mardi 30 juin 2020

Voir le surnaturel dans le naturel


בס״ד

Voir le surnaturel dans le naturel


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Après que les Juifs ont été mordus par des serpents, Hashshém ית׳ dit à Môshah Rabbénou ע״ה de placer un serpent עַל-נֵס; וְהָיָה, כָּל-הַנָּשׁוּךְ, וְרָאָה אֹתוֹ, וָחָי « sur un poteau ; et il arrivera que quiconque aura été mordu, quand il le verra, vivra ».[1]

Il y a également un chant qui nous rappelle le puits de Miryom ע״ה qui se déplaçait miraculeusement à travers le désert, fournissant de l'eau au ´am Yisro`él.[2]

Le schéma miraculeux se poursuit un peu plus tard, lorsque nous tombons sur le récit surréaliste de l'âne qui réprimande verbalement Bil´om - alors qu'il voyage pour maudire le ´am Yisro`él - pour l'avoir frappé trois fois.[3]

Plus loin, dans pratiquement tous les oracles de Bil´om, il évoque le souvenir de la sortie d’Égypte, qui, pour les lecteurs, rappelle la scission miraculeuse de la mer.[4]

Il existe des communautés religieuses dont la foi tourne autour de la croyance aux miracles surnaturels. En revanche, le judaïsme retire l’insistance sur le surnaturel en essayant de donner à ces événements un cadre plus naturel.

Le serpent, disent les Ḥakhomim, n'avait pas de pouvoirs surnaturels. Plutôt, c’était un moyen trouvé par Hashshém pour amener les Israélites à lever leurs yeux pour regarder l’objet même qui les avait mordus, amenant par-là les cœurs à s’élever dans la prière vers Hashshém.[5] En d’autres mots, il n’y avait rien de miraculeux dans le serpent ; c’était plutôt la prière qui leur apportait la guérison, prière qui était suscitée par le fait de regarder l’objet de leur malheur.

Le puits de Miryom, disent les Ḥakhomim, a été créé dans l'histoire de la Genèse à la fin du sixième jour, juste au début du premier Shabboth. En d'autres termes, le puits n'a pas fonctionné en dehors de l'ordre naturel, mais a été créé pour son objectif dès le début.[6] Ce n’était donc pas là une déviation des voies de la nature, mais un puits créé dès le départ à cette fin, et qui ne faisait qu’agir tel qu’il avait toujours été programmé.

L'âne qui parle, aussi, est compris par Ribbénou ז״ל comme une vision qui, dans le monde réel, ne s'est pas produite.

Même la division de la mer est compris par le Rashbo’’m ז״ל comme étant le résultat d'un fort vent d'est qui souffla tellement fort que la mer se divisa.[7] C’était donc, là encore, une manifestation naturelle. Comme le soutient le Rashbo’’m, « Hashshém a provoqué l'événement merveilleux de manière naturelle. Il a provoqué un fort vent d'est qui a desséché et gelé les eaux ».

Tout en donnant au surnaturel une base naturelle, le judaïsme voit le naturel en lui-même comme étant surnaturel. En d'autres termes, dans le quotidien, il y a toujours la main de Hashshém.

Ceci est exprimé avec éloquence dans le service du matin qui se concentre sur le thème du renouvellement. Se réveiller le matin n'est pas considéré comme une simple prolongation de la veille. Au contraire, chaque matin est un moment pour célébrer la renaissance - c'est comme si nous étions miraculeusement recréés.

Nous commençons ainsi notre journée par des mots de reconnaissance et de gratitude envers Hashshém pour avoir ramené en nous notre âme, comme si nous étions morts durant la nuit et étions ressuscités en ce matin. Nous poursuivons en remercions Hashshém pour le reste des facultés du corps humain qui fonctionnent à nouveau en ce nouveau jour.

Le mot hébreu traduit communément par « miracle » dit tout. Il s’agit du mot נֵס « Nés », qui signifie littéralement « une bannière ». (C’est d’ailleurs sur un « Nés », que nous avons traduit plus haut par « poteau », mais qui signifie littéralement « une bannière », que Môshah Rabbénou reçut l’ordre de Hashshém de placer le serpent.) Une bannière symbolise quelque chose au-delà d'elle-même. Le pouvoir du « Nés » consiste à regarder les phénomènes naturels de la vie et à voir en leur sein et au-delà, la main surnaturelle de Hashshém. (Ainsi, le serpent devait être placé sur un « Nés » pour indiquer aux Israélites que ce n’était pas le serpent qu’il fallait regarder, mais ce qu’il se cachait dans le message du serpent et au-delà, à savoir, que c’est la rébellion qui cause le malheur et le fait de se tourner vers Hashshém et de Le servir qui causent la guérison.)

Voilà ce qu’est un « miracle » dans le judaïsme : alors que les autres religions se focalisent sur le phénomène ou l’événement extraordinaire, le judaïsme se focalise sur ce qu’il y a dans ce phénomène / événement et au-delà.


[1] Bamidhbor 21 :8
[2] Ibid., 17-20
[3] Ibid., 22 :28
[4] Ibid., 23 :22 et 24 :8
[5] Ṭalmoudh, Rô`sh Hashshonoh 29a
[6] Mishnoh, `ovôth 5 :6
[7] Shamôth 14 :21

vendredi 26 juin 2020

Quelles sont les caractéristiques du Moshiaḥ ?


בס״ד

Quelles sont les caractéristiques du Moshiaḥ ?


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Quel type de personne le Moshiaḥ est-il censé être ? Doit-il être à la tête d'une Yashivoh dans laquelle il enseigne constamment jour et nuit ? Peut-être devrait-il être un prophète qui peut nous dire ce que Hashshém veut de nous ? Sont-ce là des descriptions précises de ce que devrait être le Moshiaḥ ? Sur la base de la description faite par le Rambo’’m ז״ל du Moshiaḥ dans les onzième et douzième Paroqim des Hilkôth Malokhim Oumilḥomôth, la réponse est très clairement « non ». Alors quel type de personne, selon le Rambo’’m, sera le Moshiaḥ ?

Le Rambo’’m dit :[1]

Qu’il ne monte pas à ton esprit que le Roi-Messie ait besoin d’accomplir des signes et des prodiges, ou d’innover des choses dans le monde, ou de ressusciter des morts, ou des choses semblables à celles-ci, comme disent les imbéciles. La chose n’est pas ainsi ! Car, voici, Ribbi ´aqivoh était un grand Ḥokhom parmi les Ḥakhomim de la Mishnoh, et il soutenait les armes du roi Ban Kôzévo`, et disait à son sujet qu’il était le Roi-Messie. Et il considérait, ainsi que tous les Ḥakhomim de sa génération, qu’il était le Roi-Messie, jusqu’à ce qu’il fut tué à cause des iniquités. Étant donné qu’il fut tué, il fut connu qu’il n’était pas Moshiaḥ. Et les Ḥakhomim n’avaient pas demandé de lui ni signe ni prodige !
אַל יַעֲלֶה עַל דַּעְתָּךְ שֶׁהַמֶּלֶךְ הַמָּשִׁיחַ, צָרִיךְ לַעֲשׂוֹת אוֹתוֹת וּמוֹפְתִים, וּמְחַדֵּשׁ דְּבָרִים בָּעוֹלָם, אוֹ מְחַיֶּה מֵתִים, וְכַיּוֹצֶא בִּדְבָרִים אֵלּוּ שֶׁהַטִּפְּשִׁים אוֹמְרִים; אֵין הַדָּבָר כֵּן--שֶׁהֲרֵי רִבִּי עֲקִיבָה חָכָם גָּדוֹל מֵחַכְמֵי מִשְׁנָה הָיָה, וְהוּא הָיָה נוֹשֵׂא כֵּלָיו שֶׁלְּבֶן כּוֹזֵבָא הַמֶּלֶךְ, וְהוּא הָיָה אוֹמֵר עָלָיו, שְׁהוּא הַמֶּלֶךְ הַמָּשִׁיחַ.  וְדִמָּה הוּא וְכָל חַכְמֵי דּוֹרוֹ שְׁהוּא הַמֶּלֶךְ הַמָּשִׁיחַ, עַד שֶׁנֶּהְרַג בָּעֲווֹנוֹת; כֵּיוָן שֶׁנֶּהְרַג, נוֹדַע שְׁאֵינוּ מָשִׁיחַ, וְלֹא שָׁאֲלוּ מִמֶּנּוּ חֲכָמִים, לֹא אוֹת וְלֹא מוֹפֵת.

Le Rambo’’m déclare également :[2]

Et si un roi se lèvera de la Maison de Dowidh, méditant concernant la Ṭôroh et s’occupant des Miṣwôth comme Dowidh son père, conformément à la Ṭôroh écrite et orale, et qu’il contraindra tous les Israélites à marcher en elle et à renforcer sa brèche, et qu’il guerroiera les guerres de Hashshém, voici, celui-ci est présumé être Moshiaḥ. S’il a fait [ce qui vient d’être dit] et a réussi, et a vaincu toutes les nations qui sont autour de lui, et a construit le Sanctuaire à sa place, et a rassemblé les dispersés de Yisro`él, voici, celui-ci est Moshiaḥ avec certitude !
וְאִם יַעֲמֹד מֶלֶךְ מִבֵּית דָּוִיד הוֹגֶה בַּתּוֹרָה וְעוֹסֵק בַּמִּצְווֹת כְּדָוִיד אָבִיו, כְּפִי תּוֹרָה שֶׁבִּכְתָב וְשֶׁבְּעַל פֶּה, וְיָכֹף כָּל יִשְׂרָאֵל לֵילֵךְ בָּהּ וּלְחַזַּק בִּדְקָהּ, וְיִלָּחֵם מִלְחָמוֹת ה'--הֲרֵי זֶה בְּחֶזְקַת שְׁהוּא מָשִׁיחַ:  אִם עָשָׂה וְהִצְלִיחַ, וְנִצַּח כָּל הָאֻמּוֹת שֶׁסְּבִיבָיו, וּבָנָה מִקְדָּשׁ בִּמְקוֹמוֹ, וְקִבַּץ נִדְחֵי יִשְׂרָאֵל--הֲרֵי זֶה מָשִׁיחַ בַּוַּדַּאי.
Mais s’il n’a pas réussit jusque là ou a été tué, il est certain qu’il n’est pas celui que la Ṭôroh a promis. Et, voici, il est comme tous les rois de la Maison de Dowidh intègres et valides qui sont morts. Et le Saint, béni soit-Il, ne l’a suscité que pour mettre à l’épreuve à travers lui les masses, ainsi qu’il est dit : « Et quelques-uns des intelligents trébucheront, pour les raffiner, pour clarifier et pour résoudre, jusqu’à l’époque de la fin, car il y a encore [du temps] pour le temps fixé ». (Voir Doniyé`l 11 :35.)
וְאִם לֹא הִצְלִיחַ עַד כֹּה, אוֹ נֶהְרַג--בַּיָּדוּעַ שְׁאֵינוּ זֶה שֶׁהִבְטִיחָה עָלָיו תּוֹרָה, וַהֲרֵי הוּא כְּכָל מַלְכֵי בֵּית דָּוִיד הַשְּׁלֵמִים הַכְּשֵׁרִים שֶׁמֵּתוּ.  וְלֹא הִעְמִידוֹ הַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא אֵלָא לְנַסּוֹת בּוֹ רַבִּים, שֶׁנֶּאֱמָר "וּמִן-הַמַּשְׂכִּילִים יִכָּשְׁלוּ, לִצְרוֹף בָּהֶן וּלְבָרֵר וְלַלְבֵּן--עַד-עֵת קֵץ:  כִּי-עוֹד, לַמּוֹעֵד" (ראה דנייאל יא,לה(.

Sur la base de ces deux citations du Rambo’’m, nous avons suffisamment d’informations pour pouvoir commencer à comprendre quel type de personne le Moshiaḥ est censé être. Le Moshiaḥ n'est pas considéré comme surnaturel à aucun niveau. Il est non seulement un être humain, mais en outre il n’a nulle besoin d’être un faiseur de miracles ou de prodiges. D’après le Rambo’’m, on pourrait même dire que le Moshiaḥ n'a même pas besoin d'être un prophète. Cela peut être déduit du fait que Ribbi ´aqivoh ז״ל (et tous les Ḥakhomim de sa génération) pensait clairement que Ban Kôzévo` (mieux connu sous le nom de Bar Kôkhavo`) était le Moshiaḥ même s'il n'était clairement pas un prophète. En outre, Ban Kôzévo` a pu gagner de nombreuses guerres contre les Romains. Or, une des caractéristiques claires du Moshiaḥ c’est qu’il sera un guerrier redoutable, un grand chef militaire, dont les capacités sur le champ de bataille permettront de soumettre et vaincre toutes les nations aux alentours. Les victoires de Ban Kôzévo`  ont été si grandes que les Juifs ont eu un royaume indépendant pendant plus de deux ans et demi et ils ont commencé la reconstruction du Béth Hammiqdosh à sa place. Le Rambo’’m souligne que tout cela a convaincu les Ḥakhomim de la génération de Ribbi ´aqivoh que Ban Kôzévo` était le vrai Moshiaḥ. Ces événements, jusqu'à sa mort, étaient suffisants pour lui donner une supposition (Ḥazoqoh) d'être le Moshiaḥ.

Cependant, la deuxième citation du Rambo’’m susmentionnée nous dit qu'il ne suffit pas que le Moshiaḥ livre les guerres de Hashshém ית׳ pour les Juifs, il doit aussi être un grand Ṭalmidh Ḥokhom (érudit de la Ṭôroh). Cela a du sens parce que le Moshiaḥ doit être capable de convaincre tous les Juifs de faire Ṭashouvoh et de revenir au strict respect des Miṣwôth. Cela n'est possible que si le Moshiaḥ lui-même a la capacité d'expliquer clairement et de convaincre les gens pourquoi ils devraient suivre la Ṭôroh écrite et orale.

Le Moshiaḥ est l'une des figures les plus importantes de toute la pensée juive. Le Rambo’’m nous dit que le Moshiaḥ inaugurera une nouvelle ère qui conduira à la prospérité mondiale. Ce type de personne doit contenir tous les aspects positifs qu'un Juif est capable de posséder dans le monde naturel. Une personne doit remplir toutes les exigences susmentionnées, s'il en manque ne serait-ce qu’une seule, cette personne ne peut pas être le Moshiaḥ.


[1] Mishnéh Ṭôroh, Hilkôth Malokhim Oumilḥomôth 11 :6
[2] Ibid., 8-9

lundi 22 juin 2020

Appel aux dons


בס״ד



Au vue de la crise actuelle causée par la pandémie extraordinaire qui frappe la planète, j’ai pleinement conscience des difficultés financières ou autres auxquelles bon nombre d’entre vous pourriez être confrontés. Mais une fois n’est pas coutume, je me permets de faire un appel aux dons auprès de mes lecteurs.
Comme beaucoup d’entre vous le savent, cela fait près de trois ans que j’ai quitté ma petite Belgique chérie pour m’installer à Madagascar et aider du mieux que je le peux la très jeune communauté juive de cette immense île, dont les membres ont subi une conversion orthodoxe halakhique en 2016 (lire notamment l’article suivant du Times of Israel en français). Sur la centaine de membres que compte la communauté juive de Madagascar, je suis à la tête d’un groupe d’une trentaine de personnes qui marchent dans les voies du Rambo’’m que j’enseigne sur ce blog.

L’état de pauvreté dans le pays est grand, alors que les besoins sont immenses, notamment au sein de la communauté. Et la pandémie de la COVID-19 n’a fait qu’empirer la situation, puisque les activités commerciales de certains de mes élèves ont dû être stoppées durant de nombreuses semaines et peinent à reprendre à un niveau acceptable à présent que la vie retourne progressivement à la normale.

Toute aide que vous pourrez apporter sera la bienvenue (je ne vous impose aucun montant minimum), et servira à aider financièrement les membres de ma petite communauté rambamiste (et ceux des autres communautés si cela est possible), afin qu’ils puissent surmonter cette crise et se relancer dans des activités qui pourront leur profiter.

En outre, la communauté rambamiste ne cessant de croitre, notre lieu de rassemblement commence à se faire beaucoup trop petit, et il devient pressant d’acquérir un endroit plus spacieux de façon à y établir notre Béth Hakkanasath / Béth Hammidhrosh. Les prix des terrains étant raisonnablement bas à Madagascar, il est possible d’acquérir un terrain approprié entre 695 € et 1 400 €.

Vos dons peuvent être envoyés à l’aide du lien PayPal à la droite du blog.

Puisse Hashshém vous bénir abondamment pour votre générosité !

La Halokhoh du piercing


בס״ד

La Halokhoh du piercing



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Après m’avoir questionné sur le tatouage et le maquillage permanent, le même lecteur m’a questionné sur le sujet du piercing.

Avant  tout, il convient de signaler que nous ne traitons ici que de l’aspect halakhique, pas moral ni esthétique. La « morale » et l’esthétisme sont des notions abstraites et subjectives, qui dépendront des définitions que chacun s’en fait.

En outre, une raison supplémentaire qui me pousse à publier cette réponse est que j’ai pu constater que certains Juifs à Madagascar, sous l’influence de certaines anciennes doctrines qui leur avaient été enseignées dans les mouvements qu’ils fréquentaient avant leur conversion halakhique, croient faussement qu’il est interdit pour une femme d’avoir ses oreilles percées, ou de se faire percer le nez, etc., car Hashshém ית׳ aurait rendu les bijoux illicites en raison du péché du Veau d’or. On ne peut être plus loin de la vérité !

Le piercing est-il discuté dans le ṬaNa’’Kh ?

Oui. Dans le Livre de Shamôth,[1] la Ṭôroh prescrit que si un esclave hébreu déclare qu'il aime son maître et ne veut pas être libéré, le maître doit percer l'oreille de l'esclave avec un poinçon. L'association du perçage des oreilles à l'esclavage est parfois utilisée par certains comme une indication que la Ṭôroh ne considère pas favorablement la pratique. Cependant, d'autres références bibliques indiquent clairement que le perçage ou piercing pour des raisons esthétiques était pratiqué à l'époque biblique. Dans le livre de Baré`shith,[2] le serviteur de `avrohom `ovinou ע״ה, `ali´azar ע״ה, offre un anneau de nez à Rivqoh ע״ה, qui, il l'espère, deviendra la femme de Yiṣḥoq `ovinou ע״ה. Dans le livre de Shamôth,[3] lorsque les Israélites implorent `aharôn ע״ה de créer le Veau d'or, celui-ci répond en leur demandant de prendre נִזְמֵי הַזָּהָב, אֲשֶׁר בְּאָזְנֵי נְשֵׁיכֶם בְּנֵיכֶם וּבְנֹתֵיכֶם; וְהָבִיאוּ, אֵלָי « les anneaux d'or qui sont aux oreilles de vos femmes, vos fils et vos filles, et amenez-les moi » - une indication que ce perçage d'oreille était une pratique aussi bien chez les hommes israélites que chez les femmes. Le perçage des oreilles à des fins esthétiques ou autre, sans lien avec l’esclavage, est également mentionné comme une pratique courante dans le Ṭalmoudh, aussi bien pour les hommes que pour les femmes, parmi les Juifs.

Dans le livre de Yaḥazqé`l,[4] de manière poétique, Hashshém décrit le soin avec lequel Il S’est occupé du peuple d’Israël en l’embellissant par divers ornements. Il dit notamment ceci : וָאֶתֵּן נֶזֶם, עַל-אַפֵּךְ, וַעֲגִילִים, עַל-אָזְנָיִךְ; וַעֲטֶרֶת תִּפְאֶרֶת, בְּרֹאשֵׁךְ « Et J’ai placé un anneau à ton nez, et des boucles à tes oreilles, et une couronne de splendeur sur ta tête ». Nous pouvons donc clairement voir que même bien des siècles après le péché du Veau d’or, les femmes israélites continuaient, avec l’approbation explicite de Hashshém, de percer leurs narines et leurs oreilles !

Comme indiqué plus haut, la pratique est également très bien documentée à travers le Ṭalmoudh. Par exemple, nous lisons ceci dans la Mishnoh de Shabboth :[5]

Les [petite] filles [peuvent] sortir avec des fils et même des petits bâtonnets [enfilés] dans [les trous de] leurs oreilles.
הַבָּנוֹת קְטַנּוֹת יוֹצְאוֹת בְּחוּטִין וַאֲפִלּוּ בְקִסְמִין שֶׁבְּאָזְנֵיהֶם

Ces fils ou bâtonnets enfilés dans les trous des oreilles permettaient à ce que le trou ayant été percé pour y mettre des boucles d’oreilles ne se referme pas. La Mishnoh nous explique donc que les petites filles avaient le droit de sortir le jour du Shabboth avec ces fils ou bâtonnets enfilés dans les trous de leurs oreilles, et ce n’était pas considéré comme porter dans le domaine public.

D’autres références talmudiques indiquent que les hommes Juifs se faisaient aussi percer les oreilles. Par exemple, dans une discussion sur le port de bijoux le jour du Shabboth, la Gamoro` déclare :[6] « Un tailleur ne doit pas sortir avec une aiguille coincée dans son vêtement, ni un menuisier avec un morceau de bois à l'oreille… ». Commentant ce passage talmudique, Rash’’i ז״ל fait référence à une coutume qui existait à son époque selon laquelle les hommes portaient des boucles d'oreilles qui étaient des signes de leurs métiers respectifs. Alors que certains tentent d’expliquer que le morceau de bois dont parle le passage était placé derrière l’oreille, d’autres admettent qu’il s’agit d’un exemple de perçage des oreilles chez un homme, car la même expression employée dans ce passage se trouve dans la Mishnoh de Shabboth citée plus haut et fait clairement référence au perçage. Ainsi, le Ṭalmoudh indique clairement que les hommes perçaient leurs oreilles pour arborer des boucles d’oreilles qui indiquaient leurs professions. C'était aussi une coutume bien établie dans les pays européens jusqu'au Moyen Âge pour les commerçants de porter des boucles d'oreilles percées du symbole de leur métier. Pour d’autres références bibliques aux boucles d’oreilles et autres bijoux portés également par des hommes, voir Shamôth 35 :22, Bamidhbor 31 :50, et Shôphatim 8 :24. Ces versets montrent clairement que voir des hommes Juifs arborer des boucles d’oreilles et d’autres types de bijoux comme des bagues étaient choses courantes dans les temps bibliques.

Le ṬoNo’’Kh et la Halokhoh n’interdisent clairement pas des hommes ou des femmes de se faire percer. Le processus chirurgical consistant à percer l'oreille et le nez semble bien documenté dans le ṬoNo’’Kh et le Talmoudh. Bien qu'il y en a beaucoup aujourd'hui qui trouveraient la coutume biblique de perçage du nez inacceptable pour une femme, il y a tout autant d’autres personnes aujourd'hui qui la trouvent attrayante. Et tandis que certains sont mal à l'aise avec les hommes qui se font percer les oreilles, même cela a un précédent dans la littérature traditionnelle juive, et rien ne l’interdit.

Le seul problème qui se pose est la mode du moment. Le ṬoNo’’Kh et la Halokhoh n’approuvent chez les femmes que le perçage des oreilles et du nez, et chez les hommes uniquement le perçage des oreilles. Il n’existe aucun précédent biblique ou talmudique pour soutenir le perçage du sourcil, du nombril ou même du mamelon. Aujourd’hui, pratiquement chaque partie du corps peut être percée, et avoir un perçage à certains endroits peut aller à l’encontre des valeurs véhiculées par la notion de Ṣani´outh (pudeur et modestie). En outre, bien qu’il soit bibliquement et halakhiquement autorisé de se percer les oreilles pour arborer des boucles d’oreilles, avoir quatre ou cinq perçages à la même oreille peut également aller à l’encontre des valeurs véhiculées par la notion de Ṣani´outh, qui nous appelle à la discrétion et au respect envers les autres également.

Ainsi, rien n’empêche le perçage en tant que tel, et il ne faut pas sanctionner ou mépriser ceux qui se font percer ; mais nous devons renforcer l’importance de la Ṣani´outh, qui doit guider nos choix de mode, dans le but de ne pas complètement nous faire dominer par les modes extravagantes et provocantes dont la société païenne contemporaine fait la promotion.


[1] 21 :6
[2] 24 :47
[3] 32 :2
[4] 16 :12
[5] 6 :6
[6] Shabboth 11b

vendredi 12 juin 2020

Le Rambo’’m sur les Shédhim


בס״ד

Le Rambo’’m sur les Shédhim




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Concernant le sujet des « Shédhim » (démons), il y a deux erreurs classiques que beaucoup font quant à l’approche du Rambo’’m ז״ל : que le Rambo’’m ne croyait pas en l’existence des Shédhim, et que son opinion est rejetée par tous les Ḥakhomim du Ṭalmoudh qui, eux, croyaient tous en leur existence. Ces deux affirmations sont inexactes, car le Rambo’’m croyait bien en l’existence des Shédhim ; c’est seulement qu’il explique ces entités d’une autre manière. En outre, comme je vais le montrer dans cet article, sa position est en réalité en phase avec l’approche de certains Ḥakhomim du Ṭalmoudh, et il n’a, par conséquent, rien inventé.

Plutôt que de prêter certaines intentions au Rambo’’m qu’il n’avait pas, voyons voir par nous-mêmes ce que le Rambo’’m lui-même a exprimé sur les Shédhim, afin de comprendre sa position. Heureusement, le Rambo’’m en parle explicitement dans son Môréh Navoukhim :[1]

En ce qui concerne les mots « l’image de `odhom et sa ressemblance », nous avons déjà indiqué leur signification.[2] Ces fils de `odhom qui sont nés avant cette époque n'étaient pas humains au vrai sens du terme, ils n'avaient pas « l’image de l'homme ». En ce qui concerne Séth qui avait été instruit, éclairé et amené à la perfection humaine, on pourrait à juste titre dire :[3] וַיּוֹלֶד בִּדְמוּתוֹ, כְּצַלְמוֹ « et il (`odhom) engendra à sa ressemblance, comme son image ». Il est reconnu qu'un homme qui ne possède pas cette « image » (dont la nature vient d'être expliquée) n'est pas humain, mais un simple animal de forme et d’apparence humaines. Pourtant, une telle créature a le pouvoir de causer des dommages et des blessures, un pouvoir qui n'appartient pas à d'autres créatures. Puisque ces dons d'intelligence et de jugement dont il a été dotés dans le but d'acquérir la perfection, mais qu'il n'a pas pu appliquer vers leur but, sont utilisés par lui à des fins méchantes et espiègles ; il engendre des choses mauvaises, comme s'il ne ressemblait qu'en apparence à l'homme, ou simulait son apparence extérieure. Telle était la condition de ces fils de `odhom qui ont précédé Séth. En référence à ce sujet, le Midhrosh dit : « Pendant les 130 ans où `odhom était sous le coup de la réprimande, il engendra des Rouḥin », c'est-à-dire des démons ; cependant, lorsqu’il fut de nouveau rendu à la faveur divine « il engendra à sa ressemblance, comme son image ». Tel est le sens du passage, וַיְחִי אָדָם, שְׁלֹשִׁים וּמְאַת שָׁנָה, וַיּוֹלֶד בִּדְמוּתוֹ, כְּצַלְמוֹ « Et `odhom vécut cent trente ans, et il engendra à sa ressemblance, comme son image ».

Le Rambo’’m croit donc aux Shédhim (démons), et explique simplement qu’ils ne sont pas forcément les entités non corporelles qu’on image souvent, mais des êtres humains ordinaires qui sont immoraux et causent du tort aux autres, allant à l’encontre du but-même de l’existence humaine. En d’autres mots, un être humain qui se comporte en homme est appelé « `odhom », tandis que ceux qui vont à l’encontre de ce qu’est censé être un être humains sont appelés « Shédhim ». C'est un outil important pour comprendre la vision du Rambo’’m sur les passages talmudiques qui parlent de Shédhim (démons).

Je pense qu'il est approprié de rapporter intégralement le passage talmudique que le Rambo’'m cite dans son Möréh Navoukhim. Il s’agit de ´érouvin 18b, où il est dit :

R. Yirmayohou b. `al´ozor a ajouté : « Durant toutes ces années où `odhom a été soumis à l’excommunication, il a engendré des esprits et des démons mâles et des démons femelles, car il est dit dans les Écritures : ‘’Et `odhom vécut cent trente ans, et engendra à sa ressemblance, comme sa propre image’’, d'où il résulte que jusque-là il n'avait pas engendré comme sa propre image ». Une objection a été soulevée : R. Mé`ir a dit : « `odhom était un grand Ṣaddiq. Quand il a vu qu'à travers lui la mort était ordonnée comme punition, il a passé cent trente ans à jeûner, a rompu les liens avec sa femme pendant cent trente ans, et a porté des vêtements de [feuilles de] figuier sur son corps pendant cent trente ans. (Comment alors aurait-il pu engendrer des enfants ?) - Cette déclaration (Que odhom a engendré des Rouḥin, des Shédhim mâles et des Lilin femelles) a été faite en référence au sperme qu'il a émis accidentellement ».

Il y a un passage identique dans le Yalqout Shim´ôni[4] qui remplace le nom de R. Yirmayohou b. `al´ozor ז״ל par celui de Rov `al´ozor ban ´azaryoh ז״ל. Il ressort qu'il y ait deux façons de comprendre cette histoire. Ribbi Mé`ir ז״ל vient contester la compréhension de R. Yirmayohou b. `al´ozor, et c’est là la base du Rambo’’m pour ne pas comprendre littéralement le terme « Shédhim ». Ribbi Mé`ir soutient que ces Shédhim provenaient des émissions accidentelles de sperme de `odhom (en-dehors de relations sexuelles naturelles) et R. Yirmayohou b. `al´ozor soutient plutôt que les « Shédhim » sont le produit d'une grossesse réelle (naturelle).

Pourtant, le Ṭalmoudh dit bien que `odhom a engendré des Shédhim. Alors comment allons-nous expliquer cela ? Nous l'avons déjà fait ! Le Rambo’’m dans le passage du Môréh Navoukhim que nous avons cité ci-dessus dit que les Shédhim (démons) existent, cependant, ce ne sont pas des entités surnaturelles. Ces démons ne sont que des hommes normaux qui sont mauvais et causent du tort aux autres. Par conséquent, nous avons une approche rationaliste de la Gamoro` qui exclut la magie et le mysticisme (comme le voulait le Rambo’’m) tout en conservant une compréhension parfaitement logique et simple de la Gamoro`.

Il y a une série de déclarations faites par `abbayé ז״ל dans Ḥoullin 105b qui semblent indiquer qu'il enseignait à l'origine que les Shédhim (démons) n'existent pas, mais ensuite son Maître lui a enseigné que les démons existaient véritablement. Voici un exemple qui nous aidera également avec une autre Gamoro` :

`abbayé a également déclaré : « Au début, je pensais que la raison pour laquelle on ne s’asseyait pas sous un tuyau de vidange était qu'il y avait des eaux usées là-bas, mais mon Maître m’a dit que c'est parce que des démons s'y trouvent ». Certains porteurs transportaient une fois un tonneau de vin. Souhaitant se reposer, ils l'ont déposé sous un tuyau de vidange, après quoi le baril a éclaté, alors ils sont venus chez Mor, fils de R. `ashi. Il a sorti des trompettes et a exorcisé le démon qui se tenait maintenant devant lui. Il a dit au démon : « Pourquoi as-tu fait une telle chose ? ». Le démon répondit : « Que pouvais-je faire d'autre, vu qu'ils l'ont mis sur mon oreille ? ». L’autre [Mor, fils de R. `ashi] a rétorqué : « Qu’as-tu à faire dans un lieu public ? C’est toi qui as tort, tu dois donc payer les dommages ». Le démon dit : « Le Maître me donnera-t-il un temps pour payer ? ». Une date fut fixée. Quand le jour arriva, il fit défaut. Il se présenta au Béth Din et [Mor b. R. `ashi] lui a dit : « Pourquoi n’as-tu pas respecté ton délai ? ». Il répondit. « Nous n'avons pas le droit de retirer tout ce qui a été lié scellé, mesuré ou compté; mais seulement si nous trouvons quelque chose qui a été abandonné ».

Pour une raison quelconque, `abbayé pensait que les Shédhim (démons) n'existaient pas, mais une fois que son Maître lui en a parlé, sa pensée originale a été changée. Qui était ce Maître ? Ce n'était autre que son père adoptif, Rabboh bar Naḥmoni ז״ל. Comme Rash’’i nous le dit dans son commentaire sur Shabboth 22a : Cela fait référence à Rabboh bar Naḥmoni. Nous voyons donc qu'Abaye n'a commencé à croire dans les Shédhim (démons) qu'après que Rabboh bar Naḥmoni lui en ait parlé. Il y a plusieurs exemples de cela sur la page de Ḥoullin 105a, mais je ne donne qu'un seul exemple.

Notons que Rov Yôséph ז״ל était le chef de la Yashivoh de Poumbaditho`, où `abbayé a étudié et il est devenu plus tard le chef de la Yashivoh après Rov Yôséph. Rabboh bar Naḥmoni était le célèbre Bar Paloughṭo` (débatteur) de Rov Yôséph. Comme indiqué dans Sanhédhrin 17b, ils étaient tous les deux à la Yashivoh de Poumbaditho` et étaient célèbres pour être des débatteurs, se disputant toujours l’un avec l’autre. C'est important d'avoir ce fait à l'esprit car nous sommes sur le point de montrer comment Rabboh bar Naḥmoni croyait dans des Shédhim mystiques, tandis que Rov Yôséph peut être décrit comme n’y croyant pas. Par conséquent, `abbayé a d'abord été enseigné par Rov Yôséph, mais quand il a fini d’apprendre de ce dernier, Rabboh bar Naḥmoni a commencé à lui enseigner ‘existence des démons.

Si nous faisons cette conjecture, alors nous pouvons expliquer les deux Gamorôth qui vont suivre d'une manière très appropriée suivant l’approche du Rambo’’m. Il y a une Gamaro` dans Bavo` Qammo` qui discute d'une maison abandonnée dont la plupart des commentaires expliquent qu'il s'agit d'un Shédh (démon). Il est dit :[5]

R. Sahôroh a déclaré que R. Houno` citant Rov avait dit : « Celui qui occupe les locaux de son voisin sans avoir aucun accord avec lui n'a aucune obligation légale de lui payer un loyer, car les Écritures disent que ‘’par le vide (ושאיה), même la porte est frappée’’.[6] » Mor, fils de R. `ashi, a fait remarquer : « J'ai moi-même vu une telle chose et les dégâts étaient aussi importants que s'ils avaient été causés par un bœuf sanguinaire ». Et R. Yôséph a déclaré : « Les locaux occupés par des locataires sont en meilleur état. Quelle est cependant la différence [pratique] entre eux ? - Il y a une différence entre eux dans le cas où le propriétaire utilisait les locaux pour y garder du bois et de la paille ».

Cela ressemble à une Gamoro` parfaitement inoffensive, sans aucune mention aux Shédhim (démons). Cependant, Rash’’i (et plusieurs autres Ri`shônim) ici et à la page 97a explique que שאיה est le nom d'un Shédh (démon). Que se passe-t-il ? R. Sahôroh ז״ל nous dit qu'une personne vivant dans une maison éloigne le démon Sha`ayoh et Rov Yôséph n’est pas d’accord et dit qu'il n'y a pas de démons ; plutôt, tout dans une maison dépend de ses occupants, qui doivent s’en occuper et résoudre les problèmes qui se posent. En outre, Mor bar Rov Ashi dit qu'il a vu ce Shédh causer des dégats et c'était comme un bœuf sanguinaire. Cela est parfaitement logique car, comme nous l'avons montré plus tôt, Mor bar Rov `ashi croit tellement aux Shédhim (démons) que dans Ḥoullin 105b, c'est lui qui a exorcisé un démon ! Donc, il semble que nous ayons R. Sahôroh et Mor bar Rov `ashi du côté de l’existence littérale des Shédhim et que ce sont des Shédhim qui endommagent la maison et de l'autre côté nous avons Rov Yôséph qui, apparemment, ne croit pas dans les Shédhim et conclut que les dégâts et bon état d’une maison sont la responsabilité de ses occupants. Nous voyons donc que non seulement l’affirmation selon laquelle tous nos Ḥakhomim croyaient dans l’existence littérale des Shédhim est fausse, mais qu’en plus, chaque fois que le Ṭalmoudh parle de « Shédhim », il est possible d’interpréter ces passages d’une manière non littérale, conformément à ce que nous avions expliqué dans l’article intitulé « Comment comprendre les enseignements des Sages », où nous avions vu que les enseignements `aggadiques du Ṭalmoudh doivent se comprendre comme des paraboles ou analogies, mais pas littéralement.

Jusqu'à présent, nous avons pu utiliser parfaitement les principes du Rambo’’m pour expliquer ces passages talmudiques. Cependant, il y a une Gamoro` dans Pasoḥim 110a qui semble montrer que Rov Yôséph croit en l’existence des Shédhim (démons). Il y est dit :

R. Yôséph a dit : « Le démon Yôséph m'a dit [que] `ashmodda`y, le roi des démons, a été nommé sur toutes les paires. Et un roi n'est pas désigné comme un esprit nuisible ». D'autres l'expliquent dans le sens opposé : au contraire, un roi est colérique [et] fait ce qu'il veut, car un roi peut percer un mur pour se frayer un chemin et nul ne peut le retenir.

Ici, il semble que Rov Yôséph parle à un démon de sujets démoniaques. Cependant, si nous regardons de plus près, le Rambo’’m nous dit que les Shédhim (démons) ne sont vraiment que des gens ordinaires qui sont méchants. Donc, peut-être que ce démon Yôséph n'était qu'une méchante personne. En outre, le sujet dont ils discutaient a fini par être ambigu, comme le montre la contradiction de savoir si `ashmodda`y est un esprit dommageable ou non. Rov Yôséph semble essayer de nous montrer qu'il n'y a pas de réponse claire à propos des Shédhim (démons), ajoutant à l'idée qu'ils ne sont probablement pas vraiment mystiques, mais pourraient être des entités positives.

Cela contraste avec Rov Pappo`, qui croit que les Shédhim sont des entités mystiques (des démons), et qui est venu se disputer avec Rov Yôséph. La Gamoro` se poursuit ainsi :

R. Pappo` a dit : « Yôséph le démon m'a dit : Pour deux, nous tuons; pour quatre nous ne tuons pas, [mais] pour quatre nous blessons [le buveur]. Pour deux [nous blessons] qu'ils [aient bu] sans le savoir ou délibérément; pour quatre, seulement si c'est délibéré, mais pas si c'est involontaire. Et si un homme oublie et sort, quel est son remède ? Qu'il prenne son pouce droit dans sa main gauche et son pouce gauche dans sa main droite et dise ainsi : ‘Eux [deux pouces] et moi, c'est sûrement trois !’’ Mais s'il entend quelqu’un répondre : ‘Vous et moi, c'est sûrement quatre !’’, Qu'il lui rétorque : ‘’Vous et moi sommes sûrement cinq !’’. Et s'il entend quelqu’un dire : ‘’Vous et moi, nous sommes six !’’, qu’il lui réponde : ‘’Vous et moi sommes sept’’. Cela s'est déjà produit jusqu'à cent et un, et le démon a éclaté [avec mortification] ».

Le but de Rov Pappo` est de contrer l'affirmation de Rov Yôséph selon laquelle la démonologie est ambiguë et montre que tout est en réalité clair. Notez également que dans l'histoire de Rov Yôséph, ce personnage de Yôséph parle d'un autre démon, ce qui implique qu'il n'est pas lui-même nécessairement un démon au sens littéral, tandis que dans l'histoire de Rov Pappo`, le personnage de Yôséph parle de lui-même comme d'un démon. Ceci est juste une autre divergence entre un croyant littéral aux démons mystiques et quelqu'un qui ne croit pas forcément littéralement aux démons mystiques.

Il ne s'agit pas d'une liste exhaustive, mais d'un simple aperçu des explications possibles. Le Rambo’’m tient une position très acceptable qui ne va nécessairement à l'encontre des `amôro`im ou Ṭanno`im. De toute évidence, il n'y a aucune raison de prétendre que le Rambo’’m va à l'encontre de tous ses prédécesseurs par le fait qu’il ne croyait pas littéralement dans les Shédhim mystiques. Prétendre que seule une vision mystique des choses existait à l'époque de ḤaZa’’l, c'est nier des faits clairs et simples. Certes, il y avait probablement des gens parmi les Ḥakhomim qui croyaient au mysticisme, mais il y avait probablement tout autant d’autres Ḥakhomim qui n'y croyaient pas.

La question ici est de savoir quelle est la vérité et quel est le mythe qui s'est infiltré ? Quand la Ṭôroh a été donnée, y avait-il des Shédhim mystiques (démons) qui avaient des pouvoirs surnaturels, et l'hellénisme grec a affecté certains des Ḥakhomim et les a fait s’égarer (car il est indéniable que certaines croyances mystiques des Ḥakhomim provenaient des grecs et autres peuples environnants) ? Ou peut-être que le contraire est vrai et qu’il n’y avait pas de Shédhim mystiques à l’origine mais que c’est le mysticisme persan / babylonien qui a corrompu certains de nos Ḥakhomim.

Tout ce que nous savons avec certitude, c'est qu'aujourd'hui, il semble que ces choses n'existent plus dans la plupart des pays développés, et c'est tout ce dont nous pouvons être certains. Cependant, le Rambo’’m, en ne croyant pas dans les Shédhim mystiques, n'a certainement pas corrompu la tradition à cet égard, car les deux approches ont sur qui s’appuyer, et le Rambo’’m n’a pas inventé sa position sur les Shédhim.


[1] Volume 1, Chapitre 7
[2] Au Chapitre 1.
[3] Baré`shith 5 :3
[4] Baré`shith 42
[5] Bavo` Qammo` 21a
[6] Yasha´yohou 24 :12

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