בס״ד
Le Rambo’’m sur les Shédhim
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Concernant le sujet des « Shédhim » (démons), il y a
deux erreurs classiques que beaucoup font quant à l’approche du Rambo’’m ז״ל : que le
Rambo’’m ne croyait pas en l’existence des Shédhim, et que son opinion est
rejetée par tous les Ḥakhomim du Ṭalmoudh qui, eux, croyaient tous
en leur existence. Ces deux affirmations sont inexactes, car le Rambo’’m
croyait bien en l’existence des Shédhim ; c’est seulement qu’il explique ces
entités d’une autre manière. En outre, comme je vais le montrer dans cet
article, sa position est en réalité en phase avec l’approche de certains Ḥakhomim
du Ṭalmoudh, et il n’a, par conséquent, rien inventé.
Plutôt que de prêter certaines intentions au Rambo’’m qu’il n’avait pas,
voyons voir par nous-mêmes ce que le Rambo’’m lui-même a exprimé sur les
Shédhim, afin de comprendre sa position. Heureusement, le Rambo’’m en parle explicitement
dans son Môréh Navoukhim :[1]
En
ce qui concerne les mots « l’image de `odhom et sa ressemblance »,
nous avons déjà indiqué leur signification.[2]
Ces fils de `odhom qui sont nés avant cette
époque n'étaient pas humains au vrai sens du terme, ils n'avaient pas « l’image
de l'homme ». En ce qui concerne Séth qui avait été
instruit, éclairé et amené à la perfection humaine, on pourrait à juste titre
dire :[3] וַיּוֹלֶד בִּדְמוּתוֹ,
כְּצַלְמוֹ « et
il (`odhom) engendra à sa ressemblance, comme son image ». Il est reconnu qu'un homme qui ne possède pas cette
« image » (dont la nature vient d'être expliquée) n'est pas humain, mais un simple animal de forme et
d’apparence humaines. Pourtant, une telle créature a le pouvoir de
causer des dommages et des blessures, un pouvoir
qui n'appartient pas à d'autres créatures. Puisque ces dons d'intelligence
et de jugement dont il a été dotés dans le but d'acquérir la perfection, mais
qu'il n'a pas pu appliquer vers leur but, sont utilisés par lui à des fins
méchantes et espiègles ; il engendre des choses mauvaises, comme s'il ne
ressemblait qu'en apparence à l'homme, ou simulait son apparence extérieure.
Telle était la condition de ces fils de `odhom qui ont précédé Séth. En
référence à ce sujet, le Midhrosh dit : « Pendant les 130 ans où `odhom
était sous le coup de la réprimande, il engendra des Rouḥin »,
c'est-à-dire des démons ; cependant, lorsqu’il fut de nouveau rendu à la
faveur divine « il engendra à sa ressemblance, comme son image ».
Tel est le sens du passage, וַיְחִי אָדָם, שְׁלֹשִׁים וּמְאַת שָׁנָה, וַיּוֹלֶד בִּדְמוּתוֹ, כְּצַלְמוֹ « Et `odhom vécut
cent trente ans, et il engendra à sa ressemblance, comme son image ».
Le Rambo’’m croit donc aux Shédhim (démons), et explique simplement
qu’ils ne sont pas forcément les entités non corporelles qu’on image souvent,
mais des êtres humains ordinaires qui sont immoraux et causent du tort aux
autres, allant à l’encontre du but-même de l’existence humaine. En d’autres
mots, un être humain qui se comporte en homme est appelé « `odhom »,
tandis que ceux qui vont à l’encontre de ce qu’est censé être un être humains
sont appelés « Shédhim ». C'est un outil important pour
comprendre la vision du Rambo’’m sur les passages talmudiques qui parlent de Shédhim
(démons).
Je pense qu'il est approprié de rapporter intégralement le passage
talmudique que le Rambo’'m cite dans son Möréh Navoukhim.
Il s’agit de ´érouvin 18b, où il est dit :
R.
Yirmayohou b. `al´ozor a ajouté : « Durant
toutes ces années où `odhom a été soumis à l’excommunication, il a engendré des
esprits et des démons mâles et des démons femelles, car il est dit dans les
Écritures : ‘’Et `odhom vécut cent trente ans, et engendra à sa
ressemblance, comme sa propre image’’, d'où il résulte que jusque-là il
n'avait pas engendré comme sa propre image ». Une objection a été
soulevée : R. Mé`ir a dit : « `odhom était un grand Ṣaddiq.
Quand il a vu qu'à travers lui la mort était ordonnée comme punition, il a
passé cent trente ans à jeûner, a rompu les liens avec sa femme pendant cent
trente ans, et a porté des vêtements de [feuilles de] figuier sur son corps
pendant cent trente ans. (Comment alors aurait-il pu engendrer des
enfants ?) - Cette déclaration (Que odhom a engendré des Rouḥin, des Shédhim
mâles et des Lilin femelles) a été faite en référence au sperme qu'il a émis
accidentellement ».
Il y a un passage identique dans le Yalqout Shim´ôni[4]
qui remplace le nom de R. Yirmayohou b.
`al´ozor ז״ל par celui de Rov `al´ozor ban ´azaryoh ז״ל. Il ressort
qu'il y ait deux façons de comprendre cette histoire. Ribbi Mé`ir ז״ל vient contester
la compréhension de R. Yirmayohou b.
`al´ozor, et c’est là la base du Rambo’’m pour ne pas comprendre littéralement
le terme « Shédhim ». Ribbi Mé`ir soutient que ces Shédhim
provenaient des émissions accidentelles de sperme de `odhom (en-dehors de
relations sexuelles naturelles) et R. Yirmayohou
b. `al´ozor soutient plutôt que les « Shédhim » sont le
produit d'une grossesse réelle (naturelle).
Pourtant, le Ṭalmoudh dit bien que `odhom a engendré des Shédhim. Alors
comment allons-nous expliquer cela ? Nous l'avons déjà fait ! Le
Rambo’’m dans le passage du Môréh Navoukhim que
nous avons cité ci-dessus dit que les Shédhim (démons) existent, cependant, ce
ne sont pas des entités surnaturelles. Ces démons ne sont que des hommes
normaux qui sont mauvais et causent du tort aux autres. Par conséquent, nous
avons une approche rationaliste de la Gamoro`
qui exclut la magie et le mysticisme (comme le voulait le Rambo’’m) tout en
conservant une compréhension parfaitement logique et simple de la Gamoro`.
Il y a une série de déclarations faites par `abbayé ז״ל dans Ḥoullin
105b qui semblent indiquer qu'il enseignait à l'origine que les Shédhim
(démons) n'existent pas, mais ensuite son Maître lui a enseigné que les démons
existaient véritablement. Voici un exemple qui nous aidera également avec une autre
Gamoro` :
`abbayé
a également déclaré : « Au début, je pensais que la raison pour
laquelle on ne s’asseyait pas sous un tuyau de vidange était qu'il y avait des
eaux usées là-bas, mais mon Maître m’a dit que c'est parce que des démons s'y
trouvent ». Certains porteurs transportaient une fois un tonneau de
vin. Souhaitant se reposer, ils l'ont déposé sous un tuyau de vidange, après
quoi le baril a éclaté, alors ils sont venus chez Mor, fils de R. `ashi. Il a
sorti des trompettes et a exorcisé le démon qui se tenait maintenant devant
lui. Il a dit au démon : « Pourquoi as-tu fait une telle
chose ? ». Le démon répondit : « Que pouvais-je
faire d'autre, vu qu'ils l'ont mis sur mon oreille ? ». L’autre [Mor,
fils de R. `ashi] a rétorqué : « Qu’as-tu à faire dans un lieu
public ? C’est toi qui as tort, tu dois donc payer les dommages ».
Le démon dit : « Le Maître me donnera-t-il un temps pour
payer ? ». Une date fut fixée. Quand le jour arriva, il fit
défaut. Il se présenta au Béth Din et [Mor b. R. `ashi] lui a dit :
« Pourquoi n’as-tu pas respecté ton délai ? ». Il répondit.
« Nous n'avons pas le droit de retirer tout ce qui a été lié scellé,
mesuré ou compté; mais seulement si nous trouvons quelque chose qui a été
abandonné ».
Pour une raison quelconque, `abbayé pensait que les Shédhim (démons)
n'existaient pas, mais une fois que son Maître lui en a parlé, sa pensée
originale a été changée. Qui était ce Maître ? Ce n'était autre que son
père adoptif, Rabboh bar Naḥmoni ז״ל. Comme Rash’’i nous le dit dans son commentaire sur Shabboth
22a : Cela fait référence à Rabboh bar Naḥmoni. Nous voyons donc
qu'Abaye n'a commencé à croire dans les Shédhim (démons) qu'après que Rabboh
bar Naḥmoni lui en ait parlé. Il y a plusieurs exemples de cela sur la page de Ḥoullin
105a, mais je ne donne qu'un seul exemple.
Notons que Rov Yôséph ז״ל était le chef de la Yashivoh de Poumbaditho`,
où `abbayé a étudié et il est devenu plus tard le chef de la Yashivoh
après Rov Yôséph. Rabboh bar Naḥmoni était le célèbre Bar Paloughṭo`
(débatteur) de Rov Yôséph. Comme indiqué dans Sanhédhrin 17b, ils
étaient tous les deux à la Yashivoh de Poumbaditho`
et étaient célèbres pour être des débatteurs, se disputant toujours l’un avec
l’autre. C'est important d'avoir ce fait à l'esprit car nous sommes sur le
point de montrer comment Rabboh bar Naḥmoni croyait dans des Shédhim mystiques,
tandis que Rov Yôséph peut être décrit comme n’y croyant pas. Par conséquent, `abbayé
a d'abord été enseigné par Rov Yôséph, mais quand il a fini d’apprendre de ce
dernier, Rabboh bar Naḥmoni a commencé à lui enseigner ‘existence des démons.
Si nous faisons cette conjecture, alors nous pouvons expliquer les deux Gamorôth
qui vont suivre d'une manière très appropriée suivant l’approche du Rambo’’m.
Il y a une Gamaro` dans Bavo` Qammo` qui discute
d'une maison abandonnée dont la plupart des commentaires expliquent qu'il
s'agit d'un Shédh (démon). Il est dit :[5]
R.
Sahôroh a déclaré que R. Houno` citant Rov avait
dit : « Celui qui occupe les locaux de son voisin sans avoir aucun
accord avec lui n'a aucune obligation légale de lui payer un loyer, car les
Écritures disent que ‘’par le vide (ושאיה), même la porte est frappée’’.[6] »
Mor, fils de R. `ashi, a fait remarquer : « J'ai moi-même vu une
telle chose et les dégâts étaient aussi importants que s'ils avaient été causés
par un bœuf sanguinaire ». Et R. Yôséph a déclaré : « Les
locaux occupés par des locataires sont en meilleur état. Quelle est cependant
la différence [pratique] entre eux ? - Il y a une différence entre eux
dans le cas où le propriétaire utilisait les locaux pour y garder du bois et de
la paille ».
Cela ressemble à une Gamoro`
parfaitement inoffensive, sans aucune mention aux Shédhim (démons). Cependant, Rash’’i
(et plusieurs autres Ri`shônim) ici et à la page 97a explique que שאיה est le nom d'un Shédh (démon). Que se passe-t-il ? R. Sahôroh
ז״ל nous dit qu'une personne vivant dans une maison éloigne le
démon Sha`ayoh et Rov Yôséph n’est pas d’accord et dit qu'il n'y a
pas de démons ; plutôt, tout dans une maison dépend de ses occupants, qui
doivent s’en occuper et résoudre les problèmes qui se posent. En outre, Mor bar
Rov Ashi dit qu'il a vu ce Shédh causer des dégats et c'était comme un bœuf sanguinaire.
Cela est parfaitement logique car, comme nous l'avons montré plus tôt, Mor bar Rov
`ashi croit tellement aux Shédhim (démons) que dans Ḥoullin 105b, c'est
lui qui a exorcisé un démon ! Donc, il semble que nous ayons R. Sahôroh
et Mor bar Rov `ashi du côté de l’existence littérale des Shédhim et que ce
sont des Shédhim qui endommagent la maison et de l'autre côté nous avons Rov
Yôséph qui, apparemment, ne croit pas dans les Shédhim et conclut que les
dégâts et bon état d’une maison sont la responsabilité de ses occupants. Nous
voyons donc que non seulement l’affirmation selon laquelle tous nos Ḥakhomim
croyaient dans l’existence littérale des Shédhim est fausse, mais qu’en plus,
chaque fois que le Ṭalmoudh parle de « Shédhim », il est
possible d’interpréter ces passages d’une manière non littérale, conformément à
ce que nous avions expliqué dans l’article intitulé « Comment
comprendre les enseignements des Sages »,
où nous avions vu que les enseignements `aggadiques du Ṭalmoudh doivent se
comprendre comme des paraboles ou analogies, mais pas littéralement.
Jusqu'à présent, nous avons pu utiliser parfaitement les principes du
Rambo’’m pour expliquer ces passages talmudiques. Cependant, il y a une Gamoro`
dans Pasoḥim 110a
qui semble montrer que Rov Yôséph croit en l’existence des Shédhim (démons). Il
y est dit :
R.
Yôséph a dit : « Le démon Yôséph m'a dit [que] `ashmodda`y, le roi
des démons, a été nommé sur toutes les paires. Et un roi n'est pas désigné
comme un esprit nuisible ». D'autres l'expliquent dans le sens
opposé : au contraire, un roi est colérique [et] fait ce qu'il veut, car
un roi peut percer un mur pour se frayer un chemin et nul ne peut le retenir.
Ici, il semble que Rov Yôséph parle à un démon de sujets démoniaques.
Cependant, si nous regardons de plus près, le Rambo’’m nous dit que les Shédhim
(démons) ne sont vraiment que des gens ordinaires qui sont méchants. Donc,
peut-être que ce démon Yôséph n'était qu'une méchante personne. En outre, le
sujet dont ils discutaient a fini par être ambigu, comme le montre la
contradiction de savoir si `ashmodda`y est un esprit dommageable ou non. Rov Yôséph
semble essayer de nous montrer qu'il n'y a pas de réponse claire à propos des Shédhim
(démons), ajoutant à l'idée qu'ils ne sont probablement pas vraiment mystiques,
mais pourraient être des entités positives.
Cela contraste avec Rov Pappo`, qui croit que les Shédhim sont des
entités mystiques (des démons), et qui est venu se disputer avec Rov Yôséph. La
Gamoro` se poursuit ainsi :
R.
Pappo` a dit : « Yôséph le démon m'a dit : Pour deux, nous tuons;
pour quatre nous ne tuons pas, [mais] pour quatre nous blessons [le buveur].
Pour deux [nous blessons] qu'ils [aient bu] sans le savoir ou délibérément;
pour quatre, seulement si c'est délibéré, mais pas si c'est involontaire. Et si
un homme oublie et sort, quel est son remède ? Qu'il prenne son pouce
droit dans sa main gauche et son pouce gauche dans sa main droite et dise ainsi :
‘Eux [deux pouces] et moi, c'est sûrement trois !’’ Mais s'il entend quelqu’un
répondre : ‘Vous et moi, c'est sûrement quatre !’’, Qu'il lui
rétorque : ‘’Vous et moi sommes sûrement cinq !’’. Et s'il entend quelqu’un
dire : ‘’Vous et moi, nous sommes six !’’, qu’il lui réponde : ‘’Vous
et moi sommes sept’’. Cela s'est déjà produit jusqu'à cent et un, et le démon a
éclaté [avec mortification] ».
Le but de Rov Pappo` est de contrer l'affirmation de Rov Yôséph selon
laquelle la démonologie est ambiguë et montre que tout est en réalité clair.
Notez également que dans l'histoire de Rov Yôséph, ce personnage de Yôséph
parle d'un autre démon, ce qui implique qu'il n'est pas lui-même nécessairement
un démon au sens littéral, tandis que dans l'histoire de Rov Pappo`, le
personnage de Yôséph parle de lui-même comme d'un démon. Ceci est juste une
autre divergence entre un croyant littéral aux démons mystiques et quelqu'un
qui ne croit pas forcément littéralement aux démons mystiques.
Il ne s'agit pas d'une liste exhaustive, mais d'un simple aperçu des explications
possibles. Le Rambo’’m tient une position très acceptable qui ne va
nécessairement à l'encontre des `amôro`im ou Ṭanno`im. De toute évidence, il
n'y a aucune raison de prétendre que le Rambo’’m va à l'encontre de tous ses
prédécesseurs par le fait qu’il ne croyait pas littéralement dans les Shédhim
mystiques. Prétendre que seule une vision mystique des choses existait à
l'époque de ḤaZa’’l, c'est nier des faits clairs et simples. Certes, il y avait
probablement des gens parmi les Ḥakhomim qui croyaient au
mysticisme, mais il y avait probablement tout autant d’autres Ḥakhomim
qui n'y croyaient pas.
La question ici est de savoir quelle est la vérité et quel est le mythe
qui s'est infiltré ? Quand la Ṭôroh a été donnée, y avait-il des Shédhim
mystiques (démons) qui avaient des pouvoirs surnaturels, et l'hellénisme grec a
affecté certains des Ḥakhomim et les a fait s’égarer (car il est
indéniable que certaines croyances mystiques des Ḥakhomim
provenaient des grecs et autres peuples environnants) ? Ou peut-être que
le contraire est vrai et qu’il n’y avait pas de Shédhim mystiques à l’origine mais
que c’est le mysticisme persan / babylonien qui a corrompu certains de nos Ḥakhomim.
Tout ce que nous savons avec certitude, c'est qu'aujourd'hui, il semble
que ces choses n'existent plus dans la plupart des pays développés, et c'est
tout ce dont nous pouvons être certains. Cependant, le Rambo’’m, en ne croyant
pas dans les Shédhim mystiques, n'a certainement pas corrompu la tradition à
cet égard, car les deux approches ont sur qui s’appuyer, et le Rambo’’m n’a pas
inventé sa position sur les Shédhim.