mercredi 14 septembre 2016

Les origines superstitieuses du Tashlikh

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Les origines superstitieuses du Tashlikh


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Poursuivons notre analyse des lois, pratiques et coutumes relatives aux fêtes de Tishri.

La cérémonie du תַּשְׁלִיךְ « Tashlikh » fait partie de ces rites populaires entièrement développés par pure superstition et n'ayant aucune origine rabbinique. Mais puisque avec le temps de plus en plus de gens y adhéraient et la pratiquaient, plutôt que de s'y opposer catégoriquement, plusieurs rabbins commencèrent à lui donner de nouvelles significations, espérant ainsi faire oublier ses origines superstitieuses et la rendre ainsi plus acceptable.

Cette cérémonie a généralement lieu l'après-midi du premier jour de Rô`sh Hashonoh, et se déroule autour d'un plan d'eau dans lequel se trouve, de préférence, des poissons. Plusieurs Tahillim et d'autres passages de diverses sources sont récités au cours du rituel. Mais les origines du Tashlikh sont loin d'être Koshér, et depuis la toute première mention de cette coutume dans l'ouvrage du Mahari''l ז״ל (Rabbénou Ya´aqôv ban Môshah Halléwi Môlin, Allemagne, 1365-1427), de nombreuses autorités s'y sont opposées.

Personne ne sait réellement quand la pratique est née, mais du fait qu'elle était déjà très répandue dans le monde ashkénaze lorsque le Mahari''l la mentionna pour la première fois, nous pouvons déduire qu'elle était antérieure à son époque. Les Juifs qui ont inventé ce rituel soutenaient que Dieu ne prenait pas de décisions sans premièrement consulter des anges et des démons, et que ces derniers pouvaient persuader Dieu d'agir contre les intérêts des hommes. Cette notion fut soutenue par des mauvaises lectures et compréhensions de nombreuses sources bibliques et talmudiques. À la suite de cette croyance erronée (qui est même une insulte au Créateur et de la pure hérésie), ces ignorants prirent l'habitude de se rassembler devant un plan d'eau pour soudoyer le Soton et l'empêcher de se présenter devant Dieu avec des accusations contre les Juifs. Cette pratique était plus particulièrement importante le premier jour de Rô`sh Hashonoh, qui est le jour de jugement de l'humanité.

Pourquoi se rassemblaient-ils devant des plans d'eau et non ailleurs ? Parce qu'ils étaient convaincus que les créatures célestes, y compris Dieu, les anges et les démons, pouvaient être trouvés aux environs de plans d'eau. Ils tentaient d'user de pots-de-vin en donnant au Soton des « présents » afin d'empêcher qu'il n'aille les accuser. Jeter du pain aux poissons se trouvant dans le plan d'eau était l'une des méthodes employées pour transmettre le pot-de-vin. Les ignorants qui s'adonnaient à ce rite avaient confiance dans le fait que les poissons prendraient la nourriture offerte et la rapporteraient au Soton.

Le Mahari''l, en rapportant le fait qu'il existait en Allemagne une pratique consistant à se rendre près d'un plan d'eau à Rô`sh Hashonoh, après le repas du matin, pour jeter ses péchés dans la mer, ne s'oppose pas au rituel du Tashlikh en lui-même, mais seulement à la pratique consistant à jeter de la nourriture pour soudoyer le Soton. Il écrit : « Lorsque les gens se rendent vers des rivières le jour de la fête, ils ne doivent pas prendre avec eux de la nourriture pour les jeter aux poissons, afin que les gens se réjouissent simplement de voir les poissons, car cet acte est une profanation de la fête. »

L'argument principal du Mahari''l est qu'il est halakhiquement interdit de nourrir des animaux qui ne nous appartiennent pas (c'est-à-dire, des animaux domestiques ou des animaux de ferme) un jour de Yôm Tôv.1 Une autre raison invoquée est qu'étant donné que les poissons se trouvent dans les mers, lacs et rivières, ils ne sont pas dépendants des êtres humains pour leur nourriture, et par conséquent, porter de la nourriture dans le domaine public en-dehors du ´érouv n'est pas nécessaire et est donc une profanation de Yôm Tôv. Malgré cette réprimande du Mahari''l, la pratique consistant à soudoyer le Soton par de la nourriture à Rô`sh Hashonoh persista, puisque quelques centaines d'années plus tard le même avertissement apparaît dans le commentaire du Mahasith Hashéqal sur le Shoulhon ´oroukh, où il décrit cette pratique comme étant un מִנְהַג גֵּרוּעַ « Minhogh Géroua´ » (une coutume terrible). Néanmoins, beaucoup ont continué et continuent encore à suivre cet aspect du rituel de Tashlikh.

Bien que le Mahari''l ne s'opposait qu'à cette pratique particulière, de nombreux autres rabbins rejetèrent catégoriquement l'intégralité du rite du Tashlikh en raison de ses origines idolâtres et superstitieuses rapportées plus haut. Le grand opposant au Hassidisme, le Go`ôn de Wilno` ז״ל (Rabbi `éliyohou ban Shalômôh Zalman, 1720-1797), ainsi que ses disciples, ne pratiquait pas le Tashlikh.2 Il le décrivait d'ailleurs comme une pratique païenne. Le Ramba''m ז״ל n'en fait aucune mention, tout comme Rabbi Yôséph Qa`rô ז״ל dans son Shoulhon ´oroukh. En fait, les Sapharadhim n'avaient pas, contrairement aux `ashkanazim, ce Minhogh du Tashlikh, et s'y opposaient vigoureusement. Il aura fallu attendre que la pratique soit approuvée par le `ari (Rabbi Yishoq `ashkanazi Louria`, 1534-1572) pour qu'elle soit embrassée également par les Sapharadhim. Le ´oroukh Hashoulhon ז״ל (Rabbi Yahi`él Mikhél Halléwi Epstein, 1829-1908) était également opposé à la cérémonie du Tashlikh.

Comme cela a été dit plus haut, plusieurs rabbins reconnaissaient les origines païennes et superstitieuses du Tashlikh, mais firent le choix de permettre à ce Minhogh de ce poursuivre sous prétexte du principe qui stipule que מִנְהַג אֲבוֹתֵינוּ תוֹרָה הִיא « Minhagh `avôthénou Thôroh Hi` - la coutume de nos ancêtres est la loi » (cela dit en passant, cet argument est fallacieux, puisque des coutumes peuvent être abolies par la Halokhoh. Et de nombreux cas existent. En outre, dès lors qu'une coutume, aussi populaire soit elle, a des origines païennes et idolâtres, ou qu'elle est basée sur une erreur, la Halokhoh stipule explicitement qu'elle doit être abolie). Cependant, ils entreprirent de déguiser ses origines en lui donnant des explications plus rationnelles et en la transformant en une cérémonie symbolique ayant une signification religieuse.

Par exemple, le Ramo''` ז״ל (Rabbi Môshah `issarlès de Cracovie, 1520-1572) écrit ceci dans son Darakhé Môshah :


Traduction :

Le Mahari''l écrit : il y a un Minhogh de se rendre vers une rivière et [y] dire [le verset de] « Tu nous rependras en pitié, etc. »3 La raison se trouve dans le Midhrosh (Yalqout Wayera` 99) : [le Tashlikh] est en souvenir de l'épisode où `avrohom passa par l'eau jusqu'à ce qu'elle monte jusqu'à son cou et qu'il a dit : « Sauve-moi, ô Dieu, car les eaux m'ont atteint, menaçant [mon] âme » (Tahillim 69:2). Fin de citation. Mais [le Séphar Ha]mminhoghim ajoute que nous devrions voir des poissons vivants, et il est possible que ce soit un signe afin que le Mauvais Œil ne nous domine pas et que nous fructifions et nous multiplions comme des poissons.

En d'autres mots, le Ramo''` argue que la cérémonie du Tashlikh est un rappel du sacrifice de Yishoq `ovinou ע״ה, un rite symbolique pour mériter une bonne vie, une protection du Mauvais Œil et une bénédiction pour que les Juifs croissent et se multiplient comme les poissons se trouvant dans l'eau. Et le Mahari''l et lui usent d'un épisode midrashique pour la justifier ! Ce qui est une tactique habituelle. Dans un autre de ses ouvrages, le Séphar Tôrath Ho´ôloh, le Ramo''` écrit ceci :


Traduction de la partie pertinente :

L'ordre naturel exige que l'eau couvre l’entièreté de la Planète, mais ce n'est qu'en raison de la bonté de Dieu qu'Il nous a permis d'avoir des portions de terre ferme sur lesquelles vivre. Par conséquent, nous nous rendons vers les eaux pour observer nous-mêmes cette idée, et par cela nous couronnons Dieu comme Roi de l'univers, et cela nous amène à nous repentir. Nous ne jetons pas nos iniquités dans l'eau ; ils sont symboliquement jetés dans la rivière dès que nous sommes inspirés à nous repentir.

Le Ramo''` ajoute donc deux raisons supplémentaires au rituel du Tashlikh. La première serait que ce rite est une belle opportunité d'admirer les merveilles de la création d'HaShem, qui a fait du sable une frontière de la mer de sorte que les hommes puissent vivre sur terre et que la mer ne couvre donc pas l'intégralité du monde. Cela nous permettrait donc de penser aux bontés d'HaShem, ce qui, par la même occasion, engendrerait des pensées de repentance ! La deuxième raison est que dans les temps bibliques, les rois se faisaient couronner au bord des cours d'eau. De même, puisque le thème central des prières de Rô`sh Hashonoh est le fait qu'HaShem est le Roi de l'univers et que nous acceptons sur nous Sa souveraineté, se rassembler aux bords de plans d'eau équivaut au couronnement d'HaShem, comme on couronnait les rois d'Israël dans les temps passés. En outre, il est vrai qu'à l'origine de ce rituel, les gens disaient littéralement jeter leurs péchés dans l'eau, et souvent leurs péchés étaient symbolisés par les miettes de pain qu'ils jetaient aux poissons afin que ces derniers les emportent loin. Le Ramo''` rejette cette partie du rituel du Tashlikh, et la remplace par une explication selon laquelle les péchés ne doivent pas être jetés littéralement, mais que dès lors qu'on est pris de sentiments de repentance, les péchés sont jetés symboliquement. Nous pouvons donc bien voir comment les rabbins ont manœuvré pour garder la cérémonie du Tashlikh, tout en mettant du vernis sur toutes les pratiques païennes et superstitieuses qui en faisaient partie à ses origines.

Le Lévoush ז״ל (Rov Mordokhay ban `avrohom Yoféh, 1530-1612) cite également ce Midhrosh susmentionné comme étant la raison du rituel du Tashlikh. Il écrit lui aussi que ce serait un rappel d'une des épreuves de `avrohom `ovinou ע״ה qui, lorsqu'il se rendait au Mont Môriyoh pour sacrifier son fils Yishoq, dû traverser une profonde rivière. Bien que l'eau lui monta jusqu'au cou, grâce à sa foi il pu poursuivre sa route et accomplir sa mission. Puis, il ajoute ceci :


Traduction :

Il était normal de se rendre à un endroit où l'on pouvait y voir des poissons afin de se rappeler que nous sommes semblables à ces poissons, qui sont soudainement piégés dans un filet. De même, nous sommes piégés dans les abysses de la mort et du jugement. Et en le faisant, nous méditerons davantage sur la repentance.

D'après l'opinion du Lévoush, les Juifs se rendent donc à un plan d'eau dans lequel se trouvent des poissons afin de se rendre compte que, comme les poissons, ils pourraient eux aussi être pris dans un filet. De ce fait, la rivière et les poissons rappellent aux Juifs d'éviter les obstacles, mais s'ils se faisaient prendre dans un piège ils devraient faire tous les efforts pour s'en sortir, se repentir et accomplir coûte que coûte la volonté de Dieu.

Rabbi Yasha´yoh Horowitz (1555-1630) écrit dans son célèbre « Shané Louhôth Habbarith » que les Juifs se rendent au bord de l'eau pour voir les poissons. Cela les force à se dire que tout comme les poissons n'ont pas de paupières et que leurs yeux sont constamment ouverts, les Juifs doivent toujours garder les yeux fixés sur HaShem.

C'est ainsi que l'on donne de « belles explications » pour cacher les origines païennes de cette cérémonie ! Et cela a bien fonctionné, puisque pratiquement plus personne ne remet en cause ce rituel. Remarquez d'ailleurs que toute référence au Soton et aux péchés jetés dans l'eau ont été retirées de ces explications apologétiques pour progressivement éloigner les gens de la vraie nature de ce rituel. Et c'est aussi la raison pour laquelle le moment auquel se rite était à l'origine effectué a été changé avec le temps.

En effet, comme le rapporte le Mahari''l, le Tashlikh était, à l'origine, réalisé immédiatement après le repas de midi à Rô`sh Hashonoh. Pourquoi ? Parce que les gens se disaient que le Soton se sentirait insulté si de la nourriture lui était apportée plus tard, après l'heure où les humains mangent habituellement. Mais comme avec le temps le rituel du Tashlikh commençait à être rationalisé et qu'il fallait retirer toute référence au Soton, le moment du rituel fut déplacé à après la prière de Minhoh de Rô`sh Hashonoh. Et pour que ce changement passe inaperçu et ait l'impression d'être basée sur une raison rationnelle, on invoqua le passage talmudique de Barokhôth 6b, qui explique que l'on doit être minutieux concernant la prière de Minhoh car ce n'est qu'à cette heure-là qu'HaShem accepta de répondre à `éliyohou Hannovi` ע״ה lorsqu'il confrontait les faux prophètes de Ba´al. Les rabbins défenseurs du Tashlikh enseignèrent donc que ce serait le moment idéal pour tenir la cérémonie du Tashlikh !

Mais tout cela n'est que de la poudre aux yeux des gens ignorants qui ne prendront pas la peine de s'informer sur les origines et raisons réelles de certains des rites les plus populaires.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur les origines et pratiques entourant le rite du Tashlikh. Mais pour les personnes intelligentes qui aspirent à se rapprocher d'HaShem et accomplir Sa Tôroh dans la sincérité et la pureté, sans idolâtrie, superstition et paganisme, cela devrait suffire !

Signalons qu'il existe encore, par la grâce de Dieu, une poche de résistance face à cette hérésie, puisque les Talmidhé HaRamba''m, les Dôr Da´im, les Juifs de rite hispano-portugais, les Litta`im (fidèles du Go`ôn de Wilno`), et certains autres Juifs orthodoxes sans réelles affiliations, ne pratiquent pas ce rituel du Tashlikh.

1Voir Rash''i sur soh 23b
2Voir dans le Ma´asah Rov, rédigé par son plus fidèle disciple, Rabbi Hayim de Volozhin

3Mikhoh 7:19
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