vendredi 23 octobre 2015

Quand commence et se termine le Shabboth ?

ב״ה

Quand commence et se termine le Shabboth ?


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  1. Introduction

De par le fait que nous suivons un calendrier et des horaires prédéterminés, peu de gens questionnent la pertinence et exactitude des horaires de Shabboth et croient qu'il y aurait une obligation de suivre exactement ce qui est indiqué dans les calendriers. Comme toujours, suivre le mouvement sans s'interroger est la solution de facilité, afin de ne pas se fouler pour réfléchir et étudier les textes halakhiques relatifs à ces sujets. Hier encore, j'ai reçu un courriel d'une personne très religieuse qui faisait ressortir toute l'ignorance de la plupart des religieux qui accordent un statut contraignant aux horaires de Shabboth indiqués dans les calendriers. Cette personne contestait le fait que je permette d'accomplir des Malo`khôth après l'allumage des bougies de Shabboth qui se fait ici dix-huit minutes avant le coucher du soleil, et que j'autorise à allumer les bougies même après l'heure indiquée dans les calendriers, tant que le soleil n'a pas commencé à se coucher.

Nous allons donc tenter d'ajouter un peu de lumière à cette obscurité sur un sujet qui est pourtant trop essentiel que pour être négligé.

  1. Le commencement de Shabboth

Les lois du Shabboth entrent en vigueur au commencement du Shabboth, peu importe que la personne ait décidé ou pas de commencer le Shabboth. En d'autres mots, ce n'est même pas l'allumage des bougies du Shabboth qui fait commencer le Shabboth, mais l'entrée du Shabboth en lui-même. D'après le Din (la lettre de la loi), Shabboth commence quand on entre dans la période de la nuit. Mais étant donné qu'il n'a pas été déterminé si la période qui précède la tombée de la nuit, à savoir בין השמשות « Bén Hashamoshôth », a le statut de période du jour ou celui de période de la nuit, Lama´aséh (au niveau pratique), d'après la loi de la Tôroh, nous devons commencer Shabboth au coucher du soleil (lorsque Bén Hashamoshôth commence), qui est indiqué dans les calendriers sous l'appellation de שקיעה « Shaqi´oh ».

Les Ri`shônim débattent du moment exact où a lieu le coucher du soleil, tel que défini par la Halokhoh. Rabbénou Ta''m ז״ל soutient que le Shabboth ne commence pas au moment où il est visible que le soleil se couche, mais plutôt un peu plus tard, plus précisément trois mil et un quart (c'est-à-dire le temps qu'il faudrait pour parcourir cette distance) après le coucher du soleil. Plusieurs définitions existent quant à ce que représente réellement un mil : dix-huit minutes, vingt-deux minutes, ou vingt-quatre minutes. Il s'en suit donc que d'après Rabbénou Ta''m, le Shabboth commence approximativement une heure après le coucher réel du soleil.

Cette position de Rabbénou Ta''m a de nombreuses ramifications et peut produire, dans différents cas, des mesures de rigueur ou des mesures d'indulgence. D'un côté, le Shabboth commence beaucoup plus tard que la Shaqi´oh (coucher du soleil), et de ce fait, d'après cette position on pourrait accomplir des Malo`khôth (travaux interdits à Shabboth) même après qu'il soit visible que le soleil se soit couché. De l'autre côté, le Shabboth de Rabbénou Ta''m se termine beaucoup plus tard que la tombée de la nuit du Samedi. L'autre opinion mettrait fin au Shabboth après Bén Hashamoshôth, ou trois quarts de mil après la Shaqi´oh, tandis que Rabbénou Ta''m prolongerait le Shabboth jusqu'à quatre mil après le coucher du soleil : trois mil et un quart jusqu'au « coucher du soleil » tel que lui le définit, et ensuite trois quarts de mil supplémentaires jusqu'à la tombée de la nuit.

La majorité des Ri`shônim ont adopté l'opinion de Rabbénou Ta''m, comme également le Shoulhon ´oroukh1. Mais les Ga`ônim (les sages de Babylone venus après la conclusion du Talmoudh) soutiennent que le « coucher du soleil », d'après la Halokhoh, correspond au coucher réel du soleil (lorsqu'on voit de ses propres yeux que le soleil se couche effectivement), et c'est pour cela que le Go`ôn de Wilno` ז״ל, dans une très longue discussion sur ce sujet, apporte de nombreuses preuves contre la position de Rabbénou Ta''m. (Nous avions déjà traité de ce sujet ici.) Même d'un point de vue strictement rationnel, la position de Rabbénou Ta''m est ridicule !

Lama´aséh, la majorité des Pôsqim des communautés juives d'aujourd'hui ont adopté la position du Go`ôn de Wilno`. Mais ce qui est incroyable et illogique, c'est que même ceux qui suivent l'opinion de Rabbénou Ta''m ne le font que pour l'heure de sortie du Shabboth d'après Rabbénou Ta''m, mais pas pour l'heure d'entrée du Shabboth. En effet, s'ils devaient suivre l'opinion de Rabbénou Ta''m quant au moment où commence Shabboth, ils transgresseraient le Shabboth puisque l'heure d'entrée du Shabboth d'après Rabbénou Ta''m tombe bien après qu'il soit visible que le soleil se couche, ce qui équivaut à permettre l'accomplissement de Malo`khôth pendant Bén Hashamoshôth ! C'est là que l'on voit davantage le ridicule de la position de Rabbénou Ta''m, mais surtout l'incohérence de ceux qui suivent son opinion ; ils le suivent pour l'heure de sortie du Shabboth, mais pas pour celle de l'entrée du Shabboth !

  1. La fin de Shabboth

Comme nous l'avons mentionné à l'instant, bien que la majorité des communautés juives suivent l'opinion du Go`ôn de Wilno` concernant le moment où se termine le Shabboth, certaines personnes attendent effectivement que le Shabboth se termine suivant l'opinion de Rabbénou Ta''m. C'est ce que font la majorité des Safaradhim actuellement, ainsi que certains Hasidhim.

Quand exactement se termine le Shabboth d'après la position du Go`ôn de Wilno` ?

À première vue, le Shabboth se termine à la tombée de la nuit, ou trois quarts de mil après la Shaqi´oh. Mais la Gamoro` déclare que Shabboth se termine à צאת הכוכבים « Sé`th Hakkôkhovim », lorsque trois étoiles de taille moyenne commencent à être visibles dans le ciel. Certains `aharônim ont affirmé que cela se produit plus tard que trois quarts de mil après la Shaqi´oh. D'autres, à l'inverse, soutiennent que les deux moments sont identiques ; c'est seulement que la visibilité des trois étoiles semblent se produire plus tard parce que la plupart des gens ne voient pas correctement ces étoiles avant.

Lama´aséh, au vue de ces deux approches différentes, comment détermine-t-on le moment de Sé`th Hakkôkhovim d'après le Din ?

Le Rov Yahi`él Mikhél Tuketchinsky (1871-1954) écrit que cela se produit vingt-huit minutes après le coucher du soleil, tandis que le Hozôn `ish ז״ל (Rabbi `avrohom Yasha´yoh Karelitz, 1878-1953) aurait soutenu (c'est ce que rapportent certains) que la « tombée de la nuit » se produit trente-cinq minutes après le coucher du soleil. Par opposition, les recherches scientifiques ont démontré que l'individu moyen peut voir trois étoiles déjà dix-huit minutes après le coucher du soleil ! Ce qui démontre que la position de ceux qui disent que le noir complet n'est pas nécessaire, car trois étoiles de taille moyenne peuvent déjà être visibles très tôt après le coucher du soleil, mais que les gens ont généralement tendance à ne les voir que plus tard, est exact. En fait, une fois, des amis m'ont fait remarqué que dans leur ville, un Samedi soir, ils avaient été capables de voir les étoiles alors qu'il ne faisait pas encore noir.

Nous reviendrons plus tard sur les ramifications halakhiques que cause cette question après avoir traité du sujet central de cet article, à savoir, la notion de תוספת שבת « Tôsafath Shabboth ».

  1. Tôsafath Shabboth

Jusqu'à présent, nous avons parlé de l'entrée de Shabboth qui se produit indépendamment de notre volonté d'accepter ou pas sur nous le Shabboth, puisque l'entrée du Shabboth est déterminée par le coucher du soleil. Voici ce que nous dit la Gamoro` dans Yômo` 81b :

« Et vous affligerez vos âmes durant le neuvième jour du mois ».2 On aurait pu penser que cette affliction commence déjà le neuf du mois. C'est pourquoi l’Écriture dit « au soir ». Si c'est à partir du « soir », on aurait pu déduire que l'on doit s'affliger uniquement après qu'il fasse sombre. C'est pourquoi l’Écriture dit « le neuvième jour ». Comme cela [s'explique-t-il] ? On doit commencer à s'affliger alors qu'il fait encore jour. De là nous apprenons que nous ajoutons du temps du profane au sacré. Ainsi, je le sais à son commencement, mais comment le sais-je à sa sortie ? C'est pourquoi l’Écriture dit3 : « du soir jusqu'au soir ». Ainsi, je ne le sais que pour Yôm Hakkippourim. C'est pourquoi l’Écriture dit4 : « tu te reposeras ». Ainsi, je ne le sais que pour les Yomim Tôvim Shabbothôth. C'est pourquoi l’Écriture dit5 : « votre repos ». Comment cela [s'explique-t-il] ? Chaque fois qu'il est dit « repos », on doit ajouter du temps du profane au sacré.
ועניתם את נפשותיכם בתשעה לחודש יכול יתחיל ויתענה בתשעה ת"ל בערב אי בערב יכול משתחשך ת"ל בתשעה הא כיצד מתחיל ומתענה מבעוד יום מכאן שמוסיפין מחול על הקודש ואין לי אלא בכניסתו ביציאתו מנין ת"ל מערב עד ערב ואין לי אלא יוה"כ מניין ת"ל תשבתו אין לי אלא (ימים טובים שבתות) מנין ת"ל שבתכם הא כיצד כל מקום שנאמר שבות (מכאן שמוסיפין) מחול על הקודש

Ainsi, la Gamoro` déduit la nécessité de « Tôsafath Shabboth » (ajouter du temps au Shabboth) et « Tôsafath Yôm Tôv » de l'obligation d'ajouter du temps à Yôm Hakkippourim.

Or, la Gamoro`, dans Mô´édh Qoton 4a, enseigne totalement autre chose. Là, elle traite de la Shamittoh (année sabbatique), qui est appelé « Shabboth » de la terre dans la Tôroh, et fait une analogie avec le Shabboth hebdomadaire en disant que tout comme les Malo`khôth ne sont interdites qu'à Shabboth, et pas avant ou après Shabboth, de même les activités agricoles ne sont interdites que durant l'année de la Shamittoh, et pas avant ou après. Cela contredit totalement la Halokhoh stipulée par la Gamoro` dans Yômo` 81b, qui exige d'ajouter du temps au Shabboth.

La plupart des Ri`shônim soutiennent qu'il existe bien une obligation toranique de Tôsafath Shabboth et proposent des lectures alternatives de la Gamoro` de Mô´édh Qoton 4a. Par exemple, les Tôsofôth ז״ל, dans leur commentaire sur cette Gamoro`, expliquent que la Gamoro` veut simplement dire qu'il n'y a pas d'obligation d'ajouter une quantité de temps significative au Shabboth, tout comme il n'y a aucune obligation d'ajouter une période de temps significative à la Shamittoh.

À l'inverse, le Ramba''m ז״ל ne fait jamais mention d'une quelconque obligation de Tôsafath Shabboth. Le Moggidh Mishnéh (un commentaire sur le Mishnéh Tôroh du Ramba''m par Rabbi Widda`l Di Tôlôso` ז״ל, qui a vécu dans la deuxième moitié du 14ème siècle) prétend que le Ramba''m reconnaît l'existence d'une telle obligation, mais seulement qu'il est d'avis qu'elle est rabbinique et non biblique, raison pour laquelle il aurait omis de la mentionner. Cela ne tient pas la route, puisque le Ramba''m mentionne clairement dans son Mishnéh Tôroh toutes les obligations religieuses, aussi bien bibliques que rabbiniques contenues dans la Tôroh et le Talmoudh. En outre, le Ramba''m omet automatiquement de son Mishnéh Tôroh ce qui n'est ni biblique, ni rabbinique. C'est pourquoi, le Kasaf Mishnéh (un commentaire sur le Mishnéh Tôroh du Ramba''m par Rabbi Yôséf Qa`rô ז״ל, l'auteur du Shoulhon ´oroukh) conclut plutôt que le Ramba''m ne considère pas du tout la notion de Tôsafath Shabboth comme étant une obligation, que ce soit biblique ou rabbinique, raison pour laquelle il l'omet complètement.

Pour le Ramba''m, en effet, le passage de Yômo` 81b n'a aucune portée halakhique et contredit celui de Mô´édh Qoton 4a qui, lui, est halakhique, raison pour laquelle il ne fait aucune mention du concept de Tôsafath Shabboth. En fait, lorsqu'on regarde de plus près le passage de Yômo` 81b, nous voyons tout de suite qu'il s'agit d'un débat entre différents `ammôro`im sur l'interprétation à donner à Wayyiqro` 23:32. Deux autres interprétations sont données dans ce passage. Il ne s'agissait donc pas d'un passage halakhique, mais d'un débat sur ce que l'on pouvait déduire de ce verset biblique. Par contre, dans Mô´édh Qoton, il n'y a pas de débat sur un verset biblique, mais un traitement de sujets halakhiques. De ce fait, la Halokhoh est stipulée dans Mô´édh Qoton, tandis que Yômo` ne rapporte qu'un débat sur ce qu'on peut déduire d'un certain verset.

C'est très important de faire cette différence, car la plupart des gens croient faussement que dès qu'une chose est rapportée dans le Talmoudh, c'est qu'il a valeur de loi, alors que ce n'est réellement pas le cas. Tout va dépendre de la nature du passage en question, et du contexte dans lequel il se trouve (un débat sur ce que l'on peut déduire d'un passage, une discussion halakhique, une parabole, une `aggodhoh, etc.). Ainsi, pour nous, les Talmidhé HaRamba''m, il n'y a aucune notion de Tôsafath Shabboth, et le Shabboth commence au moment de la Shaqi´oh (à cause de Bén Hashamoshôth) et se termine dès que trois étoiles de taille moyenne sont visibles dans le ciel. (Mais il y a bien une obligation d'ajouter du temps à Yôm Hakkippourim. Par contre, déduire de cela qu'il y a aussi une obligation d'ajouter au Shabboth et Yôm Tôv est une extrapolation. Comme cela a été dit plus haut, le même passage talmudique rapporte deux autres déductions différentes que l'on pourrait faire du verset de Wayyiqro` 23:32.)

Mais supposons qu'il y ait quand même une Halokhoh de Tôsafath Shabboth, à quoi sert-elle ? Sert-elle à simplement éviter la transgression potentielle du Shabboth en le faisant commencer plus tôt, ou possède-t-elle une valeur intrinsèque en elle-même ? Les Pôsqim qui soutiennent qu'il y a une obligation de Tôsafath Shabboth reconnaissent qu'il est impossible de répondre à cette question de façon décisive rien que sur base du passage talmudique de Yômo` 81b. Cependant, Rash''i ז״ל, dans son commentaire sur le verset de וַיְכַל אֱלֹהִים בַּיּוֹם הַשְּׁבִיעִי « et Dieu termina, le septième jour »6, écrit ceci :

Et Dieu termina, le septième jour : Rabbi Shim´ôn dit : Étant donné que l’être humain ne sait pas calculer avec exactitude ses moments et ses instants, on doit ajouter une partie de la semaine à [la journée] sainte [du Shabboth]. Le Saint, béni soit-Il, en revanche, qui sait calculer avec une précision absolue Ses moments et Ses instants, entre dans le Shabboth avec une rigoureuse ponctualité, et Il nous donne l’impression d’avoir terminé Son œuvre en ce septième jour.
וַיְּכַל אֱלֹהִים בַּיּוֹם הַשְּׁבִיעִי. רַבִּי שִׁמְעוֹן אוֹמֵר בָּשָׂר וָדָם שֶׁאֵינוֹ יוֹדֵעַ עִתָּיו וּרְגָעָיו צָרִיךְ לְהוֹסִיף מֵחוֹל עַל הַקֹּדֶשׁ הַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא שֶׁיּוֹדֵעַ עִתָּיו וּרְגָעָיו נִכְנָס בּוֹ כְּחוּט הַשַּׂעֲרָה וְנִרְאֶה כְּאִלּוּ כִּלָּה בּוֹ בַּיּוֹם

Rash''i semble avoir compris la notion de Tôsafath Shabboth comme une mesure préventive. (Notez toutefois que tout de suite après, il offre une interprétation différente tirée du Midhrosh Baré`shith Rabboh 10:10, qui enseigne que ce verset doit se comprendre de la manière suivante : מַה הָיָה הָעוֹלָם חָסֵר מְנוּחָה בָּאת שַׁבָּת בָּאת מְנוּחָה כָּלְתָה וְנִגְמְרָה הַמְּלָאכָה « Que manquait-il au monde ? Le repos. Le Shabboth est venu, et avec lui le repos. Alors seulement l’œuvre de création a été terminée et menée à bonne fin ». Donc, là encore, nous pouvons voir qu'il s'agit à nouveau d'un débat sur ce que l'on peut apprendre d'un verset, et non pas d'une discussion halakhique. De ce fait, nous ne sommes pas obligés d'accepter l'explication de Rabbi Shim´ôn ז״ל cité par Rash''i.) À l'inverse, le Ra''n7 ז״ל sous-entend que le concept de Tôsafath Shabboth a une valeur intrinsèque. En traitant de la question de la quantité de temps que l'on devrait ajouter au Shabboth, le Ra''n affirme que l'on doit ajouter plus de temps qu'on ne le ferait pour des raisons préventives. Ainsi, apparemment, selon lui, la période de Tôsafath Shabboth implique plus que le simple fait de s'assurer de ne plus faire de Malo`khôth avant le commencement du Shabboth, mais est nécessaire en elle-même (sans réellement expliquer en quoi elle serait nécessaire).

Le Rô''sh ז״ל et d'autres Ri`shônim tranchent que l'on ne doit ajouter que quelques minutes à peine avant le coucher du soleil, et de ce fait, qu'il faudrait de préférence commencer le Shabboth cinq ou dix minutes avant la Shaqi´oh. Par contre, le Hofés Hayim8 ז״ל écrit que l'on doit ajouter vingt minutes au Shabboth par respect pour l'opinion du Yaré`im ז״ל, selon qui le Shabboth commence trois quarts de mil avant le coucher du soleil.

Le Minhogh répandu consiste à commencer le Shabboth entre dix-huit et vingt minutes avant le coucher du soleil, mais cela ne s'applique qu'au niveau d'un Minhogh et non pas de la Halokhoh. De ce fait, lorsque des religieux font tout un foin pour allumer les bougies de Shabboth à l'heure précise stipulée dans leur calendrier et disent qu'après l'allumage toute Malo`khoh est interdite, ce n'est seulement faux, mais ils ignorent en plus qu'il n'existe aucune Halokhoh qui détermine précisément combien de temps faut-il ajouter au Shabboth. Par exemple, à Jérusalem, le Minhogh consiste à carrément ajouter quarante minutes au Shabboth, sur la base d'une opinion citée dans le Shitoh Maqqoubbasath, qui exige que l'on ajoute une demi-heure halakhique au Shabboth, ce qui, au maximum, équivaut à quarante minutes.

En ´aras Yisro`él, les heures pour conclure le Shabboth imprimées dans les calendriers varient de trente-six à quarante minutes après la Shaqi´oh. Ces heures prennent en compte à la fois le début de Sé`th Hakkôkhovim et le concept de Tôsafath Shabboth. La quantité de temps à ajouter à la sortie du Shabboth dépendra, à l'évidence, de l'opinion derrière laquelle on s'aligne concernant la définition de Sé`th Hakkôkhovim. Ceux qui suivent les horaires de Rabbénou Ta''m terminent parfois le Shabboth carrément une demi-heure après tous les autres. De ce fait, là encore, ceux qui sont fanatiques au point d'exiger que l'on respect les heures de sorties de Shabboth indiquées dans les calendriers ne savent pas de quoi ils parlent. Aucune Halokhoh ne stipule que l'on devrait attendre X minutes après la sortie des étoiles pour que Shabboth soit terminé. Cette question est d'une grande pertinence lorsqu'on doit absolument accomplir une Malo`khoh avant la fin « officielle » du Shabboth. Si on ne s'appuie que sur le Din et la Halokhoh, dans une telle situation il est tout à fait permis d'accomplir une Malo`khoh pratiquement au moins dix minutes avant l'heure indiquée dans les calendriers.

Certains `aharônim ont avancé un argument étrange pour justifier la nécessité d'ajouter du temps à la fin de Shabboth, et le plus pathétique est que cet argument est très fréquemment invoquée dans les milieux Harédhim, qui sont rongés par des superstitions de la tête aux orteils. Voici cet argument : les âmes des impies dans le Géhinnom se voient accorder une permission d'en sortir à Shabboth, mais doivent y retourner à la sortie du Shabboth. L'heure de sortir du Shabboth dans le Géhinnom serait déterminée sur base de ce que nous faisons ici bas. Par conséquent, nous tentons de retarder la fin du Shabboth de sorte à prolonger le répit des âmes dans les le Géhinnom ! Rien que pour un tel argument, il serait préférable de ne plus du tout ajouter du temps à la sortie du Shabboth, car c'est ridicule et superstitieux !

Nous allons à présent clairement illustrer à partir d'un exemple concret le dilemme créé par cette notion de Tôsafath Shabboth.

  1. Comment accepte-t-on sur soi le Shabboth ?

Si quelqu'un accepte sur lui le Shabboth avant le coucher du soleil mais doit encore prier Minhoh, il tombe dans un dilemme halakhique. D'un côté, étant donné qu'il accepte la notion de Tôsafath Shabboth, il doit accepter sur lui le Shabboth avant le coucher du soleil (entre dix-huit et vingt minutes avant, généralement), mais de l'autre côté, il doit encore faire la prière de Minhoh de la semaine. Or, une fois qu'il accepte sur lui le Shabboth, il ne peut plus faire une prière des jours de semaine. Il n'a donc que dix-huit à vingt minutes pour non seulement prier Minhoh mais également pour accepter sur lui le Shabboth. Par conséquent, il doit veiller à avoir terminé sa prière de Minhoh quelques minutes avant le coucher du soleil et seulement ensuite accepter sur lui le Shabboth.

Le Hofés Hayim tranche dans son Mishnoh Barouroh que l'on doit accepter sur soi verbalement le Shabboth, que ce soit explicitement ou en récitant les parties de la prière du Vendredi soir qui attestent clairement que l'on accepte le Shabboth, comme par exemple לכה דודי « Lakhoh Dhôdhi » ou encore מזמור שיר ליום השבת « Mizmôr Shir Layôm Hashabboth ». Or, la majorité des communautés récitent « Lakhoh Dhôdhi » après le coucher du soleil. Par conséquent, chaque individu a l'obligation d'explicitement déclarer avant le coucher du soleil qu'il accepte sur lui le Shabboth. Si quelqu'un voit durant l'office de Minhoh que la répétition des Shamônah ´asréh ne se terminera pas avant le coucher du soleil, il peut verbalement déclarer son acceptation du Shabboth immédiatement après sa récitation silencieuse des Shamônah ´asréh.

Dans les Synagogues où l'on fait la prière de Minhoh très près du coucher du soleil, ou dans celles qui suivent l'horaire de Rabbénou Ta''m et prient donc Minhoh quand le soleil s'est quasiment couché (ce qui est, là encore, absurde), de sorte qu'il sera impossible d'accepter sur soi le Shabboth avant le coucher du soleil, d'après la majorité des Pôsqim, on devra prier Minhoh plus tôt, individuellement, de façon à pouvoir accepter sur soi le Shabboth avant le coucher du soleil. Ainsi, la majorité des Synagogues qui prient Minhoh très près du coucher du soleil (de sorte que l'office ne se terminera qu'après le coucher du soleil), ou quand le soleil est quasiment couché, font n'importe quoi. En outre, cela créé une grande contradiction, car si les gens ont accepté le Shabboth dix-huit (ou vingt minutes) avant le coucher du soleil, mais n'ont pas encore prié Minhoh, le faire après avoir accepté Shabboth est une aberration et est même interdit, puisque la limite de la prière de Minhoh est fixée à Palagh Hamminhoh (qui tombe souvent 30 à 40 minutes avant l'heure de l'allumage des bougies, et donc près d'une heure avant le coucher du soleil) et que l'on ne peut plus faire des prières de semaine après avoir accepté sur soi le Shabboth. Mais malgré cela, le Shoulhon ´oroukh Horov (qui est la version hassidique du Shoulhon ´oroukh), et l'ouvrage « `oz Nidhbarou » justifient la pratique de ceux qui concluent Minhoh à ´arav Shabboth après le coucher du soleil.

  1. Conclusion

D'un point de vue strictement halakhique, le Shabboth commence le Vendredi lorsque le soleil commence à se coucher (Shaqi´oh) et se termine le Samedi lorsque trois étoiles de taille moyenne sont visibles dans le ciel (même s'il ne fait pas un noir total, car il est scientifiquement prouvé que les étoiles peuvent être visibles dix-huit minutes après la Shaqi´oh).

Le Shabboth commence indépendamment de tout ce qu'on pourrait faire. Ainsi, ce n'est pas l'allumage des bougies qui détermine quand commence le Shabboth, ni même le fait d'avoir récité « Lakhoh Dhôdhi », mais le fait que le soleil amorce son coucher. Par conséquent, le fait d'avoir allumé les bougies n'empêche pas d'accomplir ensuite des Malo`khôth par la suite, car la notion de Tôsafath Shabboth n'est pas halakhique d'après le Ramba''m.

Par contre, si on considère que cette notion est halakhique, il faudra alors veiller à ne pas tomber dans les dilemmes que cela posent. Ainsi, on devra avoir prié Minhoh avant d'accepter sur soi le Shabboth, car une fois que le Shabboth a été accepté faire une prière de semaine devient interdit. De même, étant donné que Shabboth commence réellement au coucher du soleil et non à l'heure indiqué dans les calendriers, l'office de Minhoh devra avoir été terminé avant le coucher du soleil, et de ce fait la plupart des communautés sont dans l'erreur sur ce point, et il est préférable alors de prier Minhoh seul chez soi avant de se rendre à la Synagogue pour ´arvith le Vendredi.

Enfin, même si on considère la notion de Tôsafath Shabboth comme étant halakhique, il n'y a cependant aucune Halokhoh stipulant le nombre de minutes à ajouter au Shabboth. Même n'ajouter que cinq minutes avant le coucher du soleil du Vendredi est valable, tout comme le fait de n'ajouter que dix minutes après l'émergence des étoiles le Samedi.

Quant à nous, les Talmidhé HaRamba''m, nous ne suivons pas le calendrier, mais la Tôroh, et commençons donc le Shabboth quand le soleil commence à se coucher, et le concluons quand les étoiles apparaissent dans le ciel. Nos ancêtres n'avaient pas de calendrier et déterminaient le temps par rapport à ce qu'ils voyaient, et non selon une heure « fixe ». De ce fait, tous ces débats sur les heures du début et de fin de Shabboth sont complètement inutiles.

1`ôrah Hayim 261:2
2Wayyiqro` 23:32
3Ibid.
4Ibid.
5Ibid.
6Baré`shith 2:2
7Commentaire sur soh 30a
8Mishnoh Barouroh 261
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