ב״ה
Autres
raisons invoquées pour interdire aux hommes d'avoir de longs cheveux
Cet article peut être téléchargé ici.
Nous
avons vu ici
que l'on ne pouvait interdire aux hommes d'avoir des cheveux longs
sur base de la notion de דרכי
האמורי « Darkhé
Ho`amôri » (les pratiques des idolâtres), et ici
qu'on ne le pouvait pas non plus ni sur base de la notion de חציצה
בתפילין « Hasisoh
Bathfilin » (interférence avec les Tafillin). Mais différents
Pôsqim soulèvent certains autres problèmes auxiliaires que les
cheveux l'homme pourraient causer chez un homme Israélite.
- Exciter le Yésér Hora´
Le
Mahasis
Hashaqal ז״ל,
le Birkhé Yôséf ז״ל
et
le Mishnoh Barouroh ז״ל
décrivent
dans les termes les plus sévères à quel point il est inapproprié
pour un homme Israélite de se soucier excessivement de ses cheveux
au point qu'il les laisse pousser longs. Le Rov Hayim
Pal`aghi ז״ל
écrit
que laisser pousser de longs cheveux est fréquemment une ouverture
menant à des péchés graves et qu'on devrait l'éviter comme
n'importe quelle autre activité qui est susceptible de mener au
péché.
Il
y a de nombreux problèmes avec ces arguments, mais allons tout de
suite à l'essentiel. Premièrement, le fait de se raser
intégralement la tête, pour prendre l'autre extrême, peut aussi
être une marque d'intérêt excessif sur la beauté. Il y a des
hommes qui ne se trouvent très beau que lorsqu'ils ont le crâne
totalement rasé. En outre, n'importe quelle sorte de coiffure, dès
plus permises au plus interdites, peut être adoptée par quelqu'un
par soucis d'esthétisme et d'accent excessif sur la beauté, plutôt
que pour des motifs altruistes ou religieux. Il y a beaucoup de gens
ayant des cheveux capables de passer autant de temps devant le miroir
que quelqu'un ayant des cheveux longs. Deuxièmement, si on devait
baser cette interdiction sur le fait que se laisser pousser les
cheveux longs peut être une ouverture vers de graves péchés
(sous-entendu les péchés sexuels, la promiscuité, etc.), jusqu’où
devrions-nous nous arrêter, puisque pratiquement n'importe quoi peut
mener au péché ? Boire de l'alcool peut mener à de graves
péchés, et pourtant cela n'a pas été interdit. Le simple fait de
sortir dans la rue peut mener à de graves péchés. Assister à un
mariage peut mener à de graves péchés, et la liste peut se
poursuivre ainsi indéfiniment. Et comme nous l'avons dit plus haut,
on peut séduire des femmes, faire preuve de promiscuité et
commettre d'autres péchés en ayant les cheveux courts.
Pour
illustrer à quel point avoir les cheveux longs éveille le désir,
certains citent une histoire rapportée dans le Talmoudh1
concernant un Nozir qui mit fin au vœu de naziréat qu'il avait pris
lorsqu'un jour, en voyant le reflet de ses beaux cheveux dans l'eau,
se rendait compte à quel point ils excitaient son mauvais penchant
et suscitaient en lui des désirs. L'histoire semble donc clairement
indiquer que les cheveux longs étaient considérés comme un symbole
du Yésér
Hora´. Les problèmes avec cet argument sont que, premièrement, il
s'agit là d'une histoire personnelle d'un seul cas. Nous ne pouvons
pas déduire de cette histoire que tous ceux qui faisaient un vœu de
naziréat (et avaient donc l'interdiction de couper leurs cheveux)
succombaient au charme de leurs propres cheveux ou avaient des désirs
sexuels ou autres qui naissaient en eux, ou qui utilisaient leurs
cheveux longs pour séduire les femmes, etc. Deuxièmement, la Tôroh
a non seulement elle-même permis le vœu de naziréat, mais a
également inclus l'obligation pour quiconque prenait ce vœu de
laisser croître longue sa chevelure et ne pas la couper toute la
durée du vœu (qui peut même être pris toute sa vie). S'il était
mauvais en soi pour un homme de laisser croître longue sa chevelure,
la Tôroh aurait très bien pu instituer le vœu de naziréat sans
cette obligation de laisser croître longue sa chevelure. En outre,
nous avons plusieurs cas de personnages bibliques ayant pris le vœu
de naziréat, parmi lesquels Shimshôn ע״ה
ou
encore le Prophète Shamou`él ע״ה.
Je n'ai pas cité ces deux exemples au hasard, puisqu'il s'agit là
des deux cas pour lesquels la Bible dit explicitement qu'ils firent
ce vœu à vie. Il y eu beaucoup de gens ayant pris sur eux des vœux
de naziréat dans les temps bibliques (comme, par exemple, `avsholôm,
le fils aîné de Dowidh Hammalakh ע״ה)
et talmudiques, à tel point qu'un traité entier du Talmoudh est
consacré aux lois relatives au vœu de naziréat (traité Nozir). On
ne peut donc pas déduire une règle générale du cas de ce Nozir
mentionné dans le Talmoudh pour qui ses cheveux furent une occasion
de chute.
D'autres
citent également un Midhrosh2
déclarant explicitement que lorsque le Yésér
Hora´ voit quelqu'un passer du temps à arranger ses cheveux, il
déclare : « Cette personne est à moi et est à présent
sous mon contrôle ! ». Utiliser ce Midhrosh pour
critiquer les cheveux longs chez les hommes est ridicule car,
premièrement, il n'est nulle part fait mention de cheveux longs dans
ce passage midrashique. On parle d' « arranger ses cheveux »,
en d'autres mots les coiffer et entretenir excessivement.
Deuxièmement, ce Midhrosh démontre bien ce que nous avons dit plus
haut, à savoir que n'importe quelle type de coiffure peut devenir un
piège si on y accorde une trop grande importance. Troisièmement, de
très nombreux Hasidhim
passent de longues minutes par jour à soigner et entretenir leurs
Pé`ôth Horô`sh, qui sont clairement devenues pour bon nombre
d'entre eux un signe ou une marque de beauté extérieure. Doit-on, à
cause d'eux, interdire d'arborer de longues Pé`ôth ? (En fait,
certains Pôsqim sont d'avis qu'il faudrait effectivement les
interdire, car beaucoup les utilisent désormais comme des marques
claires de beauté extérieure et prennent beaucoup de temps à les
entretenir chaque jour.) Tout cela est une question de discipline
personnelle. (J'ai moi-même des Pé`ôth qui descendent plus bas que
les épaules, et je ne les coiffe pas, ne les peigne pas, ne les
parfume pas, etc. Elles ne sont en rien pour moi des signes de beauté
extérieure, mais je les arbore juste pour la Miswoh
des Pé`ôth.) Si pour certains Hasidhim
les Pé`ôth sont devenues des signes de beauté extérieure, c'est
en réalité leur problème et pas celui de tous ceux qui ont de
longues Pé`ôth. Idem pour ceux qui utilisent leurs longs cheveux
comme signe de vanité, de séduction ou de beauté extérieure.
Tout
homme laissant pousser de longs cheveux ne le fait pas nécessairement
par vanité ou pour tout autre motif sinistre. Citons par exemple le
cas du Rogatchover Go`ôn ז״ל
(Rabbi
Yôséf Rôzin, 1858-1936). Il avait de longs cheveux car il refusait
systématiquement qu'on les lui coupe, afin de ne pas retirer sa
Yarmoulko` même pour quelques minutes. S'il était interdit par la
Halokhoh d'avoir de longs cheveux, il ne fait aucun doute que cet
illustre homme, qui donna la Samikhoh (ordination rabbinique) à bon
nombre de rabbins qui devinrent les leaders du Judaïsme après la
Seconde Guerre Mondiale, ne se serait pas permis de la transgresser
juste pour le simple fait de ne pas retirer sa Yarmoulko` même
quelques minutes !
Enfin,
certains avancent comme argument que laisser pousser de longs cheveux
est fréquemment un signe extérieur de rébellion contre l'autorité,
et peut souvent être un indicateur sur certaines tendances plus
graves dans la vie personnelle de ces gens. Inutile de dire que cet
argument ne tient pas une seconde, étant donné que l'on peut en
dire de même de ceux qui coupent leurs cheveux très courts, voire
même qui les rasent intégralement. Il est ridicule de traiter de
skinhead, rebelle, rockeur, drogué, néo-nazi, etc., quelqu'un
simplement parce qu'il a les cheveux très court ou intégralement
rasés !
- Placer les Tafillin
Dans
le prolongement de la question de Hasisoh
que nous avons traitée dans l'article
précédent
(et nous avions vu que ce problème est en fait inexistant et pas du
tout pertinent, car les cheveux ne sont pas une matière étrangère),
le
Hofés
Hayim
ז״ל
relève
dans son Mishnoh Barouroh que lorsqu'on a des cheveux longs, il est
très difficile de maintenir correctement la Tafilloh de la tête à
sa place, ce qui amène à ne pas bien accomplir la Miswoh.
C'est
un argument qui peut, à première vue, paraître pertinent pour
exiger de garder ses cheveux courts. Sauf que ce que dit ici le Hofés
Hayim,
c'est
que la Tafilloh de la tête est censée se trouver sur la tête, ce
qui peut aussi être accompli lorsqu'on a une couche épaisse de
cheveux entre la tête et la Tafilloh de la tête, mais elle n'est
pas censée se trouver sur une grande touffe de cheveux, donnant
ainsi l'impression de ne pas être soutenue par la tête mais par la
touffe de cheveux. Parfois, plus particulièrement avec ceux qui ont
des cheveux naturellement bouclés, il peut arriver que la Tafilloh
de la tête donne l'impression de ne pas du tout reposer sur la tête
mais sur la touffe de cheveux. Mais comme nous l'avions déjà
expliqué, les cheveux sont considérés dans le Talmoudh comme
faisant intégralement partie du corps humain et ne peuvent jamais
être considérés comme une Hasisoh.
Le fait que la Tafilloh de la tête soit empêchée de toucher la
tête en raison d'une touffe de cheveux n'invalide en rien du tout la
Miswoh,
les cheveux faisant partie de la tête elle-même. Dès lors que
l’extrémité de la Tafilloh de la tête est alignée sur la ligne
des cheveux, que le nœud se trouve sur la base du crâne, et que la
Tafilloh est située entre les deux yeux, la Miswoh
est accomplie. Il n'a jamais été dit que l’extrémité de la
Tafilloh devait toucher
la ligne des cheveux, juste que verticalement elle devait être
située à cet endroit-là. Voilà pourquoi dans l'illustration
ci-dessous, la Miswoh
est parfaitement réalisée, bien que la Tafilloh ne touche pas
directement la ligne des cheveux mais est alignée dessus :
De
ce fait, même si la Tafilloh reposait au-dessus d'une grosse touffe
de cheveux, comme c'est le cas avec l'homme ci-dessous, cela
n’invaliderait pas la Miswoh,
dès lors que la Tafilloh est alignée verticalement sur la ligne des
cheveux et horizontalement entre les deux yeux (et que le nœud
repose à la base du crâne, à l'arrière)
- L'interdiction de Baghadh `ishoh
Le
Rov Môshah Shternbuch שליט״א
relève
que le Talmoudh3
associe un homme qui fait des choses pour s'embellir à
l'interdiction pour un homme de s'adonner à des activités
féminines. Il écrit que l'on pourrait aisément avancer qu'il en
est de même pour le fait de laisser pousser de longs cheveux. Il
conclut en disant que lorsque quelqu'un se laisse pousser de longs
cheveux, il n'existe pas d'autre explication à cela que la poursuite
de la vanité, ce qui est, dit-il, « objectivement un acte
féminin ».4
Premièrement,
déduire de la comparaison faite par le Talmoudh une autre
comparaison entre un homme se laissant pousser de longs cheveux et
l'interdiction de Baghadh `ishoh est une extrapolation du Rov
Shternbuch que l'on ne retrouve d'ailleurs jamais dans le Talmoudh.
En d'autres mots, le Talmoudh lui-même n'a jamais stipulé, malgré
les milliers de pages qui le composent, qu'un homme qui faisait
pousser de longs cheveux transgressait l'interdiction de Baghadh
`ishoh. C'est d'ailleurs parce que cela n'a jamais été stipulé
qu'il est contraint d'inventer cette équation. Si cela était si
évident, le Talmoudh nous aurait dit qu'un homme faisant pousser de
longs cheveux transgresse l'interdiction de Baghadh `ishoh. Or, comme
cela a déjà été dit, si tel était le cas, la Tôroh n'aurait pas
inclus l'interdiction pour un Nozir de couper ses cheveux si dans le
même temps les laisser pousser longs transgressait l'interdiction de
Baghadh `ishoh. Ce qui est remarquable, c'est que les écrits des
Ga`ônim et des Ri`shônim sont totalement muets sur ce problème.
Par exemple, il n'existe pas même une référence dans les écrits
du Ramba''m ז״ל
sur
le fait qu'il serait interdit pour un homme de laisser pousser de
longs cheveux. Idem dans les écrits de Rash''i ז״ל,
ou de n'importe quel autre sage de l'ère des Ri`shônim. Les deux
seules fois où la Tôroh parle de longs cheveux, c'est dans le
contexte du vœu de naziréat et pour nous dire qu'un Kôhén a
l'interdiction de raser intégralement sa tête (sauf le jour de son
intronisation, où il devait couper l'intégralité des poils de son
corps) ou de laisser pousser longs ses cheveux. Ainsi, les seuls
Israélites pour lesquels il a été dit qu'ils ne pouvaient laisser
pousser longs leurs cheveux furent les Kôhanim. Deuxièmement, comme
nous l'avons également dit, les motivations pour se laisser pousser
des cheveux longs ne sont pas nécessairement liées à une volonté
de s'embellir. En effet, on pourrait même se laisser pousser de
longs cheveux précisément pour montrer que l'on n'accorde aucune
importance à son apparence extérieure, tout comme beaucoup se
laissent pousser de très longues Pé`ôth pour indiquer leur
désintérêt total pour les standards de beauté (et le fait d'être
moqués dans la rue à cause de leurs longues Pé`ôth n'est d'aucun
effet sur eux, car ils ne le font pas par embellissement).
En
conclusion, bien que laisser pousser de longs cheveux ne constitue la
transgression d'aucune
interdiction, qu'elle soit biblique ou rabbinique, l'écrasante
majorité des Pôsqim contemporains pensent
néanmoins qu'il faudrait éviter de le faire pour des raisons
halakhiques et méta-halakhiques que nous avons passées en revue. Le
but de ces trois articles n'est pas de dire qu'un homme devrait
laisser pousser ses cheveux longs, ou que c'est quelque chose
d'approprié à faire. Le but était simplement d'explorer
profondément ce sujet d'un point de vue strictement halakhique,
depuis l'origine du « problème » jusqu'à nos jours. Et
force est de constater que les cheveux longs ne causent aucun
problème, que ce soit d'un point de vue biblique ou rabbinique, ou
que ce soit au niveau de la Miswoh
des Tafillin ou encore de l'interdiction de Baghadh `ishoh.
Après,
Dieu est le plus savant !
1Nadhorim
9a
2Baré`shith
Rabboh 22:6
3Shabboth
50b
4Shou''th
Tashouvôth Wahanhaggôth, Volume 1, Chapitre 42