dimanche 24 janvier 2016

Exposer les fausses notions : Vérifier les parchemins des Mazouzôth et des Tafillin

ב״ה

Exposer les fausses notions

Vérifier les parchemins des Mazouzôth et des Tafillin


Cet article peut être téléchargé ici.

Quelqu'un m'a soumis la question suivante :

La coutume consistant à vérifier les Mazouzôth deux fois en sept ans, ainsi que les Tafillin, s'applique-t-elle aujourd'hui, alors que nous avons une meilleure qualité de protection des Mazouzôth et Tafillin ?

C'est une question très intéressante, qui va nous permettre d'exposer une autre fausse notion très répandue dans les milieux dits « Orthodoxes », et nous rendre compte à quel point il est toujours essentiel de ne traiter chaque pratique, croyance ou doctrine qu'à partir des sources d'origine pour juger de leur pertinence, et non pas à partir des sources actuelles, ni de ce qui se fait dans la majorité des communautés. Voici ce que rapporte le Ramba''m ז״ל, dans son Mishnéh Tôroh1 :

La Mazouzoh d'un particulier doit être vérifiée deux fois par [cycle de] sept [ans[, et la Mazouzoh [d'une propriété] publique deux fois par [cycle] de jubilé, par crainte qu'une lettre s'en soit déchirée ou effacée ; puisqu'elle est fixée dans les murs, elle peut pourrir.
מְזוּזַת הַיָּחִיד, נִבְדֶקֶת פַּעֲמַיִם בַּשָּׁבוּעַ, וּמְזוּזַת רַבִּים, פַּעֲמַיִם בַּיּוֹבֵל--שֶׁמֶּא נִקְרְעָה מִמֶּנָּה אוֹת אוֹ נִמְחֲקָה: מִפְּנֵי שְׁהִיא קְבוּעָה בַּכּוֹתָלִים, מַרְקֶבֶת

La source de cette Halokhoh est la Gamoro` de Yômo` 11a. À présent, comprenons de quoi il s'agit.

Beaucoup de personnes, lorsqu'ils entendent le mot מְזוּזָה « Mazouzoh », pensent directement à la boite en plastique dans laquelle se trouve un parchemin, et qui est fixée à l'entrée des portes d'un bâtiment. Or, halakhiquement parlant, cela ne se rapporte qu'au parchemin en lui-même. Dans les temps passés, comme nous le lisons dans la Halokhoh susmentionnée, les Mazouzôth étaient des parchemins que l'on incrustait tel quel dans les murs. Il n'y avait donc pas de boîte pour les protéger, par exemple de l'humidité à l'intérieur du mur, ou même encore des bestioles qui pourraient les ronger. Par conséquent, HaZa''l émirent une obligation de les vérifier au moins deux fois en sept ans lorsqu'il s'agit d'une Mazouzoh privée (la maison ou la cour d'un particulier, par un exemple), et au moins deux fois en cinquante ans pour une Mazouzoh publique (par exemple, à la porte de la ville, à l'entrée d'une cour publique, etc.), de façon à s'assurer qu'aucune lettre ne s'était déchiré ou effacée, auquel cas la Mazouzoh ne serait plus valable et devrait être changée.

Rash''i ז״ל, dans son commentaire sur la Gamoro`, explique que si les Sages avaient exigé de les vérifier plus souvent, le peuple ne l'aurait de toute façon pas fait. En fait, on comprend que HaZa''l ne voulaient pas que les gens soient obsédés par la validité de leurs Mazouzôth, et que les gens ne passent pas tout leur temps à les vérifier, imprégnant ainsi la Mazouzoh de pouvoirs particuliers et favorisant donc la superstition. Par conséquent, ils n'exigèrent de ne le faire qu'à une très petite fréquence. Ce qui est incroyable, c'est que dans de nombreuses communautés hassidiques se sont développées de nombreuses croyances mystiques et superstitieuses autour de la Mazouzoh. Par exemple, au moindre problème qu'ils rencontrent dans leurs vies, de nombreux Hasidhim ont comme premier réflexe d'aller vérifier leurs Mazouzôth, même si elles l'ont été il n'y a pas longtemps. Ils croient qu'il existe une corrélation entre la validité des Mazouzôth et les bénédictions ou malheurs qu'ils expérimentent !

La vérification des Mazouzôth est devenue un business très lucratif pour des scribes peu scrupuleux. En effet, à notre époque, les Mazouzôth sont vérifiées plus fréquemment que deux fois en sept ans. L'encre et le parchemin employés par bon nombre de scribes sont différents de ceux utilisés dans les temps passés et il y a une plus grande possibilité que les lettres s'effacent ou que le parchemin se déchire. Je soupçonne que cela est voulu, afin que les gens retournent régulièrement chez le scribe et paient à nouveau pour la réécriture d'autres parchemins. En outre, la calligraphie de nombreux scribes n'est pas professionnelle, et de nombreuses erreurs sont fréquemment découvertes sur les parchemins. Par conséquent, il est très important de ne faire rédiger ses parchemins que par des scribes dignes de confiance et professionnels, qui accomplissent leur travail avec honnêteté et sérieux. Dieu merci, il en existe de très bons !

Qu'en est-il des parchemins des Tafillin ? Doivent-ils être vérifiés ? Si oui, à quelle fréquence ? La réponse est qu'ils ne nécessitent même pas de vérification. Voici ce que rapporte le Ramba''m quelques chapitres avant2 :

Celui qui écrit les Tafillin à la main, ou les achète d'un expert ou de toute autre personne, et les fait vérifier et les remet dans leurs compartiments, n'a plus jamais besoin de les faire vérifier, même après plusieurs années. Tant que ce qui les recouvre est intact, elles sont présumées [valides], et on ne nourrit aucune crainte qu'une lettre aurait pu s'effacer à l'intérieur ou se trouer. Hillél l'Ancien avait l'habitude de dire : « Celles-ci3 sont du père de ma mère ! ».
הַכּוֹתֵב תְּפִלִּין בִּכְתָב יָדוֹ, אוֹ שֶׁלְּקָחָן מִן הַמֻּמְחֶה, אוֹ מִשְּׁאָר אָדָם וּבְדָקָם וְהִחְזִירָם לְעוֹרָן--אֵינוּ צָרִיךְ לְבָדְקָן פַּעַם אַחֵר, וְאַפִלּוּ אַחַר כַּמָּה שָׁנִים: כָּל זְמָן שֶׁחִפּוּיָן שָׁלֵם, הֲרֵי הֶן בְּחֶזְקָתָן, וְאֵין חוֹשְׁשִׁין לָהֶן, שֶׁמֶּא נִמְחֲקָה אוֹת מִתּוֹכָן אוֹ נִקְּבָה. הִלֵּל הַזָּקֵן הָיָה אוֹמֵר, אֵלּוּ מִשֶּׁלַּאֲבִי אִמָּא

Comme l'expliquent les commentateurs, la différence entre les parchemins des Mazouzôth et ceux des Tafillin est que ces derniers sont protégés à l'intérieur des compartiments des Tafillin et ne sont donc pas, contrairement aux parchemins des Mazouzôth, exposés à l'air, le vent, la pluie et les bestioles, et nous pouvons donc présumer que les lettres sont intactes. La seule chose qui est requise est de les faire vérifier une seule fois lorsqu'on les a rédigés soi-même ou qu'on les a achetés de quelqu'un d'autre, afin de s'assurer qu'il n'y a aucune erreur et que tout a été rédigé comme il fallait. Après cette vérification, il ne sera plus jamais nécessaire de les vérifier. Et c'est également rapporté par Rabbi Yôséf Qa`rô ז״ל lui-même comme étant la Halokhoh.4

Les mêmes arnaques et erreurs susmentionnées au niveau des Mazouzôth existent aussi au niveau des Tafillin, et beaucoup ont la pratique de faire vérifier leurs Tafillin chaque année, d'autres moins fréquemment. Et c'est là encore tout bénéfice pour les scribes et fabricants de Tafillin.

Mais ce qu'il faut comprendre, c'est que si les parchemins ont été vérifiés au moins une fois au moment de l'achat (ou après qu'on ait terminé de les rédiger soi-même), plus aucune vérification n'est nécessaire, quand bien même entre-temps des lettres pourraient s'être effacées. Pourquoi ? Parce que les parchemins sont « cachés » à l'intérieur des compartiments. Ils ne sont donc pas visibles. Or, la Halokhoh exige que toute chose ne soit basée que sur ce qu'on voit. Puisqu'ils ne se' voient pas, il n'y a plus à rouvrir les Tafillin pour les vérifier. La seule chose qui pourrait les invalider, c'est si précisément l'extérieur des Tafillin s’abîmait, étant donné que c'est une chose dont on peut se rendre compte à l’œil nu. Par conséquent, les faire vérifier tous les ans ne sert à rien, et c'est ainsi que Hillél ז״ל portait les Tafillin de son grand-père sans les avoir fait vérifier, bien que ce dernier était mort plusieurs années en arrière. Ce qui compte est l'extérieur et non plus l'intérieur des Tafillin.

Nous comprenons d'autant plus les Halokhôth relatives à la vérification des Mazouzôth. La seule raison pour laquelle nos Sages ont exigé de les vérifier est que dans les temps passés, les Mazouzôth n'étaient pas protégées dans des boites comme aujourd'hui. Les parchemins étaient donc exposés aux éléments extérieurs, ce qui pouvait les abimer. Mais pour que l'on ne s'en préoccupe pas trop souvent non plus, ils demandèrent qu'ils ne soient vérifiés que deux fois en sept ans, ou deux fois en cinquante ans. Et que fallait-il vérifier ? Non pas s'il y avait des erreurs (puisque cela est censé être fait immédiatement après avoir achevé de rédiger les parchemins ou les avoir achetés), mais si le parchemin était encore intact et que des lettres ne s'étaient pas effacées. Nous basant sur les Halokhôth relatives à la vérification des Tafillin, nous pouvons comprendre trois choses essentielles par rapport aux Mazouzôth d'aujourd'hui :

  1. Si le parchemin de la Mazouzoh a été vérifié une fois au moment de l'achat, ou après qu'on l'ait soi-même rédigé, et qu'aucune erreur ne fut trouvée, et
  2. qu'on l'a placé dans une boite de telle sorte qu'il est ainsi protégé des éléments extérieurs (pluie, vent, bestioles, etc.), le faire revérifier ne sera plus jamais nécessaire, même au bout de plusieurs années, quand bien même il se pourrait que des lettres s'effacent ou que le parchemin se déchire.
1Hilkôth Tafillin Oumazouzoh Waséfar Tôroh 5:9
2Ibid., 2:15
3Ses Tafillin

4Shoulhon ´oroukh, `ôrah Hayim 39:10
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