ב״ה
« Faisons
l'homme à notre image ! »
Cet article peut être téléchargé ici.
Dans
le tout premier chapitre de la Tôroh, nous tombons sur l'un des
passages les plus « obscurs », celui qui concerne la
création de l'homme. Il est dit ceci1 :
Et
`alôhim dit : « Faisons un homme à notre image,
suivant notre ressemblance, et qu'il domine le poisson de la mer,
l'oiseau du ciel, l'animal domestique, toute la terre et tout ce
qui se meut sur la terre ». Et `alôhim créa l'homme à
Son image ; c'est à l'image de `alôhim qu'Il le créa. Mâle
et femelle Il les créa.
|
וַיֹּאמֶר
אֱלֹהִים,
נַעֲשֶׂה
אָדָם בְּצַלְמֵנוּ כִּדְמוּתֵנוּ;
וְיִרְדּוּ
בִדְגַת הַיָּם וּבְעוֹף הַשָּׁמַיִם,
וּבַבְּהֵמָה
וּבְכָל-הָאָרֶץ,
וּבְכָל-הָרֶמֶשׂ,
הָרֹמֵשׂ
עַל-הָאָרֶץ.
וַיִּבְרָא
אֱלֹהִים אֶת-הָאָדָם
בְּצַלְמוֹ,
בְּצֶלֶם
אֱלֹהִים בָּרָא אֹתוֹ:
זָכָר
וּנְקֵבָה,
בָּרָא
אֹתָם
|
Dans
le tout premier chapitre de Son Môréh Navoukhim (Guide des Égarés),
le Ramba''m ז״ל
traite
naturellement de la question qui se pose à la lecture du passage
susmentionné, qui décrit l'homme comme ayant été créé dans le
צֶלֶם
« Salam »
(image) et la דְּמוּת
« Damouth »
(forme/ressemblance) de Dieu. Il note que cette description a amené
certains à croire faussement que le Judaïsme attribut des
propriétés physiques à Dieu :
צֶלֶם
« Salam »
et דְּמוּת
« Damouth ».
- Il y a eu des gens qui croyaient que Salam, dans la langue
hébraïque, désignait la figure d'une chose et ses linéaments, et
ceci a conduit à la pure corporification [de Dieu], parce qu'il est
dit : נַעֲשֶׂה
אָדָם בְּצַלְמֵנוּ כִּדְמוּתֵנוּ
« Faisons
un homme à notre image, suivant notre ressemblance ». Ils
croyaient donc que Dieu avait la forme d'un homme, c'est-à-dire sa
figure et ses linéaments, et il en résultait pour eux la
corporification pure qu'ils admettaient comme croyance, en pensant
que, s'ils s'écartaient de cette croyance, ils nieraient le texte
[de l’Écriture], ou même qu'ils nieraient l'existence de Dieu
s'Il n'était pas [pour eux] un corps ayant un visage et des mains
semblables aux leurs en figure et en linéaments.
Le
Ramba''m répond à cet argument en exposant le fait qu'il est né
d'une mauvaise interprétation des mots « Salam »
et « Damouth ». Il explique alors le mot « Salam »
de la manière suivante :
Quant
à צֶלֶם
« Salam »,
il s'applique à la forme naturelle, je veux dire à ce qui constitue
la substance de la chose, par quoi elle devient ce qu'elle est et qui
forme sa réalité, en tant qu'elle est tel être [déterminé]. Dans
l'homme ce quelque chose, c'est ce dont vient la compréhension
humaine, et c'est à cause de cette compréhension intellectuelle
qu'il a été dit de lui : בְּצֶלֶם
אֱלֹהִים בָּרָא אֹתוֹ
« c'est
à l'image (Salam)
de `alôhim qu'Il le créa ».
C'est pourquoi aussi on a dit [en parlant des impies]2 :
צַלְמָם
תִּבְזֶה « Tu
méprises leur image (Salmom) » ;
car le mépris atteint l'âme qui est la forme spécifique, et non
pas les figures des membres et leurs linéaments. Je dis de même que
la raison pour laquelle les idoles étaient appelées צְלָמִים
« Salomim »,
c'est que, ce qu'on cherchait dans elles était quelque chose qu'on
leur supposait ; mais ce n'était nullement pour leur figure et
leurs linéaments. Je dirai encore la même chose au sujet des
mots3 :
צַלְמֵי
טְחֹרֵיכֶם
« les
images de (Salmé)
vos Tahôrim » ;
car ce qu'on y cherchait, c'était le moyen d'écarter le mal des
Tahôrim,
et ce n'était nullement la figure des Tahôrim.
Si cependant il fallait absolument admettre que le nom de « Salam »,
appliqué aux images des Tahôrim
et aux idoles, se rapportât à la figure et aux linéaments, ce nom
serait un homonyme ou amphibologique4,
et s'appliquerait non seulement à la former spécifique, mais aussi
à la forme artificielle, ainsi qu'aux figures analogues des corps
physiques et à leurs linéaments. Par les mots : נַעֲשֶׂה
אָדָם בְּצַלְמֵנוּ
« Faisons
un homme à notre image ».
on aurait donc voulu parler de la forme spécifique, c'est-à-dire de
la compréhension intellectuelle, et non de la figure et des
linéaments.
En
d'autres mots, « Salam »
ne se réfère pas à l'apparence physique de l'entité décrite,
mais plutôt à son essence, la qualité première qui fait d'elle ce
qu'elle est. Puis, il explique le sens de « Damouth »
(ressemblance) :
Quant
à דְּמוּת
« Damouth »,
c'est un nom [dérivé] de דמה
(ressembler),
et qui indique également une ressemblance par rapport à quelque
idée ; car les paroles [du Psalmiste]5 :
דָּמִיתִי,
לִקְאַת
מִדְבָּר
« Je
ressemble (Domithi) au pélican du désert »,
ne signifient pas qu'il lui ressemblait par rapport aux ailes et au
plumage, mais que la tristesse de l'un ressemblait à la tristesse de
l'autre. De même [dans ce passage]6 :
כָּל-עֵץ,
בְּגַן-אֱלֹהִים--לֹא-דָמָה
אֵלָיו,
בְּיָפְיוֹ
« Aucun
arbre dans le jardin de Dieu ne lui ressemblait (Domoh) en beauté »,
il s'agit d'une ressemblance par rapport à l'idée de beauté ;
[de même dans ces autres passages] : חֲמַת-לָמוֹ,
כִּדְמוּת
חֲמַת-נָחָשׁ
« Ils
ont du poison semblable (Kidhamouth) au poison du serpent »7 ;
דִּמְיֹנוֹ--כְּאַרְיֵה,
יִכְסוֹף
לִטְרֹף
« Il
ressemble (Dimyônô) à un lion avide de proie »8.
Tous [ces passages indiquent] une ressemblance par rapport à une
certaine idée, et non par rapport à la figure et aux linéaments.
De même9 :
דְּמוּת
הַכִּסֵּא
« La
ressemblance (Damouth) du trône »
est une ressemblance par rapport à l'idée d'élévation et de
majesté, et non par rapport à la forme carrée, à l'épaisseur et
à la longueur des pieds, comme le croient les esprits pauvres, et il
en est de même de דְמוּת
הַחַיּוֹת
« la
ressemblance (Damouth) des animaux sauvages »10.
En
d'autres mots, en Hébreu, quelque chose qui « ressemble »
à quelque chose d'autre ne partage pas nécessairement toutes ses
propriétés ; il partage plutôt un ou plusieurs points de
ressemblance avec cette autre chose.
Le
concept de la création de l'homme dans le Salam
et la Damouth de Dieu ne soutient, par conséquent, pas la conclusion
selon quoi Dieu partage les caractéristiques physiques de l'homme.
Cela signifie plutôt que l'essence de l'homme ressemble à celle de
Dieu en ce qu'il a été doté de la capacité singulière de la
pensée et de l'intellect. C'est ainsi que le Ramba''m poursuit en
disant :
Or,
comme l'homme se distingue par quelque chose de très remarquable
qu'il y a en lui et qui n'est dans aucun des êtres au dessous de la
sphère de la lune, c'est-à-dire par la compréhension
intellectuelle, pour laquelle on n'emploie ni sens, ni mains, ni
bras, [celle-ci] a été comparée à la compréhension Divine, qui
ne se fait pas au moyen d'un instrument ; bien que la
ressemblance n'existe pas en réalité, mais seulement au premier
abord. Et pour cette chose, je veux dire à cause de l'intellect
Divin qui se joint à l'homme, il a été dit de celui-ci qu'il était
[fait] à l'image de Dieu et à Sa ressemblance, [et cela ne veut
dire] nullement que Dieu le Très-Haut soit un corps ayant une figure
quelconque.
Évidemment,
la sagesse de Dieu est fondamentalement différente de celle de
l'homme, mais le fait que l'homme (contrairement à toutes les autres
créatures) possède des capacités intellectuelles, et est
caractérisé par cette qualité, signifie qu'il est fait dans le
Salam
de Dieu, en ce qu'ils partagent la même caractéristique
déterminante. La caractéristique déterminante de Dieu est
précisément l'absence de propriétés physiques, le fait qu'Il soit
une intelligence pure, et la qualité qui distingue l'homme de toutes
les autres créatures est sa capacité à penser et comprendre.
Le
fils du Ramba''m, Rabbénou `avrohom ban HaRamba''m ז״ל,
dans son commentaire sur la Tôroh, utilise l'explication donnée
par son père de l'expression צֶלֶם
אֱלֹהִים
« Salam
`alôhim » (image de Dieu), et l'utilise pour nous faire
comprendre la forme plurielle par laquelle la Tôroh rapporte la
décision de Dieu de créer un homme : וַיֹּאמֶר
אֱלֹהִים,
נַעֲשֶׂה
אָדָם בְּצַלְמֵנוּ כִּדְמוּתֵנוּ
« Et
`alôhim dit : ''Faisons un homme à notre image, suivant notre
ressemblance'' ».
Rash''i, en citant l'enseignement de nos Sages de mémoire bénie11,
commente ce verset de la manière suivante : עַנְוְתָנוּתוֹ
שֶׁל הַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא לָמַדְנוּ
מִכָּאן לְפִי שֶׁהָאָדָם הוּא בִּדְמוּת
הַמַּלְאָכִים וְיִתְקַנְּאוּ בּוֹ
לְפִיכָךְ נִמְלָךְ בָּהֶם
« Nous
apprenons ici la modestie du Saint, béni soit-Il. L’homme étant à
l’image des anges, ceux-ci auraient pu être jaloux. C’est
pourquoi Il les a consultés ».C'est
évidemment un enseignement `aggadique, et nous avons déjà maintes
fois expliqué qu'une `aggodhoh ne doit pas être compris
littéralement. Ainsi, Rabbénou `avrohom ban HaRamba''m signale
qu'il va de soi que les anges n'ont pris aucune part, ni joué le
moindre rôle, dans la création de l'homme. Plutôt, les Sages
veulent dire, par cet enseignement imagé, que l' « image »
Divine dans laquelle l'homme fut créé tire ses origines du même
domaine spirituel et incorporel dans lequel les anges furent créés
aussi. Concernant les anges, le Ramba''m écrit12 :
« Les
anges sont de même incorporels ; ce sont des intelligences sans
matière, mais ils sont néanmoins des êtres créés, et Dieu les a
créés... ».
À l'inverse de l'homme, qui est le produit d'une combinaison entre
la matière et l'intelligence, les anges sont de la pure
intelligence, sans matière. Lorsque Dieu a déclaré, נַעֲשֶׂה
אָדָם
« Faisons
l'homme »,
Il Se référait au fait que la caractéristique déterminante et
unique de l'homme tirera ses origines de la même source que celle
des anges, c'est-à-dire que l'être humain ressemblera aux anges en
possédant l'intelligence. Bien que l'être physique de l'homme tire
son origine de la terre, de la même source que les animaux, sa
caractéristique déterminante, à savoir, sa capacité
intellectuelle, découle du domaine céleste spirituel, du domaine
même à partir duquel les anges furent créés.
1Baré`shith
1:26-27
2Tahillim
73:20
31
Shamou`él 6:5
4Puisqu'il
existe un autre mot en Hébreu pour désigner littéralement la
forme ou l'image d'une chose, à savoir, תוֹאַר
« Tô`ar »
5Tahillim
102:7
6Yahazqé`l
31:8
7Tahillim
58:5
8Ibid.,
17:12
9Yahazqé`l
1:26
10Ibid.,
1:15
11Talmoudh,
Sanhédhrin 38b ; Midhrosh, Baré`shith Rabboh 8:7
12Môréh
Navoukhim, Volume 1, Chapitre 49