ב״ה
Exposer
les fausses notions
Que
signifie avoir un « Gouf Naqi » vis-à-vis de la Miswoh
des Tafillin ?
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- Introduction
Une
idée très répandue stipule que l'on ne pourrait mettre les
Tafillin qu'à la condition de s'assurer de maintenir un niveau de
propreté du corps très élevé (c'est d'ailleurs un argument
utilisé par ceux qui s'opposent au fait qu'une femme mette les
Tafillin, comme mentionné dans l'article intitulé « Exposer
les fausses notions : Les femmes et les Tafillin »).
Nous allons donc expliquer ici qu'entend le Talmoudh par « corps
propre », en Langue Sainte, גּוּף
נַקִי « Gouf
Naqi ».
L'idée
selon laquelle les Tafillin nécessitent un Gouf Naqi provient du
passage suivant de la Gamoro` du Talmoudh Bavli1 :
Rébbi
Yanna y a dit : « Les Tafillin nécessitent un Gouf
Naqi, à l'instar de `élisho´ Ba´al Kanofayim ».
|
א"ר
ינאי תפילין צריכין גוף נקי כאלישע בעל
כנפים
|
Cette
déclaration est énigmatique, car non seulement il n'est pas du tout
évident de comprendre ce que signifie « Naqi – propre »,
et parce qu'elle fait référence à un personnage étrange, `élisho´
Ba´al Kanofayim. Plus important encore, quelle est la portée
halakhique d'une telle déclaration ? Même si on présumait que
`élisho´ Ba´al Kanofayim était quelqu'un d'extraordinaire, cela
signifie-t-il pour autant que l'écrasante majorité des gens ne
devraient pas mettre les Tafillin ? Comme nous allons le voir,
il y a plus d'une façon de comprendre cette déclaration.
- Interprétation n°1 : Les persécutions et un esprit pur
Le
Talmoudh Bavli rapporte la `aggodhoh suivante sur ce fameux `élisho´
Ba´al Kanofayim2 :
Et
pourquoi l'appelait-on « Ba´al Kanofayim » ?
Parce qu'à l'époque où le méchant régime Romain décréta sur
les Israélites que quiconque mettrait les Tafillin serait
décapité, `élisho´ les mettait et sortait [avec] en public !
Un soldat le vit et se mit à le poursuivre. Lorsqu'il [vit ]qu'il
le rattrapait, il les retira de sa tête et les plaça dans sa
main. Le soldat lui demanda « Qu'y a-t-il dans ta
main ? » Il lui dit : « Des ailes de
colombe ! » Il ouvrit sa main et des ailes de
colombes s'y trouvaient. C'est pourquoi il fut appelé « `élisho´
Ba´al Kanofayim »
|
ואמאי
קרי ליה בעל כנפים שפעם אחת גזרה מלכות
רומי הרשעה גזירה על ישראל שכל המניח
תפילין ינקרו את מוחו והיה אלישע מניחם
ויוצא לשוק ראהו קסדור אחד רץ מפניו ורץ
אחריו וכיון שהגיע אצלו נטלן מראשו
ואחזן בידו אמר לו מה זה בידך אמר לו
כנפי יונה פשט את ידו ונמצאו כנפי יונה
לפיכך קורין אותו אלישע בעל כנפים
|
D'après
cette `aggodhoh, la droiture de `élisho´ se manifesta en ce qu'il
risqua sa vie pour accomplir la Miswoh des Tafillin. Non
seulement cela, mais il les porta carrément en public, ce qui était
un affront à l'autorité romaine passible de la mort.
Sur
la base de cette `aggodhoh, un certain nombre de commentateurs
présument que la signification de la maxime de Rébbi Yanna`y ז״ל
est
que qu'on ne devrait pas mettre les Tafillin durant un temps de
persécution, à moins d'être aussi intègre que `élisho´. Par
exemple, dans une lettre qu'il rédigea pour convaincre les hommes de
mettre les Tafillin sans se soucier de la propreté de leurs corps,
le Rov Hay Go`ôn ז״ל
écrit
ceci3 :
Si quelqu'un
devait avancer comme argument que les Tafillin nécessitent un Gouf
Naqi, à l'instar de `élisho´ Ba´al Kanofayim, [qu'il sache] que
les Sages l'ont expliqué ainsi : dans quel contexte cela a-t-il
été dit ? À une époque de persécution, lorsqu'ils émirent
un décret selon lequel quiconque mettait les Tafillin aurait sa tête
décapitée. Les Sages ont dit : « Quiconque sait qu'il
est aussi droit que `élisho´ Ba´al Kanofayim, pour qui un miracle
fut accompli durant la persécution lorsqu'il risqua sa vie, devrait
mettre les Tafillin. Autrement, ne vous mettez pas en danger ! ».
Car si vous ne l'interprétez pas de cette manière (mais présumez
qu'on ne devrait mettre les Tafillin que lorsqu'on est impeccablement
propre), si un Séfar Tôroh, qui est plus lourd et saint, qui
contient de nombreuses Parashiyôth et est complet, nous l’ouvrons
et le lisons en tout temps, c'est qu'à l'évidence nous pouvons
mettre les Tafillin ! Plutôt, apprenez de cela que lorsque les
Sages ont dit que les Tafillin nécessitent un Gouf Naqi, cela se
réfère à une période de persécution et à aucune autre période.
En
d'autres mots, le Rov Hay Go`ôn interprète l'expression
« Gouf Naqi » comme se référant à quelque chose comme
« un esprit pur », et que la Halokhoh ne s'applique qu'au
fait de mettre les Tafillin au risque de sa vie. Cela n'a rien à
voir avec la propreté physique.
Les Tafillin
nécessitent un Gouf Naqi, à l'instar de `élisho´ Ba´al
Kanofayim, c'est-à-dire : si quelqu'un souhaite qu'un miracle
soit réalisé en sa faveur comme ce fut le cas avec `élisho´, il
doit être doté d'un être pur comme celui de `élisho´ Ba´al
Kanofayim.
Pour
Rabbénou Ta''m, la position de Rébbi Yanna`y ne concernait que ceux
qui avaient l'espoir d'un miracle. En d'autres mots, Rébbi Yanna`y
décourageait seulement les gens de se mettre en danger pour mettre
les Tafillin, tout en espérant qu'HaShem ית׳
les
sauverait comme Il l'a fait avec `élisho´, car personne ne peut
être certain d'être aussi droit que `élisho´ pour mériter un
miracle !
- Interprétation n°2 : On parle bien d'un corps impeccablement propre, mais ce n'est pas la Halokhoh
Certaines
autres autorités supposent que cette maxime avait bien pour but de
limiter la mise des Tafillin uniquement à certains individus d'un
très haut niveau. Le Talmoudh Yarousholmi rapporte très clairement
que certains soutenaient une telle position5 :
Là
bas6,
ils disent : « Quiconque n'est pas comme `élisho´
Ba´al Kanofayim ne doit pas porter les Tafillin ! »
|
תַּמָּן
אָמְרִין:
כָּל
שֶׁאֵינוֹ כֶאֱלִישָׁע בַּעַל כְּנָפַיִם,
לֹא
יִלְבֹּשׁ תְּפִלִּין
|
Bien
que ce passage du Yarousholmi ne dise rien sur le « corps
propre » de `élisho´, il rapporte que certains affirment que
si quelqu'un n'est pas comme `élisho´ (au même niveau que lui,
dans quelque caractéristique qui le rendait particulier), il ne
devrait pas mettre les Tafillin. Il est important de noter que le
Yarousholmi précise que cette position était soutenue par des gens
à Babylone, mais pas en Palestine ! En effet, en Palestine,
tous les hommes mettaient les Tafillin, indépendamment du niveau de
chacun. Cela indique donc que le Yarousholmi rejette cette opinion.
Il
n'est pas le seul à l'avoir fait. Le Rov Manahém ban Shim´ôn
ז״ל,
dans son Midhrosh Sakhal Tôv7,
écrit :
Il
est interdit de dormir avec les Tafillin [sur soi], que ce soit pour
une simple sieste ou pour réellement dormir, par crainte que l'on
flatule tout en les portant. Mais nous ne nous inquiétons pas d'une
éjaculation [survenant durant le sommeil], car la semence n'interdit
pas quelqu'un de porter des Tafillin, comme cela fut précédemment
mentionné. Cependant, nous ne suivons pas la position de la personne
qui a dit que les Tafillin nécessitent un corps propre comme
`élisho´ Ba´al Kanofayim, puisque la Tôroh ne fut pas donné aux
anges du ministère, comme il est dit8 :
וְזֹאת
תּוֹרַת הָאָדָם « et
ceci est la Tôroh des hommes ».
En
d'autres mots, la Tôroh n'a pas été donnée pour n'être pratiquée
que par une élite d'hommes au niveau très élevé. Elle a été
donnée aux hommes ordinaires, avec tous les défauts qu'ils
possèdent. Par conséquent, il est impensable d'affirmer que seuls
les hommes au corps impeccablement propre et au haut niveau spirituel
peuvent mettre les Tafillin. La seule chose qui est interdite, c'est
d'éviter de dormir avec les Tafillin sur soi. Le Ramba''m ז״ל,
qui estime que les Tafillin devraient, de préférence, être portées
toute la journée, considère également qu'il est seulement interdit
de dormir avec les Tafillin (mais il permet toutefois de le faire si
on recouvre d'abord ses Tafillin d'un tissu9,
et que l'on ne dort pas avec une femme10).11
La
Halokhoh ne suit pas Rébbi Yanna`y, qui a dit que les Tafillin
nécessitent un Gouf Naqi comme `élisho´ Ba´al Kanofayim.
Cependant, les Rabbins ont interprété [les propos de] Rébbi
Yanna`y et dit qu'il ne se référait qu'à une époque de
persécution, et ils soutiennent cela par le récit de [`élisho´]
se mettant à courir et du miracle qui se produisit pour lui.
Ainsi,
d'après Rabbénou Hanon`él,
nous ne suivons tout simplement pas la position de Rébbi Yanna`y,
bien qu'il soit prêt à accepter l'interprétation qui en a été
faite dans le point
II,
plus haut.
- Interprétation n°3 : Les flatulences
Le
Talmoudh Bavli offre sa propre clarification du concept de « Gouf
Naqi » immédiatement après avoir mentionné la maxime de
Rébbi Yanna`y :
Qu'est-ce
que cela signifie ? `abbayé a dit : « Ne pas
flatuler avec elles ! ». Ravo` a dit : « Ne
pas dormir avec elles ! ».
|
מאי
היא אביי אמר שלא יפיח בהן רבא אמר שלא
יישן בהן
|
Supposons
que nous devrions accepter les deux réponses, à savoir, qu'il est
interdit de flatuler tout en ayant sur soi les Tafillin, ou de dormir
tout en ayant sur soi les Tafillin, cela ne semble pas du tout être
une mission impossible. `élisho´ Ba´al Kanofayim était-il le seul
individu capable d'accomplir cela ? La réponse que l'écrasante
majorité des Pôsqim qui acceptent cette maxime de Rébbi Yanna`y
est « non ! ». En d'autres mots, tout le monde peut
mettre les Tafillin ; la phrase de Rébbi Yanna`y vient juste
nous avertir de faire attention à notre comportement lorsqu'on a les
Tafillin sur soi !
En
outre, de très nombreux Ri`shônim avancent comme argument
supplémentaire que Rébbi Yanna`y ne parlaient que des gens qui
mettent les Tafillin toute la journée. À l'évidence, ceux qui ne
les mettent que pour la prière n'auraient aucun soucis à se faire !
Voici
quelques-uns des Ri`shônim ayant défendu cette position :
Cela se réfère à
quelqu'un qui porte les Tafillin toute la journée, conformément à
la Miswoh,
par crainte qu'il n'en arrive à oublier qu'il les porte et ne
conduise d'une manière inconvenante. Mais durant la prière, il
n'existe aucun individu suffisamment impie que pour qu'on ne lui
fasse pas confiance avec les Tafillin.
L'expression
« elles nécessitent un Gouf Naqi » se réfère à
quelqu'un qui sait comment éviter les flatulences tout en les
portant, c'est-à-dire qu'il sait les retirer lorsqu'il ressent le
besoin de flatuler ; c'est l'explication de Rash''i, ainsi que
celle des Tôsofôth.
Cela ne signifie
pas qu'il doive être comme `élisho´ Ba´al Kanofayim, mais plutôt
qu'il peut éviter les flatulences et de dormir comme lui. Étant
donné qu'un miracle s'est produit pour lui en raison de ses
Tafillin, il semble raisonnable de supposer qu'il a préservé leur
pureté. De nos jours, puisque nous ne les portons que durant la
prière, il est facile pour n'importe qui de faire attention durant
ce laps de temps.
Certains sont
laxistes vis-à-vis de cette Miswoh
parce que Rébbi Yanna`y a dit que les Tafillin nécessitent un Gouf
Naqi, à l'instar de `élisho´ Ba´al Kanofayim. Ils disent :
« Qui pourrait être pur comme lui ? ». Mais ce
n'est pas exact, parce que [le Talmoudh] demande explicitement quelle
en est la raison ou quel est l'apport halakhique de cette
déclaration, et il répond « éviter de flatuler ou de dormir
tout en les portant ». Ainsi, tout homme qui peut éviter de
dormir ou flatuler doit les porter. C'était également
l'interprétation de Rash''i. C' »tait du temps où ils les
portaient toute la journée qu'ils ont dit que les Tafillin
nécessitent un Gouf Naqi, à l'instar de `élisho´ Ba´al
Kanofayim, mais si c'est juste pendant que l'on récite le Shama´,
chaque individu peut veiller à éviter de dormir et flatuler.
Les Ga`ônim ont
écrit que la Halokhoh ne suit pas [Rébbi Yanna`y], puisque la Tôroh
ne fut pas donnée aux anges du ministère. Cependant, les autorités
ultérieures ont écrit que telle est la Halokhoh, et qu'on doit se
contrôler durant la prière.
- En résumé
Trois
compréhensions différentes émergent de la déclaration de Rébbi
Yanna`y. La première est qu'elle n'était pas halakhique. Elle avait
pour seul but de prévenir les Israélites ordinaires de ne pas
risquer leurs vies en portant les Tafillin dans une période de
persécution. Elle n'a aucune pertinence avec la question de la
propreté du corps.
Mais
quand bien même elle avait pour but de limiter la mise des Tafillin
uniquement aux Israélites de haut niveau spirituel comme `élisho´
Ba´al Kanofayim, le Yarousholmi et les Ga`ônim ont déjà décidé
que son opinion n'est pas la Halokhoh et que nous ne devions pas la
suivre.
Si
son sens est que les gens qui portent les Tafillin doivent
veiller à ne pas flatuler ou dormir tout en les portant, cela peut
alors avoir une portée halakhique acceptable, et est une chose
facile à faire, à moins d'avoir un estomac malade.
Au
final, les seules personnes qui devraient se soucier de cette
déclaration sont celles qui portent les Tafillin tous les jours.
C'est la raison pour laquelle Rébbi Yanna`y suggéra que seules les
personnes exceptionnellement pieuses et sachant se contrôler
devraient les porter toute la journée. Mais quiconque ne les porte
que pour la prière ou l'étude, ou d'autres moments bien précis de
la journée, n'a rien à craindre. C'est la Halokhoh telle que nous
en avons héritée.
Ainsi,
même l'argument consistant à interdire aux femmes de mettre les
Tafillin sur la base du concept de « Gouf Naqi » est un
non sens ! De toute façon, nous avions vu la raison réelle
pour laquelle elles étaient exemptées de cette Miswoh, qui n'a rien
à voir avec le « Gouf Naqi », qui ne concerne que ceux
qui veulent mettre les Tafillin toute la journée.
1Shabboth
49a
2Ibid.
3Sha´aré
Tashouvoh 153
4Séfar
Hayyoshor 675
5Barokhôth
2:3
6À
Babylone
7Shamôth
13
82
Shamou`él 7:19
9Cela
implique de ne pas dormir nu, car un vêtement peut être considéré
comme un tissu. Notons d'ailleurs que les Tafillin du bras sont
censées être constamment couvertes par la manche de son vêtement.
Sur la photo d'illustration de cet article, la raison pour laquelle
le Rov Bar-Rôn n'a pas le bras couvert est qu'il l'a découvert
pour comment mettre les Tafillin suivant la tradition ancestrale. La
vidéo peut être visionnée ici.
10Sans
doute pour éviter d'avoir des rapports intimes tout en portant les
Tafillin
11Mishnéh
Tôroh, Hilkôth Tafillin Oumazouzoh Waséfar Tôroh 4:15
12Shabboth
130
13Séfar
Miswôth Haggodhôl, Miswôth ´aséh, 3
14Gloses
sur la Masékhéth Shabboth 49a
15Hilkôth
Qatannôth, Tafillin
16Daroshôth,
Wo`athhannan
17Séfar
Hayyoukhsin, Sédhar `ammôro`im, « `élisho´ »