samedi 31 janvier 2015

Sur la nature et le futur de la Halokhoh par rapport à l'autonomie religieuse : Cinquième et dernière partie

בס״ד

Sur la nature et le futur de la Halokhoh par rapport à l'autonomie religieuse

Cinquième et dernière partie

Le rabbin Nothon Lopes Cardozo שליט״א

Pour (re)lire :

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  • Problèmes halakhiques

À première vue, il semble que de nombreux principes halakhiques pourraient interdire la possibilité de réintroduire le concept de « `Éllou Wa`éllou ». Le Talmoud comprend des opinions minoritaire en matière de Dinéi DaRabbonon - les rabbiniques. C'est la catégorie qui nécessite urgemment que l'on traite des questions de spiritualité et de Halokhoh établie. En général, les opinions minoritaires ne sont pas destinées à être suivies. La raison est évidente: permettre aux gens de reprendre ces avis auraient un impact destructeur sur la communauté juive et son besoin de comportement normatif uniforme, c'est-à-dire, « afin de ne pas fragmenter la Tôroh dans de nombreuses Tôrohs » (Sanhédrin 88b).

Mais qu'en serait-il si suivre des opinions minoritaires ne ferait qu'accroître l'amour et le respect des lois de la Tôroh (Da`ôrayto`)) chez de nombreux coreligionnaires Juifs? Beaucoup de lois rabbiniques sont des haies de protection érigées dans le but distinct et précis d'empêcher des personnes de violer la loi de la Tôroh, mais que faire si elles produisent le résultat inverse, à savoir, le rejet absolu de loi de la Tôroh? Aujourd'hui, nombre de ces lois rabbiniques garder les gens à l'extérieur au lieu de les inviter à entrer. Elles ne sont pas propices à la spiritualité désirée par tous les gens qui essaient de respecter les lois de la Tôroh. Et si certaines des opinions minoritaires étaient plus propice à l'observance des lois de la Tôroh? C'est particulièrement vrai concernant les lois rabbiniques qui affectent l'individu. Ces sujets exigent un grand investissement spirituelle à un niveau individuel. Ne serait-il pas plus sage dans ces cas d'encourager la mise en application des opinions minoritaires telles que rapportées dans le Talmoud au lieu de les interdire et de normaliser les opinions de la majorité?1

  • Béith Shamma`y et Béith Hillél

Nous nous demandons si une telle approche serait valable au niveau des controverses rituelles entre Béith Shamma`y et Béith Hillél. La Halokhoh suit sans équivoque Béith Hillél, et dans des circonstances normales, il est interdit de se conformer aux avis de Béith Shamma`y (´Éiouvin 13b). Cependant, la raison de cette règle n'est pas du tout claire (Voir Yavomôth 14a). En fait, il semble qu'il y avait des cas dans le passé où suivre des décisions de Béith Shamma`y fut même encouragé (Barokhôth 53b). Quelle que soit la raison, serait-il permis de suivre les avis de Béith Shamma`y lorsque certaines personnes se sentent plus liées à ce point de vue? Après tout, beaucoup de ces divergences d'opinion [entre Béith Shamma`y et Béith Hillél] ne portent pas seulement sur des aspects juridiques ou des disputes académiques; elles sont, avant tout, des différences d'approche sur la vie religieuse. (Voir par exemple la question de savoir si l'on doit allumer les huit bougies le premier jour de Hanoukkoh (Béith Shamma`y) ou seulement le dernier jour (Béith Hillél ).) Ne serait-il pas plus conforme à l'esprit de Béith Shamma`y et Béith Hillél de permettre aux gens de décider par eux-mêmes [comment allumer les bougies de Hanoukkoh], maintenant que l'engagement religieux dans une société laïque est d'une nature entièrement différente de ce qu'il était dans les premiers temps?

  • Ignorer les opinions minoritaires

En outre, le Talmoud nous permettrait-il non seulement d'ignorer des opinions majoritaires, mais également des opinions rabbiniques minoritaires si le résultat amènerait les gens à respecter les lois de la Tôroh? Il est une évidence que de nombreuses lois rabbiniques facilitent l'observance des lois de la Tôroh, mais qu'en est-il si les gens se sentent confinés par ces lois au point de ne plus comprendre l'esprit, disons, de cette prière ou du Shabboth ? Dans de nombreux cas, il n'est même pas clair si une loi est Da`ôrayto` ou DaRabbonon, et dans ces cas on ne peut pas prendre de risques. Mais là où nous savons pertinemment bien qu'ils sont DaRabbonon, cela serait-il autorisé? Après tout, les êtres humains sont des plus complexes. La liberté dans un domaine conduit souvent à un plus grand engagement dans un autre.

En effet, dans les temps pré-mishnaïques et talmudiques, bon nombre de ces lois rabbiniques n'existaient pas encore, et les gens prenaient leurs propres décisions sur la façon de s'assurer qu'ils ne violeraient pas la loi de la Tôroh ou sur la façon de donner un sens à leur relation avec D.ieu par leurs propres prières ou d'autres rituels.2 Il n'y avait pas de livres de prière et il semble qu'il était strictement interdit de mettre par écrit des prières3 (Shabboth 115b). Est-il impossible d'adopter nous aussi une approche semblable aujourd'hui?

  • Bénédictions, prières et offices synagogaux personnalisés

Les gens pourraient-ils adopter d'autres versions de bénédictions, telles que celles décrites dans le Talmoud mais pas codifiées dans la Halokhoh pratique? Le Talmoud objecterait-il vraiment contre quelqu'un qui formule ses propres Barokhôth si elles ont une plus grande importance pour lui? Quand les gens se plaignent de ne pouvoir se connecter à certaines des Barokhôth et prières officielles; que ces Barokhôth et prières sont d'une telle beauté qu'ils sont incapables d'absorber leur signification profonde et donc se sentent hypocrites en les disant; ou que la récitation constante des mêmes Barokhôth et prières ne permet plus les dire avec ferveur religieuse, n'y a-t-il pas une certaine vérité à leur affirmation? Après tout, n'était-ce pas le but des Sages de formuler ces textes religieux pour inciter les gens à louer et remercier sincèrement D.ieu? N'est-il pas préférable pour nous de dire différentes prières lorsque cet objectif serait mieux servi? Inutile de dire que certaines exigences spirituelles et religieuses devraient être préservées.4

Différents types d'offices synagogaux pourraient-ils être créés dans lesquels des prières et rituels alternatifs sont laissés à l'appréciation de la communauté? Les Minhagim, rituels et d'autres traditions sont d'une grande importance et ne devraient pas être pris à la légère. Ils ont grandement contribué au judaïsme. Mais que faire si les gens ont désespérément besoin d'exprimer leur dévotion religieuse d'une manière différente? Tout comme il est possible pour un rabbin de prendre une décision halakhique un jour et une différente le lendemain, parce qu'il voit les choses différemment, pourquoi cela ne pourrait-il pas s'appliquer également aux prières de l'être humain? Qu'en serait-il si cela contribuerait à créer une expérience religieuse plus authentique?

Ces questions et d'autres sont de la plus haute importance si nous voulons revitaliser le judaïsme dans le cœur de beaucoup de gens.

  • Hôra`ath Sho´oh

Dans cette veine, peut-être devrions-nous nous pencher sur les concepts halakhiques qui traitent de cas où la suspension d'une loi particulière « ramène les foules à la religion et les sauve d'un laxisme religieux général » (Mishnéh Tôroh, Hilkhôth Mamrim 2:4). Ces concepts pourraient inclure les notions de Hôra`ath Sho´oh, la nécessité de la suspension temporaire d'une loi; Lamigdar Milto`, l'amélioration d'un sujet particulier; et ´Éth LaShem, un temps pour agir pour D.ieu. Comme le grand sage talmudique Réish Laqqish l'a fait remarquer, « Il y a des moments où la suspension de la Tôroh peut être sa fondation »5 (Manohôth 99a-b). Ces concepts se réfèrent généralement à des changements à court terme, et sont généralement limités dans leur portée. Cependant, il y a eu des cas dans l'histoire religieuse juive où des sujets ont été modifiés sur une base à long terme, et dans certains cas n'ont jamais été révoqués. En fait, ces principes ont même été utilisés pour des besoins religieux totalement opposés, en fonction des Hashqofôth des communautés qui étaient au bout du rouleau et tentèrent activement de faire survivre le judaïsme dans les temps modernes. Ces exemples peuvent être trouvés dans le concept de « Tôroh ´Im Darakh `Aras » développé par Rabbi Samson Raphaël Hirsch; dans l'opposition du Hothom Sôfèr à la culture générale; dans la décision prise par le Hofés Hayim d'autoriser les jeunes femmes à recevoir une éducation toranique plus poussée; et dans l'interdiction rabbinique existant dans certains milieux, concernant les groupes de prière exclusivement composés de femmes.6 Toutes ces innovations furent une réponse à une crise aiguë, qu'elles aillent laqouloh7 ou Lahumroh8. Elles ne peuvent probablement pas être inclus dans la stricte définition et les paramètres de Hôra`ath Sho´oh, mais elles portent clairement son caractère et ont été acceptées comme telles par les différentes communautés. Elles ressemblent toutes à une Hôra`ath Sho´oh.

Pour éviter tout malentendu, je répète qu'en aucune façon je ne suggère que nous fassions disparaître des pièces du judaïsme, ou que l'on nie la divinité de la Tôroh et l'importance de la loi rabbinique. C'est plutôt l'inverse. Mes observations et suggestions proviennent d'un amour profond et d'une grande appréciation pour ce que représente la Halokhoh. C'est par amour pour la Parole de D.ieu qui est descendue à nous au Sinaï, que cet article est né.
1En fait, bon nombre d'opinions considérées minoritaires dans le Talmoud pouvaient néanmoins être appliquées par ceux qui le désiraient. Qu'une opinion soit minoritaire ne signifie pas automatiquement qèue l'on doive obligatoirement suivre l'opinion majoritaire sur la question. C'est ainsi que tout au long du Talmoud, nous voyons de nombreux Sages qui se tenaient plutôt du côté de l'opinion minoritaire et l'appliquaient, en dépit qu'elle n'était pas majoritaire, car sur de nombreuses questions que l'on suive telle ou telle opinion n'a en réalité aucune incidence halakhique négative.
2Nous avons apporté de nombreux exemples dans divers articles publiés sur ce blog pour démontrer que dans les temps talmudiques, tout n'était pas formalisé. On pouvait, par exemple, réciter ses propres formules pour la Havdoloh et d'autres rituels.
3Justement pour que la prière ne devienne jamais quelque chose de figé. C'est ainsi que le Talmoud oblige en réalité à ajouter des éléments nouveaux dans toutes nos prières, contrairement à ce qui se fait de nos jours où les mêmes prières sont récitées chaque jour. Même au Moyen-Âge, c'était le Shaliah Sibbour qui improvisaient le déroulement de l'office en choissant lui-même les chants qu'il désirait que l'assemblée chante avec lui. C'est ainsi que de nombreux Piyyoutim se frayèrent un chemin dans le Siddour. Le Talmoud rapporte également les versions personnelles du « Môdim DaRabbonon » que faisaient bon nombre de personnes pendant la ´Amidoh. Chacun pouvait dire ce qu'il voulait pendant que le Shaliah Sibbour récitait la bénédiction du « Môdim ».
4Le Talmoud donne effectivement des règles à suivre lorsqu'on récite ses propres Barokhôth. Nous ne devons donc pas les formuler comme bon nous semble.
5C'est-à-dire, ce qui permet de la préserver et la maintenir en vie.
6Tous ces exemples sont des innovations causées par des situations particulières. Nous voyons donc qu'il est totalement faux de prétendre qu'il est interdit de changer quoi que ce soit dans la pratique religieuse.
7Vers l'indulgence

8Vers la rigueur
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