lundi 22 juin 2020

La Halokhoh du piercing


בס״ד

La Halokhoh du piercing



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Après m’avoir questionné sur le tatouage et le maquillage permanent, le même lecteur m’a questionné sur le sujet du piercing.

Avant  tout, il convient de signaler que nous ne traitons ici que de l’aspect halakhique, pas moral ni esthétique. La « morale » et l’esthétisme sont des notions abstraites et subjectives, qui dépendront des définitions que chacun s’en fait.

En outre, une raison supplémentaire qui me pousse à publier cette réponse est que j’ai pu constater que certains Juifs à Madagascar, sous l’influence de certaines anciennes doctrines qui leur avaient été enseignées dans les mouvements qu’ils fréquentaient avant leur conversion halakhique, croient faussement qu’il est interdit pour une femme d’avoir ses oreilles percées, ou de se faire percer le nez, etc., car Hashshém ית׳ aurait rendu les bijoux illicites en raison du péché du Veau d’or. On ne peut être plus loin de la vérité !

Le piercing est-il discuté dans le ṬaNa’’Kh ?

Oui. Dans le Livre de Shamôth,[1] la Ṭôroh prescrit que si un esclave hébreu déclare qu'il aime son maître et ne veut pas être libéré, le maître doit percer l'oreille de l'esclave avec un poinçon. L'association du perçage des oreilles à l'esclavage est parfois utilisée par certains comme une indication que la Ṭôroh ne considère pas favorablement la pratique. Cependant, d'autres références bibliques indiquent clairement que le perçage ou piercing pour des raisons esthétiques était pratiqué à l'époque biblique. Dans le livre de Baré`shith,[2] le serviteur de `avrohom `ovinou ע״ה, `ali´azar ע״ה, offre un anneau de nez à Rivqoh ע״ה, qui, il l'espère, deviendra la femme de Yiṣḥoq `ovinou ע״ה. Dans le livre de Shamôth,[3] lorsque les Israélites implorent `aharôn ע״ה de créer le Veau d'or, celui-ci répond en leur demandant de prendre נִזְמֵי הַזָּהָב, אֲשֶׁר בְּאָזְנֵי נְשֵׁיכֶם בְּנֵיכֶם וּבְנֹתֵיכֶם; וְהָבִיאוּ, אֵלָי « les anneaux d'or qui sont aux oreilles de vos femmes, vos fils et vos filles, et amenez-les moi » - une indication que ce perçage d'oreille était une pratique aussi bien chez les hommes israélites que chez les femmes. Le perçage des oreilles à des fins esthétiques ou autre, sans lien avec l’esclavage, est également mentionné comme une pratique courante dans le Ṭalmoudh, aussi bien pour les hommes que pour les femmes, parmi les Juifs.

Dans le livre de Yaḥazqé`l,[4] de manière poétique, Hashshém décrit le soin avec lequel Il S’est occupé du peuple d’Israël en l’embellissant par divers ornements. Il dit notamment ceci : וָאֶתֵּן נֶזֶם, עַל-אַפֵּךְ, וַעֲגִילִים, עַל-אָזְנָיִךְ; וַעֲטֶרֶת תִּפְאֶרֶת, בְּרֹאשֵׁךְ « Et J’ai placé un anneau à ton nez, et des boucles à tes oreilles, et une couronne de splendeur sur ta tête ». Nous pouvons donc clairement voir que même bien des siècles après le péché du Veau d’or, les femmes israélites continuaient, avec l’approbation explicite de Hashshém, de percer leurs narines et leurs oreilles !

Comme indiqué plus haut, la pratique est également très bien documentée à travers le Ṭalmoudh. Par exemple, nous lisons ceci dans la Mishnoh de Shabboth :[5]

Les [petite] filles [peuvent] sortir avec des fils et même des petits bâtonnets [enfilés] dans [les trous de] leurs oreilles.
הַבָּנוֹת קְטַנּוֹת יוֹצְאוֹת בְּחוּטִין וַאֲפִלּוּ בְקִסְמִין שֶׁבְּאָזְנֵיהֶם

Ces fils ou bâtonnets enfilés dans les trous des oreilles permettaient à ce que le trou ayant été percé pour y mettre des boucles d’oreilles ne se referme pas. La Mishnoh nous explique donc que les petites filles avaient le droit de sortir le jour du Shabboth avec ces fils ou bâtonnets enfilés dans les trous de leurs oreilles, et ce n’était pas considéré comme porter dans le domaine public.

D’autres références talmudiques indiquent que les hommes Juifs se faisaient aussi percer les oreilles. Par exemple, dans une discussion sur le port de bijoux le jour du Shabboth, la Gamoro` déclare :[6] « Un tailleur ne doit pas sortir avec une aiguille coincée dans son vêtement, ni un menuisier avec un morceau de bois à l'oreille… ». Commentant ce passage talmudique, Rash’’i ז״ל fait référence à une coutume qui existait à son époque selon laquelle les hommes portaient des boucles d'oreilles qui étaient des signes de leurs métiers respectifs. Alors que certains tentent d’expliquer que le morceau de bois dont parle le passage était placé derrière l’oreille, d’autres admettent qu’il s’agit d’un exemple de perçage des oreilles chez un homme, car la même expression employée dans ce passage se trouve dans la Mishnoh de Shabboth citée plus haut et fait clairement référence au perçage. Ainsi, le Ṭalmoudh indique clairement que les hommes perçaient leurs oreilles pour arborer des boucles d’oreilles qui indiquaient leurs professions. C'était aussi une coutume bien établie dans les pays européens jusqu'au Moyen Âge pour les commerçants de porter des boucles d'oreilles percées du symbole de leur métier. Pour d’autres références bibliques aux boucles d’oreilles et autres bijoux portés également par des hommes, voir Shamôth 35 :22, Bamidhbor 31 :50, et Shôphatim 8 :24. Ces versets montrent clairement que voir des hommes Juifs arborer des boucles d’oreilles et d’autres types de bijoux comme des bagues étaient choses courantes dans les temps bibliques.

Le ṬoNo’’Kh et la Halokhoh n’interdisent clairement pas des hommes ou des femmes de se faire percer. Le processus chirurgical consistant à percer l'oreille et le nez semble bien documenté dans le ṬoNo’’Kh et le Talmoudh. Bien qu'il y en a beaucoup aujourd'hui qui trouveraient la coutume biblique de perçage du nez inacceptable pour une femme, il y a tout autant d’autres personnes aujourd'hui qui la trouvent attrayante. Et tandis que certains sont mal à l'aise avec les hommes qui se font percer les oreilles, même cela a un précédent dans la littérature traditionnelle juive, et rien ne l’interdit.

Le seul problème qui se pose est la mode du moment. Le ṬoNo’’Kh et la Halokhoh n’approuvent chez les femmes que le perçage des oreilles et du nez, et chez les hommes uniquement le perçage des oreilles. Il n’existe aucun précédent biblique ou talmudique pour soutenir le perçage du sourcil, du nombril ou même du mamelon. Aujourd’hui, pratiquement chaque partie du corps peut être percée, et avoir un perçage à certains endroits peut aller à l’encontre des valeurs véhiculées par la notion de Ṣani´outh (pudeur et modestie). En outre, bien qu’il soit bibliquement et halakhiquement autorisé de se percer les oreilles pour arborer des boucles d’oreilles, avoir quatre ou cinq perçages à la même oreille peut également aller à l’encontre des valeurs véhiculées par la notion de Ṣani´outh, qui nous appelle à la discrétion et au respect envers les autres également.

Ainsi, rien n’empêche le perçage en tant que tel, et il ne faut pas sanctionner ou mépriser ceux qui se font percer ; mais nous devons renforcer l’importance de la Ṣani´outh, qui doit guider nos choix de mode, dans le but de ne pas complètement nous faire dominer par les modes extravagantes et provocantes dont la société païenne contemporaine fait la promotion.


[1] 21 :6
[2] 24 :47
[3] 32 :2
[4] 16 :12
[5] 6 :6
[6] Shabboth 11b

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