mardi 15 décembre 2020

Quelle forme avait la Manôroh ?

 

בס״ד

 

Quelle forme avait la Manôroh ?

 

 

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L’un des sujets qui revient régulièrement, chaque année en cette période de Ḥanoukkoh, concerne la forme réelle des branches de la Manôroh. J’ai d’ailleurs reçu à nouveau une question à ce propos hier : les branches de la Manôroh étaient-elles arrondies ou droites ? La réponse est qu’il y a une Maḥlôqath à ce sujet, et nous expliquerons chaque point de vue.

 

       i.            Les arguments de ḤaBa’’D-Loubavitch

 

Le mouvement ḥassidique ḤaBa’’D-Loubavitch a rendu célèbre une structure de Manôroh à branches droites, se ramifiant en diagonale par rapport à la tige. Ceci est basé sur une décision du défunt dernier Rabbi de Loubavitch, le rabbin Menachem M. Schneerson. Et voici ses arguments.

 

Généralement, les branches de la Manôroh sont représentées comme ayant une forme semi-circulaire ou oblongue. Et pourtant, Rash''i ז״ל, dans son commentaire sur la Ṭôroh, écrit ceci sur le verset qui déclare que les branches יֹצְאִים מִצִּדֶּיהָ « sortaient de ses côtés » :[1]

 

De part et d’autre et en oblique, s’étirant en longueur jusqu’au niveau de la Manôroh elle-même, à savoir de sa tige centrale. Elles prenaient naissance sur la tige centrale, l’une au-dessus de l’autre, celle du dessous étant la plus longue et celle du dessus la plus courte. Il fallait en effet que tous leurs sommets se situent à la même hauteur que celui de la tige centrale, la septième, d’où sortaient les six autres branches.

לְכָאן וּלְכָאן בַּאֲלַכְסוֹן נִמְשָׁכִין וְעוֹלִין עַד כְּנֶגֶד גּוֹבְהָה שֶׁל מְנוֹרָה שֶׁהוּא קָנֶה הָאֶמְצָעִי וְיוֹצְאִין מִתּוֹךְ קָנֶה הָאֶמְצָעִי זֶה לְמַעְלָה מִזֶּה. הַתַּחְתּוֹן אָרוֹךְ וְשֶׁל מַעֲלָה קָצָר הֵימֶנוּ וְהָעֶלְיוֹן קָצָר הֵימֶנוּ לְפִי שֶׁהָיָה גּוֹבַהּ רָאשֵׁיהֶן שָׁוֶה לְגוֹבְהוֹ שֶׁל קָנֶה הָאֶמְצָעִי הַשְּׁבִיעִי שֶׁמִּמֶּנּוּ יוֹצְאִים הַשִּׁשָׁה קָנִים.

 

Il semble donc clair d'après Rash''i que les branches de la Manôroh étaient obliques, et non semi-circulaires ni même oblongues comme on les représente généralement.

 

De même, aussi bien dans son commentaire sur la Mishnoh que dans son Mishnéh Tôroh, le Rambo''m ז״ל a inclus des dessins dans lesquels il décrit la forme exacte de la Manôroh. Et dans les deux cas, il montre les branches comme s'étendant diagonalement, dans des lignes droites, exactement comme Rash''i. Voici ci-dessous les dessins du Rambo''m quant à la forme de la Manôroh :

 


D’après ḤaBa’’D, une preuve supplémentaire de l'opinion du Rambo''m peut être tirée du commentaire sur la Ṭôroh rédigé par son propre fils, Ribbénou `avrohom ban HaRambo''m ז״ל. En commentant le verset susmentionné de Shamôth 25:32, qui décrit la forme de la Manôroh, Ribbénou `avrohom déclare : « Les six branches...s'étendaient en longueur depuis la tige centrale de la Manôroh dans une ligne droite, tel que dessiné par mon père, et non en demi-cercle tel que dessiné par les autres ».

 

ḤaBa’’D en conclut donc qu’il est une de représenter la Manôroh avec des branches semi-circulaires ou oblongues, et que la source des représentations communément acceptées de la Manôroh serait le dessin qui en a été fait sur l'Arche de Tite à Rome. Lorsque Tite revint de sa conquête de Jérusalem, il fit construire une arche en l'honneur de sa glorieuse armée, et sur cette arche apparaît une scène qui inclut une reproduction de la Manôroh :

 


Pour ḤaBa’’D, la représentation sur cette arche serait à l'évidence une interprétation artistique romaine, et non une réplique exacte de la Manôroh du Béth Hammiqdosh. Cela se reflèterait par le fait que plusieurs éléments de la Manôroh sont omis dans cette représentation. Par exemple, la Manôroh avait des pieds qui s'étendaient de sa base,[2] alors que la Manôroh sur l'Arche de Tite n'a pas de pieds. De même, la représentation contient des ajouts, comme par exemple le fait que sur sa tige se retrouve l'image d'un dragon marin, l'une des divinités adorées par les romains.[3] De ce fait, il est clair et évident pour ḤaBa’’D qu'on ne peut s'appuyer sur cette description et en faire une source fiable concernant la forme qu'avait la Manôroh.

 

     ii.            La position de tous les autres

 

ḤaBa’’D-Loubavitch est le seul mouvement juif qui défend une représentation de la Manôroh aux branches droites, qui n’est basée sur aucune preuve archéologique ou historique. A l’inverse, d’innombrables reliques et dessins à travers l’histoire juive montrent des Manôrôth aux branches arrondies.

 

Au fil des générations», y compris dans la génération du Rambo’’m, on savait que les branches étaient circulaires. Le différend n’a surgi que récemment après la découverte d’un manuscrit du commentaire du Rambo’’m sur la Mishnoh, avec un dessin de la Manôroh d’or rapporté plus haut. Il y a indiqué comment les divers ornements prescrits par la Ṭôroh (les coupes, les bulbes et fleurs) étaient disposés. Tout comme il a dessiné ces ornements de manière très simple, pour ne pas semer la confusion, il a dessiné les branches de manière simple et droite dans le même but. En d’autres mots, le dessin du Rambo’’m n’a jamais eu pour intention de représenter fidèlement la forme de la Manôroh, mais était un croquis simple permettant de représenter tous les éléments de la Manôroh de façon à ce qu’ils soient facile à visualiser.

 

Cependant, le Rambo’’m n'a jamais envisagé la possibilité que les branches ne soient pas arrondies. Nous avons même des témoignages selon lesquels la synagogue dans laquelle il priait avait une Manôroh aux branches rondes.

 

Parmi de nombreux autres éléments de preuve appuyant cette position, un dessin a été trouvé dans le quartier hérodien de la vieille ville de Jérusalem, sous le site actuel de la « Yeshivat HaKotel », montrant une Manôroh aux branches rondes, qui date de bien avant l’Arche de Tite. Ce qui est encore plus important est que le quartier hérodien était un quartier de Kôhanim, et que le dessin était utilisé pour leur apprendre à allumer la Manôroh. Il est invraisemblable de penser que les Kôhanim auraient fait une fausse représentation de la Manôroh, eux qui fréquentaient quotidiennement le Béth Hammiqdosh et savaient exactement à quoi ressemblait la Manôroh.

 

Mais revenons un instant sur le dessin du Rambo’’m. Le voici à nouveau (cliquez pour l'agrandir) :

 

 

Si vous regardez de plus près, vous verrez que de nombreuses coupes à huile sont inclinées de manière à rendre la Manôroh inutilisable si elle ressemblait réellement au dessin schématique du Rambo’’m. Mais le dessin est donc bien un schéma et non une représentation, et il ne ressemble pas plus à la Manôroh réelle qu'un plan ressemble à la structure finalement construite à partir de celui-ci.

 

Le dernier Rabbi de Loubavitch, qui fut un ingénieur électricien de bas niveau, le savait certainement. Mais comme pour beaucoup de choses qu'il a faites pour construire la marque et l'image de ḤaBa’’D, il n'a pas laissé les faits l'empêcher de dévier. (Par exemple, pendant des années, il a permis à ḤaBa’’D de prétendre qu'il avait un diplôme de la Sorbonne alors qu'en fait il n’en a jamais eu un.) Il a donc insisté sur le fait que la Manôroh du Béth Hammiqdosh avait des branches droites tout comme le dessin du Rambo’’m et a encouragé ḤaBa’’D à concevoir et à utiliser des Manôrôth à branches droites à utiliser dans les cérémonies publiques d'allumage des bougies de Ḥanoukkoh, et qui seraient présentées comme des représentations de la « véritable forme traditionnelle de la Manôroh ». Voici donc la Manôroh de ḤaBa’’D, basée sur les affirmations erronées du Rabbi de Loubavitch sur le dessin du Rambo’’m, faite comme si le dessin du Rambo’’m avait pour but de représenter la Manôroh et no de la schématiser :

 


Mais cette position n’a aucune base traditionnelle, ni preuve archéologique et historique sur lesquelles s’appuyer, contrairement à la position selon quoi la Manôroh avait des branches arrondies.

 

Voici maintenant un côté de la pierre de Magdala, un petit objet de la taille d'une table trouvé dans l'ancienne synagogue de Magdala dans le nord d'Israël. Elle est datée d'environ l’an 30 de l’Ere Courante, ce qui signifie que les artisans qui l'ont fabriqué avaient probablement vu le Béth Hammiqdosh et la Manôroh, 40 ans avant le Ḥôrbon. Cette représentation ne peut donc pas non plus avoir été influencée par l’Arche de Tite !

 

Les sculptures sont destinées à représenter le Béth Hammiqdosh et ses vases sacrés, et la table peut avoir été utilisée comme Bimoh pour les lectures publiques de la Ṭôroh :

 


Voici à présent une représentation de la Manôroh sur une pièce de monnaie hasmonéenne, là encore datant bien des siècles avant l’Arche de Tite :

 

 

Et ci-dessous voici l’Arche de Tite. Nous pouvons aisément en conclure que ce n’est pas l’Arche de Tite qui a inspiré la représentation d’une Manôroh aux branches arrondies, mais l’inverse : c’est parce que la Manôroh avait toujours été représentée ainsi par le peuple juif qu’elle fut également représentée par les romains comme ayant des branches arrondies. Ce sont donc bien les Juifs qui ont influencé les romains sur ce point et non l’inverse comme voudrait nous le faire croire ḤaBa’’D :

 


Nous pourrions rapporter de nombreuses autres preuves historiques et archéologiques démontrant la forme arrondie des branches de la Manôroh. Beaucoup de ces sculptures, gravures et pièces de monnaie ont été retrouvées alors que le Rabbi de Loubavitch était bien vivant, mais il les a ignorées bien que les Hasmonéens (Maccabées) qui ont frappé ces pièces étaient des Kôhanim qui ont servi dans le Béth Hammiqdosh et ont vu la Manôroh de près, et bien que certaines des autres sculptures et gravures ont été trouvées dans une zone de Jérusalem qui, à la fin de l'ère du Bayith Shéni, était presque exclusivement occupée par les Kôhanim du Béth Hammiqdosh et leurs familles (cela avait à voir avec des raisons de pureté rituelle).

 

En d'autres termes, les gens qui ont vu la Manôroh de leurs propres yeux l'ont représentée avec des branches arrondies. Le judaïsme normatif a toujours représenté la Manôroh avec des branches courbes. Mais le faux Messie de Brooklyn avait ses propres idées, et les répandues comme « paroles d’Evangile » au sein du peuple juif.

 

Néanmoins, il convient de signaler qu’il est dit dans le livre de 1 Malokhim (Rois) 7 :49 que le roi Shalômôh ע״ה a fait dix Manôrôth en plus de la Manôroh de Môshah Rabbénou ע״ה. Il est possible qu’elles aient été de onze formes différentes, avec des variantes de branches paraboliques, droites, ou rondes. Laquelle d'entre elles était la Manôroh de Môshah ? Toutes les preuves historiques et archéologiques à l’heure actuelle démontrent que la probabilité qu’elle été dotée de branches arrondies est forte, car aucune Manôroh aux branches droites n’a jusqu’à l’instant jamais été trouvée, dessinée, représentée, avant que le faux Messie de Brooklyn ne s’en mêle !



[1] Shamôth 25 :32

[2] Ṭalmoudh, Manoḥôth 28b ; Mishnéh Tôroh, Hilkôth Béth Habbaḥiroh 3:2.

[3] Cette divinité romaine est mentionnée dans le Ṭalmoudh, ´avôdhoh Zoroh 42b.

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