jeudi 4 décembre 2014

Quand la `Aggodoh et la Qabboloh prennent le dessus sur la Halokhoh

בס״ד

Récitation du Shéma' : Quand la `Aggodoh et la Qabboloh prennent le dessus sur la Halokhoh



Dans cet article, nous allons parler de deux pratiques malheureusement très répandues qui concernent pourtant l'une des Miswôth les plus importantes de la vie quotidienne de l'Israélite, à savoir, la récitation du Shéma'.

Dans la majorité des synagogues où le Shéma' est récité au sein d'un Minyon, les Mithpallélîm (ceux qui prient, les fidèles) attendent que le Hazzon répète à voix haute les deux derniers mots du dernier paragraphe du Shéma', c'est-à-dire, ה׳ אלקיכם « HaShem `Èlôqéikhèm », suivis du mot אמת « `Èmèth », qui est en fait le premier du paragraphe suivant. Le problème le plus évident (mais il n'est apparemment pas suffisamment évident pour tous) est que cette pratique n'est pas recommandée par la Halokhoh, qui préfère qu'on ne répète pas deux fois deux fois de suite le même verset ou le même mot lorsqu'on récite le Shéma' !

Cette Halokhoh tire sa source d'un passage talmudique (que nous citerons par la suite) et est mentionnée aussi bien par le Rambam זצ״ל que par le Méhabbér זצ״ל. Le premier cité écrit ceci dans son Mishnéh Tôroh :

Hilkhôth Qiryath Shéma' 2:11
S’il récite un verset et le récite une seconde fois, cela est répréhensible. S’il récite un mot et le répète, comme par exemple « Shéma', Shéma' », on le fait taire.
קָרָא פָּסוּק וְחָזַר וּקְרָאוֹ פַּעַם שְׁנִיָּה, הֲרֵי זֶה מְגֻנֶּה; קָרָא מִלָּה אַחַת וּכְפָלָהּ, כְּגוֹן שֶׁקָּרָא שְׁמַע שְׁמַע, מְשַׁתְּקִין אוֹתוֹ

Quant au deuxième, il écrit ceci dans son Shoulhon 'Oroukh :

`Ôrah Hayîm 61:9
Il est interdit de dire « Shéma' » deux fois, que l'on ait répété les mots en disant « Shéma' Shéma' », ou que l'on ait répété le premier verset1.
אסור לומר שמע ב' פעמים בין שכופל התיבות שאומר שמע שמע בין שכופל הפסוק ראשון

Il y a donc une différence notoire entre les deux : concernant celui qui récite deux fois de suite un même verset, le Rambam dit juste que c'est un acte répréhensible, mais pas pas totalement interdit, tandis qu'il indique clairement que répéter deux fois de suite un mot comme par exemple « Shéma', Shéma' » est interdit. Quant au Méhabbér, il écrit que dans les cas deux cas, c'est interdit.

Cette Halokhoh tire sa source du passage talmudique suivant :

Bérokhôth 33b
Rabbî Zéiro`2 a dit : « Quiconque dit Shéma' Shéma', c'est comme dire Môdîm Môdîm ». Une objection fut soulevée : « Celui qui récite le Shéma' et le répète, cela est répréhensible ». Il est répréhensible mais nous ne le faisons pas taire ? Il n'y a pas de contradiction : dans un cas il répète chaque mot tel quel3, et dans l'autre cas chaque verset tel quel4.
אמר ר' זירא כל האומר שמע שמע כאומר מודים מודים דמי מיתיבי הקורא את שמע וכופלה הרי זה מגונה מגונה הוא דהוי שתוקי לא משתקינן ליה לא קשיא הא דאמר מילתא מילתא ותני לה והא דאמר פסוקא פסוקא ותני ליה

Cette Gémoro` est le commentaire d'une Mishnoh qui enseigne que si quelqu'un dirige la prière et qu'on l'entend dire מודים מודים « Modîm Modîm » (Nous Te remercions, nous Te remercions) dans l'avant-dernière bénédiction de la 'Amîdoh, on doit le faire taire, car en disant « dîm Môdîm », il donne l'impression de s'adresser à deux dieux. Partant de cette Halokhoh, Rov Zéiro` enseigne que la même règle s'applique lorsque quelqu'un déclare שמע שמע « Shéma' Shéma' » (Écoute, écoute), car il donne l'impression de s'adresser à deux divinités. Mais la Gémoro` enseigne qu'il n'en est pas de même pour celui qui répète deux fois de suite le premier verset du Shéma'.

Ainsi, le Rambam rapporte fidèlement ce passage talmudique, tandis que le Méhabbér va plus loin que ce qui est écrit, et interdit même la répétition d'un même verset.

À noter que HaRov Môshèh Feinstein זצ״ל tranche de manière plus stricte encore que le Méhabbér et écrit5 que même lorsqu'on chante des prières, on ne doit pas répéter des mots à l'inverse de ce que font de nombreux Hazzonîm, bien qu'en soit cela ne constitue pas une interruption.

À noter également que bien que Rashî tranche l'inverse de ce qui est dit dans la Gémoro`, c'est-à-dire, il tranche qu'on doit faire taire celui qui répète des phrases, tandis qu'on doit seulement émettre des critiques à l'égard de celui qui répète des mots, nous pouvons voir que dans tous les cas procéder à des répétitions de mots ou de phrases en récitant le Shéma' est une pratique qui n'est définitivement pas acceptable Lékhatéhilloh !

Mais malgré qu'il admet lui-même que des mots ne doivent pas être répétés lorsqu'on récite le Shéma', le Méhabbér permet cette pratique consistant à attendre que le Hazzon répète à voix haute les mots ה׳ אלקיכם אמת « HaShem `Èlôqéikhèm `Èmèth ». En effet, voici ce qu'il écrit un peu plus loin dans son Shoulhon 'Oroukh :

Orah Hayîm 61:3
Dans la récitation du Shéma', il y a 245 mots, et afin d'atteindre 248 mots pour que cela correspondent aux organes du corps humain, le Shalîah Sibbour doit terminer [e Shéma'] par « HaShem `Èlôqéikhèm `Èmèth » et répète [ces mots] en les disant à voix haute6.7 Si quelqu'un récite [le Shéma'] seul, il doit avoir à l'esprit que les 15 « Wow » qui se trouvent dans « `Èmèth Wéyasîv », ce qui fait 90, correspondent au Nom d'HaShem fois trois, puisque chaque nom vaut 26 + les quatre lettres de chaque mot, c'est-à-dire (26+4) X3 = 90.
בקריאת שמע יש רמ"ה תיבות וכדי להשלים רמ"ח כנגד איבריו של אדם מסיים שליח צבור ה' אלהיכם אמת וחוזר ואומר בקול רם ה' אלהיכם אמת: ואם הוא קורא ביחיד יכוין בט"ו ווין שבאמת ויציב שעולים צ' והם כנגד ג' שמות ההויה שכל שם עולה כ"ו וד' אותיותיו הם ל״

Commentant cette règle, le Ramo` זצ״ל donne une autre interprétation « kabbalistique » des quinze Wow qui se trouvent dans la bénédiction de « `Èmèth Wéyasîv »8, puis il écrit ceci :

Et il y en a qui ont écrit que quiconque fait la récitation du Shéma' seul doit dire « `Él Mèlèkh Nè`èmon. Shéma', etc. », parce que ces trois mots supplémentaires donnent un total de 248 mots et remplacent également le « `Omén » que l'on doit répondre après « Boroukh... Habbôhér Bé'ammô Yisro`él Bé`ahavoh »9, et telle est notre coutume. Il me semble que, de toute façon, lorsqu'on récite [le Shéma'] avec la communauté, on ne doit pas dire « `Él Mèlèkh Nè`èmon » . On dit plutôt « `Omén » après que le Shalîah Sibbour ait terminé la [deuxième] bénédiction [qui précède le Shema'], et telle est notre coutume, et elle est correcte.
ויש שכתבו דכל הקורא קריאת שמע ביחיד יאמר אל מלך נאמן שמע וגו' כי ג' תיבות אלו משלימין המנין של רמ"ח והוא במקום אמן שיש לענות אחר ברוך הבוחר בעמו ישראל באהבה וכן נוהגין ונראה לי מכל מקום כשקורא עם הצבור לא יאמר אל מלך נאמן רק יאמר אמן אחר השליח ציבור כשמסיים הברכה וכן נוהגין ונכון הוא

La source de cette pratique consistant à répéter « HaShem `Èlôqéikhèm `Èmèth » ou à dire אל מלך נאמן « `Él Mèlèkh Nè`èmon » remonte au tout début de l'ère des Ri`shônîm. Le Ra`avyoh זצ״ל (décédé en 1225) cite un pseudo passage du Talmoud Yérousholmî selon quoi le Shéma' possède 245 mots. Les Rabbonîm auraient préconisé d'ajouter les mots « `Él Mèlèkh Nè`èmon » pour arriver à un total de 248 mots, 248 étant le nombre des organes composant le corps humain. L'idée derrière cela est que la Miswoh de la récitation du Shéma' protègerait les organes de celui qui le récite. Sauf que ce passage du Talmoud Yérousholmî n'est mentionné par personne d'autre, sans compter le fait qu'il ne se trouve dans aucune des éditions connues que nous avons ! (Ce n'est pas surprenant, puisque nous avons de nombreux autres cas de pratiques frauduleuses adoptées par une grande partie des Juifs qui sont basés sur des citations du Talmoud Yérousholmî que nous n'avons pas et qui ont été faites par certaines des premiers Ri`shônîm. L'un des cas d'une telle tromperie est l'affirmation selon laquelle les bénédictions de « Boroukh Shè`omar » et « Yishtabah » seraient citées dans le Yérousholmî, alors qu'un tel passage n'existe pas dans les versions que nous avons, et qu'il est une évidence que ces deux bénédictions n'existaient pas du tout dans les temps talmudiques.) Le choix des mots אל מלך נאמן « `Él Mèlèkh Nè`èmon » n'est pas un hasard, puisque les Ré`shéi Tévôth de cette phrase forment le mot אמן « `Omén », considéré être une réponse appropriée à la fin de la bénédiction qui précède le Shéma'.

Apparemment, cette pratique consistant à ajouter « `Él Mèlèkh Nè`èmon » vit le jour en Allemagne, où vivait le Ra`avyoh, et se répandit ensuite en Espagne comme nous pouvons le voir de l'analyse faite par le Ramban10 זצ״ל sur ce sujet. Le Ramban lui-même a une anecdote assez intéressante pour expliquer la base de cette pratique. Il écrit que dans les époques antérieures, où il était plus courant que les gens qui composaient l'assemblée ne connaissaient pas du tout la liturgie, la coutume était que le Hazzon récite lui-même à haute voix les Bérokhôth. Quant au Shéma', qui était connu de tous, chacun devait le réciter par lui-même, comme l'exige la Halokhoh. Par conséquent, en guise de « `Omén » à la Bérokhoh du Hozzon ils disaient « `Él Mèlèkh Nè`èmon » ! Avec le temps, c'est devenu le Minhag que chacun agisse ainsi. En d'autres mots, c'est un Minhag basé sur la pratique des 'Améi Hor`orès, ce qui, d'un point de vue halakhique, n'a aucun fondement valable !

Le Tour זצ״ל (Rabbénou Ya'aqôv bèn `Ashèr, 1270-1340), dans son « `Arba' Tourîm »11, rapporte une Responsa de Rabbî Mé`îr bèn Tôdrôs HaLéwî `Aboulafia זצ״ל (le Ramah, 1170-1244), qui considère ce Minhag, consistant à dire, en guise de « `Omén », la phrase « `Él Mèlèkh Nè`èmon » entre la fin de la deuxième Bérokhoh qui précède le Shéma' et le Shéma' en lui-même, comme une pratique erronée. Premièrement, on ne peut pas répondre « `Omén » à sa propre Bérokhoh (à quelques exceptions près. Mais ce cas-ci n'entre pas dans les cas d'exception). Deuxièmement, on fait mention en vain du Nom d'HaShem (dans ce cas-ci, le Nom « `Él »). Et troisièmement, on crée un Héfséq (interruption) entre la Bérokhoh et la Miswoh du Shéma' ! De la façon dont le Tour rapporte cette Responsa du Ramah, il est évident qu'il est d'accord avec lui et qu'il considère lui aussi ce Minhag comme une pratique erronée, sans fondement, et qui contrevient à la Halokhoh. Néanmoins, cette pratique s'est maintenue, comme nous le verrons.

Le Méhabbér, dans son Béith Yôséf, rapporte qu'à son époque (il est né en 1488 et est décédé en 1575) c'était déjà la coutume que le Hazzon répète les mots « HaShem `Èlôqéikhèm `Èmèth » à la fin du dernier paragraphe du Shéma'. Il explique qu'étant donné que la coutume de dire « `Él Mèlèkh Nè`èmon » a été démontrée être une pratique fallacieuse, mais qu'on estimait néanmoins qu'il était important de trouver un moyen d'atteindre les 248 mots dans le Shéma', il fut décidé de remplacer « `Él Mèlèkh Nè`èmon » par la répétition de « HaShem `Èlôqéikhèm `Èmèth ». Il cite alors un passage du Zôhar comme base de cette nouvelle pratique !

Cela démontre davantage que le Zôhar ne peut pas avoir été rédigé par Rabbî Shîm'on bèn Yôho`y זצ״ל, car cette pratique n'existait pas du tout dans les temps talmudiques ! (Pour un article sur la question de la paternité du Zôhar, voir ici.) Le Méhabbér cite donc dans son Béith Yôséf le Tîqqounéi Zôhar qui dit explicitement que les Rabbônîm des temps anciens avaient un Minhag de dire « `Él Mèlèkh Nè`èmon ». Mais comme ils avaient un problème avec cela, ces mêmes Rabbonîm instituèrent la nouvelle pratique consistant plutôt à répéter « HaShem `Èlôqéikhèm `Èmèth » ! Ce passage ne tient pas la route une seule seconde, d'autant plus que le Talmoud considère répréhensible le fait de répéter deux fois une même phrase durant la récitation du Shéma' ! Puis, le Méhabbér cite un très long passage du Zôhar pour appuyer cette pratique.

Apparemment, dans le Minhag `Ashkénazî, la pratqiue consistant à réciter « `Él Mèlèkh Nè`èmon » fut maintenue (voir plus haut le Ramo`, qui dit que cette phrase n'est cependant dite que par celui qui récite le Shéma' seul, mais pas en communauté), et à Francfort on ne répétait pas la phrase « HaShem `Èlôqéikhèm `Èmèth » ; c'est uniquement le mot « `Èmèth » qui était prononcé à voix haute par le Rov de la synagogue. Le Rov Yôséf Qa`ppah זצ״ל, dans sa collection de Responsa en trois volumes, a imprimé une Responsa rédigée par HaRov Môshèh Saroum זצ״ל, le dernier Rov de Sana'a, la capitale et plus grande vielle du Yémen, qui affirme lui aussi que répéter « HaShem `Èlôqéikhèm `Èmèth » est un nouveau Minhag introduit par les « Kabbalistes », et que le Minhag yéménite normatif est de ne dire ni « `Él Mèlèkh Nè`èmon », ni « HaShem `Èlôqéikhèm `Èmèth ».

Ce qui est fascinant dans tout cela est que le long passage du Zôhar rapporté par le Méhabbér est en tout point identique à ce qui fut trouvé dans des écrits de Rabbî Môshèh de Léon bien avant qu'il ne publie le Zôhar ! Belle coïncidence qui appuie davantage le fait qu'il est lui-même l'auteur du Zôhar, et non Rabbî Shim'on bèn Yôhô`y, un fait que sa propre épouse et d'autres de ses proches ont admis après son décès ! Et il est facile de démontrer que Rabbî Môshèh de Léon fut le tout premier à suggérer cette pratique erronée, qui contrevient à plusieurs Halokhôth. Le Ramban, qui était pourtant un grand kabbaliste, n'avait aucune tradition du Minhag de « HaShem `Èlôqéikhèm `Èmèth », lui-même rejetait la pratique consistant à dire « `Él Mèlèkh Nè`èmon », et il ne trouvait pas nécessaire d'avoir 248 mots dans le Shéma' ! Lorsque la pseudo « Qabboloh » du Zôhar commença à se répandre, et que ces idées commencèrent à s'emparer de la communauté juive, elles devinrent si puissantes qu'elles ont prévalu en dépit de toutes les objections halakhiques que l'on pourrait apporter. S'assurer que les organes du corps humain soient protégés est apparemment un impératif irrésistible !

Cela illustre également à quel point le Méhabbér était prêt à accepter des pratiques « kabbalistiques », même lorsqu'elles contredisent la Halokhoh et ses propres Pésaqîm !

La deuxième pratique discutable relative à la récitation du Shéma', et qui est très répandue dans les communautés juives d'aujourd'hui, consiste à ajouter dans les bénédictions du Shéma' des Pîyoutîm (poèmes liturgiques), tel que אל אדון « `Él `Odôn », qui fut composé en `Èrès Yisro`él durant le Moyen-Âge et qui suit l'ordre du `Aléf-Béith. Il est généralement récité lors de l'office du Shabboth matin en plein milieu de la première bénédiction qui précède le Shéma'. Mais cette pratique est contraire à la Halokhoh, qui interdit de faire des interruptions durant la récitation du Shéma' (si ce n'est pour répondre à la salutation d'un roi qui droit de vie ou de mort, et qui risquerait donc de nous faire tuer si l'on ne lui répondait pas). D'ailleurs, le Méhabbér lui-même s'oppose à cette pratique consistant à insérer des Pîyoutîm dans les bénédictions. Dans son Shoulhon 'Oroukh, il écrit ceci :

Orah Hayîm 68:1
Il y a des lieux12 où [certains ont la pratique] de faire des interruptions dans les bénédictions de la récitation du Shéma' afin de dire des Pîyoutîm. Il convient de s'abstenir de les dire, parce qu'ils sont une interruption.
יש מקומות שמפסיקים בברכות קריאת שמע לומר פיוטים ונכון למנוע מלאמרם משום דהוי הפסק

Le Rambam a écrit la même chose dans l'une de ses Responsa. En d'autres mots, si on se trouve dans une Synagogue où la communauté locale a la coutume d'entonner des Pîyoutîm en plein milieu des bénédictions du Shéma', comme c'est le cas dans la majorité des communautés d'aujourd'hui, on doit, d'après le Rambam et le Méhabbér, s'abstenir de chanter avec la communauté, car si on chante, on aurait fait une interruption en plein milieu d'une bénédiction, ce qui n'est évidemment pas permis. En outre, la Mishnoh ne permet pas de s'interrompre en plein milieu d'une partie, sauf pour quelqu'un dont on craint que si on ne répondait pas à sa salutation, il en viendrait à nous tuer.13

Mais le Ramo` tranche de la façon suivante :

Et il y en a qui disent qu'il n'y a là aucune interdiction, et telle est la coutume en tous les lieux de les dire. Et celui qui est indulgent et ne les dit pas ne perd rien. Néanmoins, on ne doit pas être occupé par autre chose14. Même par des paroles de Torâh il est interdit de s'interrompre et de s'en occuper tout le temps où le Shalîah Sibbour dit les Pîyoutîm, et il est certainement interdit de s'adonner à une discussion futile. En tous les cas, celui qui étudie en pensée, c'est-à-dire, qui regarde dans un livre15, ce n'est pas une interdiction, car penser n'est pas la même chose que parler.16 On craint néanmoins qu'au milieu [de ses pensées] il en arrivera à parler.17 Par conséquent, un homme ne doit pas se distinguer de l'assemblée dans un endroit où ils ont la coutume de les dire. Il les dira avec eux.
יש אומרים דאין איסור בדבר וכן נוהגין בכל המקומות לאמרם והמיקל ואינו אומרם לא הפסיד. ומכל מקום לא יעסוק בשום דבר אפילו בדברי תורה אסור להפסיק ולעסוק כל זמן שהצבור אומר פיוטים וכל שכן שאסור לדבר שום שיחה בטילה ומכל מקום מי שלומד על ידי הרהור שרואה בספר ומהרהר לית ביה איסורא דהרהור לאו כדיבור דמי אלא שמתוך כך יבואו לדבר ויבואו לידי הפסק ועל כן אין לאדם לפרוש עצמו מהציבור במקום שנהגו לאמרם ויאמר אותם עמהם

En d'autres mots, si quelqu'un est réellement capable de garder le silence jusqu'à ce que l'assemblée ait terminé de chanter les Pîyoutîm, qu'il estime être une interruption dans la récitation des bénédictions relatives au Shéma', et sait faire preuve de patience en attendant qu'ils aient fini, le Ramo` tranche qu'il pourra alors s'abstenir de les réciter avec l'assemblée. Dans le cas contraire, mieux vaudrait pour lui qu'il les chante avec l'assemblée. (Il convient de remarquer que bien que le Ramo` approuve cette pratique de chanter des Pîyoutîm en plein milieu des Bérokhôth du Shéma', on peut déduire des mots qu'il emploie qu'il estime que la position de ceux qui s'y opposent est valable.)

L'une des raisons principales, si pas la plus importante, pour lesquelles les prières communautaires du Shabboth matin durent si longtemps, est le nombre impressionnants d'ajouts inutiles ! HaRov Yéhoudoh Barcélônî זצ״ל, dans son Séfèr Ha`Îtîm (pages 250-251) a critiqué le Minhag consistant à ajouter les longs paragraphes de « Hakkol Yôdoukhoh », « `Él `Odôn 'Al Kol Hamma'asîm », dans la première Bérokhoh de la récitation du Shéma'. Et il donne de nombreux arguments pertinents à cette opposition. Mais il oublie de mentionner un des arguments les plus évidents : ces ajouts dans la liturgie sont un fardeau inutile sur la communauté en termes de temps. Si on ajoute à ces longs paragraphes d'autres Pîyoutîm non nécessaires comme « `Anîm Zémîrôth », la répétition trop fréquente du Qaddîsh, même à des endroits de l'office où il ne doit pas être récité (voir Responsa du Rambam n°208), et les très longs et répétitifs « Mî Shèbbérakh » que les `Ashkénazîm récitent entre chaque `Alîyoh, pour ne mentionner quelques exemples, on se rend alors compte que si tous les ajouts superflus et optionnels étaient retirés les offices ne dureraient plus aussi longtemps et moins de gens ne dormiraient ou discuteraient durant les prières, ce qui ajouterait à la qualité du Minyon.

Nous ferions bien de nous rappeler ce que le Rambam a écrit dans plusieurs de ses Responsa (207, 208 et 261) concernant l'ajoute de diverses prières aux offices communautaires : que les ajouts non essentiels ne devaient pas être tolérés par la prière communautaire sert à tout le monde, y compris les jeunes, les vieux, les malades et d'autres qui ne peuvent supporter les longs offices, et que cela est d'autant plus vrai à Shabboth et Yôm Tôv où la Halokhoh a justement fait exprès de raccourcir la 'Amîdoh à sept bénédictions au lieu des dix-huit de la semaine, car ces jours-là il n'y a pas grand chose à demander à HaShem ! Dans sa Responsa n°261, le Rambam va jusqu'à dire que tout ce qui ressemble à une prière supplémentaire volontaire est approprié, mais uniquement en privé et qu'on ne doit pas l'imposer à la communauté. Et effectivement, nous pouvons voir du Talmoud lui-même que les gens ajoutaient ce qu'ils voulaient et priaient aussi longtemps qu'ils le voulaient lorsqu'ils étaient en privé, mais qu'en communauté ils se tenaient au strict minimum. Et même les prières de Yôm Kîppour et Rô`sh HaShonoh, qui durent de nos jours jusqu'à 5 ou 6 heures, étaient déjà terminées avant la mi-journée. (Cela fera l'objet, D.ieu voulant, d'un autre article.)

Nous devons admettre que lorsqu'on observe ce qui se passe de nos jours dans de nombreuses synagogues, aussi bien durant la répétition de la 'Amîdoh que pendant la lecture de la Tôroh, beaucoup laisse à désirer ! Le Rambam est allé jusqu'à supprimer dans sa communauté la répétition de la 'Amîdoh, car les gens ayant déjà fait leur 'Amîdoh silencieuse parlaient durant la répétition à voix haute de la 'Amidoh par le Hazzon, chose qui se fait encore aujourd'hui dans de trop nombreuses communautés où on ne prend même plus la peine de répondre aux bénédictions du Hazzon (alors que la Halokhoh tranche que si la majorité des membres d'un Minyon ne répondent pas, le Hazzon a récité des bénédictions en vain, ce qui est un grave péché). Dans hèèmyoh 8:3, il est écrit que אָזְנֵי כָל-הָעָם, אֶל-סֵפֶר הַתּוֹרָה « les oreilles de tout le peuple étaient fixées sur le Rouleau de la Tôroh ». Et le Talmoud18 déclare qu'une fois que le Séfèr Tôroh a été ouvert, il est interdit de parler.

Il est important de prendre conscience de ces choses-là, car qu'une pratique soit majoritaire n'est pas la preuve de sa validité !
1C'est-à-dire, que l'on ait dit deux fois « Shéma' Yisro`él HaShem `Èlôqéinou HaShem `Èhod ».
2Un `Amôro` Babylonien de la troisième génération des `Amôro`îm. Il fut un disciple de Rov Hisdo`, puis de Rov Houno`, et enfin de Rov Yéhoudoh, avant d'immigrer en Palestine.
3Et on doit le faire taire.
4Ce qui est simplement répréhensible.
5`Iggèrèth Môshèh, O.H., Volume 2, Responsa 22
6Ce qui implique qu'il récitait jusque là les autres paragraphes à voix basse.
7Le Ramo` commente : ובזה כל אדם יוצא הואיל ושומעין מפיו של שליח ציבור ג' תיבות אלו. ואם היחיד רוצה גם כן לאמרם עם השליח צבור אין איסור בדבר « Et de cette façon, tout homme est quitte, parce qu'ils ont entendu le Shalîah Sibbour réciter ces trois mots. Et si un individu le désire, il peut aussi les dire en même temps que le Shalîah Sibbour. Il n'y a aucune interdiction à cela ».
8Ces explications n'ont aucune valeur, puisque la bénédiction changeant d'un Nousah à l'autre, parfois il n'y a que quatorze Wow, parfois plus que quinze.
9La conclusion de « `Ahavath Rabboh » ou « `Ahavath 'Ôlom », qui est la deuxième bénédiction récitée avant le Shéma'.
10Hiddoushéi HaRamban sur le traité Bérokhôth.
11`Orah Hayîm 61
12C'est-à-dire, des communautés.
13Mishnoh, Bérokhôth 13a
14C'est-à-dire, même si on ne chante pas les Pîyoutîm avec l'assemblée, parce qu'on estime que c'est une interruption dans la récitation des bénédictions relatives au Shéma', il ne convient pas de s'occuper par autre chose pendant que l'assemblée chante.
15Mais ne prononce pas les mots qu'il lit.
16En d'autres mots, pendant que la communauté chante, il peut étudier mentalement quelques paroles de Tôroh, mais il ne doit pas les prononcer avec sa bouche.
17Peut-être qu'il n'aura plus la patience d'attendre que l'assemblée ait terminé de chanter.

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