ב״ה
Faut-il
ou pas dire chaque jour les trois bénédictions « Shallô`
´osoni... » ?
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Nous
lisons ceci dans le Talmoudh1 :
Il
a été enseigné : Ribbi Mé`ir disait : « Un
homme a l'obligation de faire cent bénédictions chaque jour,
ainsi qu'il est dit2 :
''Et à présent, ô Yisro`él, qu'est-ce qu'HaShem, ton Dieu,
attend de toi ?'' »3
Le Shabboth et à Yôm Tôv4,
Rov Hiyo`, le fils de Rov `Awiyo`, tentait d'atteindre ce
nombre par des épices et des gourmandises5.
Il a été enseigné : Ribbi Mé`ir disait : « Un
homme a l'obligation de faire trois bénédictions chaque jour.
Les voici : ''Sha´osoni Yisro`él''6
(dans certaines versions ''Shallô` ´osoni Gôy''), ''Shallô`
´osoni `ishoh'', ''Shallô` ´osoni Bour'' »
Rov `aho`
bar Ya´aqôv entendit [une fois] son fils dire « Shallô`
´osoni Bour. »
Il lui dit : « Et celui-ci aussi ! »7
L'autre lui dit : « Quelle bénédiction
dois-je alors faire à la place ? ».
[Il lui répondit] : « Shallô`
´osoni´avadh. »
« Mais
n'est-ce pas la même chose qu'une femme ? »8
« Un
esclave lui est inférieur ! »9
|
תניא
היה רבי מאיר אומר חייב אדם לברך מאה
ברכות בכל יום שנאמר
ועתה ישראל מה
ה'
אלהיך
שואל מעמך רב חייא בריה דרב אויא בשבתא
וביומי טבי טרח וממלי להו באיספרמקי
ומגדי תניא היה ר"מ
אומר חייב אדם לברך שלש ברכות בכל יום
אלו הן <שעשאני
ישראל>
{שלא
עשאני גוי}
שלא
עשאני אשה שלא עשאני בור רב אחא בר יעקב
שמעיה לבריה דהוה קא מברך שלא עשאני בור
אמר ליה כולי האי נמי אמר ליה ואלא מאי
מברך שלא עשאני עבד
היינו אשה עבד זיל טפי
|
Chaque
jour, un homme bénit : « Boroukh `attoh HaShem
`alôhénou Malakh Ho´ôlom Shallô` ´osoni Gôy »,
« Boroukh `attoh HaShem `alôhénou Malakh Ho´ôlom
Shallô` ´osoni ´avadh », « Boroukh `attoh
HaShem `alôhénou Malakh Ho´ôlom Shallô` ´osoni `ishoh ».
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וּמְבָרֵךְ
אָדָם בְּכָל יוֹם--בָּרוּךְ
אַתָּה ה'
אֱלֹהֵינוּ
מֶלֶךְ הָעוֹלָם,
שֶׁלֹּא
עָשָׂנִי גּוֹי;
בָּרוּךְ
אַתָּה ה'
אֱלֹהֵינוּ
מֶלֶךְ הָעוֹלָם,
שֶׁלֹּא
עָשָׂנִי עֶבֶד;
בָּרוּךְ
אַתָּה ה'
אֱלֹהֵינוּ
מֶלֶךְ הָעוֹלָם,
שֶׁלֹּא
עָשָׂנִי אִשָּׁה
|
Ainsi,
contrairement aux autres bénédictions du matin qui, d'après le
Ramba''m, ne doivent être faites que lorsqu'on accomplit les actes
pour lesquels ces bénédictions furent instituées (par exemple, si
on a entendu le coq chanter, on fait la bénédiction de « Hannôthén
Lasakhwi Vinoh », mais si on ne l'a pas entendu chanter on ne
la fait pas), ces trois bénédictions devraient être faites
quotidiennement. Rabbénou Manôah ז״ל
commente
ce passage du Mishnéh Tôroh en expliquant qu'un homme rencontrera
probablement durant la journée une de ces trois personnes, une
femme, un esclave ou un Gôy ; par conséquent, ces trois
bénédictions doivent être faites quotidiennement, contrairement
aux autres bénédictions du matin qui ne sont faites que lorsqu'on
s'est retrouvé dans une situation où on doit les faire.
Rabbénou
`avrohom ז״ל,
le fils du Ramba''m, cite dans son Séphar Hammaspiq, ce passage du
Mishnéh Tôroh, répète la règle concernant les autres
bénédictions du matin, puis commente ceci :
Mon
père ז״ל
a
déjà lancé des avertissements contre ce Minhogh erroné11
dans les Hilkôth Taphilloh. Cependant, à partir de ses mots, il
semble clair que trois de ces bénédictions, שֶׁלֹּא
עָשָׂנִי גּוֹי,
שֶׁלֹּא
עָשָׂנִי עֶבֶד et
שֶׁלֹּא
עָשָׂנִי אִשָּׁה sont
faites en toutes circonstances, que l'on ait rencontré ou pas un
Gôy, un esclave ou une femme. Il semble en être également ainsi à
partir de l'édition populaire du Piroush de Rabbénou Yishoq
l'auteur des Halokhôth.12
Néanmoins, quelqu'un qui a vu une copie d'une édition ancienne du
Talmoudh qui est rapportée dans ce Piroush lit : « lorsqu'un
homme voit un Gôy il dit שֶׁלֹּא
עָשָׂנִי גּוֹי »,
et il en est de même concernant une femme et un esclave. Cette
édition est correcte, car elle est logique ! On peut trouver la
même chose dans le Siddour de Rabbénou ´amrom ban Shôshonoh13.
Rabbénou
`avrohom s'oppose ici à la décision de son père concernant ces
trois bénédictions et dit qu'elle fut causée par une mauvaise
édition du Ri''ph. Ayant entendu parler d'une édition du Ri''ph
différente de celle que l'on connaît généralement et qui est plus
logique à ses yeux, Rabbénou `avrohom s'appuie sur elle pour
trancher différemment de son père. Ce n'est pas nouveau, puisque de
nombreux Ri`shônim avaient à leur disposition différentes versions
du Talmoudh et du Ri''ph.
L'édition
du Ri''ph que nous possédons aujourd'hui n'est pas fiable.
D'ailleurs, nous trouvons de nombreux Ri`shônim qui citent le Ri''ph
d'une manière différente de ce que nous lisons dans l'édition
actuelle !
Ce
qui est fascinant est que Rabbénou `avrohom nous montre que nous
n'avons pas une obligation de suivre quelque chose rapporté dans le
Talmoudh (ou même le Ramba''m) qui n'a pas de sens. Et sachant qu'il
existe différentes versions du Talmoudh, peut-être que les passages
illogiques peuvent être causées par des éditions qui ne sont pas
fiables et qu'ils ne se retrouvaient pas dans d'autres éditions. Et
effectivement, la version que cite Rabbénou `avrohom est beaucoup
plus logique ; si les bénédictions du matin ne se font que
lorsqu'on accomplit les actes pour lesquels elles furent instituées,
pourquoi cela serait-il différent avec les trois autres
bénédictions ? Cela a du sens d'affirmer que l'on ne devrait
les dire également que si l'on rencontre durant la journée un Gôy,
un esclave ou une femme. Le seul « problème » avec la
version différente que cite Rabbénou `avrohom est qu'elle ne colle
pas avec le texte du Talmoudh que nous possédons ; pour se
faire le texte du Talmoudh nécessiterait quelques lignes
supplémentaires. Mais peu importe, cela nous permet de voir à quel
point les textes du Talmoudh pouvaient être variés même en ces
temps-là, à peine quelques siècles après la finalisation du
Talmoudh. Remarquez d'ailleurs une autre variation de texte :
dans certaines éditions du Talmoudh, il est rapporté qu'il faudrait
dire « Shallô ´osoni Gôy » (et c'est généralement ce
que l'on retrouve dans l'écrasante majorité des versions
actuelles), tandis que dans d'autres éditions il est indiqué qu'il
faudrait plutôt dire « Sha´osoni Yisro`él. »
Ces
variations de textes talmudiques du temps des Ri`shônim ont un
impact réel sur la Halokhoh. Ce n'est pas la même chose de dire
qu'il faudrait faire ces bénédictions coûte que coûte chaque jour
ou de dire qu'il ne faudrait les faire qu'en voyant une femme, un Gôy
ou un esclave ! Mais bien que dans ce cas-ci il s'agisse d'un
détail sans grande portée, certaines variations d'autres passages
talmudiques peuvent avoir des ramifications plus sérieuses. Il n'est
donc pas étonnant de devoir tant dépendre des Ri`shônim qui, avant
toutes les autodafés catholiques contre le Talmoudh au Moyen-âge,
avaient accès à de nombreuses versions différentes et étaient
capables de les analyser de façon critique, alors que de nos jours
le fait de n'avoir qu'une version populaire du Talmoudh et d'autres
écrits empêche de faire ce travail critique ou de voir qu'il
pourrait y avoir des problèmes et une absence de logique avec
certains passages.
1Manohôth
43b
2Davorim
10:12
3Le
mot hébreu, מה
« Moh » (qu'est-ce que) est lu comme s'il
s'écrivait מאה
« Mé`oh », qui signifie « cent ».
C'est par ce jeu de mots que Ribbi Mé`ir déduit l'obligation de
faire cent bénédictions par jour !
4Où
au lieu de faire une ´amidhoh de 18 bénédictions, on fait une
´amidhoh de 7 bénédictions, ce qui réduit la possibilité
d'atteindre les 100 bénédictions ces jours-là
5Qui
nécessitent une bénédictions au préalable. Ainsi, il faisait
exprès de respirer des épices et de manger en-dehors des repas
pour s'obliger à faire des bénédictions ces jours-là et
atteindre le nombre de 100 bénédictions
6Qui
m'a fait Israélite
7C'est-à-dire,
il n'y a aucune raison de prononcer cette bénédiction, étant
donné que même un sot est lui aussi lié à l'accomplissement des
Miswôth.
8Puisque
au niveau de l'accomplissement des Miswôth, une femme et un
esclave sont sur le même pied d'égalité, étant donné qu'ils
sont exemptés des mêmes Miswôth. De ce fait, si une femme
et un esclave sont sur le même pied d'égalité au niveau des
Miswôth, si l'on a déjà dit « Shallô` ´osoni
`ishoh », pourquoi devrait-on alors aussi dire « Shallô`
´osoni ´avadh » ?
9Puisqu'elle
est soumise à plus de Miswôth qu'un esclave, une femme
Israélite a un statut supérieur à un esclave. Voilà pourquoi ce
n'est pas la même chose de dire « Shallô` ´osoni `ishoh »
et « Shallô` ´osoni ´avadh » ?
10Hilkôth
Taphilloh Ouvirakhath Kôhanim 7:6
11Consistant
à faire toutes les bénédictions du matin, même lorsqu'on
n'accomplit pas les actes pour lesquels elles furent instituées
12Il
parle ici de Rabbénou Yishoq `alphasi (le Ri''ph)
13Décédé
en 575 de l'E.C.