dimanche 4 septembre 2016

Brève histoire des Salihôth

ב״ה

Brève histoire des Salihôth


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Nous sommes entrés dans le mois de `aloul, ce qui signifie que nous ne sommes plus qu'à un mois des fêtes du mois de Tishri (Rô`sh Hashonoh, Yôm Hakkippourim et Soukkôth). Conformément à la prescription qui veut qu'il faut commencer au moins un mois auparavant l'étude des lois relatives aux fêtes, nous allons commencer de temps à autre à passer en revue quelques Halokhôth et Minhoghim relatives aux fêtes de Tishri. Nous allons commencer par les Salihôth, prières de supplication.

Le Shoulhon ´oroukh parle des lois relatives à Rô`sh Hashonoh du Chapitre 581 au Chapitre 603 de la partie `ôrah Hayim. Dans le Chapitre 581, qui est intitulé ימי תחנונים וערב ראש השנה « Les jours de supplications et la veille de Rô`sh Hashonoh », au Sé´iph 1, Rabbi Yôséph Qa`rô ז״ל écrit ceci : נוהגים לקום באשמורת לומר סליחות ותחנונים, מראש חודש אלול ואילך עד יום הכיפורים « Il est de coutume de se lever à `ashmôrath1 pour dire des Salihôth2 et des Tahanounim3 à partir de Rô`sh Hôdhash `aloul et de continuer jusqu'à Yôm Hakkippourim. »

Ainsi, le Minhogh qui prévaut aujourd'hui chez les Sapharadhim consiste à réciter des Salihôth chaque jour, pendant quarante jours, de Rô`sh Hôdhash `aloul4 jusqu'à la veille de Yôm Hakkippourim. Sur quoi se base ce Minhogh des Sapharadhim ?

La Tradition enseigne que Môshah Rabbénou ע״ה monta sur le Mont Sinaï à Rô`sh Hôdhash `aloul pour recevoir les deuxièmes Louhôth Habbarith (Tables de l'Alliance) sur lesquelles étaient gravées les ´asarath Haddibbarôth (les Dix Paroles/Commandements). Môshah Rabbénou passa ensuite les quarante jours qui suivirent sur la montagne, priant et suppliant HaShem ית׳ de pardonner le peuple d'Israël pour le péché du Veau d'Or, n'y redescendant que le dixième jour du septième mois, c'est-à-dire le 10 Tishri, date de Yôm Hakkippourim, lorsque HaShem accepta finalement de leur pardonner pour cette faute. C'est en souvenir de ces événements que les Sapharadhim récitent les Salihôth durant ces quarante jours, faisant ainsi des Salihôth une préparation à Yôm Hakkippourim.

Mais dans ses gloses sur le Shoulhon ´oroukh, le Ramo''` ז״ל commente ainsi le paragraphe susmentionné : ומנהג בני אשכנז אינו כן, אלא מראש חודש ואילך מתחילין לתקוע אחר התפילה שחרית. ויש מקומות שתוקעין גם כן ערבית. ועומדים באשמורת לומר סליחות ביום ראשון שלפני ראש השנה. ואם חל ראש השנה שני (או) שלישי, אז מתחילין מיום ראשון שבוע שלפניו « Mais le Minhogh des résidents de `ashkanaz n'est pas ainsi. Plutôt, à partir de Rô`sh Hôdhash [`aloul] et [les jours qui] suivent, on commence à sonner [du Shôphor] après la prière de Shahrith. Il y a certains endroits qui sonnent également ainsi à `arbith. Et on se lève à `ashmôrath pour dire les Salihôth le Dimanche qui précède Rô`sh Hashonoh. Et si Rô`sh Hashonoh tombe un Lundi [ou] un Mardi, on commence alors à partir du Dimanche de la semaine précédente. »

En d'autres mots, la pratique qui prévaut aujourd'hui chez les `ashkanazim n'est pas de commencer la récitation des Salihôth à partir de Rô`sh Hôdhash `aloul, mais plutôt à partir du Dimanche qui précède Rô`sh Hashonoh si la fête tombe un autre jour que Lundi ou Mardi. Et si Rô`sh Hashonoh tombe l'un de ces deux jours-là, les `ashkanazim commenceront alors la récitation des Salihôth à partir du Dimanche de la semaine précédente. Par contre, bien qu'ils ne commencent pas la récitation des Salihôth à partir de Rô`sh Hôdhash `aloul, les `ashkanazim ont le Minhogh de sonner du Shôphor chaque jour du mois de `aloul jusqu'à la veille, donc, de Rô`sh Hashonoh, afin de préparer le peuple à la Tashouvoh, qui est le thème des fêtes de Tishri.

En réalité, la pratique des `ashkanazim est, dans un certain sens, une extension du Minhogh rapporté par le Ramba''m ז״ל, qui écrit ceci dans son Mishnéh Tôroh5 : וְנָהֲגוּ כֻּלָּם לָקוּם בַּלַּיְלָה בַּעֲשֶׂרֶת יָמִים אֵלּוּ, וּלְהִתְפַּלַּל בְּבָתֵּי כְּנָסִיּוֹת בְּדִבְרֵי תַּחֲנוּנִים וְדִבְרֵי כִּבּוּשִׁין עַד שֶׁיֵּאוֹר הַיּוֹם « Et tous ont la coutume de se lever durant la nuit pendant ces dix jours6 et prier dans les synagogues avec des paroles de supplications et des paroles poignantes, jusqu'aux [premières] lueurs du jour7. » C'était la pratique d'origine, née du temps des Ga`ônim, de faire les Salihôth durant les dix jours entre Rô`sh Hashonoh et Yôm Hakkippourim, du dernier tiers de la nuit jusqu'à l'aube. Les `ashkanazim ont donc une pratique plus proche de l'original, à ceci près qu'ils ajoutent au moins quatre jours avant Rô`sh Hashonoh. Si la fête tombe n'importe quel jour de la semaine, autre qu'un Lundi ou un Mardi, les Salihôth commencent chez eux dès le Dimanche qui précède la fête, afin d'avoir un minimum de quatre jours de Salihôth durant le mois de `aloul avant les Salihôth de la période des dix jours. C'est pourquoi, si Rô`sh Hashonoh tombe un Lundi ou un Mardi, les `ashkanazim ne commencent pas les Salihôth le Dimanche qui précède la fête, car cela ne ferait qu'un ou deux jours de Salihôth durant le mois de `aloul avant la période des dix jours. Par conséquent, ils les commencent à partir du Dimanche de la semaine précédente. La question qui se pose tout naturellement est celle-ci : Pourquoi les `ashkanazim estiment-ils si important d'avoir au moins quatre jours de Salihôth durant le mois de `aloul avant les Salihôth du mois de Tishri ?

La réponse est assez simple et nous permettra de mettre en lumière un fait trop souvent ignoré des masses : Les Salihôth sont des prières qui, à l'origine, ne furent composées que pour être récitées lors des jours ou périodes de jeûne. C'est pour cela que nous récitons des Salihôth notamment le 10 Tévéth et le 17 Tammouz puisque ce sont des jours de jeûne. De même, lors des périodes de sécheresse, nos Sages de mémoire bénie ont institué de jeûner un Lundi, un Jeudi, puis à nouveau le Lundi suivant, et des Salihôth sont par conséquent réciter ces jours-là, puisqu'on jeûne. Bien que le 9 `ov soit un jour de jeûne, on n'y récite pas de Salihôth, mais plutôt des Qinôth, qui ont la même fonction que les Salihôth. La récitation de Salihôth fut toujours liée au fait de jeûner. C'est pourquoi, la coutume d'origine consiste en réalité à jeûner durant les dix jours qui vont de Rô`sh Hashonoh à Yôm Hakkippourim, puisqu'on y récite des Salihôth et que les Salihôth sont indissociables du fait de jeûner.8 Or, entre Rô`sh Hashonoh et Yôm Hakkippourim, il y a en fait des jours où il est défendu de jeûner, à savoir les deux jours de Rô`sh Hashonoh, Shabboth Shouvoh9 et le jour qui précède Yôm Hakkippourim10, ce qui nous fait un minimum de quatre jours où nous ne pouvons pas jeûner. Voilà pourquoi ces quatre jours sont anticipés durant le mois de `aloul. C'est la raison pour laquelle les `ashkanazim d'antan faisaient commencer les Salihôth à partir du Dimanche qui précède Rô`sh Hashonoh si la fête tombe n'importe quel jour, sauf un Lundi ou Mardi, auquel cas on commencera alors à partir du Dimanche de la semaine précédente.

Il convient de préciser que les quatre jours du mois de `aloul où les `ashkanazim d'antan récitaient les Salihôth et jeûnaient ne devaient pas nécessairement être consécutifs. Voilà pourquoi nous lisons ceci dans le Qisour Shoulhon ´oroukh11 : הרבה נוהגין להתענות בעשרת ימי תשובה. ולפי שחסרים ארבעה ימים שאינם מתענים בהם, דהיינו שני ימים ראש השנים, שבת וערב יום הכיפורים, על כן מתענין תמורתן ארבעה ימים בימי הסליחות שקודם ראש השנה, דהיינו יום א' דסליחות וערב ראש השנה, ועוד שני ימים בינתים. ובוחרים ביום ב' וה'. ואם אירע להם סעודת מצווה, יכולין לאכול, ויתענה יום אחר תמורתו; או אם יודע שתהיה לו סעודת מצווה, יתענה מקודם יום אחד תמורתו « Beaucoup ont la coutume de jeûner durant les dix jours de repentance. Étant donné qu'il y a quatre jours durant lesquels on ne jeûne pas, c'est-à-dire les deux jours de Rô`sh Hashonoh, Shabboth et la veille de Yôm Hakkippourim, on jeûne par conséquent quatre jours durant les jours des Salihôth qui précèdent Rô`sh Hashonoh12, c'est-à-dire le premier jour des Salihôth, la veille de Rô`sh Hashonoh et encore deux [autres] jours entre eux, de préférence un Lundi et un Jeudi13. Si on est invité14 à un repas associé à une Miswoh15, on pourra manger et jeûner un autre jour pour compenser. Ou si on sait qu'il se trouvera à un repas associé à une Miswoh, on doit jeûner un jour avant pour compenser. »

Signalons que ces jeûnes commencent à l'aube et se terminent au coucher du soleil (et non à la tombée de la nuit). C'est pour cela que les Salihôth se récitent de nuit, avant l'aube, de façon à permettre, après les Salihôth, de pouvoir manger, car à l'aube le jeûne commence.

Signalons également que dans des documents d'explorateurs ayant visité d'anciennes communautés séfarades, il est attesté que bon nombre de ces Juifs jeûnaient durant la période des quarante jours entre Rô`sh Hôdhash `aloul et Yôm Hakkippourim (évidemment, ils ne jeûnaient pas à Rô`sh Hôdhash `aloul, les Shabbothôth, les deux jours de Rô`sh Hashonoh et la veille de Yôm Hakkippourim), ce qui est logique puisque nous avons expliqué que la récitation des Salihôth est étroitement liée au fait de jeûner. Ainsi, bien que la coutume d'origine suit ce que rapporte le Ramba''m et est proche de la pratique des `ashkanazim, à savoir que les Salihôth (et donc les jeûnes) ont lieu durant les dix jours qui vont de Rô`sh Hashonoh à Yôm Hakkippourim, ceux qui suivent la pratique des Sapharadhim devraient alors être logiques avec eux-mêmes et jeûner durant toute la période de quarante jours (auxquels on soustrait les jours où jeûner est défendu) entre Rô`sh Hôdhash `aloul et Yôm Hakkippourim. En fait, la Tradition dit que Môshah Rabbénou a bien jeûné durant cette période de quarante jours et quarante nuits qu'il a passée sur le Mont Sinaï, priant et suppliant HaShem de pardonner le peuple d'Israël pour le péché du Veau d'Or.

En résumé :

  • Bien que les Sapharadhim aient le Minhogh de réciter les Salihôth durant quarante jours, de Rô`sh Hôdhash `aloul à Yôm Hakkippourim, la pratique qu'avait accepté tout le peuple d'Israël déjà du temps des Ga`ônim consiste à réciter les Salihôth durant les dix jours de Rô`sh Hashonoh à Yôm Hakkippourim.
  • Étant donné que les Salihôth ne furent composées que pour être faites les jours de jeûne, la coutume authentique consisterait à jeûner durant la période des Salihôth. Ainsi, les Sapharadhim devraient jeûner durant les quarante jours entre Rô`sh Hôdhash `aloul et Yôm Hakkippourim (tout en soustrayant de ces quarante jours tous les jours où jeûner est défendu), tandis que pour nous qui suivons le Ramba''m, ainsi que pour les `ashkanazim, les jeûnes devraient avoir lieu durant les dix jours entre Rô`sh Hashonoh et Yôm Hakkippourim.
  • Puisque durant les dix jours entre Rô`sh Hashonoh et Yôm Hakkippourim il y aura au minimum quatre jours où jeûner est défendu, les `ashkanazim développèrent le Minhogh d'anticiper ces quatre jours dans le mois de `aloul. C'est pourquoi, leurs Salihôth commençaient le Dimanche qui précédait Rô`sh Hashonoh, si la fête tombait au minimum quatre jours après, de façon à pouvoir jeûner et faire les Salihôth durant ces quatre jours-là. Mais si Rô`sh Hashonoh tombait un Lundi ou un Mardi, ils commençaient la récitation des Salihôth à partir du Dimanche de la semaine précédente. Et pendant ces jours-là, ils s'en choisissaient quatre (qui ne devaient pas forcément être consécutifs) durant lesquels ils jeûnaient et faisaient les Salihôth.
  • Les Salihôth se font de nuit, plus précisément dans le dernier tiers de la nuit.
  • Les jeûnes, par contre, commencent dès l'aube et se terminent au coucher du soleil.
  • Il convient de signaler que ces jeûnes et Salihôth ne sont pas obligatoires, mais ne sont qu'un Minhogh. Mais il ne convient pas de faire les Salihôth sans jeûner les jours où on le fait, car les prières des Salihôth ne furent instituées que pour des jours où l'on jeûne réellement. Réciter les Salihôth sans jeûner n'a pas de sens. Mieux vaut donc s'abstenir de Salihôth plutôt que de les faire sans jeûner.

C'est un excellent exemple qui met à nu l'argument de ceux qui prétendent qu'il faudrait suivre le Shoulhon ´oroukh ou le Qisour Shoulhon ´oroukh, et se tenir aux Minhoghim dont ont a hérités. En effet, nous voyons que le Qisour Shoulhon ´oroukh (qui s'adresse aux `ashkanazim) parle du Minhogh de jeûner durant les jours où les Salihôth sont récitées. Et telle était le Minhogh d'origine depuis l'époque des Ga`ônim. Or, qui aujourd'hui le fait ? Quand cela arrange certains, ils arrivent à trouver toutes les justifications pour légitimer l'abolition d'un Minhogh. Mais lorsque cela les arrange moins, tout d'un coup ils prétendent qu'il serait interdit d'abandonner les Minhoghim dont on a héritées ! (Comme par exemple les `ashkanazim qui continuent à stupidement interdire la consommation des Qitniyôth à Pasah.) C'est là que nous voyons clairement qu'il n'existe aucune cohérence dans leurs propos, car la liste des Minhoghim ayant évolué ou ayant été carrément abolis au fur et à mesure du temps est très longue, et la façon de procéder aux Salihôth n'en est qu'un exemple.

Comme nous l’avons dit à maintes reprises, il n'existe en réalité aucun Minhogh qui serait contraignant pour l'éternité, excepté ceux qui proviennent tout droit de HaZa''l et furent ratifiés par un Sanhédhrin !

La pratique des Salihôth entre Rô`sh Hôdhash `aloul et Yôm Hakkippourim, ou durant les dix jours entre Rô`sh Hashonoh et Yôm Hakkippourim, ne provenant pas de HaZa''l, personne n'a l'obligation de réciter les Salihôth durant ces périodes-là. Mais ceux qui le font doivent alors faire preuve de cohérence et également jeûner les jours où ils récitent les Salihôth, car ces prières ayant été composées uniquement pour n'être récitées que des jours de jeûne, les réciter sans jeûner est une aberration ! C'est pour cela que dans les temps passés on jeûnait les jours des Salihôth ! Et telle était la pratique, aussi bien chez les `ashkanazim que chez les Sapharadhim.

1Le dernier tiers de la nuit
2Prières de demandes de pardon
3Prières de supplications
4Plus précisément, à partir du lendemain de Rô`sh Hôdhash `aloul
5Hilkôth Tashouvoh 3:9
6Les dix jours entre Rô`sh Hashonoh et Yôm Hakkippourim
7C'est-à-dire, l'aube
8Voir les gloses du Ramo''` sur `ôrah Hayim 581:2
9Le Shabboth qui tombe toujours entre Rô`sh Hashonoh et Yôm Hakkippourim
10Le jeûne de Yôm Hakkippourim dure 25h. Il est par conséquent défendu de jeûner le jour qui précède le jeûne, de façon à pouvoir bien se nourrir pour avoir les forces suffisantes de jeûner à Yôm Hakkippourim
11128:12
12Afin de compenser pour les quatre jours de la période des dix jours où l'on ne pourra pas jeûner
13Ils peuvent donc choisir, et il n'est pas obligatoire qu'ils soient consécutifs
14L'un des quatre jours du mois de `aloul que l'on avait choisis pour jeûner

15Par exemple, à une circoncision, un mariage, etc.
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