mercredi 7 octobre 2020

La Ṭaphillath Haggasham

בס״ד

 

L’histoire des Barokhôth & Ṭaphillôth

 

La Ṭaphillath Haggasham – Prière pour la pluie

 



Cet article peut être téléchargé ici.

 

Ce Shabboth, nous serons Shamini ´aṣarath, la fête de conclusion de Soukkôth. Il est bien connu qu’à partir de la prière de Mousoph de Shamini ´aṣarath, nous commencerons à faire mention de la pluie. Cette mention se fait de nos jours au sein d’un Piyout relativement long (dont le contenu est incompréhensible pour la majorité des gens) appelé « aphillath Haggasham – La Prière de la Pluie », dont vous pouvez trouver la version séfarade ici, et la version ashkénaze ici. Mais cette prière est-elle requise halakhiquement ? Ou peut-on s’exempter autrement de son devoir de mentionner la pluie ? Quelle est la pratique traditionnelle originelle ?

 

Dans la plupart des Maḥzôrim de Shamini ´aṣarath, nous pouvons retrouver l’instruction suivante devant la Ṭaphillath Haggasham :

 

Le Gabba`y de la communauté doit annoncer que « Mashshiv Horouaḥ Oumôridh Haggasham » est récité durant la ´amidhoh de Mousoph. Il est important que cette annonce soit faite ; autrement, l’assemblée ne pourra pas commencer à réciter cet ajout durant la ´amidhoh silencieuse.

 

Voici la source de cette annonce :[1]

 

1. Ils commencent à dire dans la deuxième Barokhoh « Mashshiv Horouaḥ Oumôridh Haggasham » durant la Ṭaphilloh de Mousoph du dernier Yôm Tôv de la Fête. Et ils n’arrêtent pas jusqu’à la Ṭaphilloh de Mousoph du premier Yôm Tôv de Pasaḥ.

א מַתְחִילִין לוֹמַר בִּבְרָכָה שְׁנִיָּה: מַשִּׁיב הָרוּחַ וּמוֹרִיד הַגֶּשֶׁם, בִּתְפִלַּת מוּסָף שֶׁל יוֹם טוֹב הָאַחֲרוֹן שֶׁל חַג, וְאֵין פּוֹסְקִין עַד תְּפִלַּת מוּסָף שֶׁל יוֹם טוֹב הָרִאשׁוֹן שֶׁל פֶּסַח.

2. Il est `osour de mentionner la pluie, jusqu’à ce que le Shaliaḥ Ṣibbour ait fait l’annonce. Et il y en a qui disent qu’avant qu’ils ne commencent Mousoph, le Shammosh annonce « Mashshiv Horouaḥ, etc. », afin que les [membres du] Ṣibbour en feront mention dans leur Ṭaphilloh. Et ils sont accoutumés ainsi. C’est pourquoi, même s’il est malade ou contraint, il ne fera pas passer sa Ṭaphilloh avant la Ṭaphilloh du Ṣibbour, parce qu’il est `osour de mentionner [la pluie] jusqu’à ce que le Shaliaḥ Ṣibbour l’ait dit. En revanche, s’il sait que le Shaliaḥ Ṣibbour en a fait mention, quand bien même il ne l’aurait pas entendu, il en fait mention. Et à partir de cette raison, s’il est venu au Béth Hakkanasath et que les [membres du] Ṣibbour ont commencé à prier, il priera et en fera mention, quand bien même il ne l’aurait pas entendu du Shaliaḥ Ṣibbour.

ב אָסוּר לְהַזְכִּיר הַגֶּשֶׁם עַד שֶׁיַּכְרִיז שְּׁלִיחַ צִבּוּר וְיֵשׁ אוֹמְרִים שֶׁקֹּדֶם שֶׁמַּתְחִילִין מוּסָף מַכְרִיז הַשַּׁמָּשׁ מַשִּׁיב הָרוּחַ וְכו', כְּדֵי שֶׁהַצִּבּוּר יַזְכִּירוּ בִּתְפִלָּתָן, וְכֵן נוֹהֲגִין, (מָרְדְּכַי רפּ'ק דְּתַעֲנִית). הִלְכָּךְ אַף אִם הוּא חוֹלֶה אוֹ אָנוּס, לֹא יַקְדִּים תְּפִלָּתוֹ לִתְפִלַּת הַצִּבּוּר, לְפִי שֶׁאָסוּר לְהַזְכִּיר עַד שֶׁיֹּאמַר שְׁלִיחַ צִבּוּר; אֲבָל אִם יוֹדֵעַ שֶׁהִכְרִיז שְׁלִיחַ צִבּוּר, אַף עַל פִּי שֶׁהוּא לֹא שָׁמַע, מַזְכִּיר; וּמִטַּעַם זֶה, הַבָּא לְבֵית הַכְּנֶסֶת וְהַצִּבּוּר הִתְחִילוּ לְהִתְפַּלֵּל, יִתְפַּלֵּל וְיַזְכִּיר, אַף עַל פִּי שֶׁהוּא לֹא שָׁמַע מִשְּׁלִיחַ צִבּוּר.

 

L’importance de la pluie pour le Kalol Yisro`él ne doit pas être sous-estimée. D’ailleurs, nous avons un traité talmudique entier, Masakhath Ṭa´nith, qui est consacré à nous enseigner l’importance de la pluie. Il contient également des instructions à suivre au cas où la pluie ne tomberait pas quand on l’attendait.

 

La source de la mention de la pluie dans la ´amidhoh est une Mishnoh de cette même Masakhath Ṭa´nith :[2]

 

A partir de quand mentionnent-ils les puissances des pluies ? Ribbi `ali´azar dit : « A partir du premier Yôm Tôv de la Fête ». Ribbi Yahôshoua´ dit : « A partir du dernier Yôm Tôv de la Fête ». Ribbi Yahôshoua´ lui a dit : « Etant donné que les pluies durant la Fête ne sont qu’un signe de malédiction, pourquoi mentionne-t-il ? » Ribbi `ali´azar lui a dit : « Moi non plus je n’ai pas dit de demander, mais plutôt de mentionner ‘’Mashshiv Horouaḥ Oumôridh Haggasham’’ en son temps ». Il lui a dit : « S’il en est ainsi, qu’il en fasse toujours mention ! »

מֵאֵימָתַי מַזְכִּירִין גְּבוּרוֹת גְּשָׁמִים. רִבִּי אֱלִיעֶזֶר אוֹמֵר, מִיּוֹם טוֹב הָרִאשׁוֹן שֶׁל חָג. רִבִּי יְהוֹשֻׁעַ אוֹמֵר, מִיּוֹם טוֹב הָאַחֲרוֹן שֶׁל חָג. אָמַר לוֹ רִבִּי יְהוֹשֻׁעַ. הוֹאִיל וְאֵין הַגְּשָׁמִים אֶלָּא סִימַן קְלָלָה בֶּחָג, לָמָּה מַזְכִּיר. אָמַר לוֹ רִבִּי אֱלִיעֶזֶר, אַף אֲנִי לֹא אָמַרְתִּי לִשְׁאוֹל, אֶלָּא לְהַזְכִּיר מַשִּׁיב הָרוּחַ וּמוֹרִיד הַגֶּשֶׁם בְּעוֹנָתוֹ. אָמַר לוֹ, אִם כֵּן, לְעוֹלָם יְהֵא מַזְכִּיר:

 

Ce que nous pouvons remarquer de manière flagrante dans ces deux sources, et qui est essentiel, est que ni la Mishnoh ni le Shoulḥon ´oroukh ne mentionnent la Ṭaphillath Haggasham. Pourquoi pas ? Tout simplement parce que la Ṭaphillath Haggasham n’a pas besoin d’être faite afin de s’acquitter de l’obligation halakhique de mentionner la pluie à Shamini ´aṣarath. Comme les deux sources l’indiquent clairement, cette obligation s’accomplit tout simplement en disant dans la deuxième bénédiction de la ´amidhoh la phrase : מַשִּׁיב הָרוּחַ וּמוֹרִיד הַגֶּשֶׁם « Il fait souffler le vent et fait tomber la pluie ». Rien de plus !

 

Cela nous permet de comprendre pourquoi la Ṭaphillath Haggasham est absente de quelques-uns des Siddourim les plus connus et n’est pas universellement récitée (en effet, bon nombre de communautés ne récitent pas cette prière, et elle est absente de leurs Siddourim). On ne la retrouve pas dans le Siddour Hertz, dans le Siddour ´avôdhath Yisro`él, dans le Siddour du Rov Hirsch, ou encore dans le Siddour `ôṣar Ṭaphillôth. En outre, on ne la retrouve pas non plus dans les Siddourim les plus anciens : celui du Rov ´amrom Go`ôn, du Rov Sa´adhyoh Go`ôn, ou encore celui du Rambo’’m, etc. On ne la retrouve pas non plus dans les ouvrages halakhiques classiques, comme par exemple le Mishnoh Barouroh.

 

La source la plus ancienne à faire mention de la Ṭaphillath Haggasham est le Séphar Hamminhoghim (13ème siècle). Mais c’est seulement au 20ème siècle, avec la création de l’Etat d’Israël moderne, que cette prière fut davantage acceptée et s’est répandue, bien qu’elle soit encore absente de bon nombre de Siddourim.

 

Ceux qui ont composé ce Piyout relativement long se sont certainement dits que se contenter de faire une simple annonce ne suffirait pas à communiquer à la communauté le message de l’importance de la pluie. Ils ont estimé que la communauté avait donc besoin d’une prière spéciale pour comprendre le message. Et cette prière finit par être connue sous le nom de Ṭaphillath Haggasham. Mais l’ironie de tout cela est que ce Piyout est mécompris de la plupart de ceux qui le récitent, et son objectif n’a donc pas été rempli.

 

Il est préférable de se contenter de suivre la Halokhoh simple en se contenant tout bonnement d’ajouter dans la deuxième Barokhoh de la ´amidhoh de Mousoph de Shamini ´aṣarath : מַשִּׁיב הָרוּחַ וּמוֹרִיד הַגֶּשֶׁם. C’est seulement ainsi qu’on s’acquitte de son devoir.

 

Les voies de nos Sages sont simples, claires et à la portée de tous !



[1] Shoulḥon ´oroukh, `ôraḥ Ḥayyim 114 :1-2

[2] Ṭa´nith 1 :1

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