mercredi 14 octobre 2015

Les coiffures qualifiées de « Darkhé Ho`amôri »

ב״ה

Les coiffures qualifiées de « Darkhé Ho`amôri »


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La Gamoro`1 enseigne que l'Israélite qui adopte une certaine coupe de cheveux transgresse l'interdiction de דרכי האמורי « Darkhé Ho`amôri » (l'interdiction de suivre les pratiques des Amoréens). Dans son commentaire sur cette Gamoro`, Rash''i ז״ל explique que les Amoréens adoptaient cette coupe de cheveux dont nous parlent HaZa''l comme signe d'allégeance à l'une de leurs ´avôdhoh Zoroh (idole). En fait, ailleurs, la Gamoro`2 rapporte que Dowidh Hammalakh ע״ה avait dans son armée quatre cent combattants nés de femmes non Israélites capturées dans des précédentes guerres, et ils arboraient ce style de coiffure unique aux Amoréens en raison de leur affinité pour les pratiques de leurs ancêtres Amoréens. À quoi ressemble cette coupe de cheveux ?

Rash''i explique à plusieurs reprises3 que la coiffe dont on parle consiste à raser l'avant de la tête tout en laissant pousser les cheveux à l'arrière. Le Ramba''m ז״ל ajoute, sur base d'autres passages de la Gamoro` traitant de l'interdiction d'imiter les coiffes des Gôyim, deux autres coupes de cheveux étant inclues dans cette interdiction. Il écrit ceci dans son Mishnéh Tôroh4 :

On ne doit pas faire pousser des tresses ressemblant aux tresses de leurs têtes. On ne doit pas [non plus] raser [les cheveux] sur les côtés et laisser les cheveux au milieu comme eux le font. C'est ce qu'on appelle [dans le Talmoudh] « Balôrith ». On ne doit pas [non plus] raser les cheveux à l'avant du visage d'une oreille à l'autre et les laisser croître à l'arrière comme eux le font5.
ולא יגדל ציצית, כמו ציצית ראשם; ולא יגלח מן הצדדין ויניח השיער באמצע, כמו שהן עושין, וזה הוא הנקרא בלורית; ולא יגלח השיער מכנגד פניו מאוזן לאוזן ויניח הפרע מלאחריו, כדרך שהן עושין

Il y a donc trois coupes de cheveux spécifiques qui entrent dans cette interdiction de « Darkhé Ho`amôri » :

  1. Raser les cheveux à l'avant du visage d'une oreille à l'autre (l'expression « d'une oreille à l'autre » signifie que même les Pé`ôth Horô`sh sont rasées. En d'autres mots, on s'arrangeait pour que les cheveux à l'avant ne dépassent pas le sommet de l'oreille) et les laisser pousser à l'arrière (c'est-à-dire avoir des cheveux plus ou moins longs à l'arrière). Il est intéressant de noter que de nombreux commentateurs nous rappellent que c'était également la coiffe des Romains :
Une coupe Romaine typique, où les cheveux étaient coupés à l'avant et qu'aucun cheveux de la partie avant ne pouvait dépasser le sommet de l'oreille.

  1. Avoir le même modèle de tresses que les Gôyim. De quoi s'agit-il ? Lorsque les Gôyim font pousser des tresses, ils en font pousser plusieurs sur leurs têtes et sur toute la surface de la tête, alors que les Israélites ne doivent laisser pousser que deux tresses et uniquement sur les côtés de la tête (une tresse de chaque côté, ce que l'on appelle « Pé`ôth Horô`sh ») :




Les coiffures dans les deux photos ci-dessus sont interdites aux Israélites, car les tresses d'un Israélites doivent pousser sur les côtés de sa tête, une de chaque côté, comme ci-dessous :


  1. Raser les cheveux sur les côtés de la tête et laisser les cheveux au milieu de la tête. Le Ramba''m rapporte que le Talmoudh6 appelle cette coiffe « Balôrith », un terme qui signifie « mèche ». Cette coiffe consistait à raser les côtés de la tête, et laisser les cheveux au milieu avec une espèce de mèche ou frange à l'avant, comme ci-dessous (c'est une coiffure très répandue de nos jours chez les jeunes) :



Il est intéressant de noter que Rabbi Yôséf Qa`rô ז״ל rapporte dans son Béth Yôséf7 que la pratique communément répandue chez les séfarades consistait à raser les côtés de la tête tout en laissant pousser les cheveux au milieu. Bien qu'il condamne cette pratique en raison du fait qu'elle est strictement interdite par le Ramba''m, Rabbi Yôséf Qa`rô essaie d'expliquer que peut-être que cette pratique séfarade était basée sur la supposition que seule la définition donnée par Rash''i était correcte et que seule la coiffe dite « Romaine » était interdite en raison de « Darkhé Ho`amôri ». En effet, Rash''i définit « Balôrith » comme désignant la coupe « Romaine », mais c'est là encore une erreur de sa part. Comme nous l'avons dit plus haut, « Balôrith » qui signifie « mèche », désigne expressément le fait de raser les cheveux sur les côtés et les laisser au milieu avec une espèce de mèche à l'avant. Quant à la coiffure dont parle Rash''i, c'est celle qui s'appelle « Koumi » et non « Balôrith », mais il fit l'erreur de penser que l'on parlait d'une seule et même coiffure sous le nom de « Balôrith », alors que l'on parle de deux coiffures distinctes dans le Talmoudh, celle de « Balôrith » et celle de « Koumi ». Par conséquent, nous ne pouvons utiliser ce raisonnement pour justifier l'ancienne pratique des séfarades.

Bien que le Ramba''m interdise explicitement de laisser pousser une mèche à l'avant tout en rasant les côtés de la tête, il ne dit pas s'il est permis de laisser pousser une mèche à l'avant si on ne rase pas les côtés de la tête. En d'autres mots, est-ce que l'interdiction de laisser pousser une mèche à l'avant ne s'applique que lorsqu'on rase les cheveux sur les côtés, ou est-ce qu'elle s'applique aussi même lorsqu'on ne rase pas les côtés de la tête ? (Il convient de préciser que la question ne porte pas du tout sur la permissivité ou pas de raser les Pé`ôth Horô`sh, ce qui est un interdit biblique, comme nous l'avons vu ici, mais sur la question de savoir si c'est du « Darkhé Ho`amôri » de laisser pousser une mèche à l'avant de sa tête, que ce soit en rasant ou pas les côtés de la tête.) Deux positions s'affrontent :

  1. Rabbi Yôséf Qa`rô sous-entend fortement dans son Béth Yôséf 8que l'on ne transgresse l'interdiction de « Darkhé Ho`amôri » qu'en laissant pousser les cheveux au-dessus de la tête tout en ayant rasé les cheveux sur les côtés, car la coupe idolâtre avait pour but de marquer une différence entre les cheveux du dessus et les cheveux du dessous.
  2. Le Ba''h ז״ל (Rabbi Yô`él Sirqis, 1561-1640) conteste cette lecture que Rabbi Yôséf Qa`rô fait du Ramba''m et avance que le Ramba''m interdirait également de laisser pousser de longues mèches ou franges à l'avant de la tête même sans raser les côtés.

Le Hydo''` ז״ל (Rabbi Hayim Yôséf Dowidh `azoula`y, 1724-1806)9 appuie le Ba''h, faisant remarquer que beaucoup de jeunes sont laxistes dans ce domaine et qu'il conviendrait de les réprimander dans l'espoir qu'ils fassent Tashouvoh. Le Mahasis Hashaqal ז״ל (Rabbi Shamou`él ban Nothon Néta´ Halléwi Ka´lin, 1720-1806) exprima également la même opposition face au fait de laisser de longues mèches ou franges à l'avant, même sans raser les côtés de la tête, et a qualifié cette coiffe de « demi-interdiction », mais il se refusa à aller jusqu'à dire que laisser pousser des cheveux plus ou moins longs à l'avant était une transgression de l'interdiction de « Darkhé Ho`amôri ».

En conclusion, il n'est pas possible d'émettre une interdiction catégorique contre le fait d'avoir de longues mèches à l'avant, car bien que cela soit explicitement interdit lorsqu'on rase aussi les côtés de la tête, il n'est pas explicitement dit que laisser pousser une longue mèche à l'avant est interdit à titre de « Darkhé Ho`amôri » même lorsqu'on ne rase pas les côtés de la tête. De même, bien que laisser pousser les cheveux à l'arrière de la tête soit explicitement interdit si on coupe aussi les cheveux à l'avant d'une oreille à l'autre, rien n'interdit explicitement, à titre de « Darkhé Ho`amôri », le fait de laisser pousser des cheveux à l'arrière de la tête si on ne coupe pas non plus les cheveux à l'avant de la tête d'une oreille à l'autre. (Tout cela pourrait être interdit sur bases d'autres interdictions, mais pas sur base de l'interdiction de « Darkhé Ho`amôri.)

La prochaine fois, Dieu voulant, nous tenterons de comprendre pourquoi certains Juifs, plus particulièrement dans les milieux Harédhim, préconisent de toujours avoir des cheveux courts et couper les cheveux à l'avant de la tête. D'où vient cette pratique ? Sur quoi est-elle basée ? Est-elle justifiée ? Et sur quelle base s'appuient certains décisionnaires pour interdire aux hommes d'avoir les cheveux longs, que ce soit à l'arrière ou plus particulièrement à l'avant de la tête ? Ce sont à ces questions-là que nous tenterons de répondre.

1Sôtoh 49b
2Qiddoushin 76b
3Dans ses commentaires sur Qiddoushin 76, ´avôdhoh Zoroh 8, Sôtoh 49 et Bavo` Qammo` 83
4Hilkôth ´avôdhoh Zoroh Wahouqqôth Haggôyim 11:2
5Une coiffe qui est appelée « Koumi »
6Qiddoushin 76b
7Yôréh Dé´oh Simon 178
8Ibid.

9Birkhé Yôséf, Yôréh Dé´oh 178:1
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