mercredi 22 octobre 2014

La boxe est-elle un sport Koshér ?

ב״ה

La boxe est-elle un sport Koshér ?


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La question suivante m'a été posée :

Shalom Aleikha. Rav. Selon la Halakha, un juif a t-il le droit de faire de la boxe ?

Qu'Hashem vous bénisse.

Dans le traité Bavo` Qammo` 92a, la Mishnoh tranche ceci :

Si quelqu'un dit [à un autre] « Aveugle mon œil ! »1, « Coupe ma main ! », ou « Brise ma jambe ! », [celui qui le fait] est Hayyov2. [Même s'il le lui a demandé en ajoutant que c'était] sur la base qu'il serait Potour3, il est Hayyov. [Si quelqu'un dit à un autre] « Déchire mon vêtement ! », ou « Brise ma cruche ! », [celui qui le fait] est Hayyov. [Et s'il le lui a demandé en ajoutant que c'était] sur la base qu'il serait Potour, il est Potour.
האומר סמא את עיני קטע את ידי שבר את רגלי חייב ע"מ לפטור חייב קרע את כסותי שבר את כדי חייב ע"מ לפטור פטור

La Mishnoh fait clairement la distinction entre des dégâts corporels et des dégâts matériels quant à savoir s'il faudra ou pas payer des compensations financières pour le mal que l'on aura causé. Pourquoi y a-t-il une telle distinction ? Et quelles sont précisément les paramètres des « dégâts corporels » ? Les dégâts corporels n'incluent-ils que des dégâts causés à un membre, ou est-ce que cela inclut également des hématomes et des contusions (les sortes de blessure qu'occasionnent souvent la boxe) ?

La Gamoro`4 commence par traiter de la première question. Rov `assi bar Hammo` ז״ל demanda à Rabboh ז״ל quelle était la différence entre les deux parties de cette Mishnoh. En d'autres mots, pourquoi même si quelqu'un a demandé à être blessé en promettant de ne pas porter plainte ni d'exiger une compensation financière, celui qui l'a frappé et fait ce qui lui avait été demandé est néanmoins coupable, alors que si quelqu'un a demandé à ce qu'on casse un de ses biens en promettant de ne pas porter plainte ni exiger de compensation financière, celui qui le fait est innocent ? Rabboh répondit qu'un être humain ne pardonne tout simplement pas à autrui d'avoir endommagé ses extrémités5, peu importe ce qu'il aurait demandé ou dit.

Mais Rov `assi bar Hammo` cite alors une Barayatho` qui enseigne clairement que si quelqu'un dit à son ami, « Frappe-moi ! », ou « Blesse-moi ! », et qu'il ajoute que c'est sur la base qu'il serait Potour, si son ami le frappe ou le blesse il est Potour. Rov `assi bar Hammo` explique alors qu'un être humain n'est pas plus susceptible de pardonner celui qui lui cause des douleurs physiques que celui qui cause des dégâts à ses extrémités ! Néanmoins, nous voyons que l'on pourrait stipuler que l'agresseur sera Potour dans le cas d'une douleur physique.

Rabboh n'eut aucune réponse à apporter, et l'on demanda à Rov `assi bar Hammo` de qui est-ce qu'il tenait un tel enseignement. Il répondit en citant Rov Shéshath ז״ל, qui a expliqué qu'une blessure causée aux extrémités implique un déshonneur pour la famille de la victime et c'est pour cela que même si la victime avait promis de ne pas porter plainte ni d'exiger des compensations financières, le tribunal se doit de condamner celui qui a blessé ou amputé un de ses membres, même à la demande de la victime. La Gamoro` cite alors trois opinions sur cette question :

  1. Rébbi Hôsha´yoh ז״ל qui est d'accord avec Rov Shéshath et tranche que le sujet tourne effectivement autour du déshonneur de la famille et que c'est pour cela que blesser les extrémités de quelqu'un n'est pas pardonnable. Par contre, on peut pardonner quelqu'un qui a simplement causé une douleur physique.
  2. Ravo` ז״ל déclare qu'il y a une différence entre le fait de causer des dégâts aux extrémités de quelqu'un et lui faire mal. Quelqu'un pourrait permettre à un autre de lui avoir fait mal, mais aucun individu normal, qui a toute sa tête, pourrait en arriver à demander qu'on lui brise ou arrache un membre ou qu'on l'ampute, l'handicapant ainsi à vie. Par conséquent, on ne peut innocenter une telle personne. Ravo` rejette ainsi la comparaison faite par Rov `assi bar Hammo`.
  3. Rov Yôhonon ז״ל dit : יש הן שהוא כלאו ויש לאו שהוא כהן « Il y a un ''Oui'' qui est comme un ''Non'', et un ''Non'' qui est comme un ''Oui'' ». Il lit tout à fait différemment la Mishnoh citée plus haut. Pour lui, elle devrait se comprendre de la façon suivante : l'agresseur demande à la victime, « Et y aura-t-il une culpabilité si je le fais ? », et la victime répond « Oui, bien sûr ! ». Le « Oui, bien sûr ! » est sarcastique, d'après Rov Yôhonon, et c'est pourquoi, quand il s'agit de dégâts causés aux extrémités, l'agresseur est Hayyov, peu importe ce que lui aurait dit ou demandé la victime. Par contre, le sujet du « Frappe-moi ! » ou « Blesse-moi ! » mentionné dans la Barayatho` citée par Rov `assi bar Hammo` n'impliquait pas du tout de sarcasme.

Ainsi, d'après toutes ces trois opinions citées dans la Gamoro`, on pourrait innocenter quelqu'un ayant causé une blessure qui n'implique pas de dégâts permanents. Mais lorsque les dégâts sont permanents, comme par exemple couper une main ou aveugler un œil, peu importe que l'agresseur ait agi sur demande de la victime, on ne peut l'innocenter.

Mais tout cela ne concerne que le fait de savoir si le boxeur est exempt ou pas de payer des compensations financières pour les contusions ou hématomes qu'il a infligés à un autre, même s'il l'a fait avec la permission tacite de l'autre boxeur. Mais quand bien même il en aurait reçu la permission, existe-t-il une permission halakhique de frapper quelqu'un ?

Le Ramba''m ז״ל tranche explicitement ceci dans son Mishnéh Tôroh6 :

Un homme a l'interdiction de causer une blessure, que ce soit à lui-même ou à son ami7. Non seulement celui qui cause une blessure, mais également quiconque frappe, à la façon d'une dispute, un homme valable parmi les Israélites8, que [la victime] soit un mineur ou un adulte, un homme ou une femme, celui-là transgresse une Lô` Tha´asah9... Même [le simple fait de] lever la main sur son ami est interdit. Quiconque élève sa main sur son ami, quand bien il ne l'aurait pas frappé10, celui-là est un impie.
אָסוּר לְאָדָם לַחְבֹּל, בֵּין בְּעַצְמוֹ בֵּין בַּחֲבֵרוֹ. וְלֹא הַחוֹבֵל בִּלְבָד, אֵלָא כָּל הַמַּכֶּה אָדָם כָּשֵׁר מִיִּשְׂרָאֵל--בֵּין קָטָן בֵּין גָּדוֹל, בֵּין אִישׁ בֵּין אִשָּׁה, דֶּרֶךְ נִצָּיוֹן--הֲרֵי זֶה עוֹבֵר בְּלֹא תַעֲשֶׂה... אַפִלּוּ לְהַגְבִּיהַּ יָדוֹ עַל חֲבֵרוֹ, אָסוּר; וְכָל הַמַּגְבִּיהַּ יָדוֹ עַל חֲבֵרוֹ, אַף עַל פִּי שֶׁלֹּא הִכָּהוּ--הֲרֵי זֶה רָשָׁע

L'interdiction de blesser quelqu'un s'applique aussi bien au fait de se blesser soi-même qu'au fait de blesser autrui. Celui qui se cause une blessure ne s'est-il pas donné une permission tacite de le faire ? Et pourtant, nous voyons qu'il lui est défendu d'agir ainsi. Nous voyons donc que toute la discussion rapportée dans la Gamoro` ne concernait que le fait de savoir si on pouvait exiger une compensation financière de la part de l'agresseur. Par contre, étant donné qu'il y a une interdiction de frapper quelqu'un, voire même de simplement faire semblant de le frapper, l'agresseur est coupable pour avoir porté des coups. Il pourrait ainsi ne pas devoir payer une compensation financière pour les blessures qu'il a causées, car la victime était consentante et lui a donné une permission tacite de la frapper, mais il se verra néanmoins administrer des coups de fouet pour avoir transgressé l'interdiction de frapper quelqu'un, peu importe qu'il reçut l'approbation de la victime pour le faire ! Ce sont donc deux sujets différents.

Quelle est la source de cette interdiction ? D'après le Ramba''m et Rash''i11 ז״ל, elle est à trouver dans le verset suivant de la Tôroh qui déclare ceci au sujet de la personne chargée par un Béth Din d'administrer les coups de fouet12 :

Il lui infligera quarante coups. Et il n'ajoutera pas13, par crainte que s'il ajoute à ses coups il y aurait trop de coups, et ton frère serait avili à tes yeux.
אַרְבָּעִים יַכֶּנּוּ, לֹא יֹסִיף: פֶּן-יֹסִיף לְהַכֹּתוֹ עַל-אֵלֶּה מַכָּה רַבָּה, וְנִקְלָה אָחִיךָ לְעֵינֶיךָ

De ce verset, nos Sages apprennent que seul la personne chargée d'appliquer la peine de flagellation a le droit de frapper un autre Israélite, mais qu'aucun autre Israélite n'a le droit de le faire. En outre, le nombre de coups de fouet ne pourra pas être excessif, car le but est de punir la personne, et non de lui causer des dégâts profonds. De là, nos Sages nous apprennent que cela s'applique tout autant à quelqu'un qui frapperait un individu qui, d'un point de la vue de la Tôroh, n'a rien fait pouvant être passible de coups de fouet !

Frapper quelqu'un qui n'est pas passible de coups de fouet est donc un acte très grave. C'est également l'opinion du Riva''sh ז״ל et du Yam Shal Shalômôh ז״ל. Par conséquent, faire de la boxe est une transgression d'une interdiction biblique, puisque non seulement on frappe quelqu'un d'autre (alors que seul la personne désignée par un Béth Din peut le faire), mais on frappe en plus quelqu'un qui pourrait n'avoir rien fait le rendant passible de coups de fouet d'un point de vue halakhique.

Néanmoins, il pourrait y avoir de l'espoir pour ceux qui aiment la boxe et voudraient en faire. Le Maharalba'h14 ז״ל traite du cas de quelqu'un qui désire qu'un Béth Din lui administre des coups de fouet bien qu'il n'ait rien fait qui mérite une telle sanction. Le Maharalba''h écrit que si quelqu'un donne la permission d'être frappé, il pourrait être frappé tant qu'on ne lui cause pas de dégâts au niveau des extrémités et qu'il n'y aurait là pas du tout d'interdit. Le Maharalba''h admet que bien qu'il n'ait vu cela écrit nulle part, il existerait une preuve pouvant soutenir cette position dans les termes employés par le Ramba''m lui-même.

En effet, le Ramba''m, dans la source susmentionnée du Mishnéh Tôroh, écrit : כָּל הַמַּכֶּה אָדָם כָּשֵׁר מִיִּשְׂרָאֵל--בֵּין קָטָן בֵּין גָּדוֹל, בֵּין אִישׁ בֵּין אִשָּׁה, דֶּרֶךְ נִצָּיוֹן--הֲרֵי זֶה עוֹבֵר בְּלֹא תַעֲשֶׂה « quiconque frappe, Darakh Nissoyôn, un homme valable parmi les Israélites, que [la victime] soit un mineur ou un adulte, un homme ou une femme, celui-là transgresse une Lô` Tha´asah ». Le Ramba''m emploie l'expression דֶּרֶךְ נִצָּיוֹן « Darakh Nissoyôn », qui signifie « à la façon d'une violence » ou « à la façon d'une dispute ». Le Maharalba''h conclut donc que si le coup n'a pas été donné par violence ou à la façon dont on frapperait quelqu'un avec qui on est en dispute et qu'il n'y a donc pas de « violence » réelle, l'interdiction ne s'applique alors pas du tout.

Mais cette position n'est pas satisfaisante, car quand bien même on pourrait frapper quelqu'un qui nous l'a demandé, en le frappant il est possible de le défigurer, de lui casser un membre, voire même de causer une hémorragie, ce qui est interdit. Le Séfar Hamdhath Yisro`él15 explique que l'on pourrait faire une distinction entre « frapper » et « blesser ». Demander à quelqu'un de vous frapper ou frapper quelqu'un d'autre pourrait être permis, mais se blesser ou blesser autrui resterait interdit.

D'après le Maharalba''h, faire de la boxe est permis. Mais l'écrasante majorité des Pôsqim rejettent sa position. Il ne convient donc pas de s'adonner à une telle activité. Mais aller dans une salle pour apprendre à boxer est différent et est permis (parce qu'on frappe dans des sacs rembourrés, et que les combats d'entraînement ne sont pas de vrais combats). Par contre, faire des combats de boxe ou être boxeur de profession est interdit par l'écrasante majorité des Pôsqim.

Concluons par les propos rapportés dans le Qisour Shoulhon ´oroukh16 :

Un homme a l'interdiction de frapper son prochain. Et s'il le frappe, il transgresse une Lô` Tha`asah, car il est dit : « Si l'impie mérite la flagellation, etc. Il lui infligera quarante coups. Et il n'ajouteras pas, par crainte que s'il ajoutait, etc. ». Si la Tôroh se montre attentive à la flagellation de l'impie pour qu'il ne reçoive pas plus de coups qu'il ne mérite, à plus forte raison quand il s'agit de coups portés à un juste. Aussi, quiconque lève sa main sur son prochain pour le frapper, même s'il ne l'a pas encore frappé, s'appelle « impie », car il est dit17 : « Et il18 dit à l'impie : ''Pourquoi vas-tu frapper ton prochain ?'' ». Il n'est pas dit : « Pourquoi as-tu frappé ? », mais « Pourquoi vas-tu frapper ? ». Bien qu'il ne l'ait pas encore frappé, il est appelé « impie ». Quiconque frappait son prochain était excommunié par les Anciens, et on ne l'associait plus au Minyon, ni à aucun devoir sacré, tant que le Béth Din n'avait pas annulé cette excommunication, s'il avait accepté leur sentence. Si quelqu'un a été frappé ou si un autre Israélite a été frappé, et qu'il ne soit pas possible de se sauver ou de sauver son prochain sans frapper l'agresseur, il sera permis de le frapper.
אָסוּר לְאָדָם לְהַכּוֹת אֶת חֲבֵרוֹ. וְאִם הִכָּהוּ, עוֹבֵר בְּלֹא תַעֲשֶׂה, שֶׁנֶּאֱמַר, וְהָיָה אִם-בִּן הַכּוֹת הָרָשָׁע וְגוּ', אַרְבָּעִים יַכֶּנּוּ לֹא יֹסִיף פֶּן-יֹסִיף וְגוֹ', אִם הִקְפִּידָה הַתּוֹרָה בְּהַכָּאַת הָרָשָׁע שֶׁלֹּא לְהַכּוֹתוֹ יוֹתֵר עַל רִשְׁעוֹ, קַל-וָחֹמֶר בְּהַכָּאַת צַדִּיק. וְכָל הַמֵּרִים יַד עַל חֲבֵרוֹ לְהַכּוֹתוֹ, אַף -עַל-פִּי שֶׁלֹּא הִכָּהוּ, נִקְרָא רָשָׁע, שֶׁנֶאֱמַר, וַיֹּאמֶר לָרָשָׁע לָמָּה תַכֶּה רֵעֶךָ, לָמָּה הִכִּיתָ לֹא נֶאֱמַר, אֶלָּא לָמָּה תַכֶּה, אַף-עַל-פִּי שֶׁעֲדַיִן לֹא הִכָּהוּ, נִקְרָא רָשָׁע. וְכָל מִי שֶׁהִכָּה אֶת חֲבֵרוֹ, הֲרֵי הוּא מָחֳרָם בְּחֵרֶם הַקַּדְמוֹנִים, וְאֵין לְצָרְפוֹ לְמִנְיַן עֲשָׂרָה לְכָל דָּבָר שֶׁבִּקְדֻשָּׁה, עַד שֶׁיַתִּירוּ לוֹ בֵּית-דִּין אֶת הַחֵרֶם, כְּשֶׁמְּקַבֵּל עָלָיו לִשְׁמֹעַ דִּינָם. וְאִם אֶחַד מַכֶּה אוֹתוֹ אוֹ לְישְׂרָאֵל אַחֵר וְאִ אֶפְשָׁר לְהַצִיל אֶת עַצְמוֹ אוֹ אֶת חֲבֵרוֹ מִיַד מַכֵּהוּ אֶלָּא עַל יְדֵי שֶׁיַכֶּה אוֹתוֹ, מֻתָּר לְהַכּוֹתוֹ

1C'est-à-dire, « Rends-moi aveugle ! »
2Coupable d'une transgression et est condamné à payer des compensations financières pour les dégâts qu'il a causés à l'autre
3Innocent ou exempt. C'est-à-dire qu'il ne demandera pas qu'il lui paie des compensations financières pour les dégâts occasionnés sur son corps
4Bavo` Qammo` 93a
5La Gamoro` emploie l'expression de ראשי אבריו « Ro`shé `évarow », qui signifie littéralement « les bouts de ses membres »
6Hilkôth Hôvél Oumazziq 5:1
7Le terme « ami » désigne, dans son sens le plus restreint, un coreligionnaire Israélite, tandis que dans son sens le plus large, il désigne son prochain, c'est-à-dire, n'importe quel être humain
8Le terme « valable » désigne un Israélite dont le comportement fait de lui un bon Israélite. C'est-à-dire, quelqu'un qui est respectueux de la Tôroh et des Miswôth, et mérite donc d'être appelé « Israélite »
9Une interdiction de la Tôroh.
10Mais a simplement fait semblant qu'il allait le frapper afin de lui faire peur
11Sur Bavo` Qammo` 87a
12Davorim 25:3
13Des coups de fouet supplémentaires
14Responsa du Maharalba''h, dans Qountress HaSssmhoh, vers la fin
15Nér Miswoh n° 79, cité dans la Responsa ´atarath Paz 1:3
16184:1
17Shamôth 2:13

18Môshah Rabbénou ע״ה
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