mercredi 22 octobre 2014

Les jeûnes Béha''b

בס״ד

Les jeûnes Béha''b


Ceux qui jettent un coup d’œil dans leurs calendriers juifs verront que le Lundi 27 Octobre 2014 (3 Hashwon 5775), le Jeudi 30 Octobre 2014 (6 Hashwon 5775) et le Lundi 3 Novembre 2014 (10 Hashwon 5775), seront des jours de jeûne. Non seulement la majorité des Juifs n'observent plus ces jeûnes, mais peu savent précisément pourquoi nous jeûnons ces jours-là.

Ces jeûnes sont appelés בה״ב « Béha''b », une expression composée des lettres ב « Béth », qui vaut 2, ה « Hé` », qui vaut 5, et encore une fois ב « Béth », qui vaut 2. Cela indique tout simplement que ces jeûnes ont lieu le deuxième jour de la semaine (Lundi), le cinquième jour de la semaine (Jeudi), et une troisième fois le deuxième jour de la semaine (le Lundi suivant).

Il existe trois raisons principales à l'instauration de ces jeûnes.

Le Talmoudh rapporte ceci1 : אמר אבין סקבא דשתא ריגלא « `Avîn a dit : ''Le moment le plus douloureux de l'année est la fête de pèlerinage'' ». Rash''î ז״ל et les Tôsofôth ז״ל expliquent que ce que veut dire ce passage de la Gamoro` est que le moment de l'année où l'immoralité et les comportements inappropriés entre hommes et femmes sont le plus à craindre est la période des fêtes de pèlerinage (Pésah et Soukkôth). Pourquoi est-ce le cas, alors que ces périodes sont remplies de Miswôth et que nous y passons beaucoup de temps dans les synagogues pour les prières et rites communautaires (les Hôsha´anôth, la récitation du Hallél, Simhath Tôroh, etc.) ? En quoi ces deux périodes de fêtes sont-elles les plus à risque ? Là encore, Rash''î et les Tôsofôth donnent la même réponse : durant ces deux périodes de fête, plus qu'à aucun autre moment de l'année, les hommes et les femmes se rassemblent ensemble pour écouter les discours et Divré Thôroh qui sont donnés, et lorsqu'ils se rassemblent dans une telle mixité et proximité, et aussi souvent, ils pourraient s'attirer du regard et se comporter d'une manière inappropriée. Les Tôsofôth concluent que certains disent que c'est à cause de ce « problème » qu'est née la coutume de jeûner après Pésah et Soukkôth.

Rabbî Yôséf Karo ז״ל fait également mention des jeûnes Béha''b dans son Shoulhon 'Oroukh, où il écrit2 :

Certains ont la coutume de jeûner le deuxième [jour de la semaine], le cinquième [jour de la semaine], et le deuxième [jour de la semaine], après Pésah, et de même après la fête de Soukkôth. Et nous attendons jusqu'à ce que l'intégralité du mois de Nison et Tishri soit passé avant de jeûner.
יש נוהגים להתענות שני וחמישי ושני אחר הפסח, וכן אחר חג הסכות. וממתינים עד שיעבור כל חודש ניסן ותשרי, ואז מתענים

Le Hofés Hayim ז״ל, commentant cette règle du Shoulhon ´oroukh dans son Mishnoh Barouroh, donne une explication similaire à celle donnée plus haut : à cause des festivités et de la joie qui entourent ces deux périodes de fête, nous pourrions avoir péché, et aurions, par conséquent, besoin d'une Tashouvoh. Quant à la raison pour laquelle nous ne commençons pas à jeûner immédiatement après Pésah et Soukkôth, mais attendons que tout le mois de Nison et Tishri soit passé, le Hofés Hayim explique que c'est tout simplement parce que ces deux mois sont des mois de fête, et il n'est pas approprié, d'un point de vue halakhique, de diminuer l'esprit festif de ces mois par des jeûnes. C'est pourquoi, nous attendons le mois de `iyor et Hashwon pour observer ces trois jeûnes de Béha''b.

Dans le livre טעמי המנהגים « Ta´améi Hamminhoghim » (qui signifie « les raisons des coutumes »), deux raisons supplémentaires sont données quant aux raisons pour lesquelles nous avons la coutume des jeûnes de Béha''b. L'une est celle du Lévoush ז״ל, qui explique qu'étant donné que les saisons et l'air changent à ces périodes-là (Pésah marque le début de la période d' « été », tandis que Soukkôth marque le début de la période d' « l'hiver »), il y a beaucoup plus de chances de tomber malade à ces périodes-là, à cause des changements radicaux de température. Par conséquent, les jeûnes Béha''b servent à jeûner pour que les gens ne tombent pas malade durant ces périodes-là. Quant à l'autre raison, elle est donnée par le Séfar Hasîdhim, qui explique que ces deux périodes sont cruciales pour l'agriculture et les fermiers : après Pésah, la chaleur ne doit endommager les produits agricoles, tandis qu'en hiver, après Soukkôth, il vaudrait mieux qu'il y ait de la pluie et du vent, qui ont des effets bénéfiques sur les produits agricoles. C'est pourquoi nous observons les jeûnes de Béha''b à ces moments-là, afin que les produits agricoles se portent bien et que les fermiers n'aient que du succès dans leur travail, puisque HaShem leur donnera la chaleur et la pluie au temps approprié et dans la quantité appropriée.

Il semble que le Ramba''m ז״ל soit lui aussi d'avis que les jeûnes Béha''b furent instituées pour soutenir les fermiers et prier pour le succès des récoltes agricoles en Palestine, puisque après avoir parlé de la pratique consistant à jeûner le Lundi, le Jeudi, et encore une fois le Lundi, lorsqu'on se trouve dans une difficulté, le Ramba''m rapporte ceci3 :

De même, si arrive la période de Pésah, ou qu'on s'en rapproche, en `aras Yisro`él, qui est là-bas la période du bourgeonnement des arbres, et que des pluies ne sont pas tombées4, ils jeûnent et crient [vers Dieu], jusqu'à ce que des pluies profitables pour les arbres tombent, ou jusqu'à ce que leur saison soit passée.
וְכֵן אִם הִגִּיעַ זְמָן הַפֶּסַח אוֹ קָרוֹב לוֹ בְּאֶרֶץ יִשְׂרָאֵל, שְׁהוּא זְמָן פְּרִיחַת הָאִילָנוֹת שָׁם, וְלֹא יָרְדוּ גְּשָׁמִים--הֲרֵי אֵלּוּ מִתְעַנִּין וְזוֹעֲקִין עַד שֶׁיֵּרְדוּ גְּשָׁמִים הָרְאוּיִין לְאִילָנוֹת, אוֹ עַד שֶׁיַּעֲבֹר זְמַנָּם
De même, si arrive la période de la fête de Soukkôth, et que des pluies abondantes ne sont pas tombées pour remplir les cuves de stockage, les fosses d'irrigation, et les caves, ils jeûnent jusqu'à ce que tombe une pluie profitable pour les cuves de stockage. Et s'ils n'ont pas d'eau à boire, ils jeûnent pour les pluies à tout moment5 où ils n'ont pas d'eau à boire, et même durant les jours d'été.6
וְכֵן אִם הִגִּיעַ זְמָן חַג הַסֻּכּוֹת, וְלֹא יָרְדוּ גְּשָׁמִים הַרְבֵּה כְּדֵי לְמַלֹּאות מֵהֶם הַבּוֹרוֹת וְהַשִּׁיחִין וְהַמְּעָרוֹת--הֲרֵי אֵלּוּ מִתְעַנִּין עַד שֶׁיֵּרֵד גֶּשֶּׁם הָרָאוּי לְבוֹרוֹת; וְאִם אֵין לָהֶם מַיִם לִשְׁתּוֹת, מִתְעַנִּים עַל הַגְּשָׁמִים--בְּכָל עֵת שֶׁלֹּא יִהְיֶה לָהֶם מַיִם לִשְׁתּוֹת, וְאַפִלּוּ בִּימוֹת הַחַמָּה

Nous avons donc trois raisons pour lesquelles les jeûnes Béha''b furent institués après Pésah et Soukkôth :

  1. Nous craignons qu'à cause des festivités et de la joie liées à ces deux fêtes, ainsi qu'à la proximité entre hommes et femmes suite aux nombreux rassemblements communautaires organisés durant ces deux périodes de fête, nous ayons commis des péchés que nous avons besoin d'expier. Ainsi, ces jeûnes servent à corriger les manquements dans notre ´avôdhoh du mois de Nison et Tishri.
  2. Nous jeûnons ces jours-là à cause des changements de température, de temps et d'air, qui ont lieu durant ces périodes-là, de façon à demander à HaShem de nous protéger des maladies occasionnées par ces changements, qui sont parfois très brusques et soudains.
  3. Nous jeûnons ces jours-là pour invoquer la miséricorde divine, de façon à ce qu'Il couronne de succès les activités des agriculteurs (grâce à qui nous pouvons nous nourrir au quotidien) et accorde, après Pésah, la chaleur appropriée (mais si on est en Palestine, on demandera la pluie, car la Palestine a besoin de davantage de pluie durant cette période), et après Soukkôth, des pluies abondantes et bénéfiques aux produits agricoles.

Comme cela a été dit, la majorité des Juifs aujourd'hui n'observent plus les jeûnes de Béha''b. Néanmoins, certains Juifs, principalement parmi les `ashkanazim, respectent encore ces jours de jeûne Béha''b. D'autres encore, bien qu'ils ne jeûnent pas ces jours-là, se font un point d'honneur de réciter les Salîhôth7 pour la protection de ceux qui jeûnent ces jours-là, afin de les soutenir spirituellement (et aussi pour se rappeler qu'eux aussi devraient, normalement, jeûner).

Qu'HaShem puisse disposer les cœurs et accorder la force physique et spirituelle adéquate pour observer ces jeûnes Béha''b de la façon la plus appropriée.

1Qîddoushin 81a
2`ôrah Hayim 492
3Hilkôth Ta´niyôth 2:16-17
4À cause du climat particulier de la Palestine, davantage d'eau sont nécessaires à cette période de l'année pour permettre aux produits agricoles de pousser.
5Et pas seulement, Lundi, Jeudi, et encore une fois Lundi, mais quand ils veulent, n'importe quel jour.
6Le Rîtbo` écrit que dans de tels cas, on doit crier vers HaShem pour qu'Il nous fasse miséricorde, même si on est Shabboth.
7Des prières de pénitence qui ne sont récitées que les jours de jeûne.
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