inclus dans l'une des 613 Miswôth. Quelle Miswoh interdit donc de faire du Lashôn Hora´ ? Afin de répondre à cette question, nous devons définir les termes que nous employons. Le Ramba''m ז״ל, dans son Mishnéh Tôroh, aux Hilkôth Dé´ôth, explique que le Lashôn Hora´ n'est qu'une sorte de langage prohibé. C'est-à-dire qu'il y en a d'autres. Au total trois sortes de langage sont défendues aux Israélites. La première est la רְכִילוּת « Rakhilouth », c'est-à-dire le colportage. Il ne s'agit pas nécessairement d'une parole négative. C'est simplement l'acte de discuter des affaires de quelqu'un d'autre avec une tierce personne. Le Lashôn Hora´ est une forme particulière de Rakhilouth. Il s'agit d'un colportage négatif : parler d'une manière dénigrante de quelqu'un d'autre. Cependant, il y a un critère spécifique à remplir pour être considéré comme ayant transgressé cette interdiction : le Lashôn Hora´ consiste à transmettre à une tierce personne des informations dénigrantes qui sont vraies. Faire du Lashôn Hora´, ce n'est pas raconter des mensonges sur autrui. Raconter un mensonge sur autrui ou répandre de fausses rumeurs est ce que l'on appelle du מוֹצִיא שֵׁם רַע « si` Shém Ra´ », qui constitue la troisième sorte de langage interdit. En résumé, faire du colportage est de la Rakhilouth ; le Lashôn Hora´ c'est parler de quelqu'un d'autre d'une manière dénigrante en rapportant des informations qui sont vraies ; et dire des mensonges sur autrui ou répandre des rumeurs dénigrantes à son sujet c'est du Môsi` Shém Ra´.6 Nous pouvons à présent identifier la Miswoh qui est transgressée lorsqu'on fait du Lashôn Hora´. D'après le Ramba''m aucune Miswoh n'interdit en elle-même le Lashôn Hora´. La Tôroh interdit plutôt la Rakhilouth, qui inclut en elle-même le Lashôn Hora´ ! Et la source de cette interdiction est le verset suivant7 : לֹא-תֵלֵךְ רָכִיל בְּעַמֶּיךָ « Lô` Thélékh Rokhil Ba´ammakho - Ne va pas [comme un] colporteur parmi ton peuple ».

Nous pouvons à présent nous poser une autre question : Pourquoi le Ramba''m inclut-il le Lashôn Hora´ dans la Miswoh qui interdit la Rakhilouth, plutôt que de le considérer comme une interdiction à part entière ? Il est important de signaler que le Ramba''m traite des lois relatives à la Rakhilouth dans la section « Hilkôth Dé´ôth » de son Mishnéh Tôroh, et cela n'est pas dû au hasard. Quel est le sujet traité dans les Hilkôth Dé´ôth ? Dans cette section du Mishnéh Tôroh, le Ramba''m expose les règles se rapportant à la santé, aussi bien au niveau physique qu'émotionnelle. L'inclusion de la Miswoh qui interdit la Rakhilouth dans cette section du Mishnéh Tôroh sous-entend que s'adonner au colportage constitue un comportement autodestructeur. La personne qui s'adonne au colportage compromet son bien-être émotionnel. À partir de cette perspective, il est approprié d'inclure le Lashôn Hora´ dans la Miswoh qui interdit toute forme de colportage. Chacune d'elles nuit à son propre bien-être émotionnel.

En poussant plus loin, la position du Ramba''m nous éclaire sur le fonctionnement du Lashôn Hora´. Nous pouvons remarquer qu'en dépit du désir répandu de se débarrasser de la mauvaise tendance à faire du Lashôn Hora´, cela se traduit très rarement en un changement réel de comportement. Pourquoi ce comportement est-il si difficile à modifier et à corriger ? Une partie de la réponse réside dans la méthode généralement adoptée et conseillée pour traiter le problème. Nous pouvons remarquer que la méthode la plus répandue pour « régler » le problème du Lashôn Hora´ consiste à lire davantage sur la gravité de ce péché. Les livres sur le Lashôn Hora´ pullulent à profusion dans les libraires juives et font partie des classiques. Mais il ressort clairement qu'étudier à long terme les lois relatives au Lashôn Hora´ et des ouvrages sur la gravité du péché n'a qu'un impact très limité sur le comportement des lecteurs.

En fait, cela n'est pas du tout surprenant. Si quelqu'un désire changer ses mauvaises habitudes alimentaires, peut-on sérieusement croire que lire des livres sur l'alimentation saine renforcera ce désir et permettra des changements solides ? Celui qui désire perdre des kilos n'y parviendra certainement pas en lisant des ouvrages sur l'exercice physique. Ce genre de lecture peut offrir une inspiration temporaire. Mais dans le long terme cette approche ne mène généralement pas à des résultats permanents. Il est plutôt plus utile d'identifier et traiter la racine du comportement. Dans le cas de la nourriture, on doit se demander pourquoi est-ce que l'on mange excessivement. Où se situe l'attraction ? Quelle fonction remplit la nourriture dans la vie de la personne ?

Il va de soi que la même approche peut être efficace lorsqu'on veut traiter le problème du Lashôn Hora´. Qu'est-ce qui nous amène à nous adonner à un tel comportement ? Nos Sages, de mémoire bénie, ont quelque chose de très intéressant à dire à ce sujet. Ils nous enseignent que lorsqu'on dégrade les autres nous ne faisons que refléter et exposer au grand jour nos propres insuffisances.8 En d'autres mots, nous parlons des autres afin de détourner notre attention (ou celle des autres) de nos propres instabilités, défauts et fautes.

Analysons cela de plus près. Nous pouvons tous reconnaître que l'un des plus grands défis auxquels nous faisons face lorsqu'on souhaite grandir personnellement est le besoin d'évaluer de façon critique et objective nos propres attitudes et comportements. Plus une attitude ou un comportement est profondément enraciné, plus il est difficile de l'identifier et de le reconnaître. Mais cela ne signifie pas que nous ne sommes pas conscients de nos fautes personnelles. Nous sommes frustrés par ces imperfections et pourtant, nous ne sommes pas désireux de complètement les reconnaître et les confronter. Comment gérons-nous cette frustration ? Nos Sages disent qu'en général nous avons recours à l'automédication. Nous fuyons notre frustration en transférant notre attention sur les manquements des autres. Plutôt que de nous focaliser sur nous-mêmes, nous plaçons notre point de focalisation sur l'autre personne. Nous évaluons cette personne et disséquons son comportement et ses attitudes avec la précision que nous devrions normalement utiliser pour la tache d'introspection qui est plus dure et douloureuse.

C'est pour cela que le Ramba''m considère que la Rakhilouth est un comportement qui compromet la santé personnelle de l'individu qui s'y adonne. Nous détournons notre attention de nous-mêmes et l'attachons à quelqu'un d'autre. Le Lashôn Hora´ est une manifestation extrême de ce mécanisme. Le colportage est une simple diversion. En faisant du Lashôn Hora´ nous sommes en réalité conscients (jusqu'à un certain point) d'une déficience personnelle. Mais plutôt que de reconnaître nos manquements personnels, nous nous focalisons sur ces mêmes points de la façon dont ils sont manifestés chez quelqu'un d'autre. Par ce stratagème, nous faisons du déni de nos propres fautes.

Cet enseignement de nos Sages nous permet de proposer une façon de traiter le problème du Lashôn Hora´ en particulier et de la Rakhilouth en général. Le besoin d'en faire est apparemment motivé par la présence d'un manquement personnel dont nous sommes quelque peu conscients. Mais cette conscience suscite une réponse malsaine. Nous transférons notre attention en la faisant passer de nous à l'autre personne. Si cela est correct, alors chaque fois que nous ressentons le besoin de faire du Lashôn Hora´ ou de la Rakhilouth, nous devons répondre à une question : Qu'est-ce qui me dérange sur moi-même ? Qu'est-ce que je tente de fuir sur moi-même en parlant des autres ? Plutôt que de laisser notre attention être détournée, nous devons renforcer notre attention sur nous-mêmes et nous accorder un moment pour une introspection.

Ce n'est pas une solution facile à appliquer. Mais elle semble répondre de façon plus adéquate aux motifs fondamentaux cachés derrière le Lashôn Hora´ et la Rakhilouth.

1Bamidhbor 12:1
2Voir Rash''i sur Ibid.
3Voir Rash''i sur Ibid., verset 2
4Davorim 24:8-9
5Voir Rash''i sur Ibid., verset 9
6Mishnéh Tôroh, Hilkôth Dé´ôth 7:1-8
7Wayyiqro` 19:16

8Talmoudh, Qiddoushin 70b
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