mardi 14 juillet 2015

Mentionner les noms des idoles

בס״ד

Mentionner les noms des idoles


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Nous lisons ceci dans la Tôroh1 : ושם אלהים אחרים לא תזכירו, לא ישמע על-פיך « et le nom d'autres dieux vous ne le rappellerez pas ; il ne sera pas entendu sur ta bouche ». Sur les mots לא תזכירו « vous ne le rappellerez pas », Rash''i זצ״ל, en citant le Talmoudh2, écrit : שלא יאמר לו שמור לי בצד עבודה זרה פלונית או תעמוד עמי ביום עבודה זרה פלונית « de sorte qu'on ne doit pas dire ''Attends-moi à côté de telle idole !'' ou ''Reste avec moi le jour [de la fête[ d'une telle idole !'' ». Et sur les mots לא ישמע על-פיך « il ne sera pas entendu sur ta bouche », toujours en citant le Talmoudh3, il écrit : שלא תעשה שותפות עם נכרי וישבע לך בעבודה זרה שלו נמצאת שאתה גורם שיזכר על ידך « [Cela signifie] que tu ne dois pas entrer dans un partenariat avec un païen, car il se pourrait qu'il te fasse jurer au nom de son idole, de sorte que tu serais la cause qu'il la mentionne à cause de toi ». En d'autres mots, Rash''i nous apprend deux choses :

  1. on ne doit pas prendre une idole comme repère. De ce fait, il est interdit de dire des choses comme « Attends-moi près de telle idole ! » ou « Reste avec moi le jour de la fête de telle idole ! » ;
  2. un Israélite ne doit pas monter une affaire en partenariat avec un païen, car si l'associé l'Israélite lance une accusation contre l'associé païen (par exemple, en l'accusant d'avoir volé de l'argent de la caisse ou d'avoir truqué les comptes de l'entreprise), l'occasion pourrait se produire que l'associé païen va jurer au nom de son idole pour se défendre du crime dont l'accuse l'Israélite. Le nom de l'idole aura alors été prononcé par le païen à cause de l'Israélite. Ainsi, quand la Tôroh déclare « il ne sera pas entendu sur ta bouche » et non « dans ta bouche », cela signifie que le nom d'une idole ne doit pas être prononcé à cause d'une parole émanant de la bouche d'un Israélite (le mot hébreu על « ´Al » signifie « sur » mais également « à cause »). Un Israélite ne doit pas prononcer une parole qui pourrait amener quelqu'un d'autre à mentionner le nom d'une idole.

Le Ramba''n זצ״ל défend une approche quelque peu différente. Il entre dans des détails particuliers et dit que l'on ne doit pas même mentionner le noms des dieux païens, et il mentionne les noms de quatre divinités païennes en guise d'exemples. Puis, il dit que si l'on n'a pas d'autres choix que de prononcer leurs noms ou que cela est nécessaire à la bonne compréhension d'un sujet que l'on était en train de traiter, on doit les mentionner avec une formule de désapprobation ou condamnation très claire, comme par exemple en disant « la chose ignoble de Moab » ou « l'abomination des enfants d'Ammon ». Il ajoute ensuite qu'il est possible que les mots ושם אלהים אחרים לא תזכירו « et le nom d'autres dieux vous ne le rappellerez pas » signifient qu'un Israélite ne doit pas mentionner le nom d'autres dieux lorsqu'il parle aux adorateurs de ces dieux.4 (Sans doute car cela pourrait pousser les adorateurs de ces idoles à les défendre et s'étendre sur leurs idéologies païennes, ce qui amènera alors l'Israélite à transgresser l'interdiction d'amener un païen à prononcer le nom d'une idole.)

Le Safôrnô זצ״ל suit une approche plus radicale : il adopte la position selon laquelle un Israélite ne doit jamais mentionner le nom d'une idole5, que ce soit dans ses discussions avec d'autres Israélites ou des païens, et même lorsqu'il pourrait être nécessaire de le faire pour la bonne compréhension d'un sujet en cours de traitement il doit éviter de mentionner le nom des idoles.

Quant au Ramba''m זצ״ל, sa position crée un paradoxe très intéressant. Dans ses Hilkhôth ´Avôdhoh Zoroh Wahouqqôth Haggôyim 5:14, il écrit : ואפילו להזכיר שם עבודה זרה שלא דרך שבועה--אסור, שנאמר: לא תזכירו « et même mentionner le nom d'une idole sans prêter serment est interdit, car il est dit : ''vous ne le rappellerez pas !'' ». Ainsi, il semble adhérer à la même position que celle du Safôrnô, qui est d'interdire de mentionner le nom d'une idole, et ce en toute circonstance.6 Il rapporte également les deux explications de nos Sages rapportées plus haut par Rash''i, à savoir qu'il est défendu d'utiliser une idole comme repère et d'amener qui ce soit à faire un vœu ou prêter serment au nom d'une fausse divinité. Toutefois, il ajoute ceci : וכל עבודה זרה הכתובה בכתבי הקודש--מותר להזכיר שמה, כגון פעור ובל ונבו וגד וכיוצא בהן « mais toute idole qui est mentionnée dans les Saintes Écritures, il est permis de mentionner son nom, comme par exemple Pa´ôr, Bél, Navô, Gadh, et ce qui est semblable ».

Or, dans ses Hilkhôth Malokhim Oumilhomôth 11:10, voici ce qu'écrit le Ramba''m :

Et même Yéshoua´ le Nazaréen, qui s'est imaginé être le Messie et a été mis à mort par un Béth Din, Doniyé`l a déjà prophétisé sur lui, car qu'il est dit7 : « et les enfants des scélérats de ton peuple s'élèveront pour réaliser une vision mais ils échoueront ». Car y a-t-il un échec plus flagrant que celui-ci ? Alors que tous les Prophètes ont annoncé que le Messie délivre Yisro`él et le sauve, rassemble ses exilés et renforce la pratique des Commandements, celui-ci8 a contribué à faire périr les Israélites par l'épée, à en disperser les survivants, les rabaisser, à supplanter la Tôroh et induire en erreur la majorité du monde pour leur faire servir une autre divinité qu'HaShem9.
אף ישוע הנוצרי שדימה שיהיה משיח, ונהרג בבית דין--כבר נתנבא בו דנייאל, שנאמר "ובני פריצי עמך, יינשאו להעמיד חזון--ונכשלו". וכי יש מכשול גדול מזה: שכל הנביאים דיברו שהמשיח גואל ישראל ומושיעם, ומקבץ נדחיהם ומחזק מצוותן; וזה גרם לאבד ישראל בחרב, ולפזר שאריתם ולהשפילם, ולהחליף התורה, ולהטעות רוב העולם לעבוד אלוה מבלעדי ה׳

Dans ce passage, il mentionne donc nominativement Yéshoua´ (le prénom hébreu de « Jésus »). Plusieurs questions se posent donc sur la position du Ramba''m :

  1. Comment réconcilions-nous les propos à première vue contradictoire du Ramba''m ? D'un côté, il interdit strictement de mentionner le nom des idoles, et ce en toute circonstances (si ce n'est lorsqu'il s'agit de fausses divinités mentionnées dans le TaNa''Kh), mais de l'autre côté, il mentionne nominativement Yéshoua´ le Nazaréen.
  2. Pouvons-nous, ou ne pouvons-nous pas, dire le nom de Yéshoua´ ? Devons-nous faire comme certains Juifs qui, pour éviter de dire « Yéshoua´ » ou « Jésus », disent « Yoshke » ?
  3. Tout ce qui a été dit a-t-il ou pas une incidence halakhique pour des Noahides ?
  4. Qu'en est-il de mentionner aujourd'hui des noms qui étaient autrefois des idoles, mais n'en sont plus à notre époque, comme « Janvier » ou « Apollon » ?

Les déclarations du Ramba''m combinés au fait qu'il écrit nominativement Yéshoua´ suggèrent que seule l'une des deux propositions suivantes doit être vraie :

  • soit le Ramba''m ne parlait que de mentions verbales (de sorte qu'écrire le nom de Yéshoua´ ne serait pas une transgression),
  • soit il était d'avis que « Yéshoua´ » n'est pas une idole (d'où le fait qu'il n'y aurait aucune interdiction à le mentionner verbalement ou même à l'écrire).

C'est la deuxième option qui est la bonne ! On peut mentionner le nom de Yéshoua´ parce que c'est un être humain et non un dieu. La différence entre Yéshoua´ et les noms idolâtres interdits est qu'une pierre est une vraie idole. Mais « Yéshoua´ » est le nom que Yéshoua´ a reçu à la naissance. C'est seulement plus tard (des années après sa mort) que les gens ont décidé d'en faire un dieu. À l'inverse, des idoles de pierre étaient idolâtres dès le moment où leurs formes furent conçues dans l'esprit de celui qui les a fabriquées, de sorte que leurs noms furent toujours liés à leur définition en tant qu'idole. Mais Yéshoua´ fut d'abord un homme, et tous ceux qui utilisaient ce nom le faisaient sans connotation aucune à une quelconque divinité de sa part, mais c'est seulement plus tard que certains hommes ont fait de ce nom une idole. Ce n'est donc pas pareil !

Cela répond à toutes nos questions sur la position du Ramba''m. Il pouvait écrire le nom de Yéshoua´ à cause de la raison donnée plus haut. Dans le même temps, il soutenait que les noms d'idoles ne devaient jamais être mentionnés. Cela nous indique également que nous pouvons tout à fait dire ou écrire le nom de Yéshoua´ (en fait, c'est un prénom Juif que l'on peut même donner à nos enfants), et qu'il est donc inutile de le remplacer par des termes dénigrants comme « Yoshke ». Certains Juifs vont même jusqu'à remplacer « Jésus » par « J. », comme lorsque, par respect pour le nom de Dieu, certains Juifs écrivent simplement « D. ». Ces Juifs qui écrivent « J. » pour éviter d'écrire « Jésus » ne se rendent pas compte qu'en agissant ainsi, ils sont en train d'affirmer que « Jésus » serait un nom sacré, comme celui de Dieu, et qu'il faudrait donc éviter de l'écrire en entier ! C'est absurde et d'une stupidité sans fond ! Jésus ne représente rien, ce nom n'est pas sacré et ce n'est pas un dieu pour nous. Par conséquent, inutile de remplacer « Jésus » par « J. » ou « Yoshke » ! Nous avons donc répondu aux questions 1 et 2 posées plus haut.

Concernant la question 3, nous savons que les interdictions du blasphème et de l’idolâtrie font parties des Lois Noahides, de sorte que tout ce qui est interdit aux Israélites dans les domaines du blasphème et de l’idolâtrie l'est également pour aux Noahides. Par conséquent, les réponses aux questions 1 et 2 sont aussi contraignantes pour les Noahides.

Mais qu'en est-il des noms tels que Janvier ou Apollon ? Seuls les noms qui désignent exclusivement une divinité actuellement adorée sont interdites, ce qui explique davantage pourquoi « Jésus » ou « Yéshoua´ » sont permis, puisque ces noms ne sont pas exclusifs à une idole mais sont également des prénoms portés par des gens. (En Amérique Latine, beaucoup de gens s'appellent « Jésus ». Dans les temps talmudiques, Yéshoua´ était l'un des cinq prénoms les plus portés par les Israélites. Ainsi, lorsqu'on utilise « Yéshoua´ » ou « Jésus », ce ne sont pas des noms renvoyant exclusivement à une idole.) Lorsque les gens disent « Janvier », ils ne se réfèrent absolument pas à une idole, même si c'est le nom de l'idole romaine Janus. En fait, la majorité des gens ignorent tout à fait que Janvier est à l'origine le nom d'une idole. Ce n'est que lorsqu'un nom a clairement une connotation idolâtre actuelle et est exclusif d'une idole qu'il devient interdit de le mentionner ou de l'écrire. Quand nous disons « Janvier », nous nous référons au mois et non à l'idole. De plus, Janvier est également le prénom porté par certaines personnes et n'est donc pas exclusif à l'idole Janus. Et lorsque nous disons « Apollo 13 », nous nous référons à la navette spatiale ou au film portant ce même nom, et non pas au dieu grec Apollon. De même, quand nous parlons d'une Taurus, nous ne nous référons pas à la constellation du Taureau, mais à une voiture de la marque Ford, même si les Ford Taurus tirent leur nom de la constellation du Taureau ! D'un point de vue pratique, il est quasiment impossible d'éviter d'employer certains mots tirant leurs origines d'anciennes idoles. Dès lors que ces noms n'ont plus de connotations idolâtres ou ne sont pas exclusifs à des idoles (le terme « Taureau » désigne une constellation ou signe du zodiaque, mais également un animal. Il n'est donc pas exclusif à l’idolâtrie), l'interdiction de les mentionner ne s'applique pas. En outre, il est tout autant impossible de connaître l'origine de chacun des mots de la langue que nous utilisons au quotidien. Et enfin, nous devons pouvoir vivre dans la société. Il serait ridicule, lorsqu'on parle à des païens, d'éviter de prononcer les noms des mois du calendrier grégorien en les remplaçant, par exemple, par des chiffres (le premier mois, le deuxième mois, etc.). On ne se comprendrait plus ! De ce fait, bien que nous ayons une interdiction de mentionner le nom des idoles, ainsi que l'interdiction de faire d'une idole une référence dans nos conversations, il est permis d'utiliser les noms des mois du calendrier grégorien étant donné que nous en faisant usage pour nous référer uniquement à quelque chose du monde pratique, et non à une idole. En outre, n'oubliez pas que même les noms du calendrier hébraïque proviennent de noms babyloniens, parmi lesquels des idoles, comme par exemple le mois de Tammouz qui tire son nom de l'idole Tammouz. Les Israélites adoptèrent ces noms de mois au cours de leur exil à Babylone. Il n'y avait aucun problème à les adopter, étant donné qu'ils ne les utilisaient que pour des raisons pratiques et sociétales, sans aucune connotation idolâtre. Exactement comme Janvier, Février, Mars, etc.

Il est important de signaler qu'il n'y a rien de magiquement tabou concernant le nom d'une idole. Ce serait facile de penser que quelque chose de cosmique s'est produit au moment où l'on a mentionné un mot tirant ses origines du nom d'une idole. Or, les idoles sont, par définition, rien du tout et n'existent pas, car seul HaShem existe ! Ainsi, l'interdiction de prononcer le nom d'une idole n'a rien à voir avec le fait que l'on causerait un quelconque chamboulement dans les mondes spirituels. HaShem nous l'a interdit simplement afin d'éviter d'accorder le moindre crédit à l'idée selon laquelle les idoles représenteraient quelque chose d'autre que rien du tout ! HaShem ne veut pas que les Israélites accordent le moindre crédit à quelque chose qui n'est pas vrai. Et les idoles ne sont certainement pas vraies. Puisqu'elles ne sont pas vraies et sont non existantes, nous ne devons pas en parler, ni même mentionner leurs noms (sauf dans les conditions détaillées tout au long de cet article), car comment parler ou mentionner quelque chose qui n'existe pas ? Voilà pourquoi nous ne devons pas mentionner les noms qui sont exclusifs aux idoles !

1Shamôth 23:13
2`Avôdhoh Zoroh 63b
3Sanhédhrin 63b
4Commentaire du Ramba''n sur la Tôroh, Shamôth 23:13
5Commentaire du Safôrnô sur la Tôroh, Shamôth 23:13
6C'est également la position du Shoulhon ´Oroukh, Yôréh Dé´oh 147:4
7Doniyé`l 11:14
8Yéshoua´ le Nazaréen

9Il parle des doctrines chrétiennes et des actes immondes que les Chrétiens ont commis contre les Israélites au nom de Yéshoua´ le Nazaréen
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