jeudi 15 octobre 2015

Autres raisons invoquées pour interdire aux hommes d'avoir de longs cheveux

ב״ה

Autres raisons invoquées pour interdire aux hommes d'avoir de longs cheveux


Cet article peut être téléchargé ici.

Nous avons vu ici que l'on ne pouvait interdire aux hommes d'avoir des cheveux longs sur base de la notion de דרכי האמורי « Darkhé Ho`amôri » (les pratiques des idolâtres), et ici qu'on ne le pouvait pas non plus ni sur base de la notion de חציצה בתפילין « Hasisoh Bathfilin » (interférence avec les Tafillin). Mais différents Pôsqim soulèvent certains autres problèmes auxiliaires que les cheveux l'homme pourraient causer chez un homme Israélite.

  1. Exciter le Yésér Hora´

Le Mahasis Hashaqal ז״ל, le Birkhé Yôséf ז״ל et le Mishnoh Barouroh ז״ל décrivent dans les termes les plus sévères à quel point il est inapproprié pour un homme Israélite de se soucier excessivement de ses cheveux au point qu'il les laisse pousser longs. Le Rov Hayim Pal`aghi ז״ל écrit que laisser pousser de longs cheveux est fréquemment une ouverture menant à des péchés graves et qu'on devrait l'éviter comme n'importe quelle autre activité qui est susceptible de mener au péché.

Il y a de nombreux problèmes avec ces arguments, mais allons tout de suite à l'essentiel. Premièrement, le fait de se raser intégralement la tête, pour prendre l'autre extrême, peut aussi être une marque d'intérêt excessif sur la beauté. Il y a des hommes qui ne se trouvent très beau que lorsqu'ils ont le crâne totalement rasé. En outre, n'importe quelle sorte de coiffure, dès plus permises au plus interdites, peut être adoptée par quelqu'un par soucis d'esthétisme et d'accent excessif sur la beauté, plutôt que pour des motifs altruistes ou religieux. Il y a beaucoup de gens ayant des cheveux capables de passer autant de temps devant le miroir que quelqu'un ayant des cheveux longs. Deuxièmement, si on devait baser cette interdiction sur le fait que se laisser pousser les cheveux longs peut être une ouverture vers de graves péchés (sous-entendu les péchés sexuels, la promiscuité, etc.), jusqu’où devrions-nous nous arrêter, puisque pratiquement n'importe quoi peut mener au péché ? Boire de l'alcool peut mener à de graves péchés, et pourtant cela n'a pas été interdit. Le simple fait de sortir dans la rue peut mener à de graves péchés. Assister à un mariage peut mener à de graves péchés, et la liste peut se poursuivre ainsi indéfiniment. Et comme nous l'avons dit plus haut, on peut séduire des femmes, faire preuve de promiscuité et commettre d'autres péchés en ayant les cheveux courts.

Pour illustrer à quel point avoir les cheveux longs éveille le désir, certains citent une histoire rapportée dans le Talmoudh1 concernant un Nozir qui mit fin au vœu de naziréat qu'il avait pris lorsqu'un jour, en voyant le reflet de ses beaux cheveux dans l'eau, se rendait compte à quel point ils excitaient son mauvais penchant et suscitaient en lui des désirs. L'histoire semble donc clairement indiquer que les cheveux longs étaient considérés comme un symbole du Yésér Hora´. Les problèmes avec cet argument sont que, premièrement, il s'agit là d'une histoire personnelle d'un seul cas. Nous ne pouvons pas déduire de cette histoire que tous ceux qui faisaient un vœu de naziréat (et avaient donc l'interdiction de couper leurs cheveux) succombaient au charme de leurs propres cheveux ou avaient des désirs sexuels ou autres qui naissaient en eux, ou qui utilisaient leurs cheveux longs pour séduire les femmes, etc. Deuxièmement, la Tôroh a non seulement elle-même permis le vœu de naziréat, mais a également inclus l'obligation pour quiconque prenait ce vœu de laisser croître longue sa chevelure et ne pas la couper toute la durée du vœu (qui peut même être pris toute sa vie). S'il était mauvais en soi pour un homme de laisser croître longue sa chevelure, la Tôroh aurait très bien pu instituer le vœu de naziréat sans cette obligation de laisser croître longue sa chevelure. En outre, nous avons plusieurs cas de personnages bibliques ayant pris le vœu de naziréat, parmi lesquels Shimshôn ע״ה ou encore le Prophète Shamou`él ע״ה. Je n'ai pas cité ces deux exemples au hasard, puisqu'il s'agit là des deux cas pour lesquels la Bible dit explicitement qu'ils firent ce vœu à vie. Il y eu beaucoup de gens ayant pris sur eux des vœux de naziréat dans les temps bibliques (comme, par exemple, `avsholôm, le fils aîné de Dowidh Hammalakh ע״ה) et talmudiques, à tel point qu'un traité entier du Talmoudh est consacré aux lois relatives au vœu de naziréat (traité Nozir). On ne peut donc pas déduire une règle générale du cas de ce Nozir mentionné dans le Talmoudh pour qui ses cheveux furent une occasion de chute.

D'autres citent également un Midhrosh2 déclarant explicitement que lorsque le Yésér Hora´ voit quelqu'un passer du temps à arranger ses cheveux, il déclare : « Cette personne est à moi et est à présent sous mon contrôle ! ». Utiliser ce Midhrosh pour critiquer les cheveux longs chez les hommes est ridicule car, premièrement, il n'est nulle part fait mention de cheveux longs dans ce passage midrashique. On parle d' « arranger ses cheveux », en d'autres mots les coiffer et entretenir excessivement. Deuxièmement, ce Midhrosh démontre bien ce que nous avons dit plus haut, à savoir que n'importe quelle type de coiffure peut devenir un piège si on y accorde une trop grande importance. Troisièmement, de très nombreux Hasidhim passent de longues minutes par jour à soigner et entretenir leurs Pé`ôth Horô`sh, qui sont clairement devenues pour bon nombre d'entre eux un signe ou une marque de beauté extérieure. Doit-on, à cause d'eux, interdire d'arborer de longues Pé`ôth ? (En fait, certains Pôsqim sont d'avis qu'il faudrait effectivement les interdire, car beaucoup les utilisent désormais comme des marques claires de beauté extérieure et prennent beaucoup de temps à les entretenir chaque jour.) Tout cela est une question de discipline personnelle. (J'ai moi-même des Pé`ôth qui descendent plus bas que les épaules, et je ne les coiffe pas, ne les peigne pas, ne les parfume pas, etc. Elles ne sont en rien pour moi des signes de beauté extérieure, mais je les arbore juste pour la Miswoh des Pé`ôth.) Si pour certains Hasidhim les Pé`ôth sont devenues des signes de beauté extérieure, c'est en réalité leur problème et pas celui de tous ceux qui ont de longues Pé`ôth. Idem pour ceux qui utilisent leurs longs cheveux comme signe de vanité, de séduction ou de beauté extérieure.

Tout homme laissant pousser de longs cheveux ne le fait pas nécessairement par vanité ou pour tout autre motif sinistre. Citons par exemple le cas du Rogatchover Go`ôn ז״ל (Rabbi Yôséf Rôzin, 1858-1936). Il avait de longs cheveux car il refusait systématiquement qu'on les lui coupe, afin de ne pas retirer sa Yarmoulko` même pour quelques minutes. S'il était interdit par la Halokhoh d'avoir de longs cheveux, il ne fait aucun doute que cet illustre homme, qui donna la Samikhoh (ordination rabbinique) à bon nombre de rabbins qui devinrent les leaders du Judaïsme après la Seconde Guerre Mondiale, ne se serait pas permis de la transgresser juste pour le simple fait de ne pas retirer sa Yarmoulko` même quelques minutes !

Enfin, certains avancent comme argument que laisser pousser de longs cheveux est fréquemment un signe extérieur de rébellion contre l'autorité, et peut souvent être un indicateur sur certaines tendances plus graves dans la vie personnelle de ces gens. Inutile de dire que cet argument ne tient pas une seconde, étant donné que l'on peut en dire de même de ceux qui coupent leurs cheveux très courts, voire même qui les rasent intégralement. Il est ridicule de traiter de skinhead, rebelle, rockeur, drogué, néo-nazi, etc., quelqu'un simplement parce qu'il a les cheveux très court ou intégralement rasés !

  1. Placer les Tafillin

Dans le prolongement de la question de Hasisoh que nous avons traitée dans l'article précédent (et nous avions vu que ce problème est en fait inexistant et pas du tout pertinent, car les cheveux ne sont pas une matière étrangère), le Hofés Hayim ז״ל relève dans son Mishnoh Barouroh que lorsqu'on a des cheveux longs, il est très difficile de maintenir correctement la Tafilloh de la tête à sa place, ce qui amène à ne pas bien accomplir la Miswoh.

C'est un argument qui peut, à première vue, paraître pertinent pour exiger de garder ses cheveux courts. Sauf que ce que dit ici le Hofés Hayim, c'est que la Tafilloh de la tête est censée se trouver sur la tête, ce qui peut aussi être accompli lorsqu'on a une couche épaisse de cheveux entre la tête et la Tafilloh de la tête, mais elle n'est pas censée se trouver sur une grande touffe de cheveux, donnant ainsi l'impression de ne pas être soutenue par la tête mais par la touffe de cheveux. Parfois, plus particulièrement avec ceux qui ont des cheveux naturellement bouclés, il peut arriver que la Tafilloh de la tête donne l'impression de ne pas du tout reposer sur la tête mais sur la touffe de cheveux. Mais comme nous l'avions déjà expliqué, les cheveux sont considérés dans le Talmoudh comme faisant intégralement partie du corps humain et ne peuvent jamais être considérés comme une Hasisoh. Le fait que la Tafilloh de la tête soit empêchée de toucher la tête en raison d'une touffe de cheveux n'invalide en rien du tout la Miswoh, les cheveux faisant partie de la tête elle-même. Dès lors que l’extrémité de la Tafilloh de la tête est alignée sur la ligne des cheveux, que le nœud se trouve sur la base du crâne, et que la Tafilloh est située entre les deux yeux, la Miswoh est accomplie. Il n'a jamais été dit que l’extrémité de la Tafilloh devait toucher la ligne des cheveux, juste que verticalement elle devait être située à cet endroit-là. Voilà pourquoi dans l'illustration ci-dessous, la Miswoh est parfaitement réalisée, bien que la Tafilloh ne touche pas directement la ligne des cheveux mais est alignée dessus :


De ce fait, même si la Tafilloh reposait au-dessus d'une grosse touffe de cheveux, comme c'est le cas avec l'homme ci-dessous, cela n’invaliderait pas la Miswoh, dès lors que la Tafilloh est alignée verticalement sur la ligne des cheveux et horizontalement entre les deux yeux (et que le nœud repose à la base du crâne, à l'arrière)


  1. L'interdiction de Baghadh `ishoh

Le Rov Môshah Shternbuch שליט״א relève que le Talmoudh3 associe un homme qui fait des choses pour s'embellir à l'interdiction pour un homme de s'adonner à des activités féminines. Il écrit que l'on pourrait aisément avancer qu'il en est de même pour le fait de laisser pousser de longs cheveux. Il conclut en disant que lorsque quelqu'un se laisse pousser de longs cheveux, il n'existe pas d'autre explication à cela que la poursuite de la vanité, ce qui est, dit-il, « objectivement un acte féminin ».4

Premièrement, déduire de la comparaison faite par le Talmoudh une autre comparaison entre un homme se laissant pousser de longs cheveux et l'interdiction de Baghadh `ishoh est une extrapolation du Rov Shternbuch que l'on ne retrouve d'ailleurs jamais dans le Talmoudh. En d'autres mots, le Talmoudh lui-même n'a jamais stipulé, malgré les milliers de pages qui le composent, qu'un homme qui faisait pousser de longs cheveux transgressait l'interdiction de Baghadh `ishoh. C'est d'ailleurs parce que cela n'a jamais été stipulé qu'il est contraint d'inventer cette équation. Si cela était si évident, le Talmoudh nous aurait dit qu'un homme faisant pousser de longs cheveux transgresse l'interdiction de Baghadh `ishoh. Or, comme cela a déjà été dit, si tel était le cas, la Tôroh n'aurait pas inclus l'interdiction pour un Nozir de couper ses cheveux si dans le même temps les laisser pousser longs transgressait l'interdiction de Baghadh `ishoh. Ce qui est remarquable, c'est que les écrits des Ga`ônim et des Ri`shônim sont totalement muets sur ce problème. Par exemple, il n'existe pas même une référence dans les écrits du Ramba''m ז״ל sur le fait qu'il serait interdit pour un homme de laisser pousser de longs cheveux. Idem dans les écrits de Rash''i ז״ל, ou de n'importe quel autre sage de l'ère des Ri`shônim. Les deux seules fois où la Tôroh parle de longs cheveux, c'est dans le contexte du vœu de naziréat et pour nous dire qu'un Kôhén a l'interdiction de raser intégralement sa tête (sauf le jour de son intronisation, où il devait couper l'intégralité des poils de son corps) ou de laisser pousser longs ses cheveux. Ainsi, les seuls Israélites pour lesquels il a été dit qu'ils ne pouvaient laisser pousser longs leurs cheveux furent les Kôhanim. Deuxièmement, comme nous l'avons également dit, les motivations pour se laisser pousser des cheveux longs ne sont pas nécessairement liées à une volonté de s'embellir. En effet, on pourrait même se laisser pousser de longs cheveux précisément pour montrer que l'on n'accorde aucune importance à son apparence extérieure, tout comme beaucoup se laissent pousser de très longues Pé`ôth pour indiquer leur désintérêt total pour les standards de beauté (et le fait d'être moqués dans la rue à cause de leurs longues Pé`ôth n'est d'aucun effet sur eux, car ils ne le font pas par embellissement).

En conclusion, bien que laisser pousser de longs cheveux ne constitue la transgression d'aucune interdiction, qu'elle soit biblique ou rabbinique, l'écrasante majorité des Pôsqim contemporains pensent néanmoins qu'il faudrait éviter de le faire pour des raisons halakhiques et méta-halakhiques que nous avons passées en revue. Le but de ces trois articles n'est pas de dire qu'un homme devrait laisser pousser ses cheveux longs, ou que c'est quelque chose d'approprié à faire. Le but était simplement d'explorer profondément ce sujet d'un point de vue strictement halakhique, depuis l'origine du « problème » jusqu'à nos jours. Et force est de constater que les cheveux longs ne causent aucun problème, que ce soit d'un point de vue biblique ou rabbinique, ou que ce soit au niveau de la Miswoh des Tafillin ou encore de l'interdiction de Baghadh `ishoh.

Après, Dieu est le plus savant !

1Nadhorim 9a
2Baré`shith Rabboh 22:6
3Shabboth 50b

4Shou''th Tashouvôth Wahanhaggôth, Volume 1, Chapitre 42
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...