vendredi 6 mai 2016

Le Shoulhon ´oroukh autorise-t-il les femmes non mariées à ne pas se couvrir les cheveux ?

ב״ה

Le Shoulhon ´oroukh autorise-t-il les femmes non mariées à ne pas se couvrir les cheveux ?


Cet article peut être téléchargé ici.

Même ceux qui disent qu'une femme non mariée ne doit pas se couvrir les cheveux admettent que dans les temps passés il n'en était pas ainsi et qu'ils ne savent pas depuis quand cela a changé ni même pourquoi. Mais ils disent qu'à partir du moment où la « coutume » s'est développée de faire la distinction entre les femmes mariées et celles qui ne l'étaient pas en n'exigeant que seules les femmes mariées se couvrent la tête, il n'y aurait plus d'« interdiction » pour les femmes non mariés de ne pas se couvrir la tête en public (ils admettent donc implicitement qu'avant ce changement, dont ils ne connaissent ni l'origine ni les raisons, cela était bien une interdiction halakhique). Vous pouvez lire cela notamment ici : http://www.dinonline.org/2011/07/18/hair-covering-for-unmarried-girls/

Ce qui est « drôle », c'est qu'ils admettent que même le Shoulhon ´oroukh ne permet pas aux femmes non mariées de sortir en public avec les cheveux non couverts (voir le passage du Shoulhon ´oroukh, `avan Ho´azar 21:2, que j'avais d'ailleurs cité vers la fin de l'article intitulé « Kisouy Horô`sh : les sources »). Mais ils disent néanmoins se baser sur le passage suivant du Shoulhon ´oroukh pour permettre aux femmes non mariées de ne pas se couvrir les cheveux1 :

Les cheveux d'une femme dont l'habitude est de les couvrir, il est interdit de réciter [le Shama´] en leur présence2. Par contre, pour les vierges, dont l'habitude est de marcher la tête sauvage, c'est permis.
שער של אשה שדרכה לכסותו אסור לקרות כנגדו. אבל בתולות שדרכן לילך פרועות הראש מותר

Ce passage ne signifie absolument pas que les vierges ont la permission de ne pas se couvrir la tête. Cette erreur de compréhension sur le sens de ce passage du Shoulhon ´oroukh est due au fait que ceux qui le lisent supposent faussement que marcher la « tête sauvage » signifie « marcher la tête découverte ». Mais il n'en est pas ainsi ! Comme nous l'avions expliqué dans l'article intitulé « Kisouy Horô`sh : une obligation ou une option ? », cette expression (qui est employée dans la Mishnoh, la Gamoro`, ainsi que dans le Mishnéh Tôroh) désigne une femme qui porte bien un foulard, mais qui laisse certains de ses cheveux ressortir du foulard à l'arrière, car elle ne les a pas attachés sous son foulard.

Ce que Rabbi Yôséf Qa`rô ז״ל veut donc dire ici c'est que la pratique des femmes (terme qui désigne ici, comme on le comprend du contexte, des femmes mariées) est de se couvrir intégralement les cheveux. C'est pourquoi, on a l'obligation d'attendre qu'une femme (et le Ramo''` ז״ל commente en disant que cela s'applique également à sa propre épouse) se couvre les cheveux avant de pouvoir réciter le Shama´. Par contre, les vierges, dans les temps talmudiques, avaient l'habitude, le jour de leur mariage, de ne pas se couvrir intégralement les cheveux. Elles portaient bien un foulard, mais n'attachaient pas leurs cheveux sous le foulard, ce qui faisait qu'elles laissaient donc pendre quelques cheveux à l'arrière du foulard. Cette pratique est mentionnée dans la Mishnoh et la Gamoro` du traité Kathoubbôth, qui tranchent que si un homme va accuser sa femme le lendemain du mariage en disant qu'elle n'était pas vierge (alors qu'elle avait prétendue l'être, ce qui a une incidence sur la valeur de la Kathoubboh qu'il s'était engagé à lui verser), si des témoins attestent que la veille (le jour du mariage) ils ont bien vu la femme sortir de la maison de son père avec une Hinoumo` (un voile spécial que seules les femmes vierges portaient dans les temps talmudiques le jour de leur mariage) et qu'ils ont vu également qu'elle avait la tête sauvage, parce que certains de ses cheveux pendaient de son foulard, le Béth Din doit en conclure qu'elle était bien vierge lorsqu'elle s'est mariée, et par conséquent elle est innocentée de la calomnie de son mari !3

Nous pouvons donc bien voir que même les vierges portaient un foulard (si être « la tête sauvage » signifie avoir la tête découverte, on n'aurait alors pas dit qu'elles portaient également une Hinoumo`). Néanmoins, pour qu'il y ait des signes extérieurs permettant d'indiquer qu'elles étaient bien vierges le jour de leur mariage, la pratique était qu'elles laissent pendre ce jour-là un peu de leurs cheveux de leurs foulards. C'est pourquoi, dans ce cas-ci, les quelques cheveux qui pendent du foulard d'une vierge ne sont pas considérées comme une ´arwoh. D'où la raison pour laquelle le Shoulhon ´oroukh tranche, à juste titre, que si une femme vierge a la « tête sauvage », il est néanmoins permis de réciter le Shama´ en sa présence puisqu'il est normal pour une femme vierge de laisser pendre quelques cheveux de sous son foulard pour la distinguer de la femme non vierge le jour de son mariage !

De ce fait, ils ne peuvent pas utiliser ce passage du Shoulhon ´oroukh pour permettre aux femmes non mariées de ne pas se couvrir la tête ! D'ailleurs, le commentaire même du Ramo''` sur ce Pasaq du Shoulhon ´oroukh ne laisse place à aucun doute sur le fait que Rabbi Yôséf Qa`rô parlait bien de femmes vierges ayant la tête couverte mais dont certains cheveux ressortent du foulard. En effet, le Ramo''` écrit :

Et c'est [aussi] le Din pour les poils des femmes qui dépassent de l'arrière de leur foulard (le Béth Yôséf au nom du Rashba''`), et encore plus pour les cheveux étrangers, même s'ils sont d'habitude couverts.
והוא הדין השערות של נשים שרגילין לצאת מחוץ לצמתן (בית יוסף בשם הרשב"א) וכל שכן שער נכרית אפילו דרכה לכסות

En d'autres mots, le Ramo''` explique que lorsque Rabbi Yôséf Qa`rô a rapporté le Pasaq selon quoi il était permis de réciter le Shama´ en présence d'une vierge qui laisse pendre quelques cheveux de sous son foulard, car il est normal pour une femme vierge d'agir ainsi, il incluait également d'autres cas. Le premier cas mentionné est celui d'une femme qui ne couvre pas les poils qui sont au bas de l'arrière de sa tête. Ces poils n'ont pas le statut halakhique de « cheveux ». Par conséquent, il n'est pas nécessaire qu'ils sont couverts sous le foulard et un homme peut donc réciter le Shama´ même lorsqu'il voit que les poils du bas de l'arrière de la tête d'une femme ne sont pas couverts sous le foulard. Et le Ramo''` cite en cela le Béth Yôséf, qui est un ouvrage rédigé par Rabbi Yôséf Qa`rô lui-même !

Le deuxième cas mentionné est celui d'une femme qui porte des cheveux étrangers (une expression qui désigne une perruque). Le Ramo''` tranche qu'il est permis de réciter le Shama´ également en présence d'une femme qui porte une perruque, même si elle n'a pas couvert sa perruque d'un foulard ! (Certaines femmes portent une perruque sous le foulard car elles n'arrivent pas à couvrir tous leurs cheveux naturels sous le foulard. De ce fait, pour éviter que leurs vrais cheveux soient visibles, elles mettent en-dessous du foulard une perruque, car elles estiment que puisque ce ne sont pas leurs vrais cheveux ce n'est pas considéré qu'elles les ont exposés.)

Le point commun entre ces deux cas mentionné par le Ramo''` est que toutes ces femmes ont bel et bien la tête couverte par quelque chose (dans le premier cas c'est un foulard et dans le deuxième cas c'est une perruque). De même, dans le cas mentionné par Rabbi Yôséf Qa`rô, la vierge a également la tête couverte d'une Hinoumo`, mais certains cheveux ressortent de son foulard. De ce fait, ce passage du Shoulhon ´oroukh ne parle en aucun cas du fait que les femmes non mariées peuvent se permettre de ne pas se couvrir la tête !

En outre, le lien mentionné au début de cet article rapporte que même les Safaradhim avaient la pratique de couvrir les cheveux de toutes les femmes et jeunes filles, indépendamment du fait qu'elles étaient mariées ou pas. Or, le Shoulhon ´oroukh est considéré par la majorité des Safaradhim comme étant l'autorité halakhique absolue, et il est donc évident qu'ils avaient bien compris que Rabbi Yôséf Qa`rô ne voulait pas dire ce qu'on lui fait dire aujourd'hui. D'ailleurs, c'est essentiellement depuis que les Safaradhim ont quitté les pays arabes qu'ils ont accepté la pratique des `ashkanazim de ne couvrir que les cheveux des femmes mariées !

1`ôrah Hayim 75:2
2C'est-à-dire, tant qu'ils ne sont pas couverts

3Voir la Mishnoh de Kathoubbôth 2:1
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...