בס״ד
La Halokhoh du piercing
Cet article peut être téléchargé ici.
Après m’avoir questionné sur le
tatouage et le
maquillage permanent, le même lecteur m’a questionné sur
le sujet du piercing.
Avant
tout, il convient de signaler que nous ne traitons ici que de l’aspect
halakhique, pas moral ni esthétique. La « morale » et l’esthétisme
sont des notions abstraites et subjectives, qui dépendront des définitions que
chacun s’en fait.
En outre, une raison supplémentaire
qui me pousse à publier cette réponse est que j’ai pu constater que certains
Juifs à Madagascar, sous l’influence de certaines anciennes doctrines qui leur
avaient été enseignées dans les mouvements qu’ils fréquentaient avant leur
conversion halakhique, croient faussement qu’il est interdit pour une femme d’avoir
ses oreilles percées, ou de se faire percer le nez, etc., car Hashshém ית׳ aurait rendu
les bijoux illicites en raison du péché du Veau d’or. On ne peut être plus loin
de la vérité !
Le piercing est-il discuté dans le ṬaNa’’Kh ?
Oui. Dans le Livre de Shamôth,[1] la
Ṭôroh prescrit que si un esclave hébreu déclare qu'il aime son maître et ne
veut pas être libéré, le maître doit percer l'oreille de l'esclave avec un
poinçon. L'association du perçage des oreilles à l'esclavage est parfois utilisée
par certains comme une indication que la Ṭôroh ne considère pas favorablement
la pratique. Cependant, d'autres références bibliques indiquent clairement que
le perçage ou piercing pour des raisons esthétiques était pratiqué à l'époque
biblique. Dans le livre de Baré`shith,[2] le
serviteur de `avrohom `ovinou ע״ה, `ali´azar ע״ה, offre un anneau de nez à Rivqoh
ע״ה, qui, il l'espère, deviendra la femme de Yiṣḥoq `ovinou ע״ה. Dans le livre
de Shamôth,[3]
lorsque les Israélites implorent `aharôn ע״ה de créer le Veau
d'or, celui-ci répond en leur demandant de prendre נִזְמֵי הַזָּהָב, אֲשֶׁר בְּאָזְנֵי
נְשֵׁיכֶם בְּנֵיכֶם וּבְנֹתֵיכֶם; וְהָבִיאוּ, אֵלָי « les anneaux d'or qui sont aux
oreilles de vos femmes, vos fils et vos filles, et amenez-les moi »
- une indication que ce perçage d'oreille était une pratique aussi bien chez les hommes israélites que chez les femmes.
Le perçage des oreilles à des fins esthétiques ou autre, sans lien avec l’esclavage,
est également mentionné comme une pratique courante dans le Ṭalmoudh, aussi
bien pour les hommes que pour les femmes, parmi les Juifs.
Dans le livre de Yaḥazqé`l,[4] de
manière poétique, Hashshém décrit le soin avec lequel Il S’est occupé du peuple
d’Israël en l’embellissant par divers ornements. Il dit notamment ceci : וָאֶתֵּן נֶזֶם, עַל-אַפֵּךְ,
וַעֲגִילִים, עַל-אָזְנָיִךְ; וַעֲטֶרֶת תִּפְאֶרֶת, בְּרֹאשֵׁךְ
« Et J’ai placé un anneau à ton nez, et des boucles à tes
oreilles, et une couronne de splendeur sur ta tête ». Nous pouvons
donc clairement voir que même bien des siècles après le péché du Veau d’or, les
femmes israélites continuaient, avec l’approbation explicite de Hashshém, de
percer leurs narines et leurs oreilles !
Comme indiqué plus haut, la pratique
est également très bien documentée à travers le Ṭalmoudh. Par exemple, nous
lisons ceci dans la Mishnoh de Shabboth :[5]
Les [petite] filles [peuvent] sortir avec des
fils et même des petits bâtonnets [enfilés] dans [les trous de] leurs
oreilles.
|
הַבָּנוֹת
קְטַנּוֹת יוֹצְאוֹת בְּחוּטִין וַאֲפִלּוּ בְקִסְמִין שֶׁבְּאָזְנֵיהֶם
|
Ces fils ou bâtonnets enfilés dans
les trous des oreilles permettaient à ce que le trou ayant été percé pour y
mettre des boucles d’oreilles ne se referme pas. La Mishnoh nous explique donc
que les petites filles avaient le droit de sortir le jour du Shabboth avec ces
fils ou bâtonnets enfilés dans les trous de leurs oreilles, et ce n’était pas
considéré comme porter dans le domaine public.
D’autres références talmudiques
indiquent que les hommes Juifs se faisaient aussi percer les oreilles. Par
exemple, dans une discussion sur le port de bijoux le jour du Shabboth, la Gamoro`
déclare :[6]
« Un tailleur ne doit pas sortir avec une aiguille coincée dans son
vêtement, ni un menuisier avec un morceau de bois à l'oreille… ».
Commentant ce passage talmudique, Rash’’i ז״ל fait référence à une coutume qui existait à son
époque selon laquelle les hommes portaient des boucles d'oreilles qui étaient
des signes de leurs métiers respectifs. Alors que certains tentent d’expliquer
que le morceau de bois dont parle le passage était placé derrière l’oreille, d’autres
admettent qu’il s’agit d’un exemple de perçage des oreilles chez un homme, car
la même expression employée dans ce passage se trouve dans la Mishnoh de Shabboth
citée plus haut et fait clairement référence au perçage. Ainsi, le Ṭalmoudh
indique clairement que les hommes perçaient leurs oreilles pour arborer des
boucles d’oreilles qui indiquaient leurs professions. C'était aussi une coutume
bien établie dans les pays européens jusqu'au Moyen Âge pour les commerçants de
porter des boucles d'oreilles percées du symbole de leur métier. Pour d’autres
références bibliques aux boucles d’oreilles et autres bijoux portés également
par des hommes, voir Shamôth 35 :22,
Bamidhbor 31 :50, et
Shôphatim 8 :24.
Ces versets montrent clairement que voir des hommes Juifs arborer des boucles d’oreilles
et d’autres types de bijoux comme des bagues étaient choses courantes dans les
temps bibliques.
Le ṬoNo’’Kh et la Halokhoh
n’interdisent clairement pas des hommes ou des femmes de se faire percer. Le
processus chirurgical consistant à percer l'oreille et le nez semble bien
documenté dans le ṬoNo’’Kh et le Talmoudh. Bien qu'il y en a beaucoup
aujourd'hui qui trouveraient la coutume biblique de perçage du nez inacceptable
pour une femme, il y a tout autant d’autres personnes aujourd'hui qui la
trouvent attrayante. Et tandis que certains sont mal à l'aise avec les hommes qui
se font percer les oreilles, même cela a un précédent dans la littérature traditionnelle
juive, et rien ne l’interdit.
Le seul problème qui se pose est la
mode du moment. Le ṬoNo’’Kh et la Halokhoh n’approuvent chez les femmes que le
perçage des oreilles et du nez, et chez les hommes uniquement le perçage des
oreilles. Il n’existe aucun précédent biblique ou talmudique pour soutenir le
perçage du sourcil, du nombril ou même du mamelon. Aujourd’hui, pratiquement
chaque partie du corps peut être percée, et avoir un perçage à certains
endroits peut aller à l’encontre des valeurs véhiculées par la notion de Ṣani´outh
(pudeur et modestie). En outre, bien qu’il soit bibliquement et halakhiquement
autorisé de se percer les oreilles pour arborer des boucles d’oreilles, avoir
quatre ou cinq perçages à la même oreille peut également aller à l’encontre des
valeurs véhiculées par la notion de Ṣani´outh, qui
nous appelle à la discrétion et au respect envers les autres également.
Ainsi, rien n’empêche le perçage en
tant que tel, et il ne faut pas sanctionner ou mépriser ceux qui se font percer ;
mais nous devons renforcer l’importance de la Ṣani´outh,
qui doit guider nos choix de mode, dans le but de ne pas complètement nous
faire dominer par les modes extravagantes et provocantes dont la société païenne
contemporaine fait la promotion.