lundi 30 novembre 2020

Les Saphorim Haḥiṣônim

 

בס״ד

 

Les Saphorim Haiônim

 


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La fête de anoukkoh nous offre l’opportunité de nous pencher sur les ספרים החיצונים « Saphorim Haiônim » (Livres Apocryphes), comme source d’informations sur la vie juive durant l’ère du Bayith Shéni. Bien que ces livres furent omis du oNo’’Kh par aZa’’l, je vous encourage vivement à faire usage des « Saphorim Haiônim », et le court article suivant servira principalement à ceux qui sont intéressés à en savoir davantage. Trop souvent, les gens pensent que si un livre n’est pas inclus dans le oNo’’Kh c’est qu’il ne convient pas de le lire. On ne peut être plus loin de la vérité ! De nombreuses références aux « Saphorim Haiônim » se retrouvent dans le almoudh, comme notamment le Livre de Ban Siroˋ qui était lu et cité comme faisant autorité depuis le début de la période rabbinique (des dizaines de citations à ce livre se retrouvent dans le almoudh, démontrant qu’il était bien connu et respecté parmi les Juifs). Il y a au total 39 livres apocryphes juifs connus, parmi lesquels les Livres des Maqqabbim (Maccabées), qui relatent l’histoire complète de anoukkoh. Comprenez donc bien que leur exclusion du oNo’’Kh n’implique en rien que ces livres seraient irrecevables ou ne pourraient pas être étudiés, cités ou utilisés comme sources. Pourquoi donc furent-ils omis du oNo’’Kh ?

 

La raison principale de leur exclusion est très simple à comprendre : Les 24 livres du oNo’’Kh ont été canonisés par les « ˋanshé Khanasath Haggadhôloh » (« Hommes de la Grande Assemblée »), qui comprenait certains des plus grands érudits et dirigeants juifs de l'époque, comme ´azroˋ le Scribe ע״ה, et même les derniers des Prophètes, à savoir aggay ע״ה, Zakharyoh ע״ה et Malˋokhi ע״ה. Avec la mort de ces Prophètes, l’ère de la prophétie prit fin.[1] Les œuvres ultérieures ne sont donc pas considérées comme divinement inspirées et ne sont donc pas incluses dans les 24 livres des Saintes Écritures.[2]

 

Bien qu'aucun des « Saphorim Haiônim » ne soit considéré comme d'inspiration divine et ne soit donc pas inclus dans les Saintes Écritures, en faire usage ne fut jamais remis en question dans la tradition juive.

 

Il est vrai que nous trouvons des déclarations dans le almoudh qui semblent interdire même de lire ces ouvrages.[3] Mais de l’autre côté, le même almoudh et d'autres ouvrages juifs citent fréquemment des passages tirés des « Saphorim Haiônim ». Parmi les « Saphorim Haiônim », le livre le plus cité à travers la littérature rabbinique est celui des Maqqabbim. Comment comprendre cela ?

 

Plusieurs commentateurs expliquent que l'interdiction du almoudh ne concerne pas le fait de les lire en tant que tel mais plutôt le fait de donner à ces livres un statut saint et / ou le même statut que les livres du oNo’’Kh. Par conséquent, ils peuvent être lus, dès lors qu’ils ne sont pas traités comme les 24 livres du oNo’’Kh.[4] D'autres expliquent que l'interdiction talmudique n’était en vigueur que dans les générations proches de l'époque où les « Saphorim Haiônim » furent rédigés, mais plus après. Étant donné que ces œuvres étaient écrites dans un style identique à celui des Saintes Ecritures, les Sages craignaient que certains supposent à tort qu'elles y étaient incluses.[5]

 

Sachons, néanmoins, que même s’il est permis de lire les « Saphorim Haiônim », les versions survivantes de nombre de ces ouvrages sont des traductions de versions grecques ou latines, elles-mêmes traduites à l'origine de l'hébreu ou de l'araméen, avec de nombreux ajouts et suppressions causés par l’Eglise ou des sectes juives hérétiques. Cela explique pourquoi, malgré la permission de les lire, peu de Juifs le font réellement, à moins d’avoir accès à des versions juives fiables de ces ouvrages.

 

Pour savoir quels « Saphorim Haiônim » peuvent être lus, il est utile de les diviser en trois catégories :

 

1.      Ceux qui sont contraires au oNo’’Kh

 

Certains de ces livres contiennent des histoires ou des idées qui contredisent le oNo’’Kh et / ou la pensée juive. Cette catégorie comprend des œuvres telles que l'Histoire de Susanne (qui, entre autres, donne une représentation erronée de la Halokhoh), ainsi que les livres d'Enoch et des Jubilés (en ce qu'ils dépeignent la dynamique entre les anges, Hashshém et les hommes d'une manière contraire au judaïsme), ainsi que diverses autres œuvres.

 

2.     Ceux qui renferment des informations historiques précieuses

 

Ensuite, il y a les livres qui ne sont peut-être pas divinement inspirés, mais sont toutefois utiles en ce qu'ils fournissent des informations précieuses, un peu comme des livres d'histoire. Cette catégorie comprend des œuvres telles que 1 et 2 Maccabées (par opposition à 3 et 4 Maccabées, qui doivent être classés dans la catégorie précédente), ainsi que Judith. Puisque ces livres ne sont pas d'inspiration divine, il n'y a aucune garantie que leur contenu soit entièrement exact, et ils ont à peu près le même poids que n'importe quel autre livre d'histoire. Et il vaut la peine de les lire, étudier, et utiliser comme sources.

 

3.     Ceux qui sont des livres de sagesse : Ban Siroˋ

 

Le Livre de Ban Siroˋ, que le almoudh lui-même cite à plusieurs reprises,[6] mérite une catégorie à part. Aussi appelé la « Sagesse de Sirach », il semblerait que de tous les livres des « Saphorim Haiônim », cet ouvrage fut le plus proche d’être inclus dans le oNo’’Kh. On sait quand Ban Siroˋ a vécu, puisqu'à la toute fin du livre il loue le Kôhén Godhôl Shim´ôn Haṣṣaddiq ז״ל, qui fut l'un des derniers membres des ˋanshé Khanasath Haggadhôloh. Ce qui en fait donc un livre rédigé presque à l’époque biblique.

 

Il convient de noter, cependant, que certaines des citations trouvées dans le almoudh du Livre de Ban Siroˋ ne se trouvent pas dans la version de l'œuvre communément incluse dans les Apocryphes d’aujourd’hui. Le livre portant son nom et qui existe aujourd’hui est en fait une traduction grecque faite par le petit-fils de Ban Siroˋau 2ème siècle avant notre ère. La version hébraïque originale avait été perdue de nombreuses années auparavant, et n'a été trouvée qu'au siècle dernier (dans la Ganizoh du Caire et parmi les manuscrits de la Mer Morte).

 

Pourquoi n'a-t-il pas été inclus dans le oNo’’Kh ? Outre le fait qu'il a été écrit après la fin de l'ère de la prophétie,[7] certains des enseignements contenus dans l'ouvrage ont été jugés contraires aux valeurs juives. Cependant, il semble que les akhomim considéraient qu'au moins certains des enseignements avaient de la valeur, s'ils étaient bien compris.[8]

 

Vous avez ainsi toutes les cartes en main pour savoir quels livres parmi les « Saphorim Haiônim » il conviendrait de lire, et comment il faudrait les lire.



[1] Ṭalmoudh, Bavoˋ Bathroˋ 14b ; Ṭôsaphṭoˋ, Sôtoh 13 :4

[2] C’est ce que l’on comprend de sources telles que les ˋovôth Daribbi Nothon 1 :4 ; Ṭôsaphṭoˋ, Yodhayim 2 :5 ; Ṭalmoudh, Bavoˋ Bathroˋ 14b-15a.

[3] Voir, par exemple, Sanhédhrin 100b.

[4] Voir, par exemple, le Ritva’’ˋ sur Bavoˋ Bathroˋ 92b.

[5] Voir, par exemple, Ribbénou Raˋouvén Margoliyôth, dans Margoliyôth Hayyom sur Sanhédhrin 100b.

[6] Exemples : Ḥaghighoh 13a, Niddoh 16b, Barokhôth 11b, Sanhédhrin 100b, etc.

[7] Ṭôsaphṭoˋ, Yodhayim 2 :5

[8] Voir Ṭalmoudh, Sanhédhrin 100b, ainsi que le commentaire du Ritva’’ˋ sur Bavoˋ Bathroˋ 98b.

dimanche 29 novembre 2020

Le problème soulevé par la dernière strophe du « Mo´ôz Ṣour »

 

בס״ד

 

Le problème soulevé par la dernière strophe du « Mo´ôz Ṣour »

 

 

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Sans doute que certains d’entre vous avez remarqué des versions alternatives de la dernière strophe du célèbre Piyout de Ḥanoukkoh « Mo´ôz Ṣour », et que certains Siddourim omettent même cette strophe. Quelle est l’origine de ces versions alternatives ?

 

L’auteur du Piyout de « Mo´ôz Ṣour » était un certain Môrdokhay, un Juif qui vécut avant l’an 1250 de l’Ere Courante dans l’un des états germaniques : Son époque exacte et là où il vécut précisément ne sont pas connus avec certitude. Mais une partie du voile pourra être retirée quant à ces questions en analysant très simplement la dernière strophe du Piyout.

 

La formulation de la dernière strophe causa des objections dans les provinces germaniques. Cela explique pourquoi elle est omise dans la plupart des Siddourim du rite allemand. Dans un ouvrage intitulé לקט יושר (datant du 16ème siècle), nous trouvons la description suivante concernant la pratique de Ribbi Yisroˋél ˋissarlés, qui suivait généralement les pratiques des érudits d’Allemagne et d’Autriche : Après avoir récité « Hannérôth Hallolou » il récitait « Mo´ôz Ṣour », mais omettait occasionnellement une partie du Piyout. Cette même pratique était suivie par d’autres. Certains remplaçaient la dernière strophe par une nouvelle afin de combler le vide. Dans le קיצור של״ה nous retrouvons trois propositions de strophes de remplacement :

·        מעולם היית ישעי « Depuis toujours Tu as été mon sauveur », attribuée à Ribbi Môshah ˋissarlés ;

·        ירים יחיד הוד והדר « Que l’Unique puisse causer la splendeur et la gloire », attribuée à Ribbi Yirmayoh ;

·        שמך יבורך לעולם מתוך קהל אמונים « Puisse Ton nom être béni à jamais au sein de l’assemblée des fidèles », attribuée à Ribbi Shamouˋél Halléwi.

 

D’autres encore incluaient la dernière strophe mais ne la traduisaient pas en yiddish, contrairement aux autres strophes du Piyout, ou la traduisaient mais pas littéralement et lui donnaient ainsi un sens totalement différent. D’autres en Allemagne qui tentaient d’être aussi fidèles que possible à la formulation d’origine traduisirent la dernière strophe mais changèrent l’ordre des mots. Au lieu de dire נְקֹם נִקְמַת עֲבָדֶיךָ « Venge la vengeance de Ton serviteur », ils ajoutaient עֲשֵׂה נָא לְמַעַן שִׁמְךָ לִהְיוֹת לָנוּ תְּשׁוּעַת « agis, de grâce, pour Ton nom, afin d’être pour nous le salut de, etc. » ; au lieu de דְּחֵה אַדְמוֹן « Daḥéh ˋadhmôn, etc. », ils écrivaient מְחֵה פֶּשַׁע וְגַם רֶשַׁע « efface la rébellion et également l’impiété », ainsi que d’autres changements similaires.

 

Reproduisons ici la dernière strophe afin de voir ce qui était dérangeant :

 

Découvre le bras de Ta sainteté, et rapproche le temps du salut.

חֲשׂוֹף זְרוֹעַ קָדְשֶׁךָ וְקָרֵב קֵץ הַיְשׁוּעָה

Venge la vengeance de Ton serviteur contre la vile nation.

נְקֹם נִקְמַת עֲבָדֶיךָ מֵאֻמָּה הָרְשָׁעָה

Car le [temps du] salut nous a été rallongé, et il n’y a pas de fin aux jours du mal.

כִּי אָרְכָה לָנוּ הַיְּשׁוּעָה וְאֵין קֵץ לִימֵי הָרָעָה

Repousse le Roux à l’ombre de Ṣalmôn ; suscite pour nous les sept bergers.

דְּחֵה אַדְמוֹן בְּצֵל צַלְמוֹן הָקֵם לָנוּ רוֹעִים שִׁבְעָה

 

Les trois premières lignes parlent de la revanche qui doit être prise contre la vile nation et du retard de l’avènement de rédemption finale. Ensuite, on se réfère au fait que le retard est trop long et qu’il nous est difficile de continuer à exister. En raison d’une volonté de promouvoir la paix avec leurs voisins non juifs, les Juifs d’Allemagne retirèrent ces lignes dans de nombreux Siddourim. Les Juifs de Grèce firent pareil avec le troisième paragraphe. Dans le Siddour Haghyôn Lév on remplaça les mots יְוָנִים נִקְבְּצוּ עָלַי « Les grecs se levèrent contre nous » par יְהִירִים נִקְבְּצוּ עָלַי « Des arrogants se levèrent contre nous », afin de ne pas mettre en colère le peuple grec.

 

Mais cela n’explique toujours pas la raison pour laquelle il fut nécessaire d’éliminer la dernière strophe du « Mo´ôz Ṣour ». Il est un fait quez de nombreux Pasouqim du ṬoNo’’Kh faisant référence au fait que Hashshém Se venge des nations en faveur des Juifs se trouvent dans la liturgie sans qu’aucun des Ḥakhomim n’ait émis la moindre objection. Et n’avaient-ils pas institué dans les provinces germaniques après les Croisades la pratique de réciter « ˋov Horaḥamim » dans lequel il est dit : יִזְכְּרֵם אֱלֹהֵינוּ לְטוֹבָה עִם שְׁאָר צַדִּיקֵי עוֹלָם. וְיִנְקֹם לְעֵינֵינוּ נִקְמַת דַּם עֲבָדָיו הַשָּׁפוּךְ « Puisse notre D.ieu Se souvenir d’eux pour le bien avec le reste des Ṣaddiqim du monde, et qu’Il venge devant nos yeux la vengeance du sang versé de Ses serviteurs, etc. » ?

 

Ce qui a causé tant d’agitation furent les mots contenus dans la dernière ligne : דְּחֵה אַדְמוֹן בְּצֵל צַלְמוֹן הָקֵם לָנוּ רוֹעִים שִׁבְעָה « Repousse le Roux dans l’ombre ; suscite pour nous les sept bergers ». Ces mots étaient une diatribe contre l’empereur Frédéric Barberousse (l’empereur à la barbe rousse). C’est Frédéric qui avait organisé la Troisième Croisade à Jérusalem aux côtés de Richard Cœur de Lion, roi d’Angleterre, et Philippe Auguste, roi de France, après que lui fut parvenu la nouvelle que les Croisés avaient été chassés de Jérusalem par les armées de Saladin (1187 de l’Ere Courante), après 88 ans de contrôle des Croisés sur Jérusalem. La Troisième Croisade causa une énorme anxiété et détresse dans les communautés juives des provinces germaniques parce que les blessures de la Première Croisade n’avaient pas encore guéries. L’empereur Frédéric protégeait les Juifs qu’il voyait comme des esclaves dont il avait hérités en vertu du titre de « Saint Empereur Romain » qui lui avait été attribué. En outre, les Juifs lui payaient des taxes substantielles qui lui permirent de financer sa Croisade à Jérusalem. Voici ce qu’écrivait l’historien ˋaphroyim de Bonn en ces temps-là :

 

La nouvelle de la Troisième Croisade se répandit à travers le Saint Empire Romain. Le peuple de Jésus se leva contre le peuple de D.ieu afin de le détruire. Puisse D.ieu avoir compassion de Son peuple et que leurs ennemis aient pitié d’eux ! Puisse D.ieu convaincre le roi Frédéric de se satisfaire de la prise de quelques-unes des richesses des Juifs et que le roi Frédéric ordonne au clergé chrétien de ne pas menacer les Juifs.

 

Néanmoins, dans leurs cœurs les Juifs germaniques priaient pour la défaite des Croisés qui avaient versé leur sang et souillé Jérusalem. Tout le temps où les Croisés occupaient Jérusalem, peu de Juifs, voire aucun, habitaient dans la Ville Sainte. Binyomin de Tolède, qui avait visité Jérusalem durant cette période, rapporta qu’à Jérusalem il n’y trouva qu’une seule famille juive. A ce moment, les Juifs avaient à leur esprit les paroles suivantes du Prophète :[1] וְהָיָה זֶה, שָׁלוֹם; אַשּׁוּר כִּי-יָבוֹא בְאַרְצֵנוּ, וְכִי יִדְרֹךְ בְּאַרְמְנוֹתֵינוּ, וַהֲקֵמֹנוּ עָלָיו שִׁבְעָה רֹעִים, וּשְׁמֹנָה נְסִיכֵי אָדָם « Et ceci sera la paix : lorsque ˋashshour (l’Assyrie) viendra dans notre pays, et lorsqu’il cheminera dans nos palais, nous susciterons alors contre lui sept bergers, et huit conducteurs d’hommes ». Les Juifs d’Allemagne priaient pour la venue des « sept bergers » afin qu’ils se lèvent contre les Croisés. Dans leur esprit, les « sept bergers » étaient représentés par la Maison de Saladin, un chef musulman de cette époque-là. Ils priaient pour qu’il affronte les Croisés et cause leur déroute par l’épée. Ils l’avaient à l’esprit parce que ce furent les armées de Saladin qui avaient rouvert aux Juifs les portes de Jérusalem, ce qui avait initié la Troisième Croisade. Yahoudhoh al-Harizi, un poète espagnol, rapporte qu’il rencontra un Juif à Jérusalem au début du 13ème siècle et lui demanda : « Quand les Juifs reviendront-ils à Jérusalem ? » Il répondit : « Depuis le jour où Jérusalem fut capturé par les musulmans, les Juifs ont commencé à repeupler Jérusalem ! »

 

Lorsque la nouvelle parvint en Allemagne que l’armée de l’empereur Frédéric avait vaincu l’armée de Saladin et conquis la capitale de Seljuk (en Turquie), ainsi que la capitale de Lycaonie (qui s’appelait « Ṣalmôn » en hébreu) en Asie Mineure, qui se trouvait sur le chemin vers Jérusalem, les Allemands organisèrent des célébrations car la Lycaonie avait autrefois était le centre d’érudition des pères de la religion chrétienne. Inutile de dire que les Juifs ne célébrèrent pas. L’auteur Reb Mördokhay qui vivait en ce temps-là en Allemagne (1190 de l’Ere Courante) composa son ardent chant en l’honneur de Ḥanoukkoh et ajouta dans la dernière strophe une référence à la crise de son époque qui lui rappelait l’histoire de Ḥanoukkoh, les allemands remplaçant les grecs :

 

Repousse le Roux (Frédéric Barberousse) à l’ombre de Ṣalmôn (ceux qui vivent à l’ombre de la Lycaonie) ; suscite pour nous les sept bergers (suscite « sept bergers » pour affronter l’ennemi qui aproche de notre pays, Israël, et dont le but est de piétiner nos palais. Déracine-les par l’épée).

דְּחֵה אַדְמוֹן בְּצֵל צַלְמוֹן הָקֵם לָנוּ רוֹעִים שִׁבְעָה

 

Tel est le sens de cette strophe, qui reste énigmatique pour la plupart des gens, car ils ne s’intéressent pas réellement à l’histoire et signification des paroles qu’ils prononcent. Il est pourtant essentiel et passionnant de s’intéresser à l’histoire de notre liturgie et de nos prières.

 

Boroukh Hashshém, Frédéric Barberousse n’eut pas le mérite d’achever Sa croisade, car il coula avec son navire dans le fleuve Göksu Nehri (en Turquie). Peut-être par le mérite de cette prière, qui sait ?

 

En tous les cas, se référer au « Saint Empereur Romain » et chef allemand Frédéric Ier Barberousse de la manière dont on se réfère à lui dans la dernière strophe du « Mo´ôz Ṣour » aurait été un acte très risqué pour les Juifs d’Allemagne. Par conséquent, les Rabbonim d’Allemagne firent l’effort de cacher cette strophe et d’encourager son omission.



[1] Mikhoh 5 :4

L’origine de « Hannérôth Hallolou »

בס״ד

 

L’origine de « Hannérôth Hallolou »

 


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Ḥanoukkoh approchant, nous allons publier quelques articles sur divers aspects de la fête. Nous commencerons dans ce bref article par le Piyout de « Hannérôth Hallolou », que quasiment tout le monde récite de nos jours après l’allumage des lampes de Ḥanoukkoh, et verrons son origine, car il est toujours essentiel de remonter aux origines des textes, l’histoire de la liturgie juive en général étant trop méconnue.

 

La toute première source qui mentionne cette prière du « Hannérôth Hallolou » est la Masakhath Sôpharim, un traité post-talmudique datant du 8ème siècle, dont l’écrasante majorité des Halokhôth (voire la totalité) n’est pas acceptée. C’est pour cela que malgré son apparition dans ce traité post-talmudique, cette prière ne fut incluse dans AUCUN des premiers Siddourim de l’époque des Gaˋônim (les Sages ayant succédé aux Sages du Ṭalmoudh), ni dans les Siddourim du Rambo’’m et de Rash’’i, ni dans le Maḥzôr Witri (le Maḥzôr le plus ancien et complet). Voici le texte de la Masakhath Sôpharim, Chapitre 20, Halokhoh 4 :

 



Traduction :

 

Comment bénissent-ils ? Au premier jour, celui qui allume bénit trois [bénédictions], tandis que celui qui voit [les lampes allumées en bénit] deux. Celui qui allume dit : « Béni Tu es Hashshém notre ˋalôhim, Roi de l’Univers, Qui nous a sanctifiés par Ses Miṣwôth et nous a ordonné d’allumer la lampe de Ḥanoukkoh ». Puis il déclare : « Ces lampes que nous allumons [sont] sur les saluts, sur les miracles et sur les merveilles que Tu as faits pour nos ancêtres par l’intermédiaire de Tes saints Kôhanim. Et l’intégralité des huit jours de Ḥanoukkoh ces lampes [sont] sacrées, et nous n’avons pas le droit d’en faire usage, mais seulement de les regarder, afin d’être reconnaissant envers Ton nom concernant Tes merveilles, concernant Tes miracles et concernant Tes saluts ». Puis il dit : « Béni Tu es… Qui nous a fait vivre » (Shahaḥayonou). Puis il dit : « Béni Tu es… Qui a fait des miracles » (Sha´osoh Nissim). Celles-ci sont pour celui qui allume. En revanche, pour celui qui voit, il ne dit au premier jour que deux [bénédictions] : « Shahaḥayonou » et « Sha´osoh Nissim ». Par la suite, celui qui allume bénit : « Lahadhliq » et « Sha´osoh Nissim », alors que celui qui voit dit : « Sha´osoh Nissim ».

 

Nous pouvons constater que la version originelle de « Hannérôth Hallolou » est légèrement plus courte que celle que nous connaissons aujourd’hui. Et deuxièmement, il existe un doute quant à la place de cette prière. D’après le sens simple du texte susmentionné, « Hannérôth Hallolou » devrait être récité immédiatement après la bénédiction de l’allumage, suivi par les autres bénédictions (Shahaḥayonou et Sha´osoh Nissim). Mais certains interprètent ce passage comme voulant dire que « Hannérôth Hallolou » doit être récité après les trois bénédictions. Mais dans un cas comme dans l’autre, notez que d’après la Masakhath Sôpharim « Shahaḥayonou », le premier soir de Ḥanoukkoh, devrait se réciter avant « Sha´osoh Nissim » (de nos jours, « Shahaḥayonou » est récité en dernier).

 

Le Riˋshôn le plus important ayant rapporté cette prière fut le Roˋ’’sh ז״ל, dans son commentaire sur le Ṭalmoudh, et il attribua le Minhogh de la réciter à son propre maître, Ribbénou Méˋir de Rothenburg ז״ל (né aux environs de 1215, et décédé en 1293), un rabbin et poète allemand qui faisait partie des Ṭôsophôth. Ainsi, bien que « Hannérôth Hallolou » soit apparu au 8ème siècle, c’est donc dans l’Allemagne du 13ème siècle, cinq siècles plus tard, qu’a commencé la pratique de le réciter.

 

Durant les siècles qui suivirent, le Minhogh de réciter « Hannérôth Hallolou » s’enracina et des règles se développèrent pour régir sa récitation. Par exemple, le Ta’’Z ז״ל (Rov Dowidh Halléwi Segal, 1586-1667) développa la pratique d’allonger la récitation de « Hannérôth Hallolou » jusqu’à ce que les lampes soient allumées.

 

Une fois que sa récitation se répandit, le texte fut modifié avec plusieurs ajouts significatifs. Ci-dessous, la version originelle est comparée aux versions ashkénazes et séfarades actuelles :

 

Version séfarade

Version ashkénaze

Version originelle (Masakhath Sôpharim)

הַנֵּרוֹת הַלָּלוּ אָנַֽחְנוּ מַדְלִיקִים, עַל הַנִּסִּים וְעַל הָפּוּרְקָן וְעַל הָגְּבוּרוֹת וְעַל הַתְּשׁוּעוֹת וְעַל הַנִּפְלָאוֹת וְעַל הַנֶחָמוֹת, שֶׁעָשִׂיתָ לַאֲבוֹתֵינוּ בַּיָּמִים הָהֵם בַּזְמַן הַזֶּה, עַל יְדֵי כֹּהֲנֶיךָ הַקְּדוֹשִים. וְכָל שְמוֹנַת יְמֵי הָחֲנֻכָּה, הַנֵּרוֹת הַלָּלוּ קֹדֶשׁ הֵם, וְאֵין לָנוּ רְשׁוּת לְהִשְׁתַּמֵּשׁ בָּהֵם, אֶלָּא לִרְאוֹתָם בִּלְבָד, כְּדֵי לְהוֹדוֹת לִשְמֶךָ, עַל נִסֶּיךָ וְעַל נִפְלְאוֹתֶיךָ וְעַל יְשׁוּעוֹתֶיךָ׃

הַנֵּרוֹת הַלָּלוּ אָֽנוּ מַדְלִיקִין, עַל הַנִּסִּים וְעַל הַנִּפְלָאוֹת (וְעַל הַתְּשׁוּעוֹת וְעַל הַמִּלְחָמוֹת), שֶׁעָשִׂיתָ לַאֲבוֹתֵינוּ בַּיָּמִים הָהֵם בַּזְמַן הַזֶּה, עַל יְדֵי כֹּהֲנֶיךָ הַקְּדוֹשִים. וְכָל שְמוֹנַת יְמֵי חֲנֻכָּה, הַנֵּרוֹת הַלָּלוּ קֹדֶשׁ הֵן, וְאֵין לָנוּ רְשׁוּת לְהִשְׁתַּמֵּשׁ בָּהֵן, אֶלָּא לִרְאוֹתָן בִּלְבָד, כְּדֵי לְהוֹדוֹת וּלְהַלֵל לְשִׁמְךָ הַגָּדוֹל (י"ג: לִשְמֶךָ), עַל נִסֶּיךָ וְעַל נִפְלְאוֹתֶיךָ וְעַל יְשׁוּעָתֶךָ׃

הַנִּירוּת הָאֵלּוּ אָנוּ מַדְלִיקִין עַל הַיְּשׁוּעוֹת וְעַל הַנִּסִּים וְעַל הַנִּפְלָאוֹת, אֲשֶׁר עָשִׂיתָ לַאֲבוֹתֵינוּ עַל יְדֵי כֹּהֲנֶיךָ הַקְּדוֹשִׁים. וְכָל שְׁמוֹנַת יְמֵי הַחֲנֻכָּה הַנֵּרוֹת הָאֵלּוּ קֹדֶשׁ, וְאֵין לָנוּ רְשׁוּת לְהִשְׁתַּמֵּשׁ בָּהֶן, אֶלָּא לִרְאוֹתָן בִּלְבָד. כְּדֵי לְהוֹדוֹת שִׁמְךָ עַל נִפְלְאוֹתֶיךָ וְעַל נִסֶּיךָ וְעַל יְשׁוּעָתֶךָ.

 


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