בס״ד
Rabbénou
`Avrohom bèn HaRambam concernant les Minhagim et le droit à la
diversité des opinions
Rabbénou
`Avrohom bèn HaRambam זצ״ל
(le
fils aîné et successeur du Rambam זצ״ל),
dans son Séfèr Hammaspiq, discute en longueur des décorations
présentes dans une pièce au moment de la prière (quelles
décorations sont permises et lesquelles ne le sont pas), du fait de
savoir s'il faut s'asseoir ou se tenir debout pendant la prière
(« s'asseoir », dans le langage des Ri`shônim, signifie
s'asseoir par terre ou sur un tapis), dans quelle direction faut-il
s'asseoir, précise que les gens devraient s'asseoir en rangées,
etc. Bref, il parle de toute une série de lois et de règles, et
c'est vraiment un livre très passionnant à lire, d'autant plus que
Rabbénou `Avrohom était connu pour son franc-parler quant il
s'agissait de dénoncer ceux qui inventaient des traditions et des
Minhagim n'ayant jamais existé et abolissaient les vraies traditions
et les Minhagim ancestraux du peuple d'Israël.
Une
autre chose pour laquelle Rabbénou `Avrohom bèn HaRambam est
connue, est le fait qu'il tenta de toutes ses forces de réintroduire
ou préserver les prosternations jusqu'au sol durant certaines
parties de la prière, plus particulièrement durant la récitation
du Qaddish1,
du Hallél, après chaque « HallalouYoh » dans les
Pasiqéi DaZimroh, pendant les bénédictions de la Qiryath Shama´,
etc...Il déclare que l'une des raisons pour lesquelles le Talmoud
n'en a pas fait une obligation, bien que plusieurs le faisaient dans
les temps talmudiques, est que les gens auraient eu difficile de se
prosterner si souvent durant la prière, et par conséquent, la
Halokhoh du Talmoud a limité l'obligation de se prosterner
jusqu'au sol que pour le Borakhou, la ´Amidoh et le
´Aléinou2.
Mais rien n'interdit de se prosterner à d'autres moments de la
prière ; c'est juste que le Talmoud ne l'a pas rendu
obligatoire pour ne pas imposer de fardeau à la communauté. C'est
pourquoi, à l'exception de Borakhou, de la ´Amidoh et du
'´Aléinou, ni le Rambam, ni Rabbénou `Avrohom, n'ont inscrit dans
leurs ouvrages halakhiques l'obligation de se prosterner à d'autres
moments que ces trois prières et bénédictions. Néanmoins,
Rabbénou `Avrohom bèn HaRambam déclare clairement que selon lui,
une adoration authentique d'HaShem יתברך
doit
inclure ces multiples prosternations. Et il prend pour exemple ce qui
est écrit dans le traité Barokhôth du Talmoud au sujet de
Rabbi ´Aqivo` זצ״ל
qui,
quand il priait, commençait à un endroit et finissait à un autre
« à cause de ses nombreuses prosternations dans la
prière ».
Il
écrit beaucoup à ce sujet dans son Séfèr Hammaspiq avec un ton
provocateur et polémique. Il est clair de la façon avec laquelle il
s'exprime sur le sujet qu'il rencontra une vive opposition quand il
chercha à propager cette idée. Mais il y a de très nombreux
arguments très intéressants qu'il utilise pour défendre son
opinion. Ensuite, il mentionne une à une les objections qui lui ont
été présentées par ceux qui s'opposaient à faire des
prosternations multiples une forme régulière de ´Avôdath
HaShem et les récuse une à une. L'un des arguments qu'on lui
opposa, et qui est souvent repris de nos jours, est que faire des
prosternations multiples dans la prière est une coutume des
non-Juifs. Certains accusèrent même Rabbénou `Avrohom d'être
influencé par la théologie Musulmane soufie. Apparemment, Rabbénou
`Avrohom fut confronté à plusieurs reprises à cet argument. Il y
répond en longueur en expliquant notamment que ce n'est pas parce
que d'autres religions, et encore plus quand ces religions découlent
du Judaïsme, ont copié des rites Juifs que le rituel n'est plus
légitime et doit être abandonné.
Une
autre objection à laquelle s'attaque Rabbénou `Avrohom est celle
selon laquelle il n'est pas dans les coutumes ou habitudes du peuple
Juif de se prosterner durant la prière. Voici quelques extraits de
sa réponse :
Quelqu'un
pourrait s'opposer à ce que nous venons de clarifier et prouver
qu'il ne faut pas se prosterner dans la prière en ayant recourt à
l'argument selon lequel ces choses ne sont pas en accord avec le
Minhag en vigueur et qu'il est difficile de changer un Minhag étant
donné que la Mishnoh elle-même oblige chaque personne à garder le
Minhag qui lui a été transmis...Cet argument n'a aucun sens,
d'autant plus que les Minhagim que je propose et auxquels ils
s'opposent sont très anciens et furent accomplis en présence de
sages respectables, de Talmidéi Hakhomim et de
décisionnaires de la Halokhoh, et qu'ils ne virent rien de mal à
cela, tout comme ils ne proposèrent pas de les imposer au peuple. Ma
proposition [de fréquemment se prosterner dans la prière] semble à
leurs yeux comme une innovation et un éloignement par rapport aux
[générations] précédentes.
Vous
pouvez dire tout ce que vous voulez à ce sujet, mais cela nous
ramènera à ce que j'ai dit plus tôt : que
les Minhagim répandus, qu'ils soient populaires ou impopulaires,
anciens ou récents, accomplis en présence de [Sages] respectables
ou pas, si nous pouvons prouver qu'ils sont mauvais, nous n'avons
alors pas le droit de les suivre. Car il n'est pas impossible
pour des `Aharônim3
de clarifier des choses que les Ri`shônim4
étaient dans l'incapacité de clarifier ; il est assez courant
que les `Aharônim construisent sur ce que les Ri`shônim ont
déjà clarifié, leur donnant ainsi les outils nécessaires pour
progresser davantage et arriver à des conclusions différentes de
celles des Ri`shônim... Ce n'est pas parce que les `Aharônim
sont en toutes circonstances meilleurs que les Ri`shônim, mais parce
que les `Aharônim ont tout simplement l’opportunité
d'analyser les enseignements des générations précédentes, de
construire à partir de ces enseignements et d'apprendre d'eux. En
utilisant les règles de déduction, ils [les `Aharônim]
peuvent arriver à des conclusions qui nous obligent à les suivre,
pourvu que ce qu'ils disent à du sens et est
basé sur des règles de logiques acceptées... Par
conséquent, il n'y a absolument aucune raison pour que quelqu'un de
rationnel, dont l'intelligence est entière, s'oppose aux choses qui
furent clarifiées par un sage tardif qui utilise des preuves
correctes, en disant qu'il rejette ce que le sage tardif a dit car
les autorités des générations précédentes ne sont pas arrivées
à la même conclusion. Il est bien connu que les Ga`ônim
attaquaient vigoureusement les sages les ayant précédés en
expliquant des choses que ces derniers n'avaient pas découvertes.
Voyez
les remarques très critiques que Rabbénou Yishoq5
a faites à l'encontre du Rov Haï Go`ôn6,
en dépit du fait que ce dernier était doté d'une énorme
intelligence et connaissance, tout comme ses critiques sur Rabbénou
Nissim7...
Et même Rabbénou Yôséf HaLéwi8,
qui était pourtant un disciple du Rif, n'était pas d'accord avec
lui sur de nombreux points. Mon propre père (le Rambam), bien qu'il
se considérait comme étant leur disciple à tous les deux, et que
dans son Mishnéh Tôroh il fait référence à eux deux comme étant
« mes maîtres », parce que son père (Rabbénou Maïmôn)
fut un disciple de Rabbénou Yôséf, et bien malgré tout cela, il
n'était pas d'accord avec eux quand il découvrait des preuves
véritables contre eux. Il s’opposait même à son père
(Rabbénou Maïmôn) et a dit une fois : « Mon père fait
partie de ceux qui l'ont interdit, mais moi je fais partie de ceux
qui le permettent ! »9
Il
n'y a rien de mal à ce que des sages et des hommes de science
religieuse fassent cela. C'est uniquement les ignorants et les gens
semblables qui doivent s'appuyer sur leurs dirigeants. Mais
cela n'oblige PAS LES SAGES à suivre leurs traces !
C'est
une lettre très passionnante. Rabbénou `Avrohom bèn HaRambam
explique clairement qu'aucun Minhag n'est infaillible ou
irremplaçable. Si un érudit, qu'il soit rabbin ou pas, mais sait
étudier la Tôroh en profondeur de la façon traditionnelle,
découvre qu'un Minhag est
mauvais car interdit par nos Sages du Talmoud et d'autres
sources de notre tradition, et qu'il sait le prouver en utilisant les
règles que le système halakhique a développées, il peut suivre
ses conclusions et changer ce Minhag, peu importe que le reste de la
communauté suit un autre Minhag !
Un
Minhag n'est pas nécessairement l'accomplissement d'un acte mais
peut aussi être le fait de s'abstenir d'accomplir un certain acte,
quand bien même la majorité de la communauté accomplirait cet
acte. Si un érudit, qu'il soit rabbin ou pas, découvre dans les
textes de la tradition qu'il faut accomplir un certain acte et
ressent le besoin de l'accomplir alors que la majorité des Juifs ne
le font pas, comme par exemple se prosterner dans la prière, il
doit, avant de le faire, s'atteler à faire l'effort de démontrer
que ce qu'il croit, même si c'est différent de ce que le reste de
la communauté croit, est correct et approuvé par la Halokhoh. Il
n'a rien à imposer aux autres, et les autres doivent respecter sa
pratique si elle a une base légitime évidemment.
Il
y a toutefois une condition, car sinon ce serait trop facile de
contester tout ce que les rabbins disent et enseignent : celui
qui souhaite changer ou abolir un Minhag, doit être un savant,
quelqu'un qui passe beaucoup de temps à étudier et à creuser dans
la Tôroh et la Halokhoh (et non pas parce qu'il a lu sur Internet),
et il doit utiliser les outils fournis par la Halokhoh, sans inventer
de Minhagim qui n'ont pas de base, juste pour le plaisir de s'opposer
aux rabbins. Une personne qui ne suit pas la Halokhoh telle qu'elle a
été tranchée par les Sages, juste parce qu'il n'en a pas envie et
est incapable de prouver que sa position est exacte, est un rebelle,
et la Tôroh interdit la rébellion. De plus, une fois qu'un Rov est
consulté sur une question halakhique, il n'est pas permis par la
Tôroh de ne pas écouter sa décision, à moins que l'on sache
prouver qu'il s'est trompé. Si la personne remplie les conditions
susmentionnées, alors quant il s'agit d'intégrité, les Minhagim
adoptés par la communauté n'ont pas de valeur contraignante et
peuvent être changés, réadaptés ou abolis (l'abolition n'est
possible que s'il peut démontrer que ces Minhagim contreviennent à
la tradition, à la Halokhoh, etc.) .
Ainsi,
jusqu'à preuve du contraire, nous avons une obligation d'écouter
TOUT ce que nous disent les rabbins et les sages. MAIS,
si, parce qu'on s'est cosnacré à l'étude profonde de la Tôroh et
de la Halokhoh, on sait prouver qu'il n'est pas convenable de suivre
tel ou tel Minhag (ne pas confondre « Minhag » avec
« Halokhoh »), sans inventer ses propres règles, mais en
se basant sur les règles halakhiques énoncées par nos Sages, alors
quand bien même la majorité de la communauté ferait autrement,
nous avons le droit de suivre un chemin différent.
C'est
la beauté de la foi israélite, une foi dans laquelle TOUT LE
MONDE partage des bases communes, mais qui laisse aussi le champ
libre à l'expression personnelle !
1La
raison pour laquelle de nos jours le Shaliah Sibbour
incline sa tête dans certaines phrases du Qaddish est que dans les
temps passés les Rabbins devaient se prosterner jusqu'au sol à ces
endroits-là.
2Contrairement
à nos jours, le ´Aléinou n'était récité qu'à Rô`sh HaShonoh
3Décisionnaires
des générations futures
4Décisionnaires
des générations précédentes
5Le
Rif, 1013-1103
6939-1038
7990-1062
81077-1141
9Mishnéh
Tôroh, Hilkhôth Shakhitoh 11:10