mercredi 1 juillet 2015

Élever l'âme des défunts ?

בס״ד

Élever l'âme des défunts ?


Cet article peut être téléchargé ici.

Dans le Judaïsme superstitieux qui prévaut aujourd'hui, beaucoup de légendes et fantaisies circulent autour du Qaddish et les âmes des défunts. Dans les Synagogues, nous entendons souvent des gens souhaiter à des endeuillés que les âmes de leurs proches décédés puissent « s'élever », notamment par la récitation du Qaddish ou encore l'accomplissement d'une bonne œuvre réalisée au nom des défunts, etc.. Mais les vivants ont-ils la capacité d'élever le statut des défunts ? Pouvons-nous réellement avoir le moindre effet sur les morts ?

Dans ses gloses sur le Shoulhon ´Oroukh (Yôréh Dé´oh 376:4), le Ramo''` (Rabbi Môshah `Isarlés, 1520-1572) déclare ceci : וכן נהגו להפטיר בנביא ולהתפלל ערבית במוצאי שבתות שהוא הזמן שחוזרין הנשמות לגיהנם. וכשהבן מתפלל ומקדש ברבים פודה אביו ואמו מן הגיהנם « De même, nous sommes accoutumés à conclure par un prophète1 et prier `Arvith aux sorties des Shabbothôth, car c'est le moment où les âmes retournent au Géhinnom. Et lorsqu'un fils prie et sanctifie2 parmi la multitude, il délivre son père et sa mère du Géhinnom ».

Cette affirmation du Ramo''` (qui s'appuie sur le Kol Bô) est problématique à plusieurs égards :
  1. Comment se fait-il qu'il n'y a qu'aux sorties des Shabbothôth (à la tombée de la nuit le Samedi) que nous pouvons « délivrer » les âmes ?
  2. Où sont allées les âmes à Shabboth ?
  3. Si nous ne prions pas et ne récitons pas le Qaddish, les âmes retourneraient alors au Géhinnom ?
  4. Ses propos visent spécifiquement les parents et les enfants qui leur ont survécus. Cela implique-t-il donc que les gens morts sans enfants n'ont aucune chance de se faire « délivrer » du Géhinnom ?

Si les actes que le défunt avait réalisés de son vivant l'ont envoyé au Géhinnom, comment est-ce que nos actes pourraient le délivrer ? Et à l'inverse, si les parents de certains individus sont allés au Gan ´Édhan et que leurs enfants ne disent pas le Qaddish ou ne prient pas, leurs âmes descendent-ils alors au Géhinnom ? S'il en est ainsi, les impies tels que Trotski ימש״ו (dont les enfants sont devenus religieux) montent au Gan ´Édhan, tandis que des Saddiqim tels que Môshah Rabbénou ע״ה (dont les petits-enfants sont tombés dans l’idolâtrie) sont au Géhinnom ! Quelle sorte de justice aurait-on là ? Un homme ne doit être récompensé que pour ses actes dans ce monde, et non pour ceux d'un autre. Nos actes sont les seuls que nous pouvons contrôler, et il serait logique que ce soit sur la base de ce que nous aurons réalisé que nous serons jugés.

Voici ce que nous dit Shalômôh Hammalakh ע״ה, l'homme le plus sage que la terre ait connu3 : כי החיים יודעים, שימתו; והמתים אינם יודעים מאומה, ואין-עוד להם שכר--כי נשכח, זכרם « Car les vivants savent qu'ils mourront, mais les morts ne savent rien du tout ; il n'y a plus de récompense pour eux, car leur souvenir est oublié ». Qu'est-ce que cela signifie ? Après la mort, nous ne pouvons plus affecter notre part au Monde-à-Venir. Ce n'est qu'en menant une vie correcte ici bas que nous pouvons affecter notre droit ou pas du Monde-à-Venir. Rash''i זצ״ל commente :

Car les vivants savent qu'ils mourront : et peut-être que leurs cœurs reviendront [vers Dieu] le jour de leur mort et qu'ils se repentiront de leurs voies. Mais une fois qu'ils meurent, ils ne savent rien du tout et n'ont plus de récompense pour mes actes qu'ils accomplissent depuis leur mort. Plutôt, celui qui a travaillé dur la veille de Shabboth mangera à Shabboth.
כי החיים יודעים שימותו: ואולי ישובו אל לבם יום המיתה וישובו מדרכם אבל משמתו אינם יודעים מאומה ואין עוד להם שכר פעולה שיעשו מן המיתה ואילך אלא מי שטרח בערב שבת יאכל בשבת

À Shabboth, le travail est interdit. Par conséquent, si quelqu'un réalise tous les travaux préparatifs (faire les courses, préparer à manger, etc.) avant que le Shabboth ne commence, il mangera durant le Shabboth, puisqu'une fois que Shabboth commence il ne peut plus faire à manger. S'il ne s'est pas préparé avant, ce sera trop tard et il aura très faim. De même en est-il concernant le Monde-à-Venir. On doit se préparer dans ce monde-ci avant d'entrer dans le Monde-à-Venir. Mais rien ne l'aidera une fois qu'il sera mort !

Dans la Mishnoh, nous lisons ceci4 :

Rébbi Ya´aqôv dit : « Ce monde-ci est comparable à un vestibule avant le Monde-à-Venir ; corrige-toi dans le vestibule afin d'entrer dans la salle du banquet ! »
רבי יעקוב אומר, העולם הזה דומה לפרוזדוד בפני העולם הבא; התקן עצמך בפרוזדוד, כדי שתיכנס לטרקלין

Rébbi Ya´aqôv ז״ל instruit clairement à l'être humain de s'impliquer dans un mode de vie approprié dans ce monde-ci (étudier la Tôroh, garder les Miswôth régissant la relation entre l'homme et son Créateur et les Miswôth régissant la relation entre l'homme et son prochain). Ce n'est qu'en menant une vie appropriée que l'homme peut avoir sa place dans le Monde-à-Venir. Le Safôrnô זצ״ל (Rabbi ´Ôvadhyoh ban Ya´aqôv Safôrnô, 1475-1550) confirme cette idée dans son commentaire sur cette Mishnoh, en disant : « Ce monde-ci est comparable à un vestibule : c'est-à-dire que la présence de l'homme ici ne sert aucun but en elle-même, si ce n'est pour le préparer à entrer dans le palais et y trouver grâce [aux yeux du Roi]. En fait, c'est l'objectif ultime. Celui qui ne saisit pas cette vérité passera là son temps en vain, et ainsi en est-il dans cette vie transitoire. Celui qui n'obtient pas la vie éternelle ici [sur terre] a vécu en vain ». Il incombe à chaque être humain d'orienter et consacrer son énergie à rechercher la vie et le bien dans ce monde-ci afin de jouir de la vie et du bien dans le Monde-à-Venir.

Nous devons chacun examiner nos actes et nous sauver par la Tashouvoh (repentance), la Tafilloh (prière) et la Sadhoqoh (charité/justice). Concentrons-nous sur notre comportement dans ce monde-ci. Réciter le Qaddish pour élever l'âme de quelqu'un est de la pure fantaisie et vanité ! Sans compter que le Qaddish n'a rien à voir avec l'âme, et encore moins avec la mort, mais est une sanctification du nom d'HaShem dans ce monde-ci, comme il est dit5 : לא תחללו, את-שם קדשי, ונקדשתי, בתוך בני ישראל: אני יהוה, מקדשכם « Ne profanez point Mon saint nom, mais Je serai sanctifié au sein des Enfants de Yisro`él. Je suis `Adhônoy, qui vous sanctifie ! ».

1C'est-à-dire, faire la lecture d'une Haftoroh
2C'est-à-dire, récite le Qaddish
3Qôhalath 9:5
4Pirqé `Ovôth 4:21 (4:19 dans certaines éditions)

5Wayyiqro` 22:32
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...